3. Le cas de l'article D. 90 du CPCE
Le projet de décret soumis à l'Autorité prévoit de supprimer l'article D. 90 du CPCE qui est relatif à la distribution au domicile des destinataires et aux installations de réception dont ces derniers doivent disposer. La suppression de cet article soulève plusieurs questions.
Concernant l'obligation pour les destinataires de disposer d'une boîte aux lettres normalisée :
L'article R. 1-1-5 du CPCE prévoit que « la distribution est subordonnée à l'existence, chez le destinataire, d'une installation de réception des envois de correspondance accessible et conforme aux spécifications établies dans le respect de la réglementation en vigueur ».
L'article D. 90 du CPCE précise que « les immeubles construits à compter d'une date qui sera fixée par arrêté conjoint du ministre de l'équipement et du secrétaire d'Etat aux postes et des communications électroniques doivent comporter un équipement de boîtes aux lettres permettant d'assurer la sécurité des correspondances et la rapidité de la distribution ».
L'article R. 111-14-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH), qui fait partie du titre Ier de ce code, intitulé « Construction des bâtiments », dispose quant à lui que « pour leur desserte postale, les bâtiments d'habitation doivent être pourvus de boîtes aux lettres à raison d'une boîte aux lettres par logement. S'il existe plusieurs logements, ces boîtes doivent être regroupées en ensembles homogènes. Un arrêté conjoint du ministre chargé de la construction et de l'habitation et du ministre chargé des postes précise les modalités d'application des dispositions du présent article ».
L'arrêté du 29 juin 1979 relatif à l'équipement des bâtiments d'habitation en boîtes aux lettres, pris en application des articles D. 90 du CPCE et R. 111-14-1 du CCH, précise que « les immeubles doivent être équipés d'un nombre de boîtes aux lettres au moins égal au nombre de logements et l'équipement doit être conforme aux normes françaises NF D 27-404 (pour installation intérieure) ou NF D 27-405 (pour installation extérieure) en vigueur à la date de la demande de permis de construire ».
Cette disposition pose donc une obligation pour les destinataires de détenir une boîte aux lettres normalisée s'appliquant pour les constructions postérieures à la date d'entrée en vigueur de cet arrêté ― publié au Journal officiel de la République française le 12 juillet 1979 ― soit le 13 juillet 1979. Elle a un double fondement : le CPCE et CCH. La suppression de l'article D. 90 du CPCE reviendrait à circonscrire la base légale de l'arrêté du 29 juin 1979 à celle du seul article R. 111-14-1 du CCH. Or, cet article n'impose des boîtes aux lettres qu'au stade de la construction d'un immeuble et non de façon permanente. Donc, si celles-ci disparaissent, pour quelque raison que ce soit, aucun texte ne permettrait d'obliger à leur remplacement. Ainsi, les utilisateurs ne seraient plus tenus que de mettre en place une « installation de réception des envois de correspondance accessible », au titre de l'article R. 1-1-5 du CPCE.
Concernant le traitement des objets non distribuables :
L'article D. 90 du CPCE prévoit que, « à défaut d'un tel équipement [équipement de boîtes aux lettres permettant d'assurer la sécurité des correspondances et la rapidité de la distribution], les objets de correspondance sont mis en instance au bureau de poste de rattachement suivant des modalités et des délais fixés par le ministre des PTT ».
La mise en œuvre de cette disposition apparaît difficile en pratique, le dépôt d'un avis d'instance pouvant s'avérer impossible dès lors qu'aucun équipement adapté pour la réception du courrier n'est disponible. D'ailleurs, les conditions générales de vente Courrier-Colis de La Poste (CGV), contrevenant ainsi aux dispositions réglementaires, prévoient, pour les envois non distribuables, que, « si La Poste ne parvient pas à atteindre le destinataire, les envois non distribuables sont renvoyés à l'expéditeur lorsque celui-ci est identifiable ».
Dans ce contexte, il paraît nécessaire de substituer aux dispositions actuelles de l'article D. 90 du CPCE les dispositions suivantes : « A défaut de boîtes aux lettres ou d'une installation de réception des envois de correspondance accessible, les objets de correspondance sont, quand c'est possible, mis en instance et, dans le cas contraire, renvoyés à leur expéditeur. »
Proposition de rédaction alternative :
Au regard des éléments qui précèdent, l'Autorité propose la modification de l'article D. 90 du CPCE, notamment dans ses alinéas 2 et 3. Elle propose également de maintenir le dernier alinéa du même article qui prévoit que « des conventions peuvent, d'autre part, être conclues [...] pour la desserte des immeubles qui, par nature, situation ou affectation, justifient des conditions particulières d'exploitation ». En effet, l'article L. 1 du CPCE dispose que « le service de distribution est effectué, dans des installations appropriées, au domicile de chaque personne physique ou morale ou, par dérogation, dans des conditions déterminées par décret ». Le dernier alinéa de l'article D. 90 du CPCE constitue précisément une dérogation au principe de distribution au domicile du destinataire prévu à l'article L. 1 du CPCE. Cette disposition permet de préciser les conditions dans lesquelles les prestataires de services postaux, et notamment La Poste, peuvent éventuellement déroger à l'article L. 1 du CPCE.
