Articles

Article AUTONOME (Décision n° 2011-0986 du 1er septembre 2011 portant sur la définition du marché de gros pertinent des services de capacité sur les segments interurbains interterritoriaux relatifs à Saint-Barthélemy, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ce marché et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2011-0986 du 1er septembre 2011 portant sur la définition du marché de gros pertinent des services de capacité sur les segments interurbains interterritoriaux relatifs à Saint-Barthélemy, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ce marché et les obligations imposées à ce titre)



A N N E X E A
BILAN ET PERSPECTIVES
I. - Le marché de gros des services de capacité
sur les segments interurbains interterritoriaux
I-1. La connectivité des départements et collectivités d'outre-mer


Les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer sont situés à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole, environ 7 000 km dans le cas des Antilles ou de la Guyane, près de 9 000 km dans le cas de La Réunion ou de Mayotte, soit des distances nettement supérieures à celles des autres « régions ultrapériphériques » (RUP), qui regroupent les territoires excentrés de la Communauté européenne (les DOM français, les Açores, Madère et les Canaries). En outre, les départements et collectivités d'outre-mer sont isolés de leur environnement régional immédiat du fait de leur insularité ou de la présence de la forêt amazonienne dans le cas particulier de la Guyane. Les échanges avec le reste du territoire national ou leur environnement régional sont donc inévitablement plus compliqués.
Les services de capacité et de transmission de données entre les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer ou entre la métropole et les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer nécessitent donc l'utilisation de technologies adaptées en raison des spécificités géographiques de chaque territoire. Ces capacités de transmission sont indispensables pour interconnecter les réseaux de données des entreprises présentes dans ces territoires et permettre aux opérateurs d'acheminer le trafic issu de leurs offres de détail vers les grands centres d'échanges mondiaux.
La demande sur le circuit interurbain interterritorial entre la métropole et les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer et entre les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer (notamment les axes Guadeloupe - Martinique - Guyane) provient ainsi des opérateurs fixes et mobiles actifs sur ces régions.
Pour fournir leurs prestations de communications électroniques et interconnecter leurs réseaux à l'internet mondial, ces opérateurs achètent des capacités de transport sur le circuit interurbain entre leur point de présence outre-mer et un point de présence en métropole (généralement en région parisienne pour les opérateurs nouveaux entrants).
Par ailleurs, pour fournir leurs prestations de communications électroniques entre les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer, les opérateurs achètent des capacités de transport sur le circuit interurbain entre leur point de présence dans le premier territoire et leur point de présence dans le second territoire.


I-2. Les technologies


Plusieurs solutions techniques sont disponibles pour véhiculer le trafic : les câbles sous-marins, les liaisons satellitaires et les faisceaux hertziens. Les liaisons satellitaires et les faisceaux hertziens n'ont toutefois pas un degré de substituabilité suffisant par rapport aux câbles sous-marins et ne peuvent généralement pas représenter une alternative au transport par câbles sous-marins.


I-2.1. Les câbles sous-marins


L'acheminement du trafic des départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer peut être effectué par des câbles en fibre optique déployés sur les fonds sous-marins. Ces câbles permettent de disposer de capacités quasi illimitées grâce à la possibilité de déployer des câbles composés de multiples paires de fibre et aux technologies DWDM (8). Les câbles déployés actuellement offrent généralement une capacité totale de 1280 Gbit/s à 5120 Gbit/s. Leur durée de vie est estimée à vingt-cinq ans minimum et leur coût dépend de leur longueur et de la complexité de leur déploiement.


I-2.2. Les liaisons satellitaires


La connectivité des départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer peut être assurée par des liaisons satellitaires. Ces liaisons sont assurées par des satellites de télécommunications géostationnaires ou sur orbite basse et qui nécessitent l'installation de stations terrestres. Ces liaisons offrent des capacités de l'ordre de 10 Gbit/s mais qui devraient théoriquement atteindre les 100 Gbit/s pour les prochaines générations de satellites qui seront lancés à partir de 2011. Les satellites de grande capacité possèdent une durée de vie maximum de dix à quinze ans (satellites géostationnaires) et coûtent plusieurs centaines de millions d'euros, hors coûts de lancement.


I-2.3. Les liaisons par faisceaux hertziens


Les liaisons hertziennes peuvent constituer une solution de raccordement dans des cas très spécifiques avec de faibles distances inter îles, de l'ordre de quelques dizaines de kilomètres au maximum. Toutefois, ces liaisons nécessitent des lignes de vue directe pour fonctionner ce qui implique souvent de les installer sur des bâtiments élevés ou de construire des points hauts. Elles sont par ailleurs sensibles aux conditions climatiques telles que de fortes intempéries, qui peuvent donc compromettre leur usage dans les régions à forte pluviométrie ou sujettes à une saison cyclonique. Les liaisons par faisceaux hertziens offrent aujourd'hui des capacités jusqu'à 622 Mbit/s.


