T R A I T É
D'AMITIÉ ET DE COOPÉRATION ENTRE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'AFGHANISTAN
La République française et la République islamique d'Afghanistan, ci-après dénommées les Parties,
Se fondant sur les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies ;
Réaffirmant leur attachement aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, des droits de l'homme et de l'égalité de droits entre les hommes et les femmes, inscrits dans leur Constitution ;
Fidèles aux liens d'amitié anciens et profonds qui unissent leurs peuples ;
Résolues à renforcer leur partenariat dans la durée et à concourir à leur indépendance, à leur sécurité et à leur développement respectifs ;
Réaffirmant leur détermination à réduire la menace du terrorisme et de l'extrémisme sous toutes ses formes ;
Saluant la fraternité d'armes entre les forces de sécurité afghanes et les forces armées françaises ;
Honorant le sacrifice et la mémoire de tous ceux qui sont tombés dans le combat commun contre le terrorisme et pour la liberté ;
Désireuses d'accompagner le processus de transition puis, à l'issue de cette période, de maintenir une coopération étroite dans les domaines de la sécurité et de la défense ;
Déterminées à accroître leur coopération civile et leurs échanges économiques ;
Sont convenues de ce qui suit :
Article 1er
Objectifs
La République française et la République islamique d'Afghanistan perpétuent les liens d'amitié et de paix qui unissent leurs peuples.
Les Parties développent, dans les domaines d'intérêt commun, un partenariat équilibré qui contribue à l'indépendance, à la sécurité et au développement économique et social de la République islamique d'Afghanistan.
A ces fins, la Partie française poursuit son appui à la formation et à l'efficacité des forces de sécurité afghanes et à la consolidation de l'état de droit dans les domaines de la justice et de la démocratie.
Elle renforce sa coopération dans les secteurs de l'agriculture, de l'éducation, de la santé, de l'archéologie et des échanges culturels. Elle contribue au développement des compétences dans les domaines des infrastructures et des ressources minières ainsi qu'à la formation des cadres civils de l'Etat afghan.
Les programmes correspondants sont arrêtés d'un commun accord pour chaque période de cinq ans.
La Partie afghane œuvre par tous les moyens dont elle dispose pour prévenir et mettre fin à toute menace émanant de son territoire qui vise les intérêts de la République française.
Les autorités compétentes des Parties coopèrent sans réserve dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et les trafics de stupéfiants.
Les Parties développent un partenariat économique mutuellement avantageux.
Article 2
Cadre institutionnel
Les Parties renforcent leur dialogue politique et stratégique par des consultations régulières au plus haut niveau.
Outre les commissions mixtes mentionnées aux alinéas 3 et 4 du présent article, une commission mixte de coopération rassemble les représentants des ministères concernés des deux Parties et assure le suivi des programmes de coopération mentionnés à l'article 1er et la préparation des futurs programmes. La commission mixte de coopération se réunit une fois par an, alternativement en France et en Afghanistan.
Une commission mixte politico-militaire rassemble les représentants des ministères concernés des deux Parties et fait le point, chaque année, sur les questions politiques, de défense et de sécurité régionale intéressant les deux parties. Elle se réunit une fois par an, alternativement en France et en Afghanistan.
Une commission mixte de sécurité intérieure rassemble les représentants des ministères concernés des deux Parties et couvre les domaines de coopération en matière de police, de lutte contre la criminalité organisée et les trafics illégaux, en particulier les trafics de stupéfiants, et de sécurité civile. Elle se réunit une fois par an, alternativement en France et en Afghanistan.
Article 3
Défense et sécurité
Les Parties adaptent la mise en œuvre de leur coopération de sécurité et de défense à la situation sécuritaire en Afghanistan et se concertent étroitement sur la sécurité régionale.
La coopération entre les Parties est complémentaire des actions entreprises dans les cadres multilatéraux.
La Partie française conseille les institutions de défense afghanes et contribue à la formation des cadres des forces de sécurité afghanes. Elle apporte son soutien à la formation dans les écoles militaires afghanes.
Les militaires français qui agissent dans le cadre du présent traité ne sont en aucun cas engagés dans des opérations de combat. Le nombre d'experts militaires ainsi mis en œuvre fait l'objet d'une information lors de la réunion de la commission mixte politico-militaire.
Les marchandises et matériels militaires français qui entrent sur le territoire de la Partie afghane ne peuvent en principe pas être cédés à titre onéreux sur son territoire. Leur cession à titre gratuit ou onéreux ou leur destruction peut néanmoins être autorisée par la Partie française, sous réserve des conditions fixées par la Partie afghane.
La Partie française apporte son assistance en vue de créer une gendarmerie nationale afghane, que la Partie afghane déclare vouloir créer à partir de l'« Afghan National Civil Order Police ». Les Parties s'efforcent d'associer les gendarmeries nationales des autres pays européens intéressés à ce projet.
Les Parties développent leur coopération en matière de police judiciaire. La Partie française apporte son assistance à la police afghane en matière technique et scientifique.
