I. ― Contexte
Aux termes de l'article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques, « L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes : [...] 3° Décide, après examen de la proposition de La Poste ou, à défaut de proposition, d'office après l'en avoir informée, des caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel, pouvant le cas échéant distinguer les envois en nombre des envois égrenés [...] ».
Par la décision n° 2008-1286 en date du 18 novembre 2008 relative aux caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel postal, l'Autorité a fixé pour la seconde fois les modalités d'encadrement de l'évolution annuelle des tarifs du service universel de La Poste, pour la période s'étendant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. L'encadrement défini par cette décision arrive donc à expiration.
I-1. Les travaux entrepris entre La Poste et l'ARCEP en 2011
Afin d'examiner les modalités d'encadrement tarifaire à compter de l'année 2012, l'ARCEP a engagé au début de l'année 2011 avec La Poste les travaux préparatoires relatifs à la mise en œuvre d'un nouveau contrat pluriannuel portant sur la période 2012-2014. Ces travaux ont conduit à un réexamen de l'environnement de La Poste, notamment de ses trajectoires prévisionnelles de charges et de trafics, qui constituent des paramètres nécessaires à l'élaboration d'un nouveau dispositif d'encadrement.
Il s'est avéré que les projections faites à l'horizon 2014 ne faisaient pas apparaître un équilibre satisfaisant des comptes du service universel. Les principales hypothèques identifiées à l'occasion de ces travaux portaient sur les points suivants :
― l'évolution des volumes à moyen terme, et notamment la poursuite de la tendance à la baisse des trafics observée depuis 2007 chez la plupart des opérateurs postaux historiques à l'échelle européenne ;
― une connaissance insuffisante de la réaction potentielle des différents segments de la demande à des changements de tarifs ; cette connaissance est pourtant nécessaire pour examiner la pertinence de hausses tarifaires pour contrebalancer la baisse des volumes ;
― les effets de l'introduction de la lettre verte, dont La Poste attend des économies de coûts pour autant que les volumes d'envois prioritaires lointains diminuent notablement.
L'ARCEP en a conclu que ces incertitudes ne permettaient pas, à ce stade, de mettre en place un dispositif d'encadrement pluriannuel des tarifs sur la période initialement envisagée, et qu'il convenait plutôt de prolonger en 2012 le dispositif actuel et de mettre à profit ce délai supplémentaire pour approfondir l'économie du service universel à l'horizon 2015.
I-2. Des évolutions significatives de la gamme de La Poste en 2011
Outre les incertitudes évoquées ci-dessus, l'encadrement tarifaire est affecté par les changements significatifs qui ont eu lieu en 2011 dans l'offre de service universel de La Poste.
Au 1er octobre 2011, La Poste a procédé à l'introduction de la lettre verte, nouvelle offre de courrier égrené. Située entre la lettre prioritaire et l'écopli par son tarif et son délai d'acheminement indicatif et destinée aux particuliers comme aux entreprises, la lettre verte est susceptible de modifier fortement l'économie du courrier égrené : La Poste envisage ainsi à terme un transfert de l'ordre des deux tiers des trafics actuels de la lettre prioritaire vers la lettre verte. Elle en attend notamment des économies de coût provenant de la diminution des flux prioritaires lointains. L'ARCEP a pris acte de la création de ce produit dans son avis n° 2011-0416 en date du 7 avril 2011.
La Poste a également procédé à une refonte importante de son offre de services d'envois de courrier publicitaire. Les offres « Destineo Intégral » et « Destineo Catalogue Intégral », qui ont représenté près de (...) % des trafics et (...) % du chiffre d'affaires des produits soumis à l'encadrement tarifaire en 2010, sont sortis du catalogue du service universel ― et donc du périmètre de l'encadrement tarifaire ― au 1er octobre 2011. Cette sortie du périmètre du service universel s'accompagne d'un assujettissement à la TVA des offres. Si cette mesure est sans effet sur les clients récupérateurs de TVA, elle est susceptible de renchérir les offres pour les clients non récupérateurs de TVA. La Poste a donc procédé à la même date à l'introduction de nouvelles offres d'envois en nombre de courrier publicitaire au sein du service universel, « Destineo Pluriel Simply », « Destineo Pluriel Simply Catalogue » et « Destineo Utilité Publique », qui conduisent à limiter les hausses tarifaires subies par les clients non récupérateurs de TVA. L'ARCEP a rendu son avis n° 2011-0847 sur les évolutions tarifaires correspondant à ces changements de gamme. Lors de l'information de l'Autorité sur ce sujet, La Poste s'est engagée à ce que cette modification du périmètre du service universel ne se traduise pas par une diminution de l'information de l'Autorité, engagement repris dans son courrier en date du 5 décembre susvisé.
