3. L'abonné ne déménage pas mais souhaite changer à la fois d'opérateur et de technologie d'accès support :
Cette configuration se rapproche de l'emménagement (1) : en effet, soit la technologie d'accès souhaitée par l'abonné n'est pas encore déployée dans son logement, auquel cas il appartient à son nouvel opérateur de commander un nouveau raccordement, soit une prise (câble, fibre optique) préexiste dans son logement, auquel cas tout l'enjeu est d'en récupérer l'identifiant.
I-3.2. Rigidité des règles actuelles d'éligibilité
Le processus de conservation du numéro fixe, tel que défini par la décision n° 2009-0637, prévoit qu'un numéro ne peut être porté que s'il est toujours actif chez l'opérateur donneur. Ainsi un abonné qui ne connaîtrait pas le principe du simple guichet et qui procéderait lui-même à la résiliation du contrat le liant à son opérateur donneur avant que le portage effectif de son numéro fixe n'ait lieu risque fortement de perdre son numéro. Le processus jumeau de conservation du numéro mobile prévoit, depuis la décision n° 2012-0572, que, dans une telle situation, l'opérateur donneur réactive le numéro, sous réserve de faisabilité technique et à la demande de l'abonné, rendant ainsi possible sa récupération par l'abonné.
Pour la même raison, et en l'état actuel des outils interopérateurs, le numéro fixe d'un abonné peut être perdu dans le cas où son nouvel opérateur omet de commander la conservation du numéro fixe.
Enfin, certaines offres de communications électroniques fixes à destination des abonnés grand public prévoient l'affectation de plusieurs numéros fixes aux abonnés (par exemple, pour la mise en œuvre d'une seconde ligne, d'une ligne fax, etc.). Dans de telles configurations, la conservation de l'un de ces numéros provoque la résiliation du contrat avec l'opérateur donneur, rendant inactifs les autres numéros, qui sont donc perdus pour l'abonné. Rendre possible la mise en œuvre de la conservation du numéro fixe sur des numéros inactifs permettrait aux abonnés grand public qui le souhaiteraient de faire porter plusieurs numéros d'un opérateur à l'autre.
I-3.3. Particularités du marché entreprise : structure des contrats et complexité des installations
Sur le marché entreprise, les mécanismes de contrôle et de fiabilisation des demandes de conservation du numéro fixe ont été intégrés aux protocoles de commande.
Toutefois, deux éléments peuvent freiner la fluidité des changements d'opérateurs avec conservation des numéros fixes sur le marché entreprise : les contraintes liées à l'engagement dans certains types de contrats et la complexité des installations.
Les contraintes liées à l'engagement dans certains types de contrats du marché entreprise
A la différence des conditions de résiliation des contrats de communications électroniques du marché grand public, les conditions de résiliation des contrats du marché entreprise ne sont pas spécifiquement encadrées, ce qui a pour conséquence de laisser la possibilité aux opérateurs de prévoir un certain nombre de clauses ― en particulier celles liées à l'engagement contractuel ― pouvant avoir pour effet de freiner la fluidité des changements d'opérateurs avec conservation des numéros fixes. En effet, de manière schématique, deux types de contrats coexistent sur le marché entreprise des communications électroniques fixes :
― les contrats assortis d'une durée minimale d'engagement ;
― les contrats conclus pour une durée initiale reconductibles tacitement à chaque échéance.
Ce second type de contrat prévoit, généralement, que la dénonciation du contrat ne peut être faite que sous réserve du respect d'un préavis contractuellement fixé (généralement compris entre un et trois mois avant l'échéance).
Au regard de la pratique, il semblerait que, dans ce cas, l'abonné qui souhaite effectuer un portage de ses numéros doive transmettre un préavis de résiliation à l'opérateur donneur, en parallèle de la transmission de la demande de portage à l'opérateur receveur. Cette pratique s'articule difficilement avec le principe de simple guichet inhérent à la conservation du numéro fixe, qui minimise l'interaction de l'abonné et avec son ancien opérateur. Par ailleurs, les conditions de sortie de ce type de contrats présentent deux risques pour les abonnés : un risque de double facturation et un risque d'interruption de service.
