Articles

Article AUTONOME (Arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale)

Article AUTONOME (Arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale)


Chapitre VI
La compromission du secret de la défense nationale


Compromettre un secret de la défense nationale consiste à le révéler, en tout ou partie, à quelqu'un qui n'a pas à en connaître. Si la compromission délibérée est rare, les compromissions par négligence du détenteur ou par accès illicite sont fréquentes. La rivalité entre les Etats et la concurrence économique entre les entreprises nourrissent la recherche active d'informations classifiées ou stratégiques et exigent que la protection des informations ou supports classifiés demeure une préoccupation essentielle de toute personne ou tout service détenteur.


Article 66
Domaine d'application de la compromission


L'appropriation, la livraison ou la divulgation, à des personnes non habilitées ou n'ayant pas le besoin d'en connaître, de tout élément constituant un secret de la défense nationale constituent des agissements contre les intérêts de la nation, considérés comme particulièrement dangereux. Le code pénal consacre aux atteintes au secret de la défense nationale les articles 413-9 à 413-12 (89).
Constitue le délit de compromission le fait de divulguer ou de rendre possible la divulgation d'un secret de la défense nationale, c'est-à-dire de le rendre accessible à une ou plusieurs personnes n'étant pas qualifiée(s) pour y accéder.
Toute personne dépositaire d'éléments couverts par le secret de la défense nationale en est responsable. Elle a le devoir de s'opposer à la communication de ces éléments à une personne non qualifiée pour y accéder, sous peine d'être elle-même poursuivie du chef de compromission.
Pour une information classifiée, les agissements matériels par lesquels se traduit l'atteinte au secret de la défense nationale peuvent revêtir trois formes (90) :
― un acte positif, consistant à détruire, à soustraire ou à reproduire un secret que l'on détient ;
― une attitude passive, consistant à laisser détruire, détourner, reproduire ou divulguer un secret, soit par un autre dépositaire, soit par un tiers ;
― une attitude négligente ou imprudente, consistant à méconnaître les instructions et consignes administratives et portant de ce fait atteinte à la protection d'une information classifiée en l'exposant au risque d'être dévoilée.
L'auteur de l'infraction peut être une personne qualifiée (91) ou un tiers (92). Est qualifiée la personne qui, par son état, sa profession, sa fonction ou sa mission, temporaire ou permanente, est habilitée à avoir accès à une information classifiée et a le besoin d'en connaître. Est considérée comme tiers toute personne à laquelle l'accès au secret est interdit. A la différence de la personne qualifiée, le simple tiers ne peut se voir reprocher pénalement une attitude passive ou négligente.
La protection pénale est limitée aux informations ou supports faisant l'objet d'une mesure de classification. Tant que cette classification perdure, quelle qu'en soit l'ancienneté ou la pertinence, le délit de compromission conserve sa pleine application. Une personne habilitée n'est pas déliée de ses obligations lorsque cesse son habilitation (93).
Ces dispositions sont étendues aux actes commis au préjudice (94) :
― des puissances signataires du traité de l'Atlantique Nord ;
― de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.
Elles s'appliquent également aux informations échangées (95) :
― en vertu d'un accord de sécurité régulièrement approuvé et ratifié, conclu entre la France et un ou plusieurs autres Etats étrangers ou une organisation internationale ;
― entre la France et une institution ou un organe de l'Union européenne et classifiées en vertu des règlements de sécurité de ces derniers, publiés au Journal officiel de l'Union européenne.
La qualité de secret est indépendante du nombre, parfois élevé, de personnes qui en connaissent la teneur.
L'infraction de compromission est constituée même si la divulgation n'est pas réalisée mais seulement rendue possible.
La tentative de compromission est sanctionnée comme le délit consommé (96).
La compromission est un délit. La nature singulière de l'infraction engendre des particularités procédurales importantes en matière d'ouverture des poursuites, de compétence juridictionnelle et de sanction applicable.
Outre les sanctions pénales, l'auteur d'un acte, commis délibérément ou non, qui compromet un secret de la défense nationale encourt le retrait de son habilitation et des sanctions disciplinaires, ce qui peut affecter gravement le déroulement de sa carrière.
Les personnes morales sont pénalement responsables des faits de compromission qui leur sont imputables et encourent, outre une peine d'amende, l'interdiction d'exercer l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (97).

(89) Ces dispositions ne sont pas les seules à protéger le secret, les articles consacrés à la trahison et à l'espionnage y faisant également référence, de manière indirecte (articles 411-6 pour la livraison d'un secret à une puissance étrangère, 411-7 pour la collecte de renseignements à fin de transmission à une puissance étrangère, 411-8 pour l'exercice d'une activité ayant pour but la livraison de renseignements à une puissance étrangère). (90) Articles 413-10 et 413-11 du code pénal. (91) Articles 413-10 et 413-10-1 du code pénal. (92) Articles 413-11 et 413-11-1 du code pénal. (93) Ainsi, par exemple, une personne ne peut déposer devant une juridiction en révélant des éléments classifiés, à moins que ceux-ci n'aient été préalablement déclassifiés. (94) Article 418-8 du code pénal. (95) Article 414-9 du code pénal. (96) Article 413-12 du code pénal. (97) Articles 121-2 et 414-7 du code pénal.