Les Parties œuvrent conjointement, sous forme de coopération technique et opérationnelle, pour renforcer la lutte contre la criminalité organisée et les trafics, notamment de stupéfiants et d'êtres humains, ainsi que contre l'immigration illégale, dans le respect du droit et de la législation des deux pays.
Les services spécialisés des Parties coopèrent, sur la base de la réciprocité et dans le respect des législations respectives des deux Etats, notamment s'agissant des règles de protection des données personnelles, en vue, en particulier, de prévenir et entraver les menaces terroristes pouvant affecter le territoire ou les intérêts de chacune des deux parties.
La Partie française contribue au développement de l'expertise afghane en matière de sécurité civile.
Les Parties coopèrent dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, dans le respect de leurs engagements au titre des instruments multilatéraux pertinents auxquels elles ont souscrit ainsi que des obligations découlant du droit international.
Article 4
Agriculture et développement rural
La France soutient l'Afghanistan dans ses efforts en vue d'atteindre l'autosuffisance alimentaire puis une capacité d'exportation, d'augmenter le niveau de vie dans les zones rurales et de promouvoir un développement durable.
Dans ce but, elle apporte son expertise pour développer la productivité agricole, notamment en matière d'irrigation, d'amélioration des semences et de conservation des produits, d'élevage, de soutien vétérinaire et phytosanitaire, d'extension du système coopératif et d'enseignement technique agricole.
La France soutient également les actions de l'Afghanistan en vue de développer des filières de transformation des produits agricoles.
Article 5
Santé
Les Parties coopèrent en vue de contribuer à réduire le taux de mortalité maternelle et infantile, d'augmenter la capacité d'accès aux soins médicaux de qualité, notamment pour les femmes et les enfants et d'améliorer le niveau de formation des médecins et personnels médicaux.
La Partie française apporte son soutien aux institutions de santé afghanes, en particulier l'Institut médical français pour l'enfant (IMFE) de Kaboul.
Les Parties encouragent la coopération entre les établissements d'enseignement supérieur de formation médicale, pharmaceutique et d'administration hospitalière français et afghans, en particulier l'Université de médecine de Kaboul.
Article 6
Education et enseignement supérieur
Les Parties coopèrent en vue d'améliorer la qualité de l'enseignement ainsi que la gestion administrative et pédagogique des établissements afghans.
Elles œuvrent en vue de poursuivre et développer l'enseignement de la langue française.
Les Parties apportent leur soutien aux lycées Esteqlal et Malalaï de Kaboul, établissements éducatifs de la République islamique d'Afghanistan fondés par la République française. Elles déclarent leur intention de leur donner un statut d'établissements de référence susceptibles de servir de modèles à l'ensemble des établissements scolaires d'Afghanistan. Ces deux lycées peuvent être utilisés pour des actions de formation d'enseignants, de personnels administratifs et de membres des corps d'inspection.
La Partie française contribue à la formation des ingénieurs et chercheurs afghans à travers un partenariat entre l'Université polytechnique de Kaboul (UPK) et le Groupe des écoles des mines (GEM) et les universités françaises compétentes dans ce domaine. Elle encourage les échanges d'étudiants avec des écoles supérieures ou différentes universités françaises notamment à travers des bourses françaises délivrées par l'Etat et des fondations.
Article 7
Culture et archéologie
Les Parties coopèrent en vue d'encourager les échanges culturels entre les deux pays et la connaissance réciproque de leur culture. Des actions communes ont pour but de rendre la culture accessible à tous, hommes et femmes, de mettre en valeur le patrimoine culturel afghan et d'encourager la création culturelle.
Les Parties coopèrent en vue de contribuer à protéger le patrimoine archéologique afghan, à renforcer l'enseignement et la recherche universitaires historiques et archéologiques et à mettre en valeur les œuvres d'art et les éléments patrimoniaux.
Les Parties facilitent les activités de l'Institut français d'Afghanistan (IFA) et de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA). Elles assurent la pérennité de ces établissements par la conclusion d'une emphytéose au profit de l'IFA, sur son site historique, et de la DAFA sur le site de l'Institut national d'archéologie qui doit être bientôt reconstruit.
Article 8
Gouvernance démocratique et état de droit
La Partie française apporte son appui au renforcement de l'état de droit et à l'efficacité des institutions de la République islamique d'Afghanistan.
Elle contribue à la formation des cadres de l'administration centrale et territoriale et de la magistrature ainsi qu'à celle des cadres administratifs des deux assemblées parlementaires. Elle participe également à la formation des professeurs de droit des universités afghanes.
Les Parties encouragent le développement des échanges entre la société civile afghane et la société civile française. Une attention particulière est portée à la protection des droits des femmes et leur accès à la justice.
Article 9
Infrastructures
Les Parties coopèrent en vue de développer les infrastructures afghanes de télécommunications, de transport, d'irrigation et celles liées à la production et la transformation des matières premières.
