I. - DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE LA TÉLÉPHONIE FIXE
DÉFINIS DANS LA RECOMMANDATION RÉVISÉE
I.1. Introduction sur la délimitation des marchés
L'exercice de délimitation des marchés a pour but de définir le contour, en termes de services puis du point de vue géographique, des marchés susceptibles d'être régulés par une autorité sectorielle. Cet exercice est, en application des dispositions de la directive européenne « cadre », effectué conformément aux principes issus du droit de la concurrence.
I.1.1. Définitions importantes
Les définitions suivantes sont importantes dans le cadre de ce document :
Communication téléphonique (ou appel) : on entend par « communication téléphonique » ou « appel » une communication en temps réel établie par un utilisateur final à destination d'un autre utilisateur final via un numéro du plan national de numérotation (1) ;
Interconnexion directe : modalité d'interconnexion impliquant l'achat d'une prestation de gros de terminaison d'appel à l'opérateur contrôlant l'accès au service téléphonique de l'utilisateur final appelé ;
Interconnexion indirecte : modalité d'interconnexion impliquant l'achat d'une prestation de gros de départ d'appel à l'opérateur contrôlant l'accès au service téléphonique de l'utilisateur final appelant ;
Poste fixe : on entend par « poste fixe » tout équipement terminal, connecté à un point de terminaison d'un réseau ouvert au public en position déterminée, et permettant d'accéder au service téléphonique, à l'exclusion des publiphones ;
Services associés à l'accès : on entend par « services associés à l'accès » les fonctionnalités complémentaires à la fourniture d'un accès qui sont mises à la disposition des utilisateurs finals pour gérer leurs communications. Elles comprennent notamment le signal d'appel, l'affichage du numéro ou du nom des appelants, le renvoi d'appels, le rappel du dernier appelant, la restriction de la présentation du numéro, le double appel, la conférence téléphonique, la messagerie vocale, le répertoire téléphonique, le suivi de consommation, la restriction d'appels et la sélection directe à l'arrivée ;
Service téléphonique au public : le 7° de l'article L. 32 du CPCE définit actuellement un « service téléphonique au public » comme « l'exploitation commerciale pour le public du transfert direct de la voix en temps réel, entre utilisateurs fixes ou mobiles ».
Afin de faciliter la compréhension du lecteur, un glossaire technique est fourni à l'annexe G du présent document.
I.1.2. Délimitation des marchés en termes de produits et services
Le périmètre des marchés du point de vue des produits et services repose principalement sur l'analyse des éléments suivants :
― les caractéristiques objectives, le prix et l'usage des services : ces éléments, cités par les lignes directrices 2002/C165/03 de la Commission européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (ci-après « lignes directrices »), permettent de définir l'ensemble des services qui peuvent appartenir à un même marché, en particulier sur les marchés de détail ;
― la substituabilité du côté de la demande : deux produits ou services appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment interchangeables pour leurs utilisateurs, du point de vue de l'usage qui en est fait, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de migration d'un produit vers l'autre, etc. Afin d'apprécier cette notion d'interchangeabilité, l'analyse doit en particulier prouver que la substitution entre les deux produits est rapide et prendre en compte les coûts d'adaptation qui en découlent ;
― la substituabilité du côté de l'offre : un produit B peut appartenir au même marché que le produit A en cas de substituabilité du côté de l'offre, c'est-à-dire lorsque les fournisseurs du produit B peuvent commencer à produire le produit A en cas de hausse du prix de marché de ce produit, sans qu'ils aient à subir des coûts importants de modification de leur appareil de production.
