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Article AUTONOME (Avis n° 2013-0803 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sur un projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 3 janvier 2008 relatif à la radio diffusée en mode numérique par voie hertzienne terrestre ou par voie satellitaire en bande L ou en bande S fixant les caractéristiques des signaux émis)

Article AUTONOME (Avis n° 2013-0803 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sur un projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 3 janvier 2008 relatif à la radio diffusée en mode numérique par voie hertzienne terrestre ou par voie satellitaire en bande L ou en bande S fixant les caractéristiques des signaux émis)



1. Objet du projet d'arrêté soumis à l'avis de l'ARCEP


L'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) prévoit que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) soit consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 2 mai 2013, la ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique a sollicité l'avis de l'ARCEP sur un projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 3 janvier 2008 relatif à la radio diffusée en mode numérique par voie hertzienne terrestre ou par voie satellitaire en bande L ou en bande S fixant les caractéristiques des signaux émis.
Le projet d'arrêté soumis à l'avis de l'ARCEP vise à modifier, dans différentes bandes de fréquences, la liste des normes technologiques dont l'utilisation est autorisée pour la diffusion de radio numérique. Ces normes sont désignées, le cas échéant, par leurs références auprès de l'European Telecommunications Standards Institute (ETSI).
La bande III (174-230 MHz) et la bande L (1 452-1 492 MHz) sont affectées au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour le service de radiodiffusion, conformément à l'arrêté relatif au tableau national de répartition des bandes de fréquences. Dans ces bandes, le projet d'arrêté ajoute la norme européenne DAB+ (TS 102 563) à la norme T-DMB (TS 102 427 et TS 102 428), déjà prévue par l'arrêté du 3 janvier 2008, pour la fourniture des services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique. Le projet d'arrêté y supprime par ailleurs l'obligation de l'emploi de la norme MPEG-4 BIFS pour les services interactifs de données associées.
La bande S (1 980-2 010 et 2 170-2 200 MHz) est affectée à l'ARCEP pour le service mobile par satellite, à titre exclusif, conformément à l'arrêté relatif au tableau national de répartition des bandes de fréquences. Dans cette bande, le projet de texte ajoute la norme européenne SDR (TR 102 525, TS 102 550, TS 102 551-1 et TS 102 551-2) à la norme DVB-SH (EN 302 583 et TS 102 585), déjà prévue par l'arrêté du 3 janvier 2008, pour la fourniture des services de radio diffusés par voie hybride satellitaire et terrestre.
Ce projet d'arrêté vise donc notamment la bande S à 2 GHz dont l'ARCEP est affectataire à titre exclusif. C'est pourquoi, outre l'avis du CSA, la ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique a également souhaité recueillir l'avis de l'ARCEP.
C'est dans ce cadre que l'ARCEP rend le présent avis.


2. Contexte de l'utilisation de la bande S dont l'ARCEP est affectataire


La Commission européenne a adopté la décision n° 2007/98/CE sur l'utilisation harmonisée du spectre radioélectrique, désignant la bande de fréquences S à 2 GHz pour les systèmes fournissant des services mobiles par satellite (MSS), afin de garantir, au niveau de l'Union européenne, la disponibilité de la ressource spectrale pour la mise en œuvre de ces systèmes.
Les sociétés Solaris Mobile Limited (Solaris Mobile) et Inmarsat Ventures Limited (Inmarsat) ont été sélectionnées pour exploiter des systèmes paneuropéens fournissant des MSS dans la bande 1 980-2 010 MHz et 2 170-2 200 MHz (bande 2GHz), par la décision n° 2009/1449/CE de la Commission européenne en date du 13 mai 2009, conformément aux dispositions de la décision n° 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2008.
En France, Solaris Mobile a été autorisée, par la décision n° 2010-0210 de l'ARCEP en date du l6 février 2010, à utiliser les fréquences 1 995-2 010 MHz et 2 185-2 200 MHz pour fournir des MSS jusqu'au 12 mai 2027, conformément aux dispositions de l'article 7, paragraphe I de la décision n° 626/2008/CE susmentionnée. Inmarsat n'a pas déposé, à ce jour, de demande d'autorisation auprès de l'ARCEP. En conséquence, elle n'est pas titulaire d'une autorisation d'utilisation de fréquences dans la bande 2 GHz sur le territoire français.
Par ailleurs, la Commission européenne a adopté, en octobre 2011, la décision n° 2011/667/UE sur les modalités d'application coordonnée des règles d'exécution concernant les services mobiles par satellite. Cette décision vise à définir les modalités de l'application coordonnée des règles d'exécution des Etats membres concernant les opérateurs satellitaires autorisés dans la bande S en cas de manquement présumé aux conditions communes dont leurs autorisations sont assorties.


