1. Contexte de la saisine
On distingue deux types d'interceptions :
― les interceptions judiciaires ;
― les interceptions de sécurité.
Tandis que les premières ont une finalité répressive, les secondes ont une finalité préventive.
Les interceptions judiciaires sont autorisées et contrôlées par un juge d'instruction ou un procureur et s'opèrent dans le cadre d'une enquête judiciaire.
Les interceptions de sécurité désignent, dans les conditions prévues par l'article 4 de la loi de 1991, « les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées. »
En application des dispositions de l'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques, qui prévoient que « l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques », le secrétaire général du ministère de la justice et des libertés, par un courrier en date du 5 décembre 2011, et le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, par un courrier en date du 8 décembre 2011, ont saisi, pour avis, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, respectivement, d'un projet d'« arrêté pris en application des articles R. 213-1 et R. 213-2 du code de procédure pénale fixant la tarification applicable aux réquisitions des opérateurs de communications électroniques en matière de téléphonie » et de deux projets d'arrêté, le premier « fixant la tarification applicable aux demandes ayant pour objet les interceptions de sécurité », et le second, « fixant la tarification applicable en matière de téléphonie à la fourniture des données prévue par l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques ».
Le premier projet d'arrêté transmis par le ministère de la justice et des libertés, pour objet de modifier l'article A. 43-9 du code de procédure pénale qui, d'une part, fixe la tarification applicable aux réquisitions ayant pour objet la production et la fourniture des données de communications par les opérateurs de communications électroniques en application des articles L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, et R. 213-1 du code de procédure pénale, et, d'autre part, fixe la tarification applicable au traitement des demandes d'interception, tel que cela est prévu à l'article D. 98-7 du code des postes et des communications électroniques aux termes de cet article :
« III. ― L'opérateur met en place et assure la mise en œuvre des moyens nécessaires à l'application de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques par les autorités habilitées en vertu de ladite loi. Dans ce cadre, l'opérateur désigne des agents qualifiés dans les conditions décrites dans le décret n° 93-119 du 28 janvier 1993 relatif à la désignation des agents qualifiés pour la réalisation des opérations matérielles nécessaires à la mise en place des interceptions de correspondances émises par voie des communications électroniques autorisées par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 précitée. Les moyens mis en œuvre doivent permettre d'effectuer les interceptions à partir du territoire national.
IV. ― L'Etat garantit à l'opérateur une juste rémunération des dispositions prises par ce dernier au titre du III du présent article. La juste rémunération de l'opérateur correspond à la couverture :
a) Des coûts exposés pour les études, l'ingénierie, la conception et le déploiement des systèmes demandés pour les interceptions de communications électroniques ;
b) Des coûts liés à la maintenance et, le cas échéant, à la location des moyens permettant le fonctionnement des systèmes demandés pour les interceptions de communications électroniques ;
c) Des coûts liés au traitement des demandes d'interception.
Les choix opérés par l'opérateur au titre du a et du b font l'objet d'une validation par le ministre chargé des communications électroniques.
La rémunération de l'opérateur au titre du a et du b est assurée dans le cadre d'une convention signée avec l'Etat.
La rémunération de l'opérateur au titre du c est fixée par arrêté du ministre chargé des communications électroniques et du ministre chargé du budget. »
La tarification applicable aux réquisitions des opérateurs de communications électroniques en matière de téléphonie est prévue par l'article A.43-9 du code de procédure pénale. Le projet d'arrêté vise à réactualiser les tarifs fixés par cet article afin de permettre, conformément au principe de la juste rémunération, d'une part, un ajustement aux coûts réels supportés par les opérateurs de communications électroniques et, d'autre part, une adéquation aux besoins des autorités judiciaires par l'élargissement des prestations faisant l'objet du projet d'arrêté transmis par le ministère de la justice et des libertés. L'Autorité a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'arrêté du 22 août 2006 susvisé, codifié à l'article A.43-9 du code de procédure pénale, dans le cadre d'un avis en date du 27 avril 2006.
Le deuxième projet d'arrêté transmis par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie porte sur la tarification applicable aux demandes ayant pour objet les interceptions de sécurité pris en application de l'article D. 98-7 du code des postes et des communications électroniques précité. Le projet d'arrêté propose de réviser les tarifs fixés par le premier arrêté du 22 octobre 2007 susvisé. L'Autorité a également eu l'occasion de se prononcer sur l'arrêté précité dans le cadre d'un avis en date du 13 mars 2007.
Le troisième projet d'arrêté transmis par ce même ministère a pour objet de fixer la rémunération des opérateurs de communications électroniques, au titre des prestations qu'ils effectuent à la demande des enquêteurs agissant dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en application de l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques, qui dispose :
« Afin de prévenir les actes de terrorisme, les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions peuvent exiger des opérateurs et personnes mentionnés au I de l'article L. 34-1 la communication des données conservées et traitées par ces derniers en application dudit article.
Les données pouvant faire l'objet de cette demande sont limitées aux données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications.
Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les opérateurs et personnes mentionnés au premier alinéa pour répondre à ces demandes font l'objet d'une compensation financière. (...) ».
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie précise dans sa saisine que ce projet d'arrêté a été élaboré en coordination avec les services du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice et des libertés.
2. Observations de l'Autorité
En ce qui concerne les niveaux tarifaires proposés dans les trois projets d'arrêtés, l'Autorité prend acte des principes d'évaluation des coûts retenus par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et par le ministère de la justice et des libertés. En revanche, les éléments portés à la connaissance de l'Autorité ne lui permettent pas de se prononcer sur les niveaux tarifaires résultant de la mise en œuvre de ces principes.
L'Autorité n'a pas d'autres observations.
Le présent avis sera transmis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la justice et des libertés.
Fait à Paris, le 22 décembre 2011.