(LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE
ET LA GRANDE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE)
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, le 6 novembre 2013, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Christophe BÉCHU, Michel BÉCOT, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Gérard DÉRIOT, Mme Catherine DEROCHE, MM. Eric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, André DULAIT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMORINE, Louis-Constant FLEMING, Jean-Paul FOURNIER, Yann GAILLARD, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Mmes Sophie JOISSAINS, Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, M. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Christian PONCELET, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. François TRUCY, Hilarion VENDEGOU, Jean-Pierre VIAL, Jean-Paul AMOUDRY, Jean ARTHUIS, Jean-Marie BOCKEL, Jean BOYER, Vincent CAPO-CANELLAS, Vincent DELAHAYE, Yves DÉTRAIGNE, Mme Muguette DINI, MM. Daniel DUBOIS, Jean-Léonce DUPONT, Mmes Françoise FÉRAT, Jacqueline GOURAULT, Sylvie GOY-CHAVENT, Chantal JOUANNO, M. Jean-Jacques LASSERRE, Mme Valérie LÉTARD, MM. Hervé MARSEILLE, Hervé MAUREY, Jean-Claude MERCERON, Michel MERCIER, Aymeri de MONTESQUIOU, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Yves POZZO DI BORGO, Gérard ROCHE, Henri TANDONNET, Jean-Marie VANLERENBERGHE et François ZOCCHETTO, sénateurs.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ;
Vu la loi organique relative au procureur de la République financier, adoptée définitivement par le Parlement le 5 novembre 2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-680 DC du 4 décembre 2013 ;
Vu l'arrêté du 12 février 2010 modifié pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 19 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de dispositions de ses articles 1er, 3, 5, 9, 15, 37, 38, 44, 57, 61 et 65 ;
Sur le paragraphe I de l'article 1er :
2. Considérant que le paragraphe I de l'article 1er insère dans le code de procédure pénale un article 2-23 qui reconnaît à toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions en lien avec cet objet ; que cet article énumère ces infractions et renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions dans lesquelles ces associations peuvent être agréées ;
3. Considérant que, selon les requérants, l'insuffisance des garanties entourant le droit reconnu à des associations de mettre en œuvre l'action publique porte atteinte au droit au respect de la vie privée et à la présomption d'innocence ; qu'il en résulterait également une « privatisation de l'action publique » contraire à la Constitution ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'exercice, par une association, des droits reconnus à la partie civile ne met pas en cause la présomption d'innocence ; que, pour les infractions énumérées à l'article 1er, il ne met pas en cause le droit au respect de la vie privée ; que les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles sont inopérants ;
5. Considérant, en second lieu, que, d'une part, seules pourront exercer les droits reconnus à la partie civile les associations déclarées depuis au moins cinq ans et qui auront reçu, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, un agrément de l'autorité administrative ; que cet agrément ne pourra être délivré qu'après vérification du respect, par ces associations, des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables ; que, d'autre part, il ressort des articles 88 et 392-1 du code de procédure pénale que la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction et l'action de la partie civile devant le tribunal correctionnel qui n'est pas jointe à celle du ministère public sont subordonnées au dépôt, par la partie civile, d'une consignation dont le montant est fixé par le juge ou le tribunal à moins qu'il n'en prononce la dispense ; qu'il ressort des articles 91, 472 et 516 du même code que lorsque, après mise en mouvement de l'action publique par la partie civile, une décision de non-lieu ou de relaxe est rendue, les personnes visées dans la plainte peuvent, sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, obtenir des dommages-intérêts soit devant la juridiction civile soit dans les formes prévues par ces articles ; que l'article 800-2 du même code prévoit également que la juridiction peut, à la demande de l'intéressé, accorder à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine au titre des frais irrépétibles et mettre cette indemnité à la charge de la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique ; que les articles 177-2 et 212-2 du même code permettent la condamnation à une amende civile de l'auteur d'une plainte avec constitution de partie civile jugée abusive ; que, dans ce cas, le deuxième alinéa de l'article 800-1 prévoit que les frais de justice correspondant aux expertises ordonnées à la demande de l'auteur de la constitution de partie civile peuvent être mis à sa charge ; qu'il résulte de ce qui précède que manque en fait le grief tiré de ce que la faculté pour une association de mettre en mouvement l'action publique au titre des droits reconnus à la partie civile ne serait pas entourée de garanties appropriées de nature à assurer le respect des exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 1er doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur l'article 3 :
7. Considérant que l'article 3 modifie l'article 131-38 du code pénal, pour instaurer, dans certains cas, un nouveau critère alternatif de détermination de la peine criminelle ou correctionnelle encourue par les personnes morales ; qu'il prévoit que, pour un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, le maximum de la peine est soit le quintuple du taux maximum de l'amende prévu pour les personnes physiques soit le dixième du chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits ; qu'il prévoit que, pour un crime pour lequel aucune peine d'amende n'est prévue à l'encontre des personnes physiques et lorsque le crime a procuré un profit direct ou indirect, le maximum de la peine est soit un million d'euros soit le cinquième du chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits ;
