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Article AUTONOME (Décision n° 2012-1313 du 22 novembre 2012 prise en application de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques concernant la société Altitude Wireless)

Article AUTONOME (Décision n° 2012-1313 du 22 novembre 2012 prise en application de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques concernant la société Altitude Wireless)



1. Exposé des faits et de la procédure


La société Altitude Wireless est titulaire d'autorisations d'utilisation de fréquences en vue du déploiement de réseaux de boucle locale radio dans la bande 3,4-3,6 GHz dans onze régions et un département de France métropolitaine.
Ces autorisations lui ont été délivrées le 7 juin 2007, le 16 octobre 2007 et le 11 juin 2009 à la suite de cessions sur le marché secondaire d'autorisations d'utilisation de fréquences qui ont initialement été délivrées aux candidats retenus à l'issue de l'appel à candidatures lancé en 2005.
La délivrance à la société Altitude Wireless des autorisations acquises à la suite de ces cessions, autorisées par l'Autorité en application de l'article L. 42-3 du code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), s'est accompagnée du transfert à son profit des droits et obligations des candidats retenus à l'issue de l'appel à candidatures de 2005.
Ces autorisations permettent à la société Altitude Wireless d'exploiter un réseau point à multipoint pour du service fixe ou nomade.
A chacune de ces autorisations est annexé un cahier des charges qui contient les prescriptions que la société Altitude Wireless doit respecter dans la bande 3,4-3,6 GHz.
En vertu des dispositions du cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation susvisées, la société est tenue de se conformer à des obligations de déploiement comportant deux niveaux.
D'une part, la société doit utiliser de manière effective ses fréquences, au sens du paragraphe « 1.3 Calendrier de déploiement » de l'annexe 1 du cahier des charges, dans chaque département des régions sur lesquelles elle est autorisée, en déployant au moins un site d'émission de boucle locale radio par département et en commercialisant une offre de service sur ce département.
D'autre part, la société doit, en application du paragraphe de l'annexe 2 du cahier des charges relatif aux « Obligations en matière d'ampleur territoriale de déploiement », déployer un nombre de sites déterminé par région (ou par département pour l'autorisation délivrée à la société dans les Deux-Sèvres), selon trois échéances (31 décembre 2008, 31 décembre 2010 et 31 décembre 2013) et en distinguant deux zones de déploiement : les unités urbaines de plus de 50 000 habitants et hors de ces unités urbaines.
Par ailleurs, comme le prévoit l'annexe 1 du cahier des charges, au paragraphe intitulé « Redevances dues par le titulaire de l'autorisation », la société Altitude Wireless doit s'acquitter du paiement des redevances prévues par l'article 2 du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé, pris en application du décret n° 2007-1531 du même jour, qui dispose :
« Les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences (...) accordée par décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis :
― au paiement d'une redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques dont le montant est déterminé conformément au chapitre Ier du présent décret ;
― au paiement d'une redevance annuelle de gestion dont le montant est destiné à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences et déterminé conformément au chapitre II du présent décret ; (...) ».
Le montant de la redevance domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques est déterminé conformément aux articles 4 et 6 du décret n° 2007-1532 précité ; celui de la redevance de gestion de fréquences est déterminé par l'article 13 de ce même décret.
