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Article AUTONOME (Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi portant création des emplois d'avenir)

Article AUTONOME (Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi portant création des emplois d'avenir)



II. ― Sur l'article L. 5134-125 du code du travail :
A. ― Les députés requérants considèrent que le recours à des contrats de droit privé méconnaît le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat » ainsi que divers principes :
― le principe suivant lequel les personnes physiques, collaborateurs de personnes morales de droit public, sont des agents publics ;
― le principe selon lequel les actes d'une personne morale publique sont des actes administratifs relevant du droit administratif ;
― le principe selon lequel les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi.
B. ― Le Gouvernement est d'avis qu'aucune règle ou principe à valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce que le législateur prévoie que des agents peuvent être recrutés sur un contrat régi par le code du travail par un établissement public local d'enseignement.
1. D'une part, la valeur constitutionnelle des principes avancés n'est pas établie. Ni la Constitution ni aucun principe ou exigence constitutionnelle n'impose aux personnes morales de droit public, de manière générale ― ni à celles d'entre elles qui sont chargées d'une mission de service public à caractère administratif, en particulier ―, de recruter des agents sur un contrat régi par le droit public. S'il est vrai que le tribunal des conflits a posé en principe que « les personnels non statutaires des personnes morales de droit public travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents de droit public quel que soit leur emploi » (TC, 25 mars 1996, préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône et autres c/conseil de prud'hommes de Lyon [Berkani], n° 03000, au R), c'est sous réserve d'une « disposition législative contraire » (TC, 22 octobre 2001, M. Cabanel c/recteur de l'académie de Grenoble, n° 3271, au R). Cette possibilité est précisément fondée sur l'absence de contrainte constitutionnelle, qui permet au législateur de décider du régime juridique auquel sont soumis les agents recrutés par les personnes publiques, y compris celles chargées d'une mission de service public administratif.
Le législateur a d'ailleurs eu recours à des contrats de droit privé à de nombreuses reprises pour des contrats aidés, y compris dans le domaine de l'éducation ― ainsi des travaux d'utilité collective, des contrats, encore actuels, d'accompagnement dans l'emploi, dont le contrat d'avenir professeur est une modalité adaptée au besoin du public visé, ou des contrats emploi-solidarité. Par conséquent, si le lien de droit public est le plus courant, il ne répond à aucune exigence constitutionnelle qui serait applicable à l'ensemble des services publics à caractère administratif.
2. D'autre part, le devoir assigné à l'Etat par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 d'organiser un enseignement public gratuit et laïque n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre le choix du cadre juridique applicable au recrutement des agents contractuels. Il n'implique notamment pas d'assimiler le service public de l'enseignement à une mission de souveraineté qui ne pourrait être exercée que par des agents tenus par des obligations de service et disposant de prérogatives que seul un statut de droit public pourrait garantir. Au demeurant, il importe de rappeler que les personnes qui seront recrutées dans le cadre des emplois d'avenir professeur ne sont pas appelées à assurer des missions d'enseignement.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.
Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.