Pour établir l'existence d'une substituabilité éventuelle entre services du point de vue de la demande ou de l'offre, l'analyse peut également impliquer la mise en œuvre de la méthode dite du « monopoleur hypothétique », ainsi que le suggèrent les « lignes directrices » de la Commission européenne. Du point de vue de la demande, ce test consiste à étudier qualitativement les effets sur la demande d'une augmentation légère, 5 à 10 % par exemple, mais réelle et durable, du prix pratiqué par un hypothétique monopoleur sur un service donné, de manière à déterminer s'il existe des services considérés comme substituables par les demandeurs, vers lesquels ils seraient susceptibles de s'orienter. Du point de vue de l'offre, il s'agit de savoir si, face à une telle hausse de prix, des entreprises commercialisant d'autres services seraient en mesure de fournir, rapidement et facilement, un service équivalent à celui du monopoleur hypothétique. Ainsi que le mentionnent les « lignes directrices », l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en œuvre n'implique pas une étude économétrique.
I.1.3. Délimitation des marchés en termes géographiques
Il est rappelé dans les « lignes directrices » susvisées (point 56) que « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».
Concrètement, deux principaux critères permettent de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : d'une part, le territoire effectivement couvert par les réseaux et, d'autre part, l'existence d'instruments de nature juridique conduisant en pratique à distinguer des zones géographiques ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale.
I.2. Délimitation des marchés de détail de la recommandation révisée
Parmi les marchés de détail de la téléphonie fixe, seul le marché de l'accès a été maintenu dans la recommandation « marchés pertinents » révisée de la Commission européenne. Cette partie traite de la délimitation de ce marché de détail de l'accès à un service téléphonique fixe au public et de sa subdivision en deux sous marchés, l'un résidentiel et l'autre non résidentiel.
I.2.1. Périmètre des marchés de l'accès fixe à un service téléphonique au public
Afin de définir le périmètre des marchés de l'accès en termes de produits et services, l'Autorité présente ci-après les différentes prestations existantes d'accès fixe à un service téléphonique au public (I.2.1.1) avant d'effectuer différentes analyses de substituabilité (I.2.1.2 à I.2.1.8).
I.2.1.1. Les différentes prestations existantes d'accès fixe à un service téléphonique au public
Avant de déterminer lesquelles font partie du marché pertinent de l'accès fixe à un service téléphonique au public, il convient de décrire l'ensemble des prestations d'accès disponibles sur le marché. Il est possible de distinguer trois types de prestations d'accès fixe, définis selon leur rapport avec la téléphonie :
― les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie ;
― les accès utilisés principalement pour la téléphonie ;
― les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie.
L'abonnement de base à un accès fixe au service téléphonique, quand il n'est utilisé pour aucun autre service que la téléphonie, correspond de façon évidente à un accès utilisé exclusivement pour la téléphonie.
Mais dès lors que l'accès en question est dégroupé partiellement, son usage n'est plus strictement limité à la téléphonie. En effet, l'abonnement à un accès fixe au service téléphonique permet également dans ce cas de souscrire par ailleurs un service d'accès à internet (2). Néanmoins son usage principal reste le service téléphonique.
Une offre multiservices en dégroupage total ou ADSL nu en revanche n'est pas utilisée principalement pour la téléphonie puisque ce type d'offre permet à la fois l'accès à internet, l'accès à un service téléphonique de voix sur large bande et l'accès à un service de télévision sur ADSL. Il s'agit par conséquent d'un exemple d'offre dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie.
D'autres types de produits d'accès au réseau (par fibre optique, par câble, etc.) permettent également l'accès à un service téléphonique. Selon les cas, leur usage peut se limiter ou non à la téléphonie.
Les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie font évidemment partie du marché pertinent de l'accès au service téléphonique. Afin de délimiter ce marché, il convient d'analyser la substituabilité de ce type de prestation avec les autres types d'accès au service téléphonique. L'analyse qui suit démontre la substituabilité entre les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie et les accès utilisés principalement pour la téléphonie (I.2.1.2) et la non-substituabilité entre les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à l'accès au service téléphonique (I.2.1.3).
