Dans ses observations, la société Enr'Sun soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du non-respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement et des conséquences qui en découlent pour le raccordement au réseau public de distribution de son installation de production aux motifs que le différend oppose un gestionnaire de réseau de distribution à un utilisateur de ce réseau et qu'il porte sur l'accès audit réseau.
Elle estime que la société ERDF n'a respecté ni les textes légaux et réglementaires applicables aux demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité ni sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement.
La société Enr'Sun affirme ainsi que la société ERDF devait, en application de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui devenu l'article L. 111-93 du code de l'énergie), justifier son refus de délivrer une proposition technique et financière par des impératifs liés à l'accomplissement d'une mission de service public ou par des motifs tenant à la sécurité, la sûreté ou la qualité de fonctionnement des réseaux.
Elle soutient également que, selon la délibération de la Commission de régulation de l'énergie en date du 11 juin 2009, le gestionnaire de réseau public de transport doit garantir un accès efficace à ce réseau.
La société Enr'Sun considère, ainsi, que la société ERDF a fait preuve de discrimination dans le traitement de sa demande et a commis un manquement en ne respectant pas la procédure qui s'y appliquait.
Elle ajoute que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait être applicable à sa demande de raccordement, dès lors qu'elle avait formulé une demande de contrat d'achat à la société EDF-OA préalablement à l'entrée en vigueur de la suspension d'obligation d'achat instaurée par ce même décret, demande dont il avait été accusé réception le 9 août 2010.
La société Enr'Sun estime par ailleurs que la société ERDF a fait une application erronée de ce décret puisque l'obligation d'achat ne relevait pas de sa compétence à la date où elle a formulé sa demande de contrat d'achat et qu'elle n'a pas présenté de nouvelle demande pendant la période de suspension instaurée par le décret.
Elle soutient également que le décret du 9 décembre 2010 n'a jamais enjoint aux gestionnaires de réseaux de suspendre la délivrance de toutes les propositions techniques et financières.
La société Enr'Sun en conclut que le décret du 9 décembre 2010 ne s'applique pas à la présente espèce.
La société Enr'Sun demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
― mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence ;
Par conséquent :
― traiter le projet d'installation de production photovoltaïque de la société Enr'Sun comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 26 novembre 2010 ;
― délivrer une proposition technique et financière à compter de sa décision, sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard ;
― dire qu'en cas d'acceptation de la proposition technique et financière la société ERDF ne pourra opposer les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ayant suspendu les demandes de contrat d'achat, puisque le dossier objet du présent litige n'est pas concerné par ce texte.
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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
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Vu la lettre du directeur, adjoint au directeur général, du 9 août 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 20 septembre 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocats Me Michel GUÉNAIRE et Me Sylvain BERGÈS, cabinet Gide Loyrette Nouel, 22, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société ERDF soutient que la saisine de la société Enr'Sun est irrecevable dès lors que cette société n'a produit aucun extrait K bis, en méconnaissance des dispositions de l'article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions.
Elle expose également que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaître des demandes de la société Enr'Sun dans la mesure où celles-ci ne concernent pas réellement l'accès au réseau public de distribution d'électricité, mais visent à faire échec à l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 et à la reconnaissance de la validité d'un contrat d'achat d'électricité.
La société ERDF ajoute que le comité de règlement des différends et des sanctions, dans une affaire similaire, a rejeté les demandes d'un producteur tendant à ce que le comité constate que son acceptation de la proposition technique et financière soit réputée acquise à une date antérieure au 2 décembre 2010.
Elle ajoute qu'elle était tenue d'interrompre le traitement des demandes de raccordement concernées par la suspension de l'obligation d'achat et de ne pas délivrer de proposition technique et financière à la société Enr'Sun en application des dispositions du décret du 9 décembre 2012.
La société ERDF précise que le comité de règlement des différends et des sanctions a considéré dans plusieurs décisions du 11 juin 2012 que le non-respect du délai de trois mois dans la délivrance d'une proposition technique et financière ne permet pas, dans le silence des textes, d'écarter l'application du décret du 9 décembre 2010.
Elle soutient que la demande de contrat d'achat que le producteur a lui-même effectuée auprès de la société EDF est insusceptible de le faire échapper aux dispositions du décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF rappelle que le comité de règlement des différends et des sanctions n'étant pas compétent pour fixer des astreintes, la demande de la société Enr'Sun tendant à ce que le comité enjoigne à la société ERDF de lui délivrer une proposition technique et financière sous astreinte de 500 euros par jour de retard ne pourra qu'être rejetée.
Elle fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut se prononcer que s'il est saisi d'un différend et que son intervention doit conduire à la résolution dudit différend.
La société ERDF estime que la seule question soumise au comité de règlement des différends et des sanctions est donc celle de la méconnaissance de sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Elle en conclut donc qu'aucun différend n'existe entre les sociétés dès lors qu'il n'y a aucun litige concernant le fait que la société ERDF aurait ou non délivré une proposition technique et financière dans un délai donné à compter de la date de qualification de la demande de raccordement.