8. Considérant que, selon les requérants, le nouveau mode de calcul du quantum des peines délictuelles et criminelles encourues par les personnes morales, fondé uniquement sur leurs capacités financières, est contraire à la fois au principe de proportionnalité des peines et au principe d'individualisation des peines, qui découlent tous deux de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que les dispositions de l'article 3, en retenant le chiffre d'affaires comme critère de calcul du quantum de la peine, institueraient une différence de traitement entre les personnes morales contraire au principe d'égalité devant la loi ; qu'en ne déterminant pas avec suffisamment de précision les cas dans lesquels le critère alternatif de calcul du quantum de la peine est applicable, ces dispositions ne respecteraient pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; que le législateur aurait également ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;
9. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ;
10. Considérant qu'en prévoyant que, pour tout crime ou délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement commis par une personne morale, dès lors que l'infraction a procuré un profit direct ou indirect, le maximum de la peine est établi en proportion du chiffre d'affaires de la personne morale prévenue ou accusée, le législateur a retenu un critère de fixation du montant maximum de la peine encourue qui ne dépend pas du lien entre l'infraction à laquelle il s'applique et le chiffre d'affaires et est susceptible de revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de l'infraction constatée ; que, par suite, les dispositions de l'article 3 méconnaissent les exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
Sur l'article 5 :
11. Considérant que le 1° de l'article 5 complète la première section du chapitre IV du titre II du livre III du code pénal, relative au délit de blanchiment, par un article 324-6-1 aux termes duquel : « Toute personne qui a tenté de commettre les infractions prévues à la présente section est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.
« La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice d'une des infractions prévues à la présente section est réduite de moitié si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l'infraction ou d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » ;
12. Considérant que les 2° à 6° de ce même article 5 insèrent respectivement dans le même code les articles 432-11-1, 433-2-1, 434-9-2, 435-6-1 et 435-11-1, qui disposent que la peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice d'un délit de corruption active ou passive ou de trafic d'influence est réduite de moitié si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l'infraction ou d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices ;
13. Considérant que, selon les requérants, la peine encourue par les auteurs d'infractions variera de façon arbitraire par l'effet de ces dispositions ; qu'il en résulterait une atteinte au principe d'égalité devant la justice ; que l'absence de fiabilité des preuves résultant du témoignage de « repentis » porterait également atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable ; que serait enfin méconnu le principe d'individualisation des peines ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
15. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a mis en œuvre, pour les délits de corruption active ou passive et de trafic d'influence, les dispositions générales du deuxième alinéa de l'article 132-78 du code pénal qui dispose : « la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices. » ; qu'il a ainsi établi, pour les délits désignés par les dispositions contestées, une cause légale d'atténuation de la peine en fonction du concours prêté aux autorités administratives ou judiciaires par un auteur de l'infraction ou un complice, après la commission des faits ou de certains d'entre eux ;
16. Considérant, d'une part, qu'en retenant une diminution de moitié de la peine encourue, le législateur a entendu favoriser la coopération des auteurs d'infractions ou de leurs complices ; qu'il a également poursuivi l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public et de la recherche des auteurs d'infraction ; que les différences de traitement qui peuvent résulter des dispositions contestées entre des personnes ayant commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, des faits de même nature reposent sur des critères objectifs et rationnels en lien direct avec les objectifs poursuivis ; que, par suite, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d'égalité ;
17. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées n'ont pas pour effet de déroger aux règles relatives à l'audition des témoins ou à celle qui résulte du dernier alinéa de l'article 132-78 du code pénal selon lequel aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations émanant de personnes ayant fait l'objet des dispositions de cet article ; qu'en outre, les dispositions de l'article 706-58 du code de procédure pénale, qui permettent, dans certaines conditions, le recueil des déclarations d'un témoin sans que son identité apparaisse dans la procédure, ne sont applicables qu'aux personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et, par suite, ne peuvent s'appliquer à des personnes bénéficiant des dispositions contestées ; qu'enfin, il n'est pas davantage dérogé aux dispositions du second alinéa de l'article 427 du code de procédure pénale aux termes duquel : « Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. » ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense et le droit à une procédure juste et équitable ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 5, qui ne portent atteinte ni au principe d'individualisation des peines ni à aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
Sur le paragraphe I de l'article 9 :