Complexité des installations
Les abonnés entreprise ont parfois des difficultés à obtenir une vision précise de l'état des numéros fixes composant leur parc, c'est-à-dire de l'ensemble des numéros de sélection directe à l'arrivée (SDA) associés au(x) numéro(s) d'identification de leur installation (NDI ou « tête de ligne »).
En outre, la fourniture du service téléphonique peut s'effectuer sur une diversité de types d'accès (dégroupage, vente en gros de l'abonnement, etc.) et être accompagnée de divers services additionnels dont l'opérateur receveur n'a pas toujours connaissance. Cela peut avoir pour effet de ralentir la migration avec conservation du numéro fixe.
I-4. Rappel de la situation actuelle en matière de conservation du numéro fixe
I-4.1. Les acteurs du processus de conservation du numéro fixe
La mise en œuvre de la prestation de conservation du numéro fixe nécessite la coordination de plusieurs acteurs :
― l'opérateur « receveur », ou nouvel opérateur de l'abonné ;
― l'opérateur « donneur », ou ancien opérateur de l'abonné ;
― l'opérateur « attributaire », qui est l'opérateur auquel l'ARCEP a attribué la tranche de numéros auquel appartient le numéro qui fait l'objet de la demande de conservation. Cet opérateur assure le réacheminement à destination de l'opérateur receveur des communications en provenance d'opérateurs tiers n'ayant pas choisi de mettre en place le routage « direct » à destination des numéros portés et doit activer le préfixage et le routage vers l'opérateur receveur au moment du portage ;
― les opérateurs tiers, impactés par la modification des informations de routage des appels à destination du numéro porté qu'entraîne la mise en œuvre de la conservation du numéro fixe ;
― l'opérateur qui assure la production de l'éventuel accès, dont la disponibilité est un prérequis à la réalisation d'un acte de conservation du numéro fixe.
Conformément à l'article 11 de la décision n° 2009-0637 : « Les opérateurs peuvent recourir à une entité commune pour faciliter l'échange de flux d'information entre opérateurs dans la mesure où les prestations fournies par cette entité sont conformes aux obligations résultant du code des postes et des communications électroniques et des décisions prises pour son application.
Dans ce cas, les opérateurs veillent à ce que les prestations fournies par l'entité commune respectent notamment les principes de reflet des coûts et de non-discrimination et ne créent pas d'obstacle artificiel au libre exercice d'une concurrence loyale entre opérateurs. »
Plusieurs opérateurs ont ainsi créé, en 2009, l'APNF, dont les objectifs initiaux sont de constituer et d'exploiter une base de données de référence des numéros fixes portés, de permettre à ses membres d'alimenter cette base de données et d'informer l'ensemble des opérateurs de leurs opérations de portage, conformément à l'article 7 de la décision n° 2009-0637. L'APNF comptait 64 membres au 25 avril 2013.
L'APNF a mis en place, depuis 2010, un protocole d'échange d'informations entre opérateurs pour le traitement des demandes de conservation du numéro commun à l'ensemble de ses membres. Ce protocole vise à assurer et automatiser les échanges d'informations nécessaires à la coordination des acteurs impliqués dans la mise en œuvre des conservations du numéro fixe, indépendamment de l'opérateur attributaire de la ressource (opérateur historique ou opérateurs alternatifs). Les principaux opérateurs de téléphonie fixe ont adopté le protocole de commande de l'APNF en 2011, lequel fait régulièrement l'objet d'évolutions.
I-4.2. Le principe de simple guichet
Le processus de conservation des numéros fixes est fondé, depuis sa création en 1998, sur un principe de simple guichet.
Ce principe permet à l'abonné, qu'il soit grand public ou entreprise, de contacter directement et uniquement le nouvel opérateur de son choix (opérateur receveur) en le mandatant pour réaliser, notamment auprès de l'opérateur receveur, l'ensemble des démarches techniques et administratives relatives à sa demande de changement d'opérateur avec conservation du numéro. Ainsi, l'opérateur receveur devient l'interlocuteur unique de l'abonné concernant sa demande de conservation du numéro et le suivi de cette demande.
