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Article AUTONOME (Décision du 12 décembre 2012)

Article AUTONOME (Décision du 12 décembre 2012)



I. - Sur les griefs notifiés à la société CABINET DE COURTAGE INNOCENT ASSURANCES
1. Les conditions d'exercice de l'activité d'intermédiation
1.1. Sur le manquement à l'obligation d'immatriculation à l'ORIAS


Considérant que, selon le premier alinéa du I de l'article L. 512-1 du Code des assurances, « Les intermédiaires définis à l'article L. 511-1 doivent être immatriculés sur un registre unique des intermédiaires, qui est librement accessible au public. (...) » ; que, selon le I de l'article L. 511-1 de ce code : « L'intermédiation en assurance ou en réassurance est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. N'est pas considérée comme de l'intermédiation en assurance ou en réassurance l'activité consistant exclusivement en la gestion, l'estimation et la liquidation des sinistres. Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance » ;
Considérant que, dans ses observations relatives au projet de rapport de contrôle qui lui a été adressé le 18 novembre 2011, M. INNOCENT a reconnu que cette société n'était pas immatriculée à l'ORIAS à cette date, ce que le secrétaire général de cet organisme a confirmé lors de son audition par le rapporteur ; que pourtant cette société a exercé une activité d'intermédiation en faisant souscrire des contrats d'assurance, principalement en risque automobile, notamment pour le compte du courtier grossiste W ; qu'elle a donc méconnu son obligation d'immatriculation susmentionnée ; que la circonstance alléguée à l'audience par M. INNOCENT selon laquelle il se serait borné à organiser la poursuite d'anciens contrats conclus par l'intermédiaire de la précédente société (« CABINET D'ASSURANCE INNOCENT » mise en liquidation le 8 juin 2010) et à proposer de nouveaux contrats sans percevoir aucune commission est formellement contredite par les pièces du dossier (cf. par exemple celles dans lesquelles le courtier grossiste W retrace le détail des commissions dues au « CABINET D'ASSURANCE INNOCENT » à raison de chaque contrat entre octobre 2010 et août 2011, ou encore celle dans laquelle M. INNOCENT déclare s'être fait remettre par un client « deux chèques sans montants, datés et paraphés ») ; qu'au demeurant, à la supposer établie, l'absence de perception effective des commissions dues ne suffirait pas à écarter la méconnaissance de l'interdiction d'exercer sans immatriculation à l'ORIAS, à titre lucratif, l'activité d'intermédiation définie par l'article L. 511-1 précité ; qu'ainsi le grief est constitué ;


1.2. Sur le manquement à l'obligation de souscription
d'un contrat de responsabilité civile (RC) professionnelle


Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-6 du Code des assurances : « Tout intermédiaire doit souscrire un contrat d'assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle, sauf si cette assurance ou une garantie équivalente lui est déjà fournie par une entreprise d'assurance ou de réassurance ou par un intermédiaire d'assurance ou de réassurance ou par une autre entreprise pour le compte desquels il agit ou par lesquels il est mandaté ou si ces entreprises ou cet intermédiaire assument l'entière responsabilité des actes de cet intermédiaire. Dans tous les cas, les intermédiaires doivent être en mesure de justifier à tout moment leur situation au regard de cette obligation » ;
Considérant que, en déclarant dans ses observations sur le projet de rapport de contrôle que : « (...) notre cabinet de courtage Innocent assurances vient d'être informé par AON FRANCE, qu'un devis nous sera adressé dès le début de la semaine en vue de la signature d'un éventuel contrat RC PROFESSIONNELLE + GARANTIE FINANCIÈRE POUR. 2011 et 2012 (...) », M. INNOCENT a reconnu que la société mise en cause n'était pas couverte pour l'exercice de son activité par une assurance de responsabilité civile professionnelle et ne bénéficiait pas d'une garantie financière, confirmant ainsi les constatations du rapport de contrôle ; que, dès lors, le manquement aux dispositions de l'article L. 512-6 précité est établi, en dépit de la circonstance alléguée à l'audience qu'il aurait vainement cherché à obtenir cette assurance ou cette garantie ;