Par un courrier en date du 20 juillet 2011, le directeur des affaires juridiques de l'Autorité a notifié à la société Altitude Wireless l'ouverture de la procédure prévue à l'article L. 36-11 du CPCE, pour un non-respect éventuel des prescriptions définies aux annexes 1 et 2 du cahier des charges de chacune des autorisations susvisées dont la société est titulaire.
A la suite de l'instruction menée par les rapporteurs, qui s'est notamment appuyée sur les réponses apportées par la société Altitude Wireless au questionnaire qui lui a été transmis, il a été établi que la société a manqué, d'une part, à ses obligations en matière de déploiement résultant du cahier des charges annexé à chacune de ses autorisations et, d'autre part, à son obligation de paiement de la redevance de gestion due au titre des années 2008 à 2011 et de paiement de la redevance de mise à disposition due au titre des années 2008, 2009 et 2011 résultant de ce même cahier des charges.
Ainsi, le directeur général de l'Autorité a, par une décision du 21 novembre 2011, mis en demeure la société de :
― justifier, à la date du 30 juin 2012, du respect de l'obligation d'acquittement des sommes dues au titre des redevances de gestion et de mise à disposition des fréquences, prévue au cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation susvisées, en fournissant, dans ce délai, les justificatifs pertinents relatifs au paiement des redevances dues à ce jour ;
― respecter, à la date du 30 juin 2012, l'obligation d'utilisation effective des fréquences qui lui ont été attribuées, dans chacun des départements sur lesquels portent les décisions n° 2007-0505, n° 2007-0508, n° 2007-0509, n° 2007-0511, n° 2007-0512, n° 2007-0513 et n° 2007-0514 en date du 7 juin 2007, et n° 2007-0886 et n° 2007-0887 en date du 16 octobre 2007 ;
― respecter les dispositions relatives aux obligations en matière d'ampleur territoriale de déploiement figurant au cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation n° 2007-0505, n° 2007-0506, n° 2007-0508, n° 2007-0509, n° 2007-0510, n° 2007-0511, n° 2007-0512, n° 2007-0513 et n° 2007-0514 en date du 7 juin 2007, n° 2007-0886 et n° 2007-0887 en date du 16 octobre 2007 et n° 2009-0505 en date du 11 juin 2009 dans le calendrier suivant :
― d'ici au 30 juin 2012 : déploiement d'un nombre de sites au moins égal à la moitié du nombre de sites que la société s'était engagée à déployer pour le 30 juin 2008 ;
― d'ici au 31 décembre 2012 : déploiement d'un nombre de sites au moins égal au nombre de sites que la société s'était engagée à déployer pour le 30 juin 2008 ;
― d'ici au 30 juin 2015 : déploiement d'un nombre de sites au moins égal au nombre de sites que la société s'était engagée à déployer pour le 31 décembre 2010.
Le contrôle mené par les rapporteurs concernant la première échéance de la mise en demeure, fixée au 30 juin 2012, a fourni les résultats suivants :
A cette date, la société :
― a respecté, dans la région Haute-Normandie, chacun des deux niveaux de l'obligation de déploiement prévue par la première échéance, en utilisant ses fréquences de manière effective dans les deux départements de la région et en ayant déployé à cette date la moitié du nombre de sites qu'elle s'était engagée à déployer au 30 juin 2008 (45 sites au total) ;
― n'a déployé aucun site dans la région Auvergne (sur les 48 sites qu'elle devait y déployer au total) comme dans la région Champagne-Ardenne (sur les 49 qu'elle devait y déployer au total) et ne satisfait donc, dans chacune de ces régions, à aucun des deux niveaux de l'obligation de déploiement ;
― a fait des déploiements partiels dans les huit autres régions et le département des Deux-Sèvres.
Plus précisément, s'agissant de ces 8 régions, il est ressorti du contrôle mené par les rapporteurs les résultats figurant dans le tableau ci-dessous :