Enfin, La Poste a procédé, au 1er juillet 2011, à une modification de son offre internationale d'envois égrenés, sur laquelle l'ARCEP a rendu son avis n° 2011-0418, qui affecte également le périmètre de l'encadrement tarifaire, dans une proportion cependant bien moindre que les évolutions évoquées précédemment.
I-3. Le dépassement par La Poste du plafond fixé par l'encadrement tarifaire
relatif aux envois égrenés destinés aux entreprises
Dans son dossier tarifaire relatif à l'évolution des tarifs égrenés à compter du 1er juillet 2011, La Poste a souhaité augmenter les tarifs des produits égrenés destinés aux entreprises (offres dites également « hors timbre-poste », produits affranchis principalement par machine à affranchir), qui font l'objet d'un encadrement tarifaire spécifique limité à l'inflation en application de la décision n° 2008-1286 de l'Autorité. Cette évolution tarifaire conduisait à ce que le plafond d'augmentation tarifaire moyenne annuelle autorisée soit dépassé sur la période [2009-2011]. Ce dépassement intervenait à la fin de la période d'encadrement, donc sans possibilité d'avoir recours au dispositif de report, qui autorise de dépasser une année donnée le plafond d'encadrement pour autant que l'évolution moyenne sur la période d'encadrement le respecte. L'ARCEP, dans son avis n° 2011-0415, ne s'est cependant pas opposée à cette évolution tarifaire, compte tenu de l'engagement de La Poste de ne pas pratiquer d'augmentation tarifaire en 2012 sur ce segment. Cet engagement conduit à ce que La Poste respecte bien le plafond fixé sur le panier restreint, apprécié sur la période [2009-2012].
II. ― Analyse de l'Autorité
La loi prévoit que l'encadrement tarifaire des prestations du service universel s'effectue sur une base pluriannuelle. L'Autorité, en accord avec La Poste, avait fixé en 2008 l'horizon temporel du dispositif d'encadrement à trois ans. Cette durée permet, d'une part, d'offrir une visibilité suffisante à l'opérateur et, d'autre part, de tenir compte des évolutions du secteur postal, notamment du degré d'incertitude sur les perspectives d'évolution des volumes et des charges.
Compte tenu des éléments présentés ci-dessus ― incertitudes sur les trajectoires permettant d'assurer à moyen terme un équilibre satisfaisant des comptes du service universel et sur l'impact des évolutions récentes de l'offre de service universel de La Poste ― il apparaît que la solution la plus appropriée consiste à prolonger d'un an le dispositif actuel, tout en opérant les ajustements nécessaires.
La possibilité d'ajuster le dispositif au cours de la période d'application pour prendre en compte les évolutions économiques ou de périmètre avait été explicitement prévue dans la décision n° 2008-1286 : « Si une ou plusieurs composantes de cet environnement venaient à être sensiblement modifiées en cours de période, remettant en cause l'équilibre économique sous-jacent, le dispositif serait réexaminé, sur proposition de La Poste ou d'office à l'initiative de l'Autorité, pour adapter, autant que de besoin, les conditions et les modalités d'exécution de l'encadrement tarifaire. »
Enfin, La Poste a fait, dans son courrier à l'Autorité en date du 5 décembre 2011, une demande de prolongation d'un an du dispositif d'encadrement tarifaire en indiquant notamment « des incertitudes sur les transferts qui vont s'opérer courant 2011, du fait, notamment, de l'évolution de la gamme égrenée. »
III. ― Dispositions relatives à l'encadrement tarifaire
L'encadrement tarifaire pour l'année 2012 constitue une prolongation du précédent encadrement relatif à la période [2009-2011], défini par la décision n° 2008-1286 de l'Autorité. La formule de l'encadrement tarifaire sur le panier couvrant l'ensemble du service universel demeure de la forme i ― X, où i est le taux annuel d'inflation et où le facteur X reste fixé à 0,3. Compte tenu de la prévision d'inflation fixée en loi de finances 2012 à 1,7 %, le plafond d'encadrement tarifaire du panier du service universel pour l'année 2012 est de 2,0 %.