19. Considérant que le paragraphe I de l'article 9 est relatif aux circonstances aggravantes du délit de fraude fiscale prévu par l'article 1741 du code général des impôts ; qu'il remplace les deux dernières phrases du premier alinéa de cet article par six alinéas aux termes desquels : « Les peines sont portées à 2 000 000 euros et sept ans d'emprisonnement lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen :
« 1° Soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ;
« 2° Soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ;
« 3° Soit de l'usage d'une fausse identité ou de faux documents, au sens de l'article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ;
« 4° Soit d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ;
« 5° Soit d'un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle » ;
20. Considérant que, selon les requérants, l'aggravation des sanctions encourues en cas de fraude fiscale aggravée méconnaît les principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines ; qu'il en irait de même du recours à la notion de « bande organisée » en matière de fraude fiscale et de l'inclusion, parmi les circonstances aggravantes, « de la simple ouverture d'un compte à l'étranger, y compris s'il est déclaré » ;
21. Considérant, en premier lieu, que l'article 132-71 du code pénal dispose : « Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions. » ; que le principe de nécessité des délits ne s'oppose pas à ce que les faits de fraude fiscale commis dans les circonstances prévues par cet article fassent l'objet d'une répression aggravée ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que l'ouverture de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ne constitue pas en soi un acte illicite ; que, toutefois, dès lors que ce compte a été utilisé pour commettre le délit de fraude fiscale, le législateur peut retenir une telle circonstance parmi celles qui entraînent l'aggravation de la répression du délit de fraude fiscale ; qu'en l'espèce, le législateur a estimé que le recours à des comptes ou des contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger pouvait être de nature à faciliter la commission et la dissimulation du délit de fraude fiscale ; qu'en retenant cette circonstance aggravante du délit de fraude fiscale, il n'a pas méconnu le principe de nécessité des délits ;
23. Considérant, en troisième lieu, qu'en punissant le délit de fraude fiscale aggravée d'une peine d'amende dont le maximum est fixé à 2 millions d'euros et d'une peine d'emprisonnement dont le maximum est fixé à sept ans, le législateur n'a pas méconnu les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ;
24. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le paragraphe I de l'article 9 doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur le 1° de l'article 15 :
25. Considérant que le 1° de l'article 15 complète l'article L. 247 du livre des procédures fiscales par trois alinéas qui fixent des cas dans lesquels l'administration fiscale ne peut pas transiger sur les amendes fiscales ou les majorations d'impôt ; que l'avant-dernier alinéa de cet article interdit à l'administration fiscale de transiger « a) Lorsqu'elle envisage de mettre en mouvement l'action publique pour les infractions mentionnées au code général des impôts » ; que le dernier alinéa de cet article interdit à l'administration fiscale de transiger « b) Lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle » ;
26. Considérant que, selon les requérants, l'interdiction de transiger lorsque l'administration « envisage » de mettre en mouvement l'action publique prive l'administration fiscale et l'autorité judiciaire de leur pouvoir d'appréciation et de leurs prérogatives ; qu'il en résulterait une atteinte à la séparation des pouvoirs ; qu'en outre, la référence à la situation dans laquelle l'administration « envisage » de transiger méconnaîtrait les exigences constitutionnelles d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'enfin, le principe d'individualisation des peines serait également méconnu ;
27. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;
28. Considérant qu'en adoptant le a de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, le législateur a entendu que l'administration fiscale ne puisse transiger postérieurement, selon le cas, à la saisine de la juridiction répressive par l'administration ou à la saisine de la commission des infractions fiscales ; qu'aucune exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi détermine des cas dans lesquels l'administration fiscale ne peut pas transiger sur les amendes fiscales ou les majorations d'impôts ; qu'en tout état de cause, l'article L. 247 du livre des procédures fiscales ne confère pas au contribuable un droit à obtenir une transaction sur ces amendes ou majorations ; que le 1° de l'article 15, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle et n'est pas entaché d'inintelligibilité, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur les articles 37 et 39 :
29. Considérant que l'article 37 insère dans le livre des procédures fiscales un article L. 10-0 AA en vertu duquel les documents, pièces ou informations que l'administration fiscale utilise et qui sont portés à sa connaissance ne peuvent être écartés « au seul motif de leur origine » ; que ces documents, pièces ou informations doivent avoir été régulièrement portés à la connaissance de l'administration, soit dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales ou aux articles L. 114 et L. 114 A du même code, « soit en application des droits de communication qui lui sont dévolus par d'autres textes, soit en application des dispositions relatives à l'assistance administrative par les autorités compétentes des Etats étrangers » ;
30. Considérant que, selon les requérants, les dispositions de l'article 37 portent atteinte au droit au respect de la vie privée et aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
31. Considérant, par ailleurs, que l'article 39 de la loi modifie l'article 67 E du code des douanes afin d'introduire dans cet article des dispositions similaires à celles de l'article 37 précité ;
32. Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent le droit au respect de la vie privée qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 et les droits de la défense, et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la lutte contre la fraude fiscale qui constituent des objectifs de valeur constitutionnelle ;
33. Considérant que les dispositions des articles 37 et 39 sont relatives à l'utilisation des documents, pièces ou informations portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, dans le cadre des procédures de contrôle à l'exception de celles relatives aux visites en tous lieux, même privés ; que si ces documents, pièces ou informations ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, ils doivent toutefois avoir été régulièrement portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, soit dans le cadre du droit de communication prévu, selon le cas, par le livre des procédures fiscales ou le code des douanes, soit en application des droits de communication prévus par d'autres textes, soit en application des dispositions relatives à l'assistance administrative par les autorités compétentes des Etats étrangers ; que ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, permettre aux services fiscaux et douaniers de se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judicaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ; que, sous cette réserve, le législateur n'a, en adoptant ces dispositions, ni porté atteinte au droit au respect de la vie privée ni méconnu les droits de la défense ;
34. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 33, les articles 37 et 39 doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
Sur les articles 38 et 40 :
35. Considérant que l'article 38 de la loi modifie le livre des procédures fiscales afin de permettre à l'administration fiscale de demander au juge des libertés et de la détention l'autorisation de procéder à des visites domiciliaires sur le fondement de toute information quelle qu'en soit l'origine ; qu'il insère, après le deuxième alinéa du paragraphe II de l'article L. 16 B de ce code, relatif à l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices et à la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'après le deuxième alinéa du 2 de l'article L. 38 du même code, relatif aux contributions indirectes, au timbre et aux législations assimilées, un alinéa ainsi rédigé : « A titre exceptionnel, le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l'article L. 10-0 AA, lesquels ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, lorsqu'il apparaît que leur utilisation par l'administration est proportionnée à l'objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts » ; qu'il insère également, après le paragraphe V de l'article L. 16 B, un paragraphe V bis aux termes duquel : « Dans l'hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d'un avocat, les locaux de l'ordre des avocats ou les locaux des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application de l'article 56-1 du code de procédure pénale » ;
36. Considérant que, selon les requérants, les dispositions de l'article 38 de la loi méconnaissent tant le droit au respect de la vie privée que le respect des droits de la défense garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
37. Considérant, par ailleurs, que l'article 40 de la loi modifie l'article 64 du code des douanes afin d'introduire dans cet article des dispositions similaires à celles de l'article 38 précité ;
38. Considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile ;
39. Considérant que les dispositions des articles 38 et 40 permettent aux administrations fiscale et douanière d'utiliser toutes les informations qu'elles reçoivent, quelle qu'en soit l'origine, à l'appui des demandes d'autorisation de procéder à des visites domiciliaires fiscales opérées sur le fondement des articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales ou des visites domiciliaires douanières opérées sur le fondement de l'article 64 du code des douanes ; qu'elles prévoient que l'utilisation de ces informations doit être exceptionnelle et « proportionnée à l'objectif de recherche et de répression des infractions prévues », selon les cas, au code général des impôts ou au code des douanes ; que, toutefois, en permettant que le juge autorise l'administration à procéder à des visites domiciliaires sur le fondement de documents, pièces ou informations de quelque origine que ce soit, y compris illégale, le législateur a privé de garanties légales les exigences du droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile ;
40. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles 38 et 40 doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
Sur l'article 44 :
41. Considérant que l'article 44 est relatif à la prise de copie de documents soumis au droit de communication de l'administration fiscale ; que son paragraphe II introduit au sein de la section 1 du chapitre Ier du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales un nouveau 2° ter comprenant un nouvel article L. 13 F en vertu duquel les agents de l'administration peuvent, sans que le contribuable puisse s'y opposer, prendre copie des documents dont ils ont connaissance dans le cadre des procédures d'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques et des procédures de vérification de la comptabilité ; que son paragraphe I a pour objet de compléter l'article 1734 du code général des impôts, relatif à l'amende de 1 500 euros applicable à l'absence de tenue ainsi qu'à la destruction avant les délais prescrits des documents soumis au droit de communication de l'administration fiscale ou au refus de communiquer ces documents ; qu'il prévoit que cette amende est applicable, en cas d'opposition à la prise de copie des documents prévue par le nouvel article L. 13 F du livre des procédures fiscales, pour chaque document, sans que le total des amendes puisse être supérieur à 10 000 euros ou, si ce montant est supérieur, à 1 % du chiffre d'affaires déclaré par exercice soumis à contrôle ou à 1 % du montant des recettes brutes déclaré par année soumise à contrôle ;