2. L'information des clients


Considérant qu'aux termes de l'article L. 520-1 du code des assurances : « I. ― Avant la conclusion d'un premier contrat d'assurance, l'intermédiaire (...) doit fournir au souscripteur éventuel des informations relatives notamment à son identité, à son immatriculation et aux procédures de recours et de réclamation, ainsi que, le cas échéant, à l'existence de liens financiers avec une ou plusieurs entreprises d'assurance... » ; que l'article R. 520-1 du Code des assurances, pris pour l'application de l'article L. 520-1, exige qu'en vue du traitement d'éventuels différends, l'intermédiaire fournisse également les coordonnées et l'adresse de l'ACP ; qu'enfin l'article R. 520-2 du même code impose que toute l'information due par l'intermédiaire en vertu de l'article L. 520-1 soit fournie avec clarté et exactitude, sur support papier ou tout autre support durable, à la disposition du souscripteur et auquel celui-ci a facilement accès ;
Considérant qu'il ressort du rapport de contrôle que l'identité précise de la société poursuivie ne figure sur aucun des documents contractuels ou précontractuels des dossiers clients examinés par les contrôleurs ; que, notamment, dans les devis (du courtier grossiste W) (dossiers A1, A2, A3, société A4), la société est présentée sous le seul vocable « INNOCENT » sans autre mention ; que sur la proposition (d'une compagnie d'assurance) qui figure au dossier A5, seule l'adresse courriel de la société est mentionnée ; que la plaquette publicitaire distribuée mentionne le nom « CABINET D'ASSURANCES INNOCENT » alors que cette société est en liquidation judiciaire depuis le 8 juin 2010 ; que le dossier société A6 ne porte aucune mention dactylographiée de la société ; que, faute d'y être immatriculée, la société mise en cause ne fait figurer aucun numéro d'inscription au registre de l'ORIAS sur ces documents ; que les coordonnées de l'ACP n'y sont pas mentionnées ; qu'ainsi la société ne mentionne pas de manière claire et exacte les renseignements imposés par les dispositions précitées ; que le manquement à l'obligation d'information à la charge de l'intermédiaire lors de l'entrée en relation avec ses futurs clients est établi ;


3. Le devoir de conseil


Considérant que d'après le II de l'article L. 520-1 du Code des assurances : « (...) Avant la conclusion de tout contrat, l'intermédiaire doit : (...) 2° Préciser les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d'assurance déterminé. Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d'information communiqués par le souscripteur éventuel, sont adaptées à la complexité du contrat d'assurance proposé » ; qu'ainsi qu'il a été dit, l'article R. 520-2 impose que toute l'information due par l'intermédiaire en vertu de l'article L. 520-1 soit fournie par écrit, avec clarté et exactitude ;


3.1. Sur l'absence de formulation des besoins
et exigences des clients motivant le conseil donné


Considérant qu'il ressort des dossiers analysés par les contrôleurs (dossiers, A1, A2, A3, société A4, A5 et société A6) que n'ont été formulés par écrit ni les besoins et les exigences des clients, sur la base desquels ceux-ci devaient être conseillés, ni les motifs de ces conseils ; que le manquement est donc établi ;


3.2. Sur la qualité du conseil


Considérant que le rapport de contrôle a relevé de nombreuses anomalies dans le recueil des informations nécessaires à l'établissement et à la tarification des contrats d'assurance proposés ; qu'ainsi, dans le dossier société A4, le devis accepté par le client pour servir de base à l'établissement du contrat indique comme conducteur principal « Monsieur société A4 », puis « date de naissance : 26 mai 1967, Situation de famille : Marié » ; que le conducteur principal dénommé John Christian I., n'a pas obtenu son permis de conduire le 1er janvier 2004 comme indiqué sur le devis mais le 20 novembre 2008 ; qu'enfin, dès lors que le certificat d'immatriculation date du 23 août 2011, la date d'acquisition postérieure mentionnée au devis (le 26 septembre 2011) ne peut être qu'erronée ; que, dans le dossier A1, le devis précise que le permis aurait été obtenu le 1er janvier 2004 alors que le permis de conduire dont une copie était conservée au dossier n'a été obtenu que le 12 avril 2009 ; que l'allégation faite à l'audience que la première date ferait référence à un permis antérieurement obtenu en Haïti n'est assortie d'aucun commencement de preuve ; que la proposition d'assurance faite à Mme Cécile Lucette A5, indique : « Vous déclarez [...] être titulaire ou co-titulaire de la carte grise du véhicule », alors que le certificat d'immatriculation est établi au nom de M. A5 H. A. au n° 176, Grande rue à Sèvres, et que Mme Cécilia A5 habite au 158 de la même rue, de sorte que le contrat ne mentionne pas le bon titulaire du certificat d'immatriculation ; qu'au demeurant, le coefficient de réduction/majoration de 0,95 mentionné n'est justifié par aucun document dans le dossier du client ; que dans le dossier société A6, la garantie a été souscrite sans que le futur client ne connaisse le montant exact de la prime, ainsi qu'il ressort des courriers adressés par le cabinet le 16 mai 2011 respectivement à M. Prosper G., assureur conseil, et à M. Bertrand N., agent (général d'assurance de la compagnie X), mentionnant la remise par le client de deux chèques en blanc, datés et signés ; qu'en outre, la proposition faite à cette société mentionne qu'elle aurait deux collaborateurs, alors que le contrat n'en mentionne plus qu'un, et la société est indiquée « en création » sur un document daté du 16 mai 2011 alors qu'elle a été créée selon le même document le 22 février 2010 ; qu'enfin, dans les dossiers A2 et A3, l'absence de certificat d'immatriculation, de permis de conduire ou de relevé d'information dans les dossiers de la société empêche de vérifier et analyser les renseignements ; qu'en conclusion, il résulte de ces dossiers que les éléments qui ont servi de base à l'établissement et à la tarification du contrat d'assurance sont inexacts, incomplets ou contradictoires ; que ces manquements graves et répétés, qui n'ont pu qu'influer sur la qualité du conseil, sont constitutifs d'infractions aux dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 520-1 du code des assurances ;
Considérant que l'ensemble de ces manquements, et tout particulièrement ceux tenant au non-respect des conditions d'exercice de l'activité d'intermédiation, justifient que soit prononcée à l'encontre de la société poursuivie une interdiction d'exercice de cette activité pour une durée de 10 ans ;