Le solde des hausses tarifaires permises par le dispositif mais non utilisées les années antérieures est reporté sur l'année 2012. Il s'élève à 0,7 %.
Compte tenu de l'augmentation en 2012 du prix du panier global de 1,2 % résultant des hausses de tarif intervenues au cours de l'année 2011, la hausse tarifaire supplémentaire que peut pratiquer La Poste en 2012 sur le panier global s'élève à 1,5 %.
III-1. Ajustement des trafics de référence utilisés pour apprécier les évolutions tarifaires
Conformément au dispositif défini par la décision n° 2008-1286, les volumes audités de l'année n ― 2 sont utilisés pour pondérer les évolutions tarifaires au cours de l'année n, soit les volumes de l'année 2010 pour apprécier les évolutions tarifaires en 2012. Cependant, les volumes sont adaptés de manière à intégrer les modifications de l'offre de service universel survenues en 2011.
Les offres « Destineo Intégral » et « Destineo Intégral Catalogue », qui sont sorties du catalogue du service universel au 1er octobre 2011, ne sont pas prises en compte pour le calcul de l'évolution du prix du service universel.
Les nouvelles offres d'envois en nombre « Destineo Pluriel Simply Mailing », « Destineo Pluriel Simply Catalogue » et « Destineo Utilité Publique », qui n'existent pas dans la base de référence, voient leurs trafics reconstitués à partir des estimations des transferts depuis les offres existantes. Du fait du positionnement tarifaire des nouvelles offres et des caractéristiques des clients visés, les trafics sont reconstitués à partir des volumes des clients non-récupérateurs de TVA et des clients reconnus d'utilité publique en 2010.
Les clients des offres économiques des envois à l'international (supprimées au 1er juillet 2011) sont considérés comme ayant basculé intégralement vers l'offre prioritaire après cette date et portent, à ce titre, la hausse de tarif correspondante, comme précisé dans l'avis n° 2011-0418 de l'Autorité. Une hausse tarifaire relative à l'offre prioritaire durant la période d'application du présent dispositif d'encadrement sera appliquée aux trafics des offres économique et prioritaire.
III-2. Cas du panier restreint des envois égrenés destinés aux entreprises
En ce qui concerne le panier restreint, La Poste a dépassé le plafond fixé par l'encadrement sur la période [2009-2011] de 0,27 point de pourcentage, mais elle s'est engagée à ne pas pratiquer de hausses tarifaires sur ce segment en 2012. De ce fait, compte tenu de la prévision d'inflation fixée en loi de finances de 1,7 %, La Poste respectera ainsi à la fin 2012 l'encadrement tarifaire relatif à ce panier spécifique, dont l'évolution annuelle moyenne des prix est limitée à l'inflation sur la période [2009-2012]. Ainsi l'objectif de l'Autorité d'obtenir une déconnexion des évolutions de tarifs des offres égrenées destinées aux particuliers et des offres égrenées destinées aux entreprises aura été atteint sur l'ensemble de la période d'encadrement tarifaire, au bénéfice de ces dernières, qui sont notamment les petites et moyennes entreprises.
III-3. Dispositif spécifique relatif à la lettre verte
L'introduction de la lettre verte conduit à une situation particulière du point de vue de l'encadrement tarifaire. S'agissant d'une nouvelle offre, les trafics de référence audités, utilisés pour déterminer sa pondération dans le panier du service universel, n'existent pas. De ce fait, les évolutions tarifaires relatives à cette offre ne sont pas prises en compte dans l'encadrement relatif au panier global, dans le cadre de la prolongation du dispositif [2009-2011] à l'année 2012.
S'agissant d'une nouvelle offre qui a vocation à prendre une place importante au sein du service universel, il n'apparaît pas approprié qu'elle ne soit pas soumise à encadrement tarifaire pour l'année 2012. Ce point est d'ailleurs reconnu par La Poste qui indique dans son courrier du 5 décembre : « La Poste mesure que le dispositif en vigueur durant l'année 2012 doit prendre en compte les produits "Lettre Verte TP” et "Lettre Verte destinée aux entreprises” lancés au 1er octobre 2011 et dont les trafics ne sont pas encore connus. »
En ce qui concerne l'encadrement tarifaire de la lettre verte destinée aux entreprises, La Poste a pris, dans son courrier du 5 décembre, l'engagement suivant « En ce qui concerne la Lettre Verte destinée aux entreprises, La Poste s'engage, à l'instar des produits "Lettre Prioritaire destinée aux entreprises” et "Ecopli destiné aux entreprises”, à ne pas faire évoluer les tarifs en 2012 », dont l'Autorité prend acte et qui est intégré au présent dispositif.