PÉRIMÈTRES
géographiques

DÉPLOIEMENTS HORS
unités urbaines

DÉPLOIEMENTS DANS
les unités urbaines

UTILISATION EFFECTIVE
des fréquences au 30 juin 2012
(déploiements d'un site par département,
avec ouverture commerciale)

Nombre de sites
déployés
au 30 juin 2012

Nombre de sites
devant être
déployés au
30 juin 2012

Nombre de sites
déployés au
30 juin 2012

Nombre de sites
devant être
déployés au
30 juin 2012

Respect

Non-respect

Basse-Normandie

46

35

0

7

Calvados, Manche, Orne

 

Centre

1

35

0

23

Eure-et-Loir

Cher, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret

Franche-Comté

46

31

0

8

Doubs, Jura

Territoire de Belfort, Haute-Saône

Lorraine

81

66

0

23

Meurthe-et-Moselle, Meuse, Vosges

Moselle

Midi-Pyrénées

125

82

0

21

Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Lot, Tarn-et-Garonne

Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn

Nord - Pas-de-Calais

1

26

1

70

Nord, Pas-de-Calais

 

Pays de la Loire

23

48

0

28

Loire-Atlantique, Vendée

Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe

Deux-Sèvres

47

22

0

1

Deux-Sèvres

 

Rhône-Alpes

7

77

0

69

Ain, Drôme, Isère, Loire, Rhône, Savoie, Haute-Savoie

Ardèche


Eu égard aux manquements constatés, il a été fait grief à la société Altitude Wireless de ne pas avoir, à la date du 30 juin 2012 :
― respecté l'obligation d'utilisation effective des fréquences qui lui ont été attribuées, dans les régions sur lesquelles portent les décisions n° 2007-0505, n° 2007-0508, n° 2007-0509, n° 2007-0511, n° 2007-0512 et n° 2007-0514 en date du 7 juin 2007 et n° 2007-0886 et n° 2007-0887 en date du 16 octobre 2007 ;
― déployé hors des unités urbaines et dans les unités urbaines un nombre de sites au moins égal à la moitié du nombre de sites que la société s'était engagée à déployer dans chacune de ces unités pour le 30 juin 2008 et qui figure au cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation n° 2007-0505, n° 2007-0508, n° 2007-0509, n° 2007-0513 et n° 2007-0514 en date du 7 juin 2007 et n° 2007-0887 en date du 16 octobre 2007 ;
― déployé dans les unités urbaines un nombre de sites au moins égal à la moitié du nombre de sites que la société s'était engagée à déployer dans ces unités pour le 30 juin 2008 et qui figure au cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation n° 2007-0506, n° 2007-0511 et n° 2007-0512 en date du 7 juin 2007, n° 2007-0886 en date du 16 octobre 2007 et n° 2009-0505 en date du 11 juin 2009 ;
― justifié du respect de l'obligation d'acquittement des sommes dues au titre des redevances de gestion et de mise à disposition des fréquences, prévue au cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation susvisées, en fournissant, dans ce délai, les justificatifs pertinents relatifs au paiement des redevances dues à ce jour.