3. Analyse par l'ARCEP des règles de compétence
encadrant la détermination des conditions d'utilisation des fréquences dont elle est affectataire


Cadre juridique :
Le projet d'arrêté modificatif a pour base légale l'article 12 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui prévoit que « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est consulté sur tout projet visant à rendre obligatoires les normes relatives aux matériels et techniques de diffusion ou de distribution des services de communication audiovisuelle par un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques. Il peut formuler toute recommandation concernant ces normes.
Toutefois, les caractéristiques techniques des signaux émis pour la fourniture des services diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite doivent être conformes à des spécifications techniques définies par arrêté interministériel, pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; lorsque ces signaux sont numérisés, leurs caractéristiques techniques sont normalisées. Cet arrêté précise également les conditions de la protection radioélectrique des services de communication audiovisuelle considérés. »
Par ailleurs, il résulte du tableau national de répartition des bandes de fréquences, fixé par arrêté du Premier ministre, que l'assignation de la « bande S », soit les bandes 1 980-2 010 MHz et 2 170-2 200 MHz, est confiée à l'ARCEP.
Aux termes de l'article L. 42 du CPCE, « pour chacune des fréquences ou bandes de fréquences radioélectriques dont l'assignation lui a été confiée en application de l'article L. 41, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes fixe, dans les conditions prévues à l'article L. 36-6 :
1° Les conditions techniques d'utilisation de la fréquence ou de la bande de fréquences ;
2° Les cas dans lesquels l'autorisation d'utilisation est subordonnée à la déclaration prévue à l'article L. 33-1 ;
3° Les cas dans lesquels l'utilisation des fréquences est soumise à autorisation administrative. »
L'article L. 36-6 du CPCE, auquel renvoie la disposition citée ci-dessus, prévoit que « l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise les règles concernant : [...]
3° Les conditions d'utilisation des fréquences et bandes de fréquences mentionnées à l'article L. 42 ; [...]
Les décisions prises en application du présent article sont, après homologation par arrêté du ministre chargé des communications électroniques, publiées au Journal officiel ».
Ce même article précise que, « lorsque ces décisions ont un effet notable sur la diffusion de services de radio et de télévision », l'ARCEP précise les règles susmentionnées « après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel ».
Analyse de l'ARCEP :
Il ressort de la lecture combinée des articles L. 36-6 et L. 42 du CPCE précités qu'il appartient à l'ARCEP de déterminer « les conditions d'utilisation des fréquences et bandes de fréquences » qui lui sont assignées, parmi lesquelles celles relatives à la bande S à 2 GHz. L'article L. 36-6 précise qu'une telle décision est adoptée après avis du CSA lorsqu'elle a un effet notable sur la diffusion de services de radio et de télévision et fait l'objet d'une homologation par arrêté du ministre chargé des communications électroniques.
Il appartient à l'ARCEP de fixer les spécifications techniques auxquelles doivent répondre les caractéristiques des signaux émis, pour la fourniture des services utilisant les fréquences qui lui sont assignées.
L'article 12 de la loi n° 86-1067 susvisée, quant à lui, donne compétence aux ministres concernés pour adopter un arrêté « fixant les caractéristiques techniques auxquelles doivent être conformes les signaux émis pour la fourniture des services diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite ». Cette disposition indique en outre que : « Cet arrêté précise également les conditions de la protection radioélectrique des services de communication audiovisuelle considérés. » Il semble donc que la compétence ministérielle vise « les services de communication audiovisuelle ». Mais, eu égard à la compétence de l'ARCEP prévue à l'article L. 42 du CPCE, cette disposition de la loi n° 86-1067 susvisée ne vise que les fréquences dont le CSA est affectataire.
L'ARCEP avait formulé une analyse analogue dans son avis n° 2007-0351 du 24 avril 2007, lors de la procédure d'adoption de l'arrêté initial en date du 3 janvier 2008 relatif à la radio diffusée en mode numérique par voie hertzienne terrestre ou par voie satellitaire en bande L ou en bande S fixant les caractéristiques des signaux émis.