4. Les dispositions nouvelles
Sur l'interdiction d'insérer des billets, des pièces ou des métaux précieux dans les envois postaux :
Le projet de décret soumis à l'Autorité propose l'insertion d'un nouvel article D. 1 rédigé de la façon suivante : « L'insertion de billets, de pièces et de métaux précieux est interdite dans les envois postaux, les envois à valeur déclarée, dans les envois recommandés et les envois faisant l'objet de formalités attestant leur dépôt et leur distribution. » Le projet de décret prévoit ainsi de supprimer les articles D. 53 et D. 55 du CPCE en vertu desquels les billets de banque, les pièces de monnaie et les métaux précieux, notamment, sont éligibles à l'envoi en valeur déclarée.
Cette restriction du contenu des envois en valeur déclarée apparaît conforme aux dispositions des articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité intérieure qui prévoient des règles spécifiques pour l'exercice d'une activité de transport et de livraison de fonds et de métaux précieux. Notamment, en application de l'article L. 612-2 de ce code, l'activité de transport et livraison de fonds et de métaux précieux doit être exclusive de toute autre prestation de services non liée à la surveillance, au gardiennage ou au transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux et ne peut donc être exercée simultanément avec une activité de services postaux. La Poste, comme les établissements de crédit, dispose d'une dérogation lui permettant de transporter des fonds lorsque le montant des sommes transportées est inférieur à 5 335 € : « sauf, pour les employés de La Poste ou des établissements de crédit habilités par leur employeur, lorsque leur montant est inférieur à 5 335 euros » (article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure). Toutefois, l'économie de cette disposition démontre que celle-ci n'est applicable qu'aux activités bancaires du groupe La Poste, ainsi que le confirment d'ailleurs les débats parlementaires afférents à la loi du 20 mai 2005.
Il est seulement proposé de reprendre les mots : « billets de banque » employés actuellement à l'article D. 55 du CPCE, plutôt que : « billets » qui a un caractère trop imprécis.
Sur le transport de bijoux et autres objets de valeur :
Le projet de décret soumis à l'Autorité prévoit également l'ajout d'un nouvel article D. 2 du CPCE, concernant spécifiquement les prestations du service universel, qui dispose que : « dans le cadre des prestations relevant du service universel postal offertes par le prestataire de ce service :
1° Les bijoux définis au III de l'article 1er du décret susvisé du 28 avril 2000 modifié ne peuvent être transportés que par envoi à valeur déclarée.
2° Le montant des envois à valeur déclarée doit être conforme au seuil fixé par 1'arrêté prévu à l'article R. 1 du présent code.
3° La valeur des objets insérés dans un envoi recommandé ne doit pas dépasser le niveau de garantie choisie par l'expéditeur lors du dépôt de l'envoi. »
Il résulte donc de ce projet d'article que seuls les envois à valeur déclarée pourraient être utilisés pour l'acheminement des bijoux au sens du décret du 28 avril 2008 (3), c'est-à-dire des « objets, y compris d'horlogerie, destinés à la parure qui comprennent des métaux précieux soumis aux titres légaux, des matériaux rares ou issus de technologies innovantes, des pierres précieuses ou des perles fines ou de culture ainsi que les éléments de bijouterie en métal précieux entrant dans le cycle de fabrication ».
Les conditions spécifiques de vente du Colissimo recommandé de La Poste prévoient aujourd'hui la possibilité d'insérer des bijoux et autres objets de valeur dans les colis recommandés, ce produit bénéficiant d'un régime d'indemnisation forfaitaire en cas de perte ou avarie fonction du taux de recommandation choisi par l'expéditeur : « dans le colissimo recommandé [France et outre-mer], l'insertion de bijoux, titres restaurants ou autres est possible, pourvu que la valeur de ces contenus ne soit pas supérieure au montant de l'indemnisation accordée en cas de perte ou d'avarie des envois ».
La possibilité aujourd'hui offerte par La Poste d'insérer, notamment, des bijoux dans les envois recommandés ne semble pas soulever de problème particulier que ce soit pour les utilisateurs ou La Poste elle-même. L'Autorité propose ainsi que cette disposition de l'article D. 2 du CPCE soit rédigée de la manière suivante : « Les bijoux définis au III de l'article 1er du décret susvisé du 28 avril 2000 modifié ne peuvent être transportés que par envoi à valeur déclarée et par colis recommandé. »
Sous réserve des observations formulées, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.
Fait à Paris, le 29 janvier 2013.