2. Observations de la société Altitude Wireless


Il ressort des observations écrites et orales formulées par la société Altitude Wireless les éléments suivants.
Concernant l'utilisation effective des fréquences et les déploiements de sites, la société Altitude Wireless fait valoir, en premier lieu, que le groupe auquel elle est adossée est le « premier investisseur en France du Wimax » : à ce titre, elle indique que le groupe a investi pour la construction de réseaux Wimax « 150 millions d'euros dont 43 ont été investis sur fonds propres », que la filiale Altitude Infrastructures gère 16 réseaux d'initiative publique Wimax et que 856 points hauts sont exploités, essentiellement en zones blanches. La société estime que « sur les 30 000 clients finaux ayant opté pour une solution d'accès au haut débit via le Wimax, 57 % le sont sur les réseaux exploitant des fréquences qu'Altitude Wireless est autorisée à utiliser », que « 90 % des zones où les fréquences d'Altitude Wireless sont utilisées sont des zones rurales pour lesquelles aucune solution alternative comparable ne pourra être mise en œuvre à moyen terme » et que « 500 clients professionnels dont dépend la pérennité de leur activité bénéficient d'un accès Wimax sur les réseaux ».
La société rappelle, en deuxième lieu, son partenariat avec la société Autoroute Paris Rhin Rhône en vue de « développer des usages innovants sur le domaine autoroutier ». Elle ajoute que « la couverture du domaine public autoroutier, soit 2 279 kms, qui pourrait en découler, constitue une opportunité de développement des usages et de l'utilisation des fréquences Wimax très important », afin notamment de « démontrer l'intérêt du Wimax pour les solutions "Machine to Machine” ».
Elle indique, en troisième lieu, mener des « actions de soutien aux acteurs publics de l'aménagement numérique des territoires » en mettant ses fréquences à leur disposition, notamment lorsqu'elle n'a pas de projets de déploiement à court terme. La société précise « qu'elle a toujours été vigilante afin que les fréquences qui lui sont allouées ne restent pas inutilement sans usage ». A cet égard, la société fait état de l'envoi d'une centaine de courriers adressés à des collectivités locales et associations de maires, auxquelles elle a transmis une proposition de convention de mise à disposition de ses fréquences. Elle fait valoir que, à la suite de ces propositions, « de nombreux contacts ont été pris et devront être poursuivis aux fins d'identifier les zones territoriales où l'utilisation du Wimax pourrait s'imposer ».
La société fait part, en quatrième lieu, des actions qu'elle s'attache à mener en faveur de la montée en débit grâce aux réseaux Wimax, estimant que le Wimax est une « solution d'avenir », complémentaire par rapport aux autres technologies pour l'aménagement numérique du territoire. Ces actions justifient la demande faite auprès de l'ARCEP de spectre supplémentaire dans certaines zones. Elle estime que les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN), une fois finalisés, permettront de mettre en évidence les zones où les solutions de boucle locale radio pourront s'avérer pertinentes.
La société Altitude Wireless fait valoir, en cinquième lieu, que « la situation a évolué de façon intense et imprévisible » depuis le lancement, en 2005, de l'appel à candidatures pour l'attribution des autorisations d'utilisation de fréquences de boucle locale radio de la bande 3,4-3,6 GHz et que, par conséquent, les objectifs initialement poursuivis ne correspondent plus à la réalité économique. En particulier, de multiples nouvelles technologies (comme le dégroupage, le NRA-ZO, ou encore le démultiplexage opérés par France Télécom) ont réduit l'espace économique en zones urbaines aussi bien qu'en zones blanches. La société en déduit que la nature et la portée des engagements pris par les opérateurs dans le cadre de cet appel à candidatures, lesquels engagements se fondaient sur des critères d'attribution des droits d'utilisation des fréquences « refléta[nt] ces objectifs », sont en décalage avec la situation de marché actuelle et la disponibilité des équipements. La société Altitude Wireless estime que, par « l'effet naturel de la concurrence », les objectifs de l'ARCEP sont remplis au vu des offres disponibles et des débits offerts sur l'ensemble du territoire grâce aux différentes technologies existantes.
Lors de l'audience du 16 octobre 2012, la société a fait part des perspectives d'utilisation de ses fréquences (notamment avec l'arrivée prochaine de la technologie LTE) et s'est engagée :
― d'une part, à restituer ses fréquences dans les 14 départements où elle indique ne pas avoir identifié de potentialités pour le développement de projets de boucle locale radio : le Territoire de Belfort, la Haute-Saône, la Mayenne, l'Ardèche, le Cher, l'Indre, le Loire-et-Cher, le Loiret, l'Allier, le Cantal, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme, les Ardennes et la Haute-Marne ;
― d'autre part, à utiliser de manière effective ses fréquences, entre fin 2012 et 2014, dans 9 des départements couverts par ses autorisations dans lesquels elle n'a, à ce jour, réalisé aucun déploiement.
La société a confirmé ces engagements par courrier du 5 novembre 2012, enregistré le 8 novembre.
Dans ce courrier, la société présente ses projets de déploiement « à court ou moyen terme » sur les 9 des 23 départements qui n'ont, à ce jour, « pas fait l'objet d'investissements » et les résume dans le tableau reproduit ci-après :

DÉPARTEMENTS

ÉCHÉANCE

Hautes-Pyrénées, Sarthe, Maine-et-Loire

Fin 2012 : mise à disposition [...]