42. Considérant que les requérants invoquent la méconnaissance des exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 résultant de la disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ;
43. Considérant qu'en instaurant, au paragraphe I de l'article 44, une amende en cas d'opposition à la prise de copie des documents soumis au droit de communication de 1'administration fiscale s'élevant à 1 500 euros « pour chaque document, sans que le total des amendes puisse être supérieur à 10 000 euros ou, si ce montant est supérieur, à 1 % du chiffre d'affaires déclaré par exercice soumis à contrôle ou à 1 % du montant des recettes brutes déclaré par année soumise à contrôle », le législateur a entendu réprimer les agissements faisant obstacle au droit de l'administration d'obtenir copie de documents en vertu du paragraphe II de l'article 44 ; qu'en prévoyant une amende de 1 500 euros par document dont la copie serait refusée, dans la limite d'un total des amendes ne pouvant être supérieur à 10 000 euros, le législateur n'a pas établi une amende fiscale manifestement disproportionnée au regard du manquement ; qu'en revanche, pour l'instauration d'un plafonnement global du montant des sanctions pouvant être encourues, le législateur a retenu des critères de calcul, alternatifs au seuil de 10 000 euros, en proportion du chiffre d'affaires ou du montant des recettes brutes déclaré, sans lien avec les infractions, et qui revêtent un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité des infractions réprimées ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer contraires à la Constitution les mots : « ou, si ce montant est supérieur, à 1 % du chiffre d'affaires déclaré par exercice soumis à contrôle ou à 1 % du montant des recettes brutes déclaré par année soumise à contrôle » au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 44 ;
44. Considérant que, pour le surplus, l'article 44 doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur l'article 57 :
45. Considérant que l'article 57 modifie le 2 de l'article 238-0 A du code général des impôts pour permettre d'ajouter à la liste des Etats et territoires non coopératifs en matière fiscale, les Etats et territoires non membres de l'Union européenne qui n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative dont les stipulations ou la mise en œuvre assurent l'obtention des renseignements nécessaires par la voie de l'échange sur demande ou automatique ainsi que des Etats et territoires non membres de l'Union européenne qui n'ont pas pris l'engagement de mettre en place un échange tant sur demande que par voie automatique d'informations avec la France ; que ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2016 ;
46. Considérant que, selon les requérants, en fixant un tel critère pour élaborer la liste des Etats et territoires non coopératifs, le législateur a retenu « un critère impossible à définir à ce jour, en l'absence de consensus international sur les modalités d'un échange automatique d'informations » ; que ces dispositions, en faisant peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives, méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques ;
47. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant les charges publiques, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de cette égalité ;
48. Considérant qu'afin de lutter contre la fraude fiscale, le législateur, par l'article 22 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée, a inséré l'article 238-0 A dans le code général des impôts ; qu'aux termes du premier alinéa du paragraphe 1 de cet article : « Sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2010, les Etats et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'Organisation de coopération et de développement économiques et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention » ; qu'en vertu du second alinéa du paragraphe 1 la liste des Etats et territoires non coopératifs est fixée par arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget pris après avis du ministre des affaires étrangères ; que le paragraphe 2 de l'article 238-0 A prévoit qu'à compter du 1er janvier 2011, la liste mentionnée au paragraphe 1 est mise à jour, au 1er janvier de chaque année, et précise à quelles conditions les Etats ou territoires sont retirés de cette liste ou ajoutés à celle-ci ; que l'arrêté du 12 février 2010 susvisé comprend à ce jour une liste de dix Etats ;
49. Considérant que les opérations réalisées par les personnes localisées dans ces Etats ou territoires non coopératifs sont soumises à des mesures fiscales particulières ; qu'il en va ainsi, notamment, de la majoration des taux de prélèvement sur les revenus et plus-values de cession en vertu des articles 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du code général des impôts ou une majoration des taux de retenue à la source sur les intérêts et dividendes en vertu des articles 125-0 A, 125 A et 187 du même code ou sur certains gains et rémunérations en vertu des articles 182 A bis, 182 A ter et 187 du même code ; que les transactions réalisées avec des sociétés établies dans ces Etats ou territoires non coopératifs par des résidents en France sont également soumises à des mesures fiscales particulières ; qu'il en va ainsi, notamment, de l'exclusion du régime des « sociétés mères » prévu par l'article 145 du code général des impôts, des restrictions au régime de déduction des charges en vertu de l'article 238 A du même code, de l'alourdissement du régime d'imposition des plus-values de cession de titres de sociétés domiciliées dans les Etats et territoires non coopératifs en vertu des articles 39 duodecies et 219 du même code, de l'élargissement de la base minimum d'imposition forfaitaire dans le cadre de l'article 123 bis du code général des impôts, des restrictions apportées aux conditions d'imputation des retenues à la source dans celui de l'article 209 B du même code ; que, par ailleurs, certaines amendes fiscales sont également majorées lorsqu'elles concernent des Etats ou territoires non coopératifs ; qu'il en va notamment ainsi des amendes prévues par les articles 1736 et 1766 du code général des impôts ;
