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Article AUTONOME (Avis n° HCFP-2013-03 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014)

Article AUTONOME (Avis n° HCFP-2013-03 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014)



II. ― Observations relatives aux prévisions économiques


1. Le scénario macroéconomique du Gouvernement.
Les perspectives économiques se sont améliorées au cours de l'été 2013. Le redémarrage de l'activité dans les pays avancés se traduit pour la France par un environnement international plus porteur.
Le scénario macroéconomique du Gouvernement est celui d'une reprise modérée. Les prévisions de croissance sont de 0,1 % en moyenne annuelle pour 2013 et de 0,9 % pour 2014.
Dans ce scénario, la demande mondiale entraînerait les exportations françaises, également soutenues par les mesures favorisant la compétitivité des entreprises. L'emploi s'améliorerait progressivement avec l'activité et serait conforté par les politiques publiques. La consommation des ménages repartirait à l'horizon 2014, en ligne avec le pouvoir d'achat. L'inflation serait basse en 2013 à 0,9 % avant de remonter légèrement en 2014 à 1,3 %.
2. Appréciation des hypothèses macroéconomiques pour 2014.
Le Haut Conseil considère que les prévisions de croissance sont plausibles. Toutefois, le scénario macroéconomique présente des éléments de fragilité. En particulier, les prévisions d'emploi sont optimistes. Un certain nombre d'aléas significatifs sont par ailleurs susceptibles d'affecter ces perspectives de croissance.
L'évolution de l'emploi a un impact important à la fois sur le dynamisme de l'activité économique et l'équilibre des comptes publics. Une hypothèse trop favorable peut conduire à une surestimation de la masse salariale, donc des recettes de cotisations sociales et de CSG, ainsi qu'à une sous-estimation des dépenses d'assurance chômage.
Or, le Gouvernement anticipe des créations d'emplois particulièrement vigoureuses dans les secteurs marchand et non marchand.
Dans le secteur non marchand, la forte croissance de l'emploi en moyenne annuelle repose sur une hypothèse volontariste de montée en charge des dispositifs d'emplois aidés à la fin de 2013 ainsi qu'au cours de l'année 2014.
Dans le secteur marchand, le contenu de la croissance en emplois en 2014 apparaît élevé. En effet, la productivité est habituellement faible en sortie de récession, particulièrement après une crise majeure. La croissance devrait donc se traduire davantage par un rattrapage de la productivité que par une augmentation de l'emploi.
En outre, le Gouvernement estime que le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) entraînerait la création de 90 000 emplois supplémentaires, en assimilant ses effets à celui des allégements de charges sociales. Cette hypothèse est discutable à court terme dans la mesure où le CICE ne peut pas être purement assimilé à une baisse de charges. Quand bien même le serait-il, une baisse de charges d'exploitation est susceptible d'avoir moins d'impact sur l'emploi dans la situation actuelle de marges dégradées que connaissent les entreprises françaises.
Le Haut Conseil considère par ailleurs qu'un certain nombre d'aléas significatifs associés à l'environnement extérieur de la France sont susceptibles d'affecter les perspectives de croissance retenues pour 2014 par le Gouvernement :
― un environnement international moins porteur, en particulier en raison du ralentissement observé dans les pays émergents, pourrait peser sur les perspectives d'exportation ;
― la reprise en Europe reste conditionnée à l'assainissement progressif du secteur bancaire européen. Si les tensions se sont apaisées dans la zone euro, les risques de nouvelles turbulences sur les marchés financiers ne sont pas totalement dissipés ;
― une hausse du prix du pétrole est possible en raison des incertitudes géopolitiques au Moyen-Orient ;
― les incertitudes qui pèsent sur le calendrier de remontée des taux d'intérêt aux Etats-Unis pourraient se traduire par une forte volatilité sur les marchés financiers ;
― à l'inverse, des avancées plus rapides qu'attendu en matière de gouvernance économique et financière européenne pourraient renforcer la confiance ;
― de même, les conditions de financement des économies européennes pourraient bénéficier de l'orientation annoncée par la BCE sur sa politique monétaire à venir.
Même si un rebond plus franc de l'activité en 2014 ne saurait être exclu, le Haut Conseil estime que les aléas entourant la prévision sont globalement orientés à la baisse.