Gers, Aube, Marne, Tarn

2014 : réalisation d'au moins une BS dans le cadre de la mise en œuvre des SDAN

Moselle

2013 : réalisation d'au moins une BS

Indre-et-Loire

2013 : réalisation d'au moins une BS


Elle ajoute qu'« [e]n contrepartie » de la restitution de ses fréquences dans les 14 départements précités, elle « souhait[e] que l'ARCEP renonce définitivement à toute poursuite envers [elle] au titre du respect des engagements de déploiement de stations de base sur les départements pour lesquels [elle] conserver[ait] le droit d'utilisation des fréquences dont [elle] aur[a] revus les objectifs au 31 décembre 2013 ». Pour ces départements, la société « propos[e à l'ARCEP] un rendez-vous annuel qui (...) permettra d'analyser l'état d'avancement des projets » précédemment évoqués et indique renoncer au droit d'utiliser les fréquences sur les territoires concernés « [s]i nous constatons d'un commun accord que ces projets restent trop indéfinis ».
Concernant l'état de paiement, au 30 juin 2012, des redevances de gestion et de mise à disposition des fréquences dues au titre des années 2008 à 2011, la société Altitude Wireless considère que « les obligations de paiement sont suspendues » pour les redevances dues pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 dans la mesure où elle a saisi la juridiction administrative de recours en annulation.
Dans son courrier du 5 novembre 2012, enregistré le 8 novembre, la société « propos[e] que la part de ces redevances non réglée et liée aux 14 départements auxquels [elle] renoncer[rait] soit annulée à compter de la date d'attribution desdites autorisations d'utilisation ».