La société ERDF expose que le législateur n'a pas imparti de délai impératif pour la délivrance d'une proposition de raccordement et que la Commission de régulation de l'énergie ne disposait d'aucune compétence, en application des dispositions de l'article L. 134-1 du code de l'énergie, pour fixer comme elle l'a fait un tel délai.
Elle ajoute qu'il ressort d'une jurisprudence établie des juridictions administratives et judiciaires qu'en l'absence de sanction expressément prévue, comme en l'espèce, par le texte qui fixe un délai, ce dernier doit être vu comme dénué de valeur impérative et que le comité de règlement des différends et des sanctions a d'ailleurs reconnu le caractère indicatif du délai de trois mois pour la délivrance d'une proposition de raccordement dans sa décision Vol-V Solar du 22 juin 2011.
Elle indique avoir été confrontée à une situation exceptionnelle durant l'été 2010, s'assimilant à un cas de force majeure, justifiant le retard de quelques jours dans la délivrance d'une proposition de raccordement à la société Enr'Sun.
La société ERDF précise, enfin, que la reconnaissance par le comité de règlement des différends et des sanctions d'une méconnaissance de la procédure de traitement des demandes de raccordement par le gestionnaire de réseau ne saurait être assimilée à la reconnaissance d'une faute, comme l'a rappelé le comité de règlement des différends et des sanctions dans sa décision précitée Vol-V Solar.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― déclarer irrecevable la demande de règlement de différend de la société Enr'Sun ;
A titre subsidiaire :
― constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― se déclarer incompétent pour constater que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement ;
― constater que le délai pour délivrer une proposition technique et financière n'est pas opposable à la société ERDF ;
― constater que la société ERDF a été confrontée à une situation exceptionnelle qui explique le dépassement de ce délai ;
En tout état de cause :
― rejeter l'ensemble des demandes de la société Enr'Sun.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 11 octobre 2012, présentées par la société Enr'Sun.
La société Enr'Sun affirme que sa demande est recevable, un extrait K bis ayant été fourni avec les écritures produites par son conseil.
Elle soutient également que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître de sa demande car le différend, d'une part, oppose un gestionnaire de réseau et un utilisateur de celui-ci et, d'autre part, est lié à l'accès et à l'utilisation du réseau, ainsi que le prévoit l'article 38 de la loi du 10 février 2000 relative à la compétence du comité.
La société Enr'Sun ajoute que la société ERDF, en ignorant les relances et les mises en demeure, a délibérément méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement et a fait preuve d'un traitement discriminatoire infondé à son encontre.
Elle considère, enfin, qu'en refusant de fournir la proposition technique et financière sollicitée, alors même que la société EDF-OA avait confirmé sa demande de contrat d'achat préalablement à l'entrée en vigueur de la suspension d'obligation d'achat instaurée par le décret du 9 décembre 2010, la société ERDF s'est octroyée un pouvoir d'interprétation dudit décret, qui ne prévoyait nullement d'interrompre la fourniture des propositions techniques et financières.
La société Enr'Sun affirme ainsi qu'en appliquant la suspension prévue par le décret du 9 décembre 2010 à sa demande, la société ERDF a excédé sa compétence.
La société Enr'Sun persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 21 janvier 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 19-38-11 ;
Vu la décision du 18 mars 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par la société Enr'Sun ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terres et autres.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 5 novembre 2012, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Pierre-François RACINE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint ;
Me Rémi ANTOMARCHI, pour la société Enr'Sun ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Michel GUÉNAIRE.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Rémi ANTOMARCHI pour la société Enr'Sun ; la société Enr'Sun persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Michel GUÉNAIRE pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 5 novembre 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la recevabilité de la demande de la société Enr'Sun :
La société Enr'Sun a communiqué un extrait de K bis de moins de trois mois. Sa demande est donc recevable.
Sur l'application du décret du 9 décembre 2010 :
La société Enr'Sun demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence ;
― traiter le projet d'installation de production photovoltaïque de la société Enr'Sun comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 26 novembre 2010 ;
― délivrer une proposition technique et financière à compter de sa décision, sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard ;
― qu'en cas d'acceptation de la proposition technique et financière la société ERDF ne pourra opposer les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ayant suspendu les demandes de contrat d'achat, puisque le dossier objet du présent litige n'est pas concerné par ce texte.
Il ressort des pièces du dossier que la demande de proposition technique et financière a été adressée à la société ERDF le 26 novembre 2010.
Le décret du 9 décembre 2010 susvisé fait obligation au producteur qui n'a pu renvoyer avant le 2 décembre 2010 au gestionnaire de réseau une proposition technique et financière signée de renouveler sa demande de raccordement à l'expiration du délai de trois mois pendant lequel toutes les demandes de contrat d'obligation d'achat sont suspendues.
En l'espèce, la société Enr'Sun n'a pas été en mesure de renvoyer une proposition technique et financière signée avant le 2 décembre 2010.
L'intervention de ce décret, publié au Journal officiel le 10 décembre 2010, a donc dispensé la société ERDF d'adresser une proposition technique et financière à la société Enr'Sun.
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Décide :