Dans ses observations, la société SEMAAD soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent dès lors que cette dernière est un utilisateur du réseau de distribution dont la société ERDF est gestionnaire et que le présent différend concerne un refus d'accès au réseau opposé par la société ERDF.
Elle estime que la société ERDF est tenue de respecter un délai de trois mois pour le traitement des demandes d'offres de raccordement au réseau conformément à la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 KVA et en HTA, au réseau public géré par la société ERDF du 3 juillet 2010.
La société SEMAAD ajoute que la date de complétude de son dossier de demande a été fixée au 27 août 2010 et que la société ERDF ne lui a transmis la convention de raccordement que le 8 décembre 2010.
Elle considère que l'application du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 l'a empêchée de poursuivre son projet pendant la période de suspension fixée pour trois mois, ce qui lui a causé un préjudice indiscutable.
La société SEMAAD indique enfin que la société ERDF ne saurait régulièrement lui opposer la caducité de son offre laquelle résulterait d'une application du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 dès lors que la caducité de l'offre ne résulte pas directement d'une application de ces dispositions réglementaires mais d'une faute commise par la société ERDF et que, dans ces conditions, la question soulevée devant le comité de règlement des différends et des sanctions ne concerne en rien une éventuelle irrégularité dudit décret.
En conséquence, la société SEMAAD demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― constater le retard avec lequel la société ERDF lui a adressé la convention de raccordement sollicitée ;
― constater que ce retard, imputable à la société ERDF, lui a causé un préjudice ;
Par conséquent,
― ordonner à la société ERDF de transmettre sans délai et sous astreinte à la société SEMAAD une proposition technique et financière de raccordement sous le régime applicable antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;
― enjoindre la conclusion d'une convention de raccordement sur le fondement des dispositions applicables antérieurement au décret du 9 décembre 2010.
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Par décision du 2 septembre 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la présente demande de règlement de différend.
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Par courrier du 5 septembre 2012, le directeur général de la Commission de régulation de l'énergie a invité la société ERDF à présenter ses observations dans le cadre de la réouverture de l'instruction de la présente demande de différend.
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Vu les observations en défense n° 1, enregistrées le 18 octobre 2012, présentées par la société ERDF, Société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 270 037 000 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par Mme Michèle Bellon, présidente du directoire, ayant pour avocat Me Romain GRANJON, cabinet ADAMAS Affaires publiques, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF soutient que la demande de la société SEMAAD tendant à ordonner à la société ERDF de transmettre une proposition technique et financière et à lui enjoindre de conclure une convention de raccordement sous le régime applicable antérieurement au décret du 9 décembre 2010 sera rejetée dès lors que cette demande vise à écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010, que le Conseil d'Etat a validé le décret contesté, que le comité de règlement des différends et des sanctions a affirmé l'opposabilité pleine et entière des dispositions du décret aux producteurs n'ayant pas renvoyé avant le 2 décembre 2010 une proposition technique et financière acceptée, ou une convention de raccordement signée, que la cour d'appel de Paris a récemment confirmé cette analyse.
Elle constate qu'en l'espèce, la société SEMAAD n'ayant pas renvoyé la convention de raccordement acceptée avant le 2 décembre 2010, son projet n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 3 dudit décret et qu'en conséquence il a été suspendu par application des dispositions de l'article 1er du même texte.
La société ERDF estime que les demandes tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions constate qu'elle a transmis tardivement la convention de raccordement et que ce retard, imputable à la société ERDF, a causé un préjudice à la société SEMAAD seront rejetées dès lors qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du comité de règlement des différends et des sanctions de procéder à des constats en l'absence de toute décision en vertu de l'article L. 134-19 du code de l'énergie et que, subsidiairement, dans les circonstances de l'espèce, la société ERDF n'a commis aucun manquement dans le traitement de la demande de raccordement de la société SEMAAD.
Elle ajoute que le constat du dépassement du délai de trois mois annoncé peut, le cas échéant, participer à la motivation d'une décision mais non constituer en soi une décision, conformément aux dispositions de l'article L. 134-20 du code de l'énergie.
La société ERDF précise également qu'il n'appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions de décider si le retard de la société ERDF a créé un préjudice à la société SEMAAD, et que la cour d'appel de Paris, après avoir constaté que le délai de trois mois n'avait pas été respecté, a jugé que ce délai n'est pas assorti de sanction et n'est pas assimilable à une obligation de résultat et qu'il appartiendra à la juridiction de fond saisie par la société SEMAAD de déterminer si la société ERDF a manqué à son obligation.
Enfin, elle relève que, dans les circonstances de l'espèce, le retard de trois jours dans la production de la convention de raccordement, lequel entraînait automatiquement l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010, ne peut être constitutif d'un manquement de la part de la société ERDF en raison de l'afflux massif et brutal de demandes de raccordement déposées lors de la dernière semaine d'août 2010, cet afflux étant insurmontable et imprévisible.
En conséquence, la société ERDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des prétentions de la société SEMAAD.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 7 janvier 2013, présentées par la société SEMAAD.
La société SEMAAD rappelle que l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 n'est due qu'au retard de la société ERDF qui n'a pas respecté sa réglementation technique en adressant sa proposition technique et financière le 8 décembre 2010, au lieu du 27 novembre 2010.
Elle considère que la société ERDF ne saurait échapper à toute responsabilité du seul fait de l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010.