Cette demande ne peut qu'être associée à un contrat de service de communications électroniques chez l'opérateur receveur, et vaut demande de résiliation du contrat qui lie l'abonné à l'opérateur donneur, en ce qu'il concerne les services fournis depuis l'accès associé au numéro porté. La résiliation par l'opérateur donneur ne résulte alors non plus des stipulations contractuelles mais du portage effectif du numéro (on entend par « portage » l'opération par laquelle l'opérateur donneur désactive le numéro dans son système d'information, l'opérateur receveur active le même numéro dans son système d'information et l'opérateur attributaire prend acte de cette situation et met à jour son propre système d'information).
Le principe de simple guichet est également mis en œuvre dans le processus de conservation des numéros mobiles depuis 2007.
I-4.3. Les différentes étapes du processus
Les différentes étapes de la mise en œuvre de la conservation du numéro fixe telle que décrite dans la décision n° 2009-0637 sont les suivantes :
1. L'abonné consulte gratuitement sur son espace client accessible sur l'internet ou sur sa facture les informations mises à disposition par son opérateur actuel (opérateur donneur) (9) afin de connaître le détail de son installation :
― sur le marché entreprise : ensemble des numéros de sélection directe à l'arrivée (SDA) associés au(x) numéro(s) d'identification de son installation (NDI ou « tête de ligne ») ;
― sur le marché grand public : ensemble des numéros associés à son installation.
2. L'abonné souscrit un contrat auprès d'un nouvel opérateur (opérateur receveur) avec demande de conservation d'un ou plusieurs numéros fixes.
3. L'opérateur receveur transmet, selon les délais précisés dans la décision susvisée, la demande de conservation du numéro à l'opérateur donneur et à l'opérateur attributaire, lorsque celui-ci est distinct (la conservation du numéro est alors qualifiée de « subséquente »).
4. L'opérateur donneur étudie puis confirme ou infirme l'éligibilité de la demande. Par ailleurs, sur demande de l'opérateur receveur, l'opérateur donneur peut également réaliser une opération dite de fiabilisation des informations relatives à l'installation de l'abonné sur le marché entreprise, afin de limiter les risques de changements de ligne non sollicités.
5. L'opérateur receveur commande un accès à l'opérateur d'accès.
6. L'opérateur receveur informe les opérateurs tiers de la prévision de portage (cette action est réalisée via une annonce de prévision à l'APNF).
7. Les opérateurs tiers ayant opté pour un acheminement des appels en routage indirect temporaire mettent à jour leurs tables de routage.
8. L'opérateur d'accès annonce à l'opérateur receveur la livraison de l'accès.
9. L'opérateur receveur demande à l'opérateur donneur et éventuellement à l'opérateur attributaire, si celui-ci est distinct, l'activation du portage.
10. L'opérateur donneur et éventuellement l'opérateur attributaire, si celui-ci est distinct, met(tent) en œuvre le portage puis rend(ent) compte de l'opération à l'opérateur receveur.
11. L'opérateur receveur informe les opérateurs tiers de la réalisation du portage (cette action est réalisée via une annonce de réalisation à l'APNF).
12. Les opérateurs tiers ayant opté pour un acheminement des appels en routage direct mettent à jour leurs tables de routage.
13. Le contrat liant l'opérateur donneur et l'abonné est résilié. L'opérateur donneur effectue les actions techniques découlant de cette résiliation : mise à jour des bases de données internes techniques et commerciales, mise à jour de l'annuaire universel, etc.
Pour faire face au flux croissant des demandes de conservation du numéro fixe portant sur des numéros dont l'opérateur historique n'est pas attributaire, les opérateurs alternatifs ont, dans un premier temps, eu recours à des traitements manuels (10) avant d'envisager la mise en place d'une solution industrielle.
Cette phase d'automatisation s'est articulée en deux temps :
― les opérateurs fixes alternatifs ont d'abord répliqué, l'un après l'autre, le protocole de commande bilatéral mis en place par France Télécom, symétrisant ainsi le traitement des demandes de conservation du numéro fixe depuis et vers l'opérateur historique ;
― les opérateurs fixes ont ensuite travaillé à la conception d'un protocole mutualisé, dans le cadre de l'APNF, dont les travaux ont été présentés dans le paragraphe précédent.