Par ailleurs, l'Autorité note qu'historiquement, les offres d'accès fixe à un service téléphonique au public couplaient systématiquement l'accès au réseau et l'accès au service téléphonique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : en effet, les réseaux multiservices de nouvelle génération permettent de décorréler la fourniture de l'accès au réseau et la fourniture de l'accès au service téléphonique, qui peuvent même être réalisées par deux opérateurs distincts. Les deux composantes restent toutefois nécessaires pour offrir un service téléphonique fonctionnel au client final. L'analyse qui suit montre la non-substituabilité des accès au service téléphonique vendus conjointement et séparément de l'accès au réseau (I.2.1.4).
Enfin, l'Autorité montre que les services de capacités et les accès à des réseaux de données ne font pas partie du marché de l'accès au service téléphonique (I.2.1.5) et qu'il n'y a pas substituabilité des accès mobiles avec les accès fixes (I.2.1.6). Puis elle classe les offres d'accès au service téléphonique fixe et les offres de communications téléphoniques dans des marchés distincts (I.2.1.7), avant de démontrer que les clientèles résidentielle et non résidentielle continuent également, en France, de délimiter deux marchés différents (I.2.1.8).
I.2.1.2. Les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie et les accès utilisés
principalement pour la téléphonie sont substituables
Les offres d'abonnement analogiques de France Télécom permettent à leurs clients de souscrire un accès haut débit à internet auprès de France Télécom ou d'un autre FAI via le dégroupage partiel ou le bitstream. L'ensemble des produits commercialisés aujourd'hui pour donner accès à un service téléphonique au public permettent également d'accéder à internet en bas débit, bien que ce service soit en très nette décroissance. Les offres d'abonnement analogiques ne sont ainsi pas toujours utilisées exclusivement pour accéder à un service téléphonique au public. Par ailleurs, l'offre d'accès de base RNIS comprend deux canaux B utilisés principalement pour la voix ainsi qu'un canal D utilisé pour la signalisation et le transport de données.
Même s'ils permettent des usages annexes, tous ces produits sont commercialisés principalement pour permettre d'accéder au service téléphonique et sont vendus dans une gamme de prix qui reflète principalement l'usage de l'accès au service téléphonique. Il existe donc une substituabilité du côté de la demande. Ces produits doivent par conséquent être considérés dans les mêmes marchés, y compris les prestations annexes incluses dans ces offres, dans la mesure où l'ensemble de ces services est commercialisable en bouquet indissociable.
Conformément à l'article L. 32-1-II (13°) du CPCE, l'analyse de l'Autorité doit être la plus neutre technologiquement. Le câblo-opérateur ne commercialise plus d'offre d'accès exclusivement dédiée à la téléphonie, mais celle-ci faisait auparavant partie du même marché que l'abonnement principal de France Télécom. Par ailleurs, si un opérateur commercialisait un produit d'accès pour la voix fondé sur d'autres technologies que celles utilisées aujourd'hui (analogique, RNIS), par exemple de la voix sur large bande sur un accès exploitant la technologie ADSL ou un raccordement en fibre optique, si ce produit était principalement utilisé pour accéder à un service téléphonique au public, et enfin s'il était vendu dans une même gamme de prix, alors il devrait être inclus dans le même marché que les autres accès principalement dédiés au service téléphonique.
Dans la suite de ce document, on qualifie de « principalement téléphoniques » les accès utilisés exclusivement ou principalement pour la téléphonie.
I.2.1.3. Les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès
dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie ne sont pas substituables
Les produits qui ne sont pas principalement utilisés pour accéder à un service téléphonique au public ne peuvent pas être considérés comme substituables aux produits analysés dans la section précédente. Certaines offres d'accès physique, que le raccordement sous-jacent soit effectué par câble, par paire de cuivre ou par fibre optique, permettent d'accéder à un service téléphonique au public mais fournissent de manière conjointe d'autres services tels qu'un réseau privé virtuel, l'accès à haut débit au réseau internet ou l'accès à un bouquet de chaînes de télévision. Dès lors que ces offres ne sont pas choisies par le client final principalement pour la prestation de téléphonie mais plutôt, voire principalement, pour leur caractère multiservices (notamment l'accès au réseau internet à haut débit ou à des services audiovisuels), elles ne répondent pas à la même demande que celles destinées principalement à l'accès téléphonique. Il n'existe donc pas de substituabilité du côté de la demande.