En ce qui concerne l'offre affranchie par timbre-poste, La Poste a indiqué lors des travaux préparatoires qu'elle pourrait déjà représenter près du tiers du trafic des envois égrenés timbre-poste en 2012.
En conséquence, il apparaît nécessaire et proportionné que les tarifs de la gamme lettre verte timbre-poste soient soumis à un encadrement spécifique identique à celui régissant le panier global, à savoir une augmentation tarifaire limitée à l'inflation + 0,3 %, soit 2,0 % pour l'année 2012. Ainsi, compte tenu de la pondération de la première tranche de poids dans l'ensemble du trafic, le tarif de la lettre verte de moins de 20 g sera, au maximum, de 0,58 euro à la fin de l'année 2012. Cette disposition transitoire, qui correspond à la proposition formulée par La Poste dans son courrier du 5 décembre, est appropriée pour intégrer en 2012 la lettre verte dans le dispositif d'encadrement tarifaire.
L'ARCEP note l'engagement formulé par La Poste dans son courrier du 5 décembre susvisé : « La Poste s'engage par ailleurs à ne pas diminuer l'écart tarifaire entre le produit "Lettre Prioritaire TP” et "Lettre Verte TP”. Elle en prend acte et le présent dispositif intègre cet engagement.
L'ARCEP considère toutefois que l'écart tarifaire entre les deux offres a vocation à s'accroître. La Poste présente, en effet, une gamme insuffisamment différenciée à ce jour : alors que la lettre verte a une qualité de service visée de 95 % en J + 2, ce qui caractérise de façon satisfaisante une offre dont le délai de distribution est de deux jours, le taux de distribution en J + 1 de la lettre prioritaire n'est que de l'ordre de 85 %. Cette qualité de service devrait être significativement améliorée pour caractériser effectivement l'offre en J + 1 en la distinguant nettement de l'offre en J + 2. Au regard de ses coûts intrinsèquement plus élevés, les tarifs de l'offre en J + 1 devraient s'écarter plus sensiblement de ceux de l'offre en J + 2.
Cette différenciation des offres doit naturellement s'accompagner de dispositions, en termes d'accessibilité et d'information, qui assurent au consommateur un choix libre et éclairé.
III-4. Autres dispositions
S'agissant de la dernière année de l'encadrement tarifaire, les clauses d'ajustement relatives à l'inflation et aux évolutions des trafics, présentes dans le dispositif d'encadrement tarifaire fixé par la décision n° 2008-1286, ne peuvent être utilisées, puisqu'elles supposent de constater un écart entre les valeurs prévisionnelles retenues et les valeurs observées, qui ne le seront qu'en 2013. En ce qui concerne les années antérieures, ni La Poste ni l'ARCEP n'ont demandé l'application des clauses d'ajustement. Le courrier de La Poste du 5 décembre précise : « La Poste ne demandera pas l'application des clauses de révision ». En conséquence, elles ne sont pas reprises dans le dispositif relatif à l'année 2012.
La Poste et l'Autorité sont convenues d'effectuer un point régulier sur les prix et les volumes, sur une base trimestrielle, sur la base d'informations fournies par La Poste. Les restitutions attendues de La Poste sont ajustées de manière à correspondre aux nouvelles offres de La Poste. Elles respectent l'engagement de La Poste de ne pas diminuer le niveau d'information dont bénéficie l'Autorité sur les offres d'envois publicitaires en nombre qui sortent du périmètre de l'encadrement tarifaire.
III-5. Travaux relatifs au prochain encadrement pluriannuel des tarifs
L'ARCEP engage dès à présent avec La Poste les travaux relatifs à l'établissement d'un nouveau contrat d'encadrement tarifaire relatif à la période [2013-2015], respectant les principes généraux de l'encadrement tarifaire : les marges de manœuvre tarifaires offertes dans le cadre d'un contrat de price cap doivent répondre à l'objectif d'assurer l'équilibre du service universel tout en permettant aux consommateurs de bénéficier d'une partie des gains d'efficacité réalisés par l'opérateur et d'une haute qualité de service.
Décide :