III. ― Observations relatives à la cohérence entre l'article liminaire
du projet de loi de finances et les orientations pluriannuelles de solde structurel


1. L'évolution du solde des administrations publiques en 2013 et 2014.
Après ― 4,8 % en 2012, le solde effectif des administrations publiques atteindrait, selon le projet de loi de finances pour 2014, ― 4,1 % du PIB en 2013 et ― 3,6 % du PIB en 2014.
Le solde structurel s'établirait à ― 2,6 % du PIB en 2013, puis à ― 1,7 % en 2014. Le solde conjoncturel continuerait de se dégrader, en raison du creusement continu de l'écart de production qui s'élèverait à 3,5 points de PIB en 2014 avec l'hypothèse de croissance potentielle retenue par la loi de programmation (1,4 % en 2013 et 1,5 % en 2014). Les mesures ponctuelles et temporaires se limiteraient aux contentieux fiscaux communautaires (cf. tableau).


Tableau : Du solde effectif au solde structurel (en point de PIB)





PLF/PLFSS pour 2014

LPFP 2013-2017


2012

2013

2014

2012

2013

2014

Solde effectif

― 4,8

― 4,1

― 3,6

― 4,5

― 3,0

― 2,2

Solde conjoncturel

― 0,8

― 1,4

― 1,8

― 0,8

― 1,2

― 1,0

Solde structurel

― 3,9

― 2,6

― 1,7

― 3,6

― 1,6

― 1,1

Mesures ponctuelles et temporaires

― 0,1

0,0

― 0,1

― 0,1

― 0,2

― 0,1

Ajustement structurel

1,1

1,3

1,0

1,2

2,0

0,6

Taux de prélèvements obligatoires

45,0

46,0

46,1

44,9

46,3

46,3

Dépenses publiques

56,6

57,1

56,7

56,3

56,3

55,4




Note. ― L'ajustement structurel correspond à l'évolution sur un an du solde structurel.
Source : projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques.