La société SEMAAD souligne que, dans le prolongement des décisions récentes du comité de règlement des différends et des sanctions, le non-respect de sa réglementation technique et du délai de trois mois pour transmettre une proposition technique et financière constitue une faute opposable à la société ERDF.
Elle estime que le comité de règlement des différends et des sanctions est bien compétent pour constater le non-respect de la réglementation applicable à la société ERDF.
La société SEMAAD soutient enfin que l'argument lié à l'augmentation des demandes subie par la société ERDF est inopérant, cette dernière ne constituant nullement un cas de force majeure.
La société SEMAAD persiste de plus fort dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en défense n° 2, enregistrées le 22 février 2013, présentées par la société ERDF ;
La société ERDF estime que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut pas se substituer au juge du contrat.
Elle prétend que cette exclusion a pour triple conséquence que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut caractériser l'existence d'une « faute » qui serait commise par un gestionnaire de réseau ou d'une violation de ses obligations contractuelles, que ledit comité n'est pas compétent pour connaître de demandes relatives à la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de l'une des parties au contrat et qu'il ne peut pas prononcer des condamnations tendant à l'exécution d'obligations contractuelles ni à enjoindre la signature d'un contrat, ni de façon générale à la réparation du préjudice prétendument subi par le demandeur. Elle conclut que les demandes de la société SEMAAD tendant à voir le comité de règlement des différends et des sanctions se substituer au juge du fond sont irrecevables.
La société ERDF rappelle à titre subsidiaire que les dispositions fermes et explicites du décret du 9 décembre 2010 font en tout état de cause obstacle à la poursuite du raccordement de la société SEMAAD dans les conditions antérieurement applicables, dès lors que cette dernière ne peut bénéficier d'aucune des dérogations prévues car celui-ci.
Elle relève enfin, à titre très subsidiaire, que la cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 8 novembre 2012, GAEC de Saint-Doué, a confirmé que le délai de trois mois prévu pour la transmission d'une proposition technique et financière « n'est pas prescrit dans les textes à peine de nullité » et « qu'il n'induit aucune obligation de résultat ».
La société ERDF considère que sans qu'il soit besoin de caractériser l'existence d'un cas de force majeure, elle n'a, dans les circonstances exceptionnelles représentées par l'afflux brutal et massif de demandes de raccordement fin août 2010, commis aucune faute ni manqué à sa procédure en dépassant ce délai de neuf jours.
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Vu les pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la commission de régulation de l'énergie ;
Vu les décisions des 4 juillet 2011 et 7 mars 2013 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relatives à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 208-38-11 ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres du comité, qui s'est tenue le 8 juillet 2013, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
Mme Maud BRASSART, rapporteur, et M. Marc DREVON, rapporteur adjoint ;
Me David BILLARD, conseil de la société SEMAAD ;
Le représentant de la société ERDF, assisté de Me Romain GRANJON.
Après avoir entendu :
― le rapport de Mme Maud BRASSART, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me David BILLARD pour la société SEMAAD ; la société SEMAAD persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions.
Aucun report de séance n'ayant été sollicité.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 8 juillet 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la méconnaissance par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement :
La société SEMAAD demande notamment au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF lui a adressé la convention de raccordement sollicitée avec retard et que ce retard, imputable à la société ERDF, lui a causé un préjudice.
Le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour apprécier les conditions dans lesquelles la procédure de traitement des demandes de raccordement a été conduite.
L'article 9.1 de la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF prévoit que « le délai prévisionnel d'établissement de la convention de raccordement est fixé dans l'offre de raccordement. Le délai maximal d'établissement de la convention de raccordement est de trois mois en BT et de neuf mois en HTA, sous réserve de l'aboutissement des démarches et autorisations administratives ».
Il ressort des pièces du dossier que la demande de raccordement de la société SEMAAD a été réputée complète à la date du 27 août 2010, date de réception des documents complémentaires demandés par la société ERDF, et qu'une convention de raccordement a été adressée par la société ERDF à la société SEMAAD le 7 décembre 2010, reçue par la société SEMAAD le 8 décembre 2010.
Ainsi, la société ERDF n'a pas respecté le délai de trois mois pour l'instruction de la demande de raccordement de la société SEMAAD.
Dans ces conditions, la société ERDF doit être regardée comme ayant méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Toutefois, il n'appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le cadre de la compétence que lui donnent les articles L. 134-19 et suivants du code de l'énergie en matière de règlement de différends, de se prononcer sur l'existence d'un préjudice qui serait résulté de l'inexécution par une partie de ses obligations.
Sur l'application du décret du 9 décembre 2010 :
La société SEMAAD demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'ordonner à la société ERDF, en écartant l'application du décret du 9 décembre 2010, de lui transmettre sans délai et sous astreinte une proposition technique et financière de raccordement sous le régime applicable antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 et d'enjoindre à la société ERDF de conclure une convention de raccordement sur le fondement des dispositions applicables antérieurement au décret du 9 décembre 2010.
L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 dispose que l'« obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».
L'article 3 du même décret du 9 décembre 2010, prévoit que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
L'article 5 dudit décret dispose qu'« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».
La société SEMAAD n'ayant pas notifié son acceptation de la convention de raccordement avant le 10 décembre 2010, les dispositions de l'article 5 du décret du 9 décembre 2010 lui sont applicables. Il lui appartient, si elle souhaite raccorder son installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution en vue de bénéficier de l'obligation d'achat, de déposer une nouvelle demande complète de raccordement, conformément à ce même article.
Il s'ensuit que le surplus des demandes doit être rejeté.
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Décide :