II. - Sur l'implication personnelle des cogérants
de la société CABINET DE COURTAGE INNOCENT ASSURANCES


Considérant que la société CABINET DE COURTAGE INNOCENT ASSURANCES est cogérée par M. Jean-Claude INNOCENT et Mme Marie Odette INNOCENT ; qu'il appartient à la commission d'examiner si les griefs notifiés à la société qui ont, en tout ou partie, été notifiés également à chacun d'eux, peuvent leur être personnellement imputés ;


1. Sur les griefs notifiés à M. Jean-Claude INNOCENT


Considérant que tous les griefs notifiés à la société de courtage, dont il vient d'être dit qu'ils étaient constitués, l'ont été aussi, à titre personnel, à M. Jean-Claude INNOCENT ;
Considérant qu'en raison de sa qualité de gérant « prépondérant » opérationnel de la société avec une longue expérience professionnelle, ces griefs lui sont bien directement et personnellement imputables, le dossier établissant par ailleurs suffisamment la conscience qu'il avait d'enfreindre la réglementation ; qu'en outre, il a admis être en infraction au regard des règles relatives aux obligations d'immatriculation à l'ORIAS et de garantie de responsabilité civile professionnelle ; qu'au demeurant, les circonstances sont aggravées du fait qu'il dirigeait aussi la précédente société (« CABINET D'ASSURANCE INNOCENT ») mise en liquidation le 8 juin 2010, alors que les opérations de la nouvelle société ont, d'après son extrait K bis, commencé dès le 1er juillet 2010 à la même adresse que la précédente, avec une dénomination ressemblante de nature à entretenir la confusion sur le respect des obligations légales, notamment celle de l'inscription à l'ORIAS, vis-à-vis des assurés et des courtiers grossistes, insuffisamment attentifs, auxquels il continuait à s'adresser ;
Considérant que dans ces conditions, comme le permet l'article L. 612-41 du COMOFI, il y a lieu de prononcer, à l'encontre de M. Jean-Claude INNOCENT, une interdiction d'exercice de l'activité d'intermédiation en matière d'assurance pour une durée de 10 ans, assortie d'une sanction pécuniaire de 20 000 euros ;


2. Sur les griefs notifiés à Mme Marie Odette INNOCENT


Considérant que les griefs qui ont été notifiés personnellement à Mme Marie Odette INNOCENT portent sur l'exercice d'une activité d'intermédiation en assurance contre rémunération sans que la société soit immatriculée à l'ORIAS (article L. 512-1 du Code des assurances), ni assurée en responsabilité civile professionnelle (article L. 512-6 du code des assurances) ; que ces griefs reprennent ceux qui ont été notifiés à la société poursuivie dont la commission a estimé, pour les raisons ci-dessus exposées, qu'ils étaient constitués ;
Considérant que même si Mme INNOCENT n'exerce pas de fonction opérationnelle dans la société, elle n'a pu ignorer qu'en acceptant d'en être cogérante elle endossait ainsi la responsabilité personnelle des graves carences reprochées ; que dans ces conditions, comme le permet l'article L. 612-41 du COMOFI, il y a lieu de prononcer, à l'encontre de Mme Marie Odette INNOCENT, une interdiction d'exercice de l'activité d'intermédiation en matière d'assurance pour une durée de 10 ans, assortie d'une sanction pécuniaire de 5 000 euros ;


III. - Sur les frais de procédure


Considérant qu'en application de l'article R. 612-51 du COMOFI, la société CABINET DE COURTAGE INNOCENT ASSURANCES, M. Jean-Claude INNOCENT et Mme Marie Odette INNOCENT supporteront la charge des frais de signification d'huissier, s'élevant pour chacun à la somme de 326,62 euros, impliqués par l'impossibilité de leur faire parvenir avec certitude des courriers postaux ;


IV. - Sur la publication


Considérant que la protection des assurés justifie que les sanctions ainsi infligées soient portées à la connaissance de toutes les personnes intéressées ; que, par suite, la présente décision, qui sera insérée au registre des décisions de l'ACP mis en ligne sur Internet, sera également publiée au Journal officielde la République française ;


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Par ces motifs : Décide :