L'examen des chiffres de solde des administrations publiques présentés par le Gouvernement conduit le Haut Conseil à formuler deux observations liminaires.
1° Le Haut Conseil n'a pas été amené à formuler un avis sur les prévisions de croissance potentielle inscrites dans la loi de programmation et sur lesquelles repose l'estimation du solde conjoncturel et par suite du solde structurel. Il s'interroge néanmoins sur l'ampleur de l'écart de production qui, reposant sur ces prévisions de croissance potentielle, se creuserait jusqu'à 3,5 points de PIB dans le scénario proposé. Dans un contexte de crise financière majeure, la persistance d'un déficit d'activité s'accompagne d'une réduction de l'offre productive à travers, par exemple, des faillites d'entreprises ou des pertes en capital humain. En présence de telles pertes définitives, la chute de la demande entraîne celle de l'offre si bien que l'écart de production reste faible. Aussi, une grande prudence est requise dans l'évaluation de la composante conjoncturelle du déficit public afin de ne pas sous-estimer le déficit structurel. En cas de surestimation de la composante conjoncturelle, les efforts d'ajustement budgétaire nécessaires pour atteindre l'Objectif de Moyen Terme ― soit l'équilibre structurel ― s'en trouveraient accrus.
2° Par ailleurs, le Haut Conseil demeure en attente d'une définition explicite par le Gouvernement des mesures ponctuelles et temporaires susceptibles d'être exclues du calcul du solde structurel, comme recommandé dans l'avis n° HCFP-2013-02 du 23 mai 2013 relatif au solde structurel des administrations publiques en 2012. A titre d'exemple, se pose la question des mesures de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales dont le rendement attendu s'élève à 1,8 MdEUR en 2014. Une partie de leurs effets, notamment ceux liés à la régularisation fiscale exceptionnelle d'un certain nombre de contribuables, n'est pas amenée à se reproduire.
2. Les écarts constatés par rapport à la loi de programmation.
Le Haut Conseil souligne que le solde structurel prévu par le projet de loi de finances s'écarte sensiblement des orientations pluriannuelles définies dans la loi de programmation. L'écart s'élèverait à un point en 2013 (― 2,6 % du PIB contre ― 1,6 % dans la loi de programmation) et à 0,6 point en 2014 (― 1,7 % du PIB contre ― 1,1 %).
Un premier écart de 0,3 point par rapport aux objectifs de la loi de programmation avait été constaté par le Haut Conseil (2) sur le solde structurel de l'année 2012 (― 3,9 %).
Cet écart est porté à un point de PIB en 2013 en raison d'un ajustement structurel moins rapide qu'annoncé dans la loi de programmation. Ce dernier est en effet évalué à 1,3 point de PIB contre 2 points initialement prévus, soit un écart de 0,7 point.
Le Haut Conseil constate que la dégradation du déficit structurel en 2013 par rapport à la loi de programmation résulterait principalement :
― de la surestimation de l'élasticité des recettes au PIB dans la loi de finances initiale (0,5 contre 1 en loi de programmation), qui explique cet écart pour environ 0,4 point de PIB. Cette révision tiendrait principalement à une évolution peu favorable de l'impôt sur les sociétés, de la TVA et des droits de mutation à titre onéreux en raison du ralentissement de l'activité. Le Haut Conseil observe toutefois que, s'agissant de la TVA, cette évolution reste en partie inexpliquée ;
― du rendement des mesures nouvelles en recettes, qui explique cet écart pour environ 0,1 point de PIB ; et
― d'une évolution un peu plus rapide des dépenses en volume, qui explique cet écart pour environ 0,1 point de PIB.
Le Haut Conseil note que l'effort supplémentaire prévu par le Gouvernement pour 2014 ne permettra pas de rattraper le retard accumulé en 2013. Le déficit structurel prévu dans l'article liminaire du projet de loi de finances pour 2014 serait ainsi encore supérieur de 0,6 point à l'objectif fixé dans la loi de programmation (1,7 % du PIB contre 1,1 %).
3. La prévision du solde structurel en 2014.
Au vu des informations qui lui ont été transmises, le Haut Conseil estime qu'un certain nombre d'aléas affectent la prévision de déficit structurel à 1,7 % en 2014.
Ces aléas portent à la fois sur les recettes et les dépenses.
1° S'agissant des recettes :
L'hypothèse d'une augmentation à législation constante des prélèvements obligatoires proche de celle du PIB (élasticité proche de l'unité) est optimiste.
En effet, la conjoncture morose en 2013 devrait jouer encore en partie sur les recettes à percevoir en 2014 par l'Etat du fait des décalages affectant certains impôts (impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu). L'impact des plus-values mobilières et immobilières enregistrées en 2013 et 2014 pourrait être plus faible qu'attendu.
Par ailleurs, les hypothèses retenues en matière d'emploi et de masse salariale conduisent à un risque de surestimation des recettes de CSG et de cotisations sociales.
S'agissant des mesures nouvelles contenues dans les PLF/PLFSS, le Haut Conseil n'a pas été en mesure d'en évaluer le rendement, qui s'élèverait à 9,5 MdEUR. En particulier, le Haut Conseil n'a pu expertiser la recette attendue de la principale mesure nouvelle instaurant une cotisation sur l'excédent brut d'exploitation (2,5 MdEUR annoncés). En outre, le rendement d'un renforcement de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales est incertain. Enfin, les mesures nouvelles inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (0,6 MdEUR) ainsi que celles concernant la fiscalité écologique (0,4 MdEUR) n'ont pas été portées à sa connaissance.
2° S'agissant des dépenses :
L'effort sur les dépenses de l'Etat est conditionné à une stricte maîtrise de la masse salariale et au ralentissement effectif des dépenses d'intervention.
Des interrogations subsistent sur les hypothèses d'évolution des dépenses des collectivités territoriales. En particulier, la réduction des concours de l'Etat ne se traduira pas nécessairement par une diminution à due concurrence de la dépense locale.
En l'état actuel des informations dont il dispose, le Haut Conseil considère que la réduction du déficit structurel pourrait être moins rapide que prévu en raison des risques de surestimation des recettes et de la fragilité des hypothèses en matière de dépenses. L'estimation de solde structurel pour 2014 apparaît donc optimiste.
4. Le déclenchement du mécanisme de correction.
Le Haut Conseil se prononcera en mai 2014 lors de son avis relatif au projet de loi de règlement sur le respect de l'objectif de solde structurel fixé pour 2013 par la loi de programmation.
Dans son avis du 23 mai 2013 précité, le Haut Conseil avait constaté un écart de 0,3 point de déficit structurel en 2012 et noté qu'il existait un risque de déclenchement du mécanisme de correction dès lors que l'écart dépasserait 0,5 point sur une année ou 0,25 point en moyenne sur deux ans (« écart important » au sens de la loi organique).
La réalisation des prévisions du Gouvernement pour 2013 (1 point d'écart au solde structurel de la loi de programmation) conduira le Haut Conseil à constater au printemps 2014 un « écart important » par rapport aux orientations pluriannuelles, déclenchant ainsi le mécanisme de correction. Sauf à reporter la date de retour à l'équilibre structurel au-delà de 2016 et à modifier à cette fin la loi de programmation, le Haut Conseil note que la mise en œuvre du mécanisme de correction nécessitera de réaliser en 2015 et en 2016 des efforts plus importants que ceux prévus dans cette loi.
(2) Avis n° HCFP-2013-02 du 23 mai 2013 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans la loi de règlement de 2012.