En outre, le positionnement et le développement des offres multiservices à haut débit, auxquelles un utilisateur s'abonne pour des services qui peuvent inclure le service téléphonique mais sans en constituer l'élément principal, les distinguent des offres dont cet accès est le principal usage. Le premier élément distinguant les accès principalement téléphonique des autres est le tarif. En effet, le tarif de détail des accès haut débit, s'il a connu une décroissance continue à un débit donné, reste sensiblement plus élevé que celui d'un accès dédié au service téléphonique.
A titre d'exemple, sur le segment résidentiel, les offres les plus vendues par les opérateurs alternatifs sont les offres multiservices incluant la téléphonie illimitée en dégroupage total, qui comprennent à la fois l'accès à internet en haut débit, un service téléphonique sur large bande avec un forfait illimité de communications vers les numéros géographiques métropolitains et de nombreuses destinations internationales, ainsi qu'un bouquet de chaînes de télévision. Or, ces offres font généralement l'objet d'un abonnement mensuel démarrant à environ 30 € TTC par mois. Ce montant est à mettre en regard des forfaits mensuels associés aux offres d'accès exclusivement dédiés à la téléphonie. A titre d'exemple, l'abonnement mensuel au service téléphonique analogique de France Télécom s'élève à 16 € TTC par mois et celui de SFR, reposant sur la VGAST, à 14,90 € TTC par mois. Ces différences substantielles de niveaux de prix démontrent l'absence de substituabilité de ces différents types d'offres.
Cette analyse est identique pour le marché non résidentiel : les produits dont l'usage principal n'est pas limité à l'accès à un service téléphonique au public ne sont pas substituables à ceux qui sont utilisés principalement pour accéder à un service téléphonique au public.
I.2.1.4. Les accès au service téléphonique vendus séparément de l'accès au réseau ne sont pas substituables
aux accès au service téléphonique vendus conjointement à l'accès au réseau
L'Autorité observe l'apparition d'un nouveau modèle économique sur les réseaux IP : la décorrélation entre la fourniture de l'accès et la fourniture du service téléphonique, les deux pouvant être assurées par des opérateurs différents. Des opérateurs comme OVH ou OXIP proposent ainsi désormais des services téléphoniques à l'utilisateur final sans pour autant contrôler l'accès physique haut débit à celui-ci. Ces opérateurs disposent de plateformes de services de VoIP et d'un réseau interconnecté avec le réseau des opérateurs fournisseurs d'accès haut débit contrôlant l'accès physique à leurs clients finals ainsi qu'avec les autres opérateurs fournisseurs de services téléphoniques au public. Ils détiennent également leurs propres ressources de numérotation ouvertes à l'interconnexion.
L'Autorité souligne qu'il reste indispensable, pour que le client final dispose d'un service téléphonique fonctionnel, qu'il ait souscrit préalablement à une offre d'accès physique à un réseau haut débit qui puisse supporter l'accès au service téléphonique. Or, ces offres d'accès physique sont à ce jour principalement des offres d'accès à internet haut débit, dont les tarifs d'entrée de gamme sont significativement supérieurs à ceux des accès principalement téléphoniques, comme expliqué supra. Quand bien même le tarif de l'accès au service téléphonique vendu séparément sur cet accès physique serait nul (par exemple si le fournisseur choisit de se rémunérer via les communications uniquement), le coût global pour le client final d'une solution reposant sur l'achat séparé à deux prestataires d'un accès physique à un réseau haut débit et d'un accès au service téléphonique est significativement supérieur à celui d'un accès principalement téléphonique combinant accès au réseau et accès au service téléphonique.
Par conséquent, les accès au service téléphonique vendus séparément de l'accès au réseau ne sont pas substituables aux accès au service téléphonique vendus conjointement à l'accès au réseau.