3. Analyse de l'Autorité sur les déploiements


Il résulte de l'état des lieux des déploiements au 30 juin 2012, tel que présenté dans la partie 1, que la société a commis des manquements à ses obligations dans le département des Deux-Sèvres et les dix régions suivantes : Auvergne, Champagne-Ardenne, Basse-Normandie, Centre, Franche-Comté, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Rhône-Alpes.
L'Autorité considère que de tels manquements, dont la réalité n'est pas contestée par la société, ont des conséquences dommageables sur la bonne utilisation du domaine public hertzien de l'Etat à laquelle l'Autorité est tenue de veiller en vertu de l'article L. 32-1 du CPCE.
De plus, en matière de services fixes, et sans qu'il soit question d'imposer un choix technologique particulier aux titulaires, l'Autorité constate que des technologies existent (des stations de base et des terminaux sont utilisés en Wimax), des équipements sont commercialisés et déployés (dont certains sont compatibles Wimax et LTE, permettant le passage d'une technologie à l'autre) et une offre de service est disponible.
Si la société n'estime pas faisable ou trop risqué économiquement de respecter ses engagements de déploiement au vu d'un écosystème qu'elle juge défavorable, elle garde la possibilité de demander à l'Autorité l'abrogation de ses autorisations sur l'ensemble ou une partie seulement du territoire sur lequel elle est autorisée. Plusieurs titulaires qui ont estimé ne pas avoir de projet de déploiement suffisamment concret l'ont d'ailleurs fait.
Dès lors, les difficultés dont la société se prévaut ne sont pas de nature à l'exonérer des obligations qui s'imposent à elle en vertu des autorisations qui lui ont été attribuées.
Toutefois, il convient de tenir compte des éléments d'appréciation suivants.
En premier lieu, il est apparu que l'écosystème de la boucle locale radio s'est avéré globalement défavorable. En effet, comme le directeur général le reconnaissait dans sa décision de mise en demeure du 21 novembre 2011 : « le déploiement à ce jour uniquement partiel des réseaux de boucle locale radio par la société Altitude Wireless peut s'expliquer en partie par le décalage significatif, subi par les acteurs de ce marché, entre la réalité technico-économique et les prévisions faites lors des procédures d'attribution des autorisations de boucle locale radio. »
En deuxième lieu, et malgré cet écosystème globalement défavorable, le groupe Altitude auquel est adossée la société Altitude Wireless rappelle qu'il a réalisé des investissements significatifs pour déployer le réseau Wimax de sa filiale sur l'ensemble des territoires sur lesquels elle est autorisée (de l'ordre de 43 millions d'euros sur fonds propres).
A cet égard, il convient de relever que la société a consenti des efforts, même s'ils restent insuffisants et devront être poursuivis, pour déployer un réseau de boucle locale radio de la bande 3,4-3,6 GHz dans un certain nombre de territoires sur lesquels elle est autorisée, notamment hors des unités urbaines, et ce dans un objectif d'aménagement du territoire. Dans les territoires où elle a réalisé des déploiements, la société a mis en œuvre des projets de service fixe, conformément aux obligations figurant dans ses autorisations.
Ainsi, s'agissant des autorisations dans le département des Deux-Sèvres et dans les régions Basse-Normandie, Franche-Comté, Lorraine et Midi-Pyrénées, la société Altitude Wireless respecte, au 30 juin 2012, à plus de 75 % son obligation régionale de déploiement en nombre de sites, étant précisé que les sites manquants se situent exclusivement dans les unités urbaines de plus de 50 000 habitants. De plus, dans ce département et ces quatre régions, la société satisfait à son obligation départementale de déploiement en faisant une utilisation effective de ses fréquences dans 14 départements sur 20 (soit 3 départements de plus par rapport au jour de la mise en demeure).
En revanche, s'agissant des régions Auvergne, Centre, Champagne-Ardenne, Nord - Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Rhône-Alpes, l'Autorité constate qu'il manque sur ces territoires entre 70 % et 100 % des sites que la société Altitude Wireless devait avoir déployés pour le 30 juin 2012 conformément à son obligation régionale de déploiement, et ne satisfait à son obligation départementale de déploiement en faisant une utilisation effective de ses fréquences que dans 12 départements sur 29.
Il convient néanmoins de noter que la société a consenti, depuis la mise en demeure, des efforts de déploiements sur ces six régions qui, même s'ils restent largement insuffisants, se sont traduits par le déploiement d'un site par département dans 10 départements de plus, ce qui lui a notamment permis de respecter, au 30 juin 2012, son obligation d'utilisation effective des fréquences dans la région Nord - Pas-de-Calais.
En troisième lieu, il n'est pas contestable que la société a consenti des efforts, à l'issue de la décision de mise en demeure, pour proposer à un grand nombre de collectivités et autres acteurs de mettre ses fréquences à leur disposition et que peu d'acteurs se sont montrés intéressés par les fréquences concernées.
En quatrième lieu, il ressort des observations écrites et orales de la société Altitude Wireless une volonté de poursuivre son projet de boucle locale radio sur certains des territoires couverts par ses autorisations : non seulement ceux sur lesquels elle a d'ores et déjà réalisé des déploiements, mais également ceux sur lesquels elle n'en a, à ce jour, réalisé aucun, mais fait état de projets à court ou moyen terme.