II. ― Historique de la régulation et rappel des obligations actuelles
II-1. Evolution des obligations applicables aux segments
aboutissant à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion


Les câbles sous-marins, déterminants pour la desserte de ces territoires en haut débit, font l'objet d'une régulation sectorielle ex ante de la part de l'Autorité qui est intervenue à plusieurs reprises pour améliorer la situation du marché des offres de gros Métropole-DOM ou inter-DOM.
L'Autorité a adopté, en mai 2004, deux décisions de règlement de différends au terme desquelles les offres de liaisons louées de transport et de transport IP ont été créées à La Réunion. L'Autorité a ensuite adopté, en septembre 2006, une décision d'analyse des marchés de services de capacité visant l'ensemble des DOM. Cette décision concluait à une influence significative de France Télécom sur l'ensemble des marchés entre la métropole et les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer, d'une part, et entre les départements, régions et collectivités territoriales d'outre-mer, d'autre part.
L'Autorité a révisé cette analyse et adopté une nouvelle décision relative aux marchés de services de capacité en avril 2010. Cette nouvelle analyse dérégule partiellement le marché de gros des services de capacité sur le segment interurbain interterritorial. En effet, la régulation est maintenue sur les prestations de compléments terrestres depuis la tête du câble SAFE à La Réunion et depuis la tête du câble Americas 2 en Guyane. En ce qui concerne la Guadeloupe, la régulation a été levée à la suite de l'arrivée du câble GCN qui offre une alternative à ECFS.


II-2. L'absence d'analyse des segments aboutissant à Saint-Martin et Saint-Barthélemy


Les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy constituaient avant 2007 des arrondissements de la Guadeloupe. Les segments aboutissant à Saint-Martin et Saint-Barthélemy étaient donc considérés soit comme des segments intra-régionaux s'ils avaient pour origine la Guadeloupe, soit comme des segments interurbains interterritoriaux aboutissant à la Guadeloupe, sans égard pour les particularités de ces deux territoires par rapport à l'île de la Guadeloupe, distante de 260 km. Ainsi aucune analyse spécifique des segments aboutissant à Saint-Martin et Saint-Barthélemy n'a été menée jusqu'à aujourd'hui.


III. ― Etat des lieux du marché de gros des services de capacité
sur les segments interurbains interterritoriaux aboutissant à Saint-Barthélemy
III-1. Infrastructures existantes


Il existe plusieurs infrastructures permettant la desserte de la collectivité de Saint-Barthélemy.


III-1.1. Le câble sous-marin Global Caribbean Network


Le territoire de Saint Barthélemy est desservi par un unique câble sous-marin, le câble Global Caribbean Network, dont un segment relie Saint-Barthélemy à Saint-Martin.
Global Caribbean Network (GCN), mis en service en 2007, fait partie du système GCN-MCN-SCF (9) qui dessert les Caraïbes entre Trinidad et Puerto Rico. Il est connecté au câble MAC permettant une double sortie vers Miami et New York. Ce câble est une délégation de service public de la région Guadeloupe dirigée par la société Global Caribbean Network, filiale du groupe Loret. Son financement a été assuré à 75 % par la région Guadeloupe et l'Europe et à 25 % par le groupe Loret. Sa capacité totale est de 1,28 Tbit/s.



Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 251 du 28/10/2011 texte numéro 103



Carte du réseau GCN (Source : Global Caribbean Network)
III-1.2. Les faisceaux hertziens


Par ailleurs, en raison de la faible distance qui sépare les deux collectivités, des opérateurs ont installé des liaisons par faisceaux hertziens entre le point haut de Morne-Lurin (Saint-Barthélemy) et le pic Paradis (Saint-Martin). Ces liaisons hertziennes sont fortement limitées en capacité en raison de la saturation des liens de collecte et du génie civil desservant le point haut de Morne Lurin et des difficultés des opérateurs à faire valoir leur droit de passage et obtenir les autorisations pour construire de nouvelles infrastructures de génie civil ou de nouveaux points hauts.


III-1.3. Les satellites


Il existe également des satellites de communications desservant la zone Caraïbes dans son ensemble tels que IntelSat-903, AMC-1, SkyTerra-1, mais l'offre reste limitée.


