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Article AUTONOME (Décision n° 2012-399 du 22 mai 2012 relative à un différend opposant les sociétés Parabole Réunion et Equidia)

Article AUTONOME (Décision n° 2012-399 du 22 mai 2012 relative à un différend opposant les sociétés Parabole Réunion et Equidia)



c) Sur le moyen tiré du caractère discriminatoire de la rupture de la relation commerciale :
La société Parabole Réunion soutient que la conclusion d'un contrat d'exclusivité satellitaire entre la société Equidia et la société Canal+ Réunion serait discriminatoire dans la mesure où elle viserait uniquement la société Parabole Réunion et non les autres opérateurs de télévision payante utilisant d'autres plates-formes technologiques (ADSL, fibre, câble) sur le territoire de La Réunion.
Les défendeurs soutiennent que l'octroi de licences exclusives relève de la seule stratégie commerciale des éditeurs lorsque ces derniers ne sont pas soumis aux articles 34-1 et 34-1-1 de la loi du 30 septembre 1986 et que cette pratique est courante concernant les chaînes thématiques. Ils relèvent également que la société Parabole Réunion diffuse elle-même plusieurs chaînes en exclusivité.
Le principe d'égalité et de non-discrimination implique de traiter de manière identique les opérateurs qui sont dans une situation identique.
En l'espèce, si les distributeurs ADSL et du câble, d'une part, et les distributeurs satellitaires, d'autre part, sont dans une situation différente, du fait des différences technologiques de transmission, rien ne les distingue réellement du point de vue des éditeurs. Plusieurs décisions de la cour d'appel de Paris, de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne (4) reconnaissent une identité de situation entre distributeurs de services audiovisuels, quels que soient les modes de diffusion. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel considère donc qu'il n'y a pas lieu d'opérer de distinction entre les distributeurs satellitaires des distributeurs ADSL et câble.
Pour autant, eu égard au principe de liberté contractuelle, la société Equidia peut librement conclure un contrat d'exclusivité avec un distributeur satellitaire. Comme en conviennent les parties, l'exclusivité n'est pas, en tant que telle, illégale ; aucun texte ne s'oppose de manière générale à ce qu'un éditeur de chaîne privée payante puisse conclure avec un distributeur un contrat comportant une clause d'exclusivité ; il n'en va différemment que dans la mesure où la relation contractuelle en cause est susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle. La circonstance que cette exclusivité soit circonscrite à un réseau de diffusion particulier est sans incidence.
Enfin, la circonstance que la chaîne Equidia Live soit distribuée par la société Orange Réunion dans le cadre d'une offre multiservices utilisant le réseau satellitaire sur les zones considérées, évoquée lors de l'audience sans être contestée par les parties, n'a pas été considérée par la société Canal+ Réunion comme constitutive d'une atteinte au contrat d'exclusivité qui la lie à la société Equidia.
Par suite, le Conseil supérieur de l'audiovisuel considère que la rupture de la relation commerciale n'est pas discriminatoire au sens de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 et écarte ce moyen.

(4) La Cour d'appel de Paris a ainsi estimé dans son arrêt du 15 juin 1999 (SA Canal Plus-TPS) qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les différentes technologies de transmission car cela « ne constitue pas un critère de segmentation pertinent du marché concerné dans la mesure où les produits offerts présentent toujours une même finalité et une similarité importante dans le contenu des programmes offerts ». Cette position est conforme à l'appréciation de la Commission européenne qui, dans sa décision relative à la création de TPS du 3 mars 1999 (Aff.IV/36.237), a mentionné qu'il existe en France un « marché de la télévision à péage incluant pour le moment les trois modalités de diffusion : hertzienne, par satellite et par le câble ». Enfin, l'Autorité de la concurrence, dans sa décision n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la télévision payante a relevé que « les autorités de concurrence ne segmentent pas les marchés intermédiaires de la télévision payante selon le procédé technique de distribution (c'est-à-dire en distinguant les diverses plates-formes de diffusion comme le câble, le satellite ou, plus récemment, le DSL) ».