50. Considérant qu'en insérant dans le code général des impôts un article 238-0 A la loi du 30 décembre 2009 a entendu lutter contre les « paradis fiscaux » en instaurant un régime de taxation de nature à dissuader les investissements et les opérations financières dans les Etats et territoires refusant les échanges d'informations fiscales entre administrations ; qu'en prévoyant d'inscrire sur la liste des Etats et territoires non coopératifs les Etats et territoires non membres de l'Union européenne qui n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative dont les stipulations ou la mise en œuvre assurent l'obtention des renseignements nécessaires par la voie de l'échange sur demande ou automatique ainsi que des Etats et territoires non membres de l'Union européenne qui n'ont pas pris l'engagement de mettre en place un échange automatique d'informations, l'article 57 de la loi déférée a entendu promouvoir l'assistance entre Etats dans le domaine fiscal ;
51. Considérant que, selon les informations communiquées par le Gouvernement, la France n'a, à ce jour, conclu aucune convention bilatérale comportant une clause particulière sur l'échange automatique d'informations répondant aux conditions posées par les dispositions contestées ; qu'en conséquence, en application de ces dispositions, un nombre important d'Etats et de territoires sera susceptible, en l'absence de conventions passées au 1er janvier 2016 ou en l'absence d'engagement de passer de telles conventions ou en l'absence d'interprétations des conventions existantes comme permettant l'échange automatique d'informations, de figurer sur cette liste des Etats et territoires non coopératifs ; qu'en l'état, les conséquences qui résultent des nouveaux critères d'inscription d'un Etat ou d'un territoire sur cette liste revêtent, pour les entreprises qui y ont une activité, un caractère disproportionné à l'objectif poursuivi et sont de nature à entraîner une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que les dispositions de l'article 57 méconnaissent les exigences découlant de l'article 13 de la Déclaration de 1789 ;
52. Considérant, dès lors, que l'article 57 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
Sur l'article 61 :
53. Considérant que l'article 61 instaure des sanctions en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle à une mise en demeure de produire certains éléments déclaratifs relatifs aux actionnaires, aux filiales et aux participations ; que le 1° de son paragraphe I introduit un nouveau paragraphe IV dans l'article 1763 du code général des impôts prévoyant une amende de 1 500 euros, ou 10 % des droits rappelés si ce dernier montant est plus élevé, pour chaque manquement constaté par personne ou groupement de personnes au titre d'un exercice lorsque le défaut de réponse ou la réponse partielle porte sur les listes des personnes ou groupement de personnes prévues en application des dispositions des articles 53 A, 172, 172 bis et 223 du même code ; que le 2° de son paragraphe I rétablit un article 1763 A prévoyant une amende de même montant, « pour chaque manquement constaté par entité au titre d'un exercice » lorsque le défaut de réponse ou la réponse partielle porte sur la déclaration prévue au paragraphe IV de l'article 209 B du même code ; que le paragraphe II de l'article 61 prévoit une application de ces nouvelles sanctions aux déclarations dont l'obligation de dépôt arrive à échéance à compter de l'entrée en vigueur de la loi ;
54. Considérant que les requérants contestent les critères retenus pour les manquements aux dispositions de l'article 61, qui seraient insuffisamment objectifs et précis ; qu'ils soutiennent également que le principe de proportionnalité des peines est méconnu ;
55. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; qu'en faisant référence aux listes des personnes ou groupements de personnes de droit ou de fait prévues en application des dispositions des articles 53 A, 172, 172 bis et 223 du code général des impôts, le nouveau paragraphe IV de l'article 1763 du même code vise à réprimer le manquement à des obligations qui ne résultent pas directement de la loi elle-même mais des mesures réglementaires qu'exige son application ; qu'il en va de même à l'article 1763 A rétabli dans le code général des impôts qui fait référence à « la déclaration prévue au paragraphe IV de l'article 209 B » du même code, alors que ce paragraphe ne fait que mentionner les obligations déclaratives de la personne morale qui doivent être fixées par décret en Conseil d'Etat ; que, toutefois, en réprimant l'absence de réponse ou la réponse partielle à une mise en demeure de produire des documents exigés par des mesures réglementaires d'application, le législateur a défini lui-même les comportements constitutifs de ces infractions sans méconnaître le principe de la légalité des délits ;
56. Considérant, en second lieu, qu'en prévoyant de réprimer le défaut de réponse ou la réponse partielle à une mise en demeure de produire certains documents d'une amende de 1 500 euros ou 10 % des droits rappelés si ce dernier montant est plus élevé, pour chaque manquement constaté au titre d'un exercice, le législateur n'a pas établi une amende fiscale manifestement disproportionnée au regard du manquement et des conséquences qui peuvent en résulter au regard des impôts à acquitter par le contribuable ;
57. Considérant que les dispositions de l'article 61, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
Sur l'article 65 :
58. Considérant que l'article 65 insère après le chapitre Ier du titre XIII du livre IV du code de procédure pénale un chapitre II intitulé : « Des compétences particulières du tribunal de grande instance de Paris et du procureur de la République financier » et comprenant les articles 705 à 705-4 ; qu'en particulier, l'article 705 prévoit que le procureur de la République financier, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte des articles 43, 52, 704 et 706-42 du même code pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certains délits en matière économique et financière, notamment, pour certains de ces délits, « dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent » ;