III-2. Acteurs du marché et situation concurrentielle


Le seul acteur en mesure de proposer des offres significatives sur le marché de gros des services de capacité sur le segment interurbain interterritorial est Global Caribbean Network en raison de sa position de monopole sur la commercialisation de capacités sous-marines aboutissant à Saint-Barthélemy.
Le groupe Loret, au travers de sa filiale Global Caribbean Network, est l'unique offreur sur le câble Global Caribbean Network. Le groupe Loret est par ailleurs présent sur les marchés de détail aval de la collectivité de Saint-Barthélemy au travers de sa filiale Mediaserv.
France Télécom est l'acteur prépondérant sur les marchés de détail aval de la collectivité de Saint-Barthélemy et dispose des seules capacités hertziennes significatives entre Saint-Barthélemy et Saint-Martin. France Télécom répond aux demandes de cotations des opérateurs tiers pour des liaisons louées acheminant le trafic par ces faisceaux hertziens mais la capacité disponible est très limitée.Hormis ces deux acteurs majeurs verticalement intégrés, l'opérateur Cable & Wireless dispose de capacités hertziennes entre Saint-Barthélemy et Saint-Martin, via des infrastructures partagées avec France Télécom, et Dauphin Télécom et Digicel ont installé des liaisons hertziennes de faibles capacités entre les deux îles. Ces opérateurs ne proposent pas d'offres de gros.


III-3. Services et offres du marché


Les opérateurs disposant de capacités proposent trois types de services : des services de capacité, du transit IP et plus rarement de l'achat de fibre. Les services de capacité permettent de transporter le trafic d'un point à un autre, le transit IP est un service plus évolué de connectivité internet.
Les capacités sur les câbles sont généralement proposées sous forme de conduits de transmission de débits standards : 2 Mbit/s (E1), 45 Mbit/s (VC3), N × 155 Mbit/s (STM-N). Ces capacités peuvent être mises à disposition sous 2 formes : la location de capacité au mois, assortie une période d'engagement assez courte, et la location de très long terme par contrat d'IRU (10), généralement de quinze ans.
Ces services de capacité sont généralement complétés par des prestations permettant aux opérateurs tiers de collecter leur trafic depuis la tête des câbles sous-marins. Cette collecte peut être effectuée par colocalisation directement dans les stations d'atterrissement, par déport optique si les stations d'atterrissement ne sont pas à même d'accueillir les équipements des opérateurs tiers ou par complément terrestre. Dans ce dernier cas, le trafic de l'opérateur tiers est livré directement dans l'un de ses points de présence existants.


IV. ― Perspectives


Sur la base des données actuelles, aucune évolution ne semble à prévoir sur le marché de gros des services de capacité sur le segment interurbain interterritorial aboutissant à Saint-Barthélemy.
Du côté de l'offre, il n'existe aucun projet de déploiement de câble sous-marin susceptible de faire évoluer la situation actuelle sur les capacités à destination des Antilles ou de l'international. Par ailleurs, il ne semble pas exister d'éléments susceptibles de faire évoluer les conditions tarifaires et techniques dans lesquelles sont proposées les offres.
Dans ces conditions, en raison de l'absence de concurrence sur le marché de gros des services de capacité sur le segment interurbain interterritorial depuis et vers ce territoire, l'Autorité estime nécessaire de s'attacher à analyser le degré de régulation nécessaire au maintien d'une dynamique concurrentielle effective et durable sur les marchés aval.

(1) Arrêté du 1er décembre 2009 portant désignation de l'opérateur chargé de fournir la composante du service universel prévue au 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques (service téléphonique). (2) Les normes de l'ETSI adoptées par la Commission figurent dans la liste des normes et/ou spécifications pour les réseaux de communications électroniques, les services de communications électroniques et les ressources et services associés (2002/C 331/04). (3) A leased line is a telecommunication facility provided by a public telecommunication network that provide defined telecommunication characteristics between network termination points and that do not include switching functions that the user can control (e.g. on-demand switching). (4) Commutation des adresses MAC des équipements. (5) Point 40 de ces lignes directrices. (6) « [...] for those markets listed, the Recommendation creates a presumption for the NRA that the three criteria are met and therefore NRAs do not need to reconsider the three criteria. [...] ». (7) « Individual NRAs may be in a position to demonstrate that trunk segments of leased lines continue to fulfill the three criteria and are susceptible to ex ante regulation. Whilst it might be considered that competition law can address the failure on such thin routes, it is unrealistic to rely solely on competition law for as long as the number of unduplicated trunk routes in a country remains high, considering the general costing and pricing principles that would have to be applied throughout the network. » (8) DWDM : Dense wavelength division multiplexing, technologie permettant de diviser le spectre lumineux transitant sur la fibre optique en plusieurs canaux de longueur d'onde différente (jusqu'à 64 canaux aujourd'hui) pouvant transporter chacun une capacité standard (par exemple un canal 10 Gbit/s sur Ethernet) et ainsi de démultiplier les capacités de transport des câbles en fibre optique. (9) Middle Caribbean Network et South Caribbean Fiber, filiales du groupe Loret. (10) Indefeasible Right of Use : droit d'usage irrévocable de longue durée donnant droit à l'utilisation d'une certaine capacité avec des droits quasi équivalents aux co-investisseurs. Les IRU portent généralement sur une durée de 15 ans et ne donnent pas le droit à leurs acquéreurs de revendre de la capacité.