Par décision du 29 avril 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la demande de règlement du différend opposant les sociétés TORDCAR et ERDF jusqu'à l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat sur la légalité du décret du 9 décembre 2010.
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Par courrier du 4 septembre 2012, le directeur général de la Commission de régulation de l'énergie a procédé à la réouverture de l'instruction de la demande de règlement du différend introduite par la société TORDCAR à l'encontre de la société ERDF.
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Dans son mémoire de saisine initial et dans ses observations complémentaires enregistrées le 26 mars 2012, la société TORDCAR considère, en premier lieu, que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent conformément aux dispositions de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 pour connaître du litige opposant les sociétés TORDCAR et ERDF dès lors que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour trancher les litiges relatifs au rejet des demandes de raccordement, à la sortie de la file d'attente et à la délivrance des conventions de raccordement par le gestionnaire du réseau de distribution.
La société TORDCAR estime, en deuxième lieu, que sa demande de raccordement est recevable.
La société TORDCAR indique, à cet égard, que l'acompte versé par ses soins ayant été encaissé le 4 janvier 2011 par la société ERDF, les sociétés ERDF et TORDCAR sont liées par une relation contractuelle qu'il appartient à la société ERDF d'exécuter en raison de l'obligation de résultat qui lui incombe.
La société TORDCAR ajoute, en dernier lieu, que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut lui opposer le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 dès lors que l'atteinte grave et immédiate aux règles d'accès à un réseau est sanctionnée sur le fondement des dispositions de l'article 28 de la loi du 10 février 2000 et que l'application de ce décret constitue pour la société TORDCAR une atteinte grave et immédiate aux règles d'accès à un réseau, en ce qu'il prive la société TORDCAR de la jouissance des droits qu'elle avait acquis non seulement du fait de l'acceptation de la proposition technique et financière mais également de l'encaissement par la société ERDF de l'acompte versé constitutif d'une relation contractuelle entre les deux sociétés.
La société TORDCAR demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― dire et juger que la demande de raccordement de la société TORDCAR est recevable ;
A titre subsidiaire :
― dire et juger que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait être opposé à la société TORDCAR dès lors que la demande de raccordement a été confirmée par l'encaissement de l'acompte et que l'absence de diligences et d'informations constitue une atteinte grave et immédiate aux règles d'accès à un réseau et à la procédure de traitement des demandes de raccordement ;
Par conséquent et en tout état de cause :
― dire et juger qu'ERDF n'est donc pas fondée à en faire application à l'encontre de la société TORDCAR et ne saurait opposer à la demanderesse aucun délai de mise en service de l'installation, notamment à compter de la notification de la décision du comité de règlement des différends et des sanctions au titre du présent litige ;
― enjoindre au gestionnaire de réseau public de distribution ERDF de valider l'acceptation, par la société TORDCAR, de la proposition technique et financière et la réintégrer dans la file d'attente ;
― enjoindre au gestionnaire de réseau public de distribution de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière de raccordement est intervenu sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la régularisation de la convention de raccordement, d'autre part, à la transmission d'un contrat d'achat ;
― enjoindre au gestionnaire de réseau public de distribution ERDF de délivrer une convention de raccordement à la société TORDCAR ;
― dire et juger que le retard dans la mise en service des installations de la société TORDCAR est imputable à la société ERDF et que la procédure menée devant le CORDIS a suspendu le cours du délai d'exécution des travaux nécessaires au raccordement et que par conséquent ce délai doit être rallongé de la durée de la présente procédure ;
― enjoindre au gestionnaire de réseau public de distribution de procéder dans ces conditions à la transmission de la demande de contrat d'achat à EDF Obligation d'Achat, autorité en charge de l'obligation d'achat ;
― enfin, enjoindre, le cas échéant, à la société EDF de conclure le contrat d'achat sur le fondement des dispositions de l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil.
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Vu les observations en défense n° 1, enregistrées le 28 septembre 2012, présentées par la société ERDF, société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 270 037 000 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 444 608 442, dont le siège social est situé tour Winthertur, 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par son représentant légal, Mme Michèle Bellon, présidente du directoire, ayant pour avocat Me Romain GRANJON, cabinet ADAMAS Affaires publiques, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF considère que la demande de la société TORDCAR, tenant in fine à ce que l'application du décret du 9 décembre 2010 soit écartée pour l'application de son projet, ne pourra qu'être rejetée par le comité de règlement des différends et des sanctions dès lors que le Conseil d'Etat, par sa décision du 16 novembre 2011, a validé le décret contesté dans sa totalité, en écartant notamment le grief tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs et que le comité de règlement des différends et des sanctions a affirmé l'opposabilité pleine et entière du décret moratoire aux producteurs n'ayant pas renvoyé avant le 2 décembre 2010 une proposition technique et financière acceptée.
La société ERDF estime qu'en l'espèce la société TORDCAR n'a pas renvoyé de proposition de raccordement acceptée avant le 2 décembre 2010, que par conséquent elle n'entre pas dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article 3 du décret du 9 décembre 2010, que dès lors le projet de la société TORDCAR a été suspendu par application de l'article 1er du décret moratoire.
La société ERDF ajoute que le fait pour la société ERDF d'avoir encaissé par erreur le chèque d'acompte le 4 janvier 2011 ne saurait avoir une quelconque incidence sur l'application du décret moratoire, aucune exception à l'application dudit décret n'étant prévue dans une telle hypothèse.
La société ERDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des prétentions de la société TORDCAR.
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Vu les pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu les décisions des 31 mars 2011 et 4 mars 2013 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relatives à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 157-38-11 ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, présidente, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres du comité, qui s'est tenue le 12 juin 2013, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
Mme Maud BRASSART, rapporteur, et M. Didier LAFAILLE, rapporteur adjoint ;
Me Adrien FOURMON, conseil de la société TORDCAR ;
Le représentant de la société ERDF, assisté de Me Gaëlle COGNET.
Après avoir entendu :
― le rapport de Mme Maud BRASSART, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Adrien FOURMON pour la société TORDCAR ; la société TORDCAR persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Gaëlle COGNET pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 12 juin 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 :
La société TORDCAR demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne lui sont pas opposables.
L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 dispose que l'« obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».
L'article 3 du décret du 9 décembre 2010 prévoit que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
Les dispositions de l'article 5 dudit décret précisent enfin qu'« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».
La légalité dudit décret du 9 décembre 2010 n'a pas été remise en cause par la décision du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, Ciel et Terre et autres.
Les dispositions du décret du 9 décembre 2010 susvisé font obligation au producteur, qui n'a pas renvoyé avant le 2 décembre 2010 au gestionnaire de réseau une proposition technique et financière signée, de renouveler sa demande de raccordement à l'expiration du délai de trois mois pendant lequel toutes les demandes de contrat d'obligation d'achat sont suspendues.
En l'espèce, la société TORDCAR n'a pas renvoyé la proposition technique et financière signée avant le 2 décembre 2010.
La circonstance que la société ERDF ait encaissé le chèque d'acompte le 4 janvier 2011 et ne l'ait restitué qu'ultérieurement est sans incidence sur l'application du décret du 9 décembre 2010.
Enfin, il n'existe aucune atteinte grave et immédiate aux règles d'accès à un réseau en raison de l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 dès lors que la société TORDCAR peut présenter une nouvelle demande de raccordement au réseau.
Il résulte de ce qui précède que la demande de la société TORDCAR tendant à ce que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne lui soient pas opposées doit être rejetée.
Sur les autres demandes de la société TORDCAR :
Dès lors que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 s'appliquent en l'espèce, les autres demandes de la société TORDCAR ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
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Décide :