59. Considérant que, selon les requérants, l'institution du procureur de la République financier doté d'une compétence exercée concurremment avec le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris et les autres procureurs de la République méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'en particulier, en ne déterminant pas précisément les règles de répartition des compétences entre les parquets et les juridictions exerçant la compétence concurrente et en laissant au garde des sceaux le soin de procéder à cette répartition au moyen d'une circulaire générale d'action publique, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il en résulterait également une atteinte au principe d'égalité devant la justice ; qu'enfin, la présence de deux procureurs près le tribunal de grande instance de Paris exerçant des compétences concurrentes méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ;
60. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
61. Considérant, d'autre part, que la bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789 ;
62. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale : « Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République » ; que le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de son article 35 disposent : « Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort. ― Il anime et coordonne l'action des procureurs de la République, tant en matière de prévention que de répression des infractions à la loi pénale » ; que la mise en œuvre de l'action publique dans le cadre de ces dispositions doit permettre, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de faire obstacle à l'exercice concurrent des compétences définies par les dispositions contestées ;
63. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que des faits identiques puissent donner lieu à plusieurs enquêtes placées sous la direction de différents procureurs de la République ne méconnaît pas, en elle-même, le principe d'égalité devant la justice ;
64. Considérant, en dernier lieu, que, lorsque deux juges d'instruction ou deux tribunaux différents se trouvent simultanément saisis de la même infraction, il est procédé au « règlement des juges », le cas échéant par la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans les conditions prévues aux articles 657 et suivants du code de procédure pénale ;
65. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'atteinte au principe d'égalité devant la justice et à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice doivent être écartés ; que les dispositions de l'article 705 du code de procédure pénale résultant de l'article 65, qui ne sont entachées d'aucune inintelligibilité et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
Sur les paragraphes IV et VI de l'article 66 :
66. Considérant que le paragraphe IV de l'article 66 donne une nouvelle rédaction de l'article 706-1-1 du code de procédure pénale ; que cet article, d'une part, rend applicables les articles 706-80 à 706-88, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 du code de procédure pénale, selon le cas, à l'enquête, à la poursuite, à l'instruction et au jugement des délits de fraude fiscale prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts « lorsqu'ils sont commis en bande organisée ou lorsqu'il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent d'un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales », des délits douaniers prévus par le dernier alinéa de l'article 414 et l'article 415 du code des douanes « lorsqu'ils sont punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans » et, enfin, du blanchiment de ces délits ; que, d'autre part, cet article 706-1-1 rend applicables les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale à l'enquête et à l'instruction des délits de corruption et de trafic d'influence, auxquels les articles 706-80 à 706-87, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 étaient déjà applicables en vertu de l'article 706-1-3 du code de procédure pénale ; que, par voie de conséquence, le paragraphe VI de l'article 66 abroge l'article 706-1-3 ;
67. Considérant que, selon les requérants, la possibilité de recourir en matière de fraude fiscale aux techniques spéciales d'enquête ou d'instruction réservées à la criminalité organisée et à la grande délinquance économique et financière et, en particulier, le recours à une mesure de garde à vue de quatre-vingt-seize heures permettant le report de l'intervention d'un avocat à la quarante-huitième heure méconnaissent l'interdiction de toute rigueur non nécessaire dans les mesures d'enquête et d'instruction ;
68. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance » ; qu'aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
69. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ;
70. Considérant qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, notamment dans l'objectif de lutte contre la fraude fiscale ou douanière, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir, l'inviolabilité du domicile, le secret des correspondances et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ;
En ce qui concerne les pouvoirs de surveillance et d'investigation et les mesures conservatoires :
71. Considérant que l'article 706-80 du code de procédure pénale permet que, sauf opposition du procureur de la République préalablement informé, la compétence des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire soit étendue à l'ensemble du territoire national pour la surveillance des personnes suspectées d'avoir commis certaines infractions ; que les articles 706-81 à 706-87 permettent au procureur de la République ou au juge d'instruction, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient, d'autoriser l'organisation d'une opération d'infiltration d'un officier ou d'un agent de police judiciaire consistant « à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs » ;