A ce titre, pour 9 des 23 départements dans desquels elle n'a déployé aucun site au 30 juin 2012, la société s'engage à :
― déployer et ouvrir commercialement au moins un site d'ici 2013 dans le département de la Moselle (la société indique que le groupe Altitude est présent sur ce territoire dans le cadre de l'établissement de plusieurs réseaux d'initiative publique et des solutions hertziennes sont nécessaires et impliquent une utilisation de ses fréquences) et dans le département d'Indre-et-Loire (la société estime que « ce territoire offre de fortes perspectives d'utilisation des technologies radios pour améliorer l'accès au haut débit ») ;
― mettre à disposition ses fréquences [...] dans les départements des Hautes-Pyrénées, de Maine-et-Loire et de la Sarthe, d'ici à la fin de l'année 2012 (la société justifie ce projet de mise à disposition en indiquant que [...] ; elle précise que les discussions sont à un stade avancé et un accord est en cours de finalisation) ;
― accompagner des projets de montée en débit par voie hertzienne figurant dans les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN) dans les départements du Gers, du Tarn, de l'Aube et de la Marne, pour assurer dans ce cadre, d'ici à 2014, le déploiement d'au moins un site par département.
Il ressort ainsi des éléments prospectifs dont la société fait état une volonté ferme de sa part de satisfaire, à court terme, à son obligation départementale d'utilisation effective des fréquences.
L'Autorité note que, si les engagements pris par la société sur les 9 départements précités n'ont pas vocation à lui permettre de satisfaire à court ou moyen terme à son obligation régionale de déploiement en nombre de sites, il y a lieu toutefois, eu égard à l'écosystème globalement défavorable de la boucle locale radio et s'agissant spécifiquement du contrôle de la première échéance de la mise en demeure du 21 novembre 2011, de tenir compte des engagements pris par la société sur ces 9 départements, lesquels permettent d'attester de la crédibilité de déploiements futurs à court terme. L'Autorité sera attentive à la réalisation de ces déploiements et à la poursuite des projets de la société. Elle note à cet égard que la société Altitude Wireless indique renoncer au droit d'utiliser les fréquences sur les territoires concernés s'il est constaté que ces projets restent trop indéfinis.
En cinquième lieu, la société s'engage à restituer à l'Autorité les fréquences qui lui ont été attribuées dans 14 des 23 départements dans lesquels elle n'a, à ce jour, déployé aucun site et n'a aucun projet futur, à savoir :
― l'ensemble des fréquences de boucle locale radio de la bande 3,4-3,6 GHz dont elle est titulaire dans la région Auvergne (restitution des fréquences dans les départements Allier, Cantal, Haute-Loire et Puy-de-Dôme) ; et
― une partie de celles dont elle titulaire dans les régions Franche-Comté (restitution des fréquences dans les départements du Territoire de Belfort et de la Haute-Saône), Champagne-Ardenne (restitution des fréquences dans les départements des Ardennes et de la Haute-Marne), du Pays de la Loire (restitution des fréquences dans le département de la Mayenne), du Centre (restitution des fréquences dans les départements du Cher, de l'Indre, de Loir-et-Cher et du Loiret), et Rhône-Alpes (restitution des fréquences dans le département Ardèche).
L'Autorité prend note que la société est disposée à « renoncer, sans délai, aux licences d'utilisation de fréquences » qui lui ont été accordées dans ces 14 départements. Mais elle considère que la demande formulée par la société, tendant à ce que « l'ARCEP renonce définitivement à toute poursuite envers [elle] au titre du respect des engagements de déploiement » sur les départements pour lesquels elle souhaite conserver un droit d'utilisation des fréquences, est dénuée de toute fondement et qu'elle ne peut donc qu'être rejetée.
En effet, les obligations de déploiement inscrites dans les autorisations d'utilisation de fréquences susvisées, délivrées à la société Altitude Wireless, sont maintenues et la présente décision est sans préjudice de l'attention que l'Autorité continuera de porter sur le respect de ces obligations par le titulaire.
Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de sanctionner la société Altitude Wireless sur le fondement de l'article L. 36-11 du CPCE pour les manquements constatés au respect des prescriptions de déploiement fixées par la première échéance de la décision de mise en demeure du directeur général de l'Autorité, dans le département des Deux-Sèvres et les 11 régions pour lesquelles elle est titulaire d'autorisations d'utilisation de fréquences dans la bande 3,4-3,6 GHz.
L'Autorité veillera au respect par la société des engagements pris ainsi qu'à la poursuite de ses déploiements.
Il convient de préciser que la société Altitude Wireless peut remplir ses obligations de déploiement par un déploiement en propre de sites équipés de stations de bases. La société peut également atteindre ses obligations en mettant à disposition ses fréquences à des opérateurs tiers, notamment des collectivités territoriales ou des opérateurs délégataires de ces dernières, sous réserve que ceux-ci puissent exploiter de façon durable et sécurisée un réseau de boucle locale radio. Elle peut aussi s'appuyer, le cas échéant, sur des accords de mutualisation de réseau ou de fréquences conclus avec d'autres titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour le déploiement de réseaux de boucle locale radio dans la bande 3,4-3,6 GHz dans les zones concernées.