4. Analyse de l'ARCEP concernant la mise en œuvre du principe de neutralité technologique


Le point 3 de l'article 9 de la directive n° 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil pose le principe de neutralité technologique. Ainsi, sauf exception, « les Etats membres veillent à ce que tous les types de technologies utilisés pour les services de communications électroniques puissent être utilisés dans les bandes de fréquences déclarées disponibles pour les services de communications électroniques ». Il ne peut, en principe, être dérogé au principe de neutralité que pour la poursuite de l'un des objectifs suivants, énumérés par la directive :
« a) Eviter le brouillage préjudiciable ;
b) Protéger la santé publique contre les champs électromagnétiques ;
c) Assurer la qualité technique du service ;
d) Optimiser le partage des radiofréquences ;
e) Préserver l'efficacité de l'utilisation du spectre ; ou
f) Réaliser un objectif d'intérêt général conformément au paragraphe 4. »
L'objectif de neutralité technologique a été transposé, en droit national, à l'article L. 32-1 II du CPCE : « Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent : [...] 17° A ce que tous les types de technologies et tous les types de services de communications électroniques puissent être utilisés dans les bandes de fréquences disponibles pour ces services lorsque cela est possible. »
Cette disposition, qui vise à la fois l'ARCEP et le ministre chargé des communications électroniques, est complétée par l'article L. 42 du CPCE, spécifique aux bandes dont l' ARCEP est affectataire :
« II. ― L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut également, dans les conditions prévues à l'article L. 36-6, prévoir des restrictions aux types d'équipements, de réseaux et de technologies utilisés dans les bandes de fréquences attribuées aux services de communications électroniques dans le tableau national de répartition des bandes de fréquences et dont l'assignation lui a été confiée si cela est nécessaire pour :
a) Eviter les brouillages préjudiciables ;
b) Protéger la santé publique ;
c) Assurer la qualité technique du service ;
d) Optimiser le partage des fréquences radioélectriques ;
e) Préserver l'efficacité de l'utilisation du spectre ; ou
f) Réaliser un objectif prévu à l'article L. 32-1.
Ces restrictions sont proportionnées et non discriminatoires. Lorsque les restrictions envisagées ont une incidence importante sur le marché, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes procède à une consultation publique dans les conditions prévues à l'article L. 32-1. »
En l'espèce, le projet d'arrêté soumis à l'avis de l'ARCEP vise notamment à assouplir les conditions techniques d'utilisation de la bande S, en rendant possible l'emploi de la norme SDR. Toutefois le projet d'arrêté tend à maintenir des restrictions aux types d'équipements, de réseaux et de technologies utilisés dans la bande S, en rendant obligatoire l'utilisation d'une liste limitative de normes technologiques pour la diffusion de services de radio numérique.
L'ARCEP relève, par ailleurs, que le principe de neutralité technologique vise à permettre une flexibilité bénéfique au développement de services de communications électroniques et à l'efficacité de l'utilisation du spectre. En outre, la décision n° 2007/98/CE de la Commission européenne, concernant la sélection et l'autorisation d'opérateurs mobiles par satellites dans la bande S, ne prévoit aucune restriction technologique.
Dans ce contexte, et au regard des dispositions précitées, en particulier des critères énoncés à l'article L. 42 du CPCE, l'ARCEP s'interroge sur la possibilité de maintenir des restrictions aux types d'équipements, de réseaux et de technologies utilisant les fréquences de la bande S.


5. Conclusion


L'ARCEP relève avec satisfaction que le projet d'arrêté qui lui est soumis tend à rendre plus flexibles les conditions techniques d'utilisation des fréquences de la bande S, en autorisant l'emploi de la norme SDR pour la fourniture de services de radio numérique sur ces fréquences.
Toutefois, au vu des considérations qui précèdent, on peut s'interroger sur la détermination de l'autorité compétente pour édicter les dispositions en cause.
Par ailleurs, l'ARCEP note que, s'il n'est pas exclu qu'une liste limitative de normes technologiques soit prévue pour la fourniture de services de radio numérique dans la bande S, de telles restrictions doivent, au regard du principe de neutralité technologique, être justifiées par l'un des motifs prévus par les dispositions communautaires et nationales rappelées ci-dessus. Or, les éléments portés à la connaissance de l'ARCEP ne lui permettent pas d'identifier le ou les motifs justifiant de telles restrictions dans la bande S.
Le présent avis sera transmis à la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, et publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 11 juin 2013.