72. Considérant que l'article 706-95 prévoit que, si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire le justifient, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications ;
73. Considérant que les articles 706-96 à 706-102-9 prévoient que, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, le juge d'instruction peut autoriser par ordonnance motivée la mise en place, sous son autorité et son contrôle, d'une part, d'un « dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé » et, d'autre part, d'un « dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données ou telles qu'il les y introduit par saisie de caractères » ;
74. Considérant que l'article 706-103 prévoit qu'au cours de l'information le juge des libertés et de la détention peut, afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l'indemnisation des victimes, ordonner des mesures conservatoires sur les biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, de la personne mise en examen ;
75. Considérant qu'en permettant le recours à ces pouvoirs spéciaux d'enquête et d'instruction pour les délits de corruption ou de trafic d'influence, de fraude fiscale aggravée ou des délits douaniers punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, le législateur a estimé que la difficulté d'appréhender les auteurs de ces infractions tient à des éléments d'extranéité ou à l'existence d'un groupement ou d'un réseau dont l'identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes ; qu'eu égard à la gravité des infractions qu'il a retenues le législateur a pu, à cette fin, fixer des règles spéciales de surveillance et d'investigation ; que, compte tenu des garanties encadrant la mise en œuvre de ces mesures spéciales d'enquête et d'instruction, les atteintes au respect de la vie privée et au droit de propriété résultant de leur mise en œuvre ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ;
En ce qui concerne la garde à vue :
76. Considérant que l'article 706-88 du code de procédure pénale prévoit que, si les nécessités d'une enquête l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune décidées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction ; que, dans cette hypothèse, ces prolongations, qui s'ajoutent à la durée de droit commun définie par l'article 63 du même code, portent à quatre-vingt-seize heures la durée maximale de la garde à vue ; que cet article permet également que l'intervention de l'avocat soit différée pendant une durée maximale de quarante-huit heures, en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes ; que ce report est décidé par le juge d'instruction lorsque la garde à vue est mise en œuvre au cours d'une information judiciaire ; que, dans les autres cas, il est décidé par le procureur de la République pour la première prolongation et par le juge des libertés et de la détention pour la seconde ;
77. Considérant que, à l'exception du délit prévu par le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes, les infractions énumérées par l'article 706-1-1, de corruption et de trafic d'influence ainsi que de fraude fiscale et douanière constituent des délits qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ; qu'en permettant de recourir à la garde à vue selon les modalités fixées par l'article 706-88 du code de procédure pénale au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ces délits, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; que, par suite, à l'article 706-1-1 du code de procédure pénale, la référence à l'article 706-88 du même code doit être déclarée contraire à la Constitution ; que le paragraphe IV de l'article 66 doit, pour le surplus, être déclaré conforme à la Constitution ; qu'il en va de même de son paragraphe VI ;
Sur le 3° de l'article 15 et l'article 16 :
78. Considérant que le 3° de l'article 15 rétablit dans le livre des procédures fiscales un article L. 251 A aux termes duquel : « Chaque année, le ministre chargé du budget publie un rapport sur l'application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l'administration fiscale. Ce rapport peut faire l'objet d'un débat chaque année devant les commissions permanentes compétentes en matière de finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, en présence du ministre chargé du budget » ; que l'article 16 insère dans ce même code un article L. 228 B dont le second alinéa dispose : « Les conditions du déclenchement des poursuites pénales en matière de fraude fiscale et les critères définis par la commission des infractions fiscales en la matière font l'objet d'un débat chaque année devant les commissions permanentes compétentes en matière de finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, en présence du ministre chargé du budget » ;
79. Considérant que ces dispositions, dans la mesure où elles imposent la présence du ministre du budget lors des débats en cause devant les commissions permanentes compétentes en matière de finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, sont contraires à la séparation des pouvoirs ; que, par suite, au second alinéa du 3° de l'article 15 et au dernier alinéa de l'article 16, les mots : « , en présence du ministre chargé du budget » doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
Sur l'article 29 :
80. Considérant qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ;
81. Considérant que l'article 29 a modifié la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 1844-5 du code civil relatif à la dissolution des sociétés ; qu'il a pour objet de porter de trente à soixante jours à compter de la publication de cette dissolution, le délai pendant lequel les créanciers peuvent y faire opposition ; que cet article, introduit à l'Assemblée nationale en première lecture, ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi ; que, par suite, les dispositions de l'article 29 ont été adoptées selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution ;
82. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de constitutionnalité,
Décide :