Elles facilitent et soutiennent l'action des établissements et entreprises français intéressés à intervenir dans ce secteur, en particulier dans les domaines suivants :
― la reconstruction et le développement des réseaux d'adduction et d'assainissement en eau, principalement dans les zones urbaines ;
― le développement des infrastructures de transport, notamment aéroportuaires et ferroviaires, par l'assistance technique, le conseil juridique et l'apport de compétences d'entreprises françaises ;
― l'identification, la mise en valeur et le transport des ressources naturelles de l'Afghanistan (hydrocarbures et minerais).
La Partie française apporte son appui au développement du Service géologique afghan (AGS) grâce à un partenariat avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) français.
Article 10
Economie, finances, commerce et industrie
Les Parties se concertent sur les enjeux économiques, financiers et commerciaux, plus particulièrement sur ceux liés à l'agriculture, à l'énergie, aux ressources en eau, aux matières premières ainsi qu'au développement d'un secteur privé afghan structuré, notamment par le biais de l'appui à la Chambre de commerce européenne en Afghanistan.
Elles consolident et s'attachent à développer les liens déjà établis entre secteurs privés français et afghan ainsi que le recours à l'expertise des entreprises françaises, notamment dans les domaines de l'eau, des transports, des télécommunications et celui de la production et de la transformation de matières premières, dans des conditions équitables et transparentes.
Les Parties mettent en œuvre des actions visant à l'accroissement des échanges commerciaux entre les deux pays et à la promotion des investissements français en Afghanistan. Elles veillent à garantir un environnement général des affaires propice, en portant une attention particulière à la sécurité juridique des investissements, à la simplification des procédures de renouvellement des licences d'enregistrement des entreprises en Afghanistan et au respect des droits de propriété intellectuelle et foncière.
Article 11
Mise en œuvre des coopérations
Les autorités afghanes facilitent les activités de l'Agence française de développement (AFD).
Les actions financées par l'AFD au bénéfice de la République islamique d'Afghanistan sont exemptées d'impôts, taxes et droits de toute nature dus en Afghanistan.
Il en est de même pour les Organisations non gouvernementales (ONG) françaises qui concourent à la mise en œuvre des programmes de coopération entre les deux pays et pour leurs personnels expatriés, y compris les Volontaires de Solidarité Internationale (VSI).
Les exemptions ci-dessus ne s'appliquent pas aux citoyens afghans ni aux personnes morales de droit afghan.
Article 12
Sécurité des coopérations
Chaque partie peut envoyer, pour une durée déterminée ou indéterminée, sur le territoire de l'autre Etat qu'elle informe préalablement, un ou plusieurs agents publics, aux fins d'assurer la sécurité de sa représentation diplomatique. Des facilités sont accordées par l'Etat d'accueil pour permettre aux agents concernés de conduire leur mission et ce, en fonction de la situation sécuritaire spécifique prévalant dans chacun des deux pays.
Les experts civils et militaires français présents en Afghanistan pour la mise en œuvre du présent traité, ainsi que les personnes à leur charge, bénéficient d'immunités identiques à celles accordées aux experts par l'article VI de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946. Ces immunités accordées par la Partie afghane ne sauraient exempter les experts français concernés et les personnes à leur charge de la juridiction de la Partie française.
Pour l'application du présent traité, « expert » signifie tout personnel français civil ou militaire présent en Afghanistan de façon permanente ou temporaire dans le cadre de la mise en œuvre du présent traité. « Personne à charge » signifie le conjoint ou toute autre personne vivant légalement avec un expert français au sens du présent traité, conformément à la législation française, ainsi que ses enfants de moins de 18 ans.
Article 13
Dispositions finales
Les dispositions du présent traité n'affectent en rien les engagements de chacune des Parties à l'égard des Etats tiers et des organisations internationales dont elles sont membres.
Les modalités de mise en œuvre des coopérations prévues par le présent traité peuvent faire l'objet d'accords ou d'arrangements complémentaires.
Le présent traité est soumis à ratification et entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date du dernier instrument de ratification. Il abroge à sa date d'entrée en vigueur l'accord de coopération culturelle et technique et ses annexes entre la France et l'Afghanistan du 21 août 1966.
Le présent traité est établi pour une durée de vingt ans à compter de son entrée en vigueur.
Les actions de coopération correspondant aux domaines décrits par le présent traité seront arrêtées d'un commun accord pour chaque période de cinq ans ; les Parties arrêtent notamment un premier programme quinquennal pour la période 2012-2016.
Tout différend relatif à l'interprétation ou à l'exécution du présent traité est réglé entre les Parties par la voie diplomatique. Ce traité peut être dénoncé par écrit par l'une ou l'autre des Parties avec un préavis de trois mois par la voie diplomatique.
Le présent traité peut être modifié par accord entre les Parties contractantes sous la forme d'avenants soumis aux mêmes règles d'entrée en vigueur que le traité lui-même.
Fait à Paris, le 27 janvier 2012, en double exemplaire, en langues française, dari et pachtou, chacun des trois textes faisant également foi.