4. Analyse de l'Autorité sur le paiement des redevances
4.1. Sur le non-respect par la société Altitude Wireless
de la mise en demeure


En vertu des dispositions du cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation susvisées, la société est tenue de se conformer à l'obligation d'acquittement des redevances annuelles de gestion et de mise à disposition des fréquences, instituées par le décret n° 2007-1531 du 24 octobre 2007, et dont les montants sont déterminés, pour la redevance de gestion, conformément à l'article 13 du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 et, pour la redevance de mise à disposition des fréquences, conformément aux articles 4 et 6 du même décret.
Il ressort des éléments de l'instruction que la société Altitude Wireless n'a apporté, au 30 juin 2012, aucun élément permettant de justifier du paiement de la redevance de gestion pour les années 2008 à 2011 et de la redevance de mise à disposition pour les années 2008, 2009 et 2011.
Elle ne s'est donc pas conformée aux obligations prévues par la mise en demeure du directeur général de l'Autorité en date du 21 novembre 2011.


4.2. Sur les justifications apportées par la société Altitude Wireless


Dans son courrier, enregistré le 25 juillet 2012, relatif à l'état de paiement, au 30 juin 2012, des redevances de gestion et de mise à disposition des fréquences dues, la société Altitude Wireless indique que, pour la redevance de gestion à payer au 30 juin 2012 au titre des années 2008 à 2011 et pour la redevance de mise à disposition à payer à cette même date au titre des années 2008, 2009 et 2011 : « la juridiction administrative est saisi d'un recours en annulation, les obligations de paiement sont donc suspendues ».
Mais l'Autorité estime que « les recours en annulation », auxquels la société Altitude Wireless fait référence et qui semblent correspondre aux recours en opposition qu'elle a formés contre les ordres de paiement et titres de perception émis pour ces redevances, n'ont pas l'effet que la société leur prête. De tels recours ont pour seul effet de suspendre le recouvrement forcé des créances concernées, sans suspendre leur exigibilité, laquelle a été constatée par les ordres de paiement et titres de perception émis, et sans préjudice de la mise en œuvre par l'ARCEP des pouvoirs qu'elle tire de l'article L. 36-11 du CPCE. Ces recours n'exonèrent donc pas la société de l'obligation qui est la sienne de s'acquitter de sa dette à compter de la réception des ordres de paiement émis par l'ordonnateur de l'ARCEP et, par suite, de se conformer à l'obligation lui incombant en vertu de ses autorisations d'utilisation de fréquences.
Or la société n'a fourni, à la date du 30 juin 2012, aucun justificatif pertinent permettant d'attester du paiement des redevances dues au jour de la mise en demeure, soit un montant de 1 220 970,85 euros pour la redevance de gestion et un montant de 484 926,02 euros pour la redevance de mise à disposition.
Par ailleurs, l'Autorité considère qu'il y a lieu d'écarter la demande, dénuée de tout fondement, formulée par la société dans son courrier du 5 novembre 2012, enregistré le 8 novembre, tendant à ce que « la part de ces redevances non réglée et liée aux 14 départements auxquels [elle] renoncer[rait] soit annulée à compter de la date d'attribution desdites autorisations d'utilisation ».


4.3. Conclusion


L'Autorité estime, au vu des faits et des motifs exposés ci-avant, qu'il y a lieu de sanctionner la société Altitude Wireless pour avoir manqué à son obligation de justifier, au 30 juin 2012, du respect de l'obligation d'acquittement des sommes dues au titre des redevances de gestion et de mise à disposition des fréquences, prévue au cahier des charges annexé à chacune des décisions d'autorisation susvisées.
Aux termes du 2° de l'article L. 36-11 du CPCE : « 2° Lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8, à la mise en demeure prévue au 1° du présent article ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes : [...] b) Soit, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale : ― une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation [...] ».
Le chiffre d'affaires de la société Altitude Wireless en 2011 atteignait 640 000 euros et l'avantage économique retiré par la société du non-paiement de ces redevances, ne serait-ce qu'en termes de facilité de trésorerie, est très supérieur au montant correspondant au 3 % de ce chiffre d'affaires.
Il résulte de tout ce qui précède que, eu égard à la gravité du manquement constaté et aux conséquences dommageables pour l'exercice d'une concurrence effective et loyale entre les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences de boucle locale radio de la bande 3,4-3,6 GHz liées au non-paiement par la société de redevances que les autres titulaires payent, il y a lieu de prononcer à l'encontre de la société Altitude Wireless une sanction de 19 000 € correspondant à 3 % de son chiffre d'affaire pour 2011.
Décide :