I.2.1.5. Les services de capacité et les accès à des réseaux de données ne sont pas substituables
aux accès à un service téléphonique
Les services de capacité regroupent principalement les liaisons louées, quelle que soit leur interface (offre « point à point »), et les offres de services de capacité en architecture « point à multipoints ». Les accès à des réseaux de données regroupent principalement les offres de réseaux d'entreprises (réseaux privés virtuels), les accès à des réseaux de données privées ou publics. Même dans le cas où son débit est comparable à celui d'un accès physique traditionnel (RTC), un service de capacité ― par exemple une liaison louée analogique ou numérique ― n'est pas substituable à un accès utilisé principalement pour la téléphonie. Les liaisons louées ne permettent que le transport de voix ou de données entre deux points fixes et ne fournissent pas l'accès à un service téléphonique au public. Réciproquement, une liaison louée assure la fourniture d'une capacité de transmission à la fois garantie et dédiée à l'utilisateur, ce qui n'est pas le cas des accès en bande étroite en position déterminée (parmi lesquels seul l'accès numérique offre un débit garanti mais pas dédié). Une liaison louée peut être utilisée comme élément constitutif d'un accès utilisé pour la téléphonie, mais elle n'en est pas un substitut.
La situation est identique pour les services de capacité, les accès à des réseaux de données d'entreprise et les accès à des réseaux de données privés ou publics. Pour les raisons exposés ci-dessus, il apparaît que les services de capacité et les accès à des réseaux de données, et par extension, toute prestation d'accès à un réseau qui n'inclut pas l'accès à un service téléphonique, ne peuvent être considérés comme substituables aux accès à un service téléphonique au public et ne sont donc pas inclus dans le même marché.
I.2.1.6. Les accès mobiles à un service téléphonique au public
ne sont pas substituables aux accès fixes
Un accès mobile est caractérisé par le fait de permettre à l'utilisateur d'avoir recours à un service indépendamment de sa localisation. Cette propriété de mobilité conduit par nature à ce que l'utilisateur perçoive ces services comme différents des services « en position déterminée », ou « services fixes ». En outre, le mobile revêt un caractère individuel. A l'inverse, en pratique, un foyer, même lorsque certains de ses membres disposent d'un téléphone mobile, se dispense rarement d'un accès fixe au service téléphonique, de caractère partagé. L'Autorité constate d'ailleurs en pratique que le nombre d'accès aux services de téléphonie fixe n'a pas réellement diminué du fait de la pénétration des services mobiles. A ce jour, la grande majorité des usagers disposent ainsi à la fois d'un accès mobile et d'un accès fixe au service téléphonique. Les accès mobiles ne sont donc pas substituables à leurs équivalents fixes.
On observe néanmoins des effets de substituabilité limités entre les deux types d'accès à un service téléphonique au public. Un utilisateur final peut ainsi utiliser un accès mobile sur le lieu où il dispose de son accès fixe, la réciproque étant généralement fausse par définition.
L'Autorité remarque la multiplication des offres de convergence entre les réseaux fixes et mobiles. Ces offres sont proposées principalement aujourd'hui par des acteurs intégrés horizontalement sur les marchés fixe et mobile, mais pourraient l'être également par des opérateurs fixe et mobile ayant établi un partenariat pour proposer une offre conjointement. Il s'agit :
― de convergence commerciale avec le lancement d'Ideo par Bouygues Telecom en mai 2009. Ideo correspond au couplage de la souscription à une offre de services de type box avec un forfait de téléphonie mobile, avec une remise tarifaire de l'ordre de 30 % par rapport à la somme des tarifs de ces prestations vendues séparément. Ce lancement a été suivi en mai 2010 par le lancement de l'offre Ideo 24/24, qui reste une offre de convergence commerciale entre un forfait mobile et une offre fixe multiservices, mais présente la particularité de proposer un forfait mobile non disponible hors couplage. SFR a répliqué en juin 2010 avec l'offre Illimythics Absolu, très proche de l'offre Ideo 24/24, mais dont l'offre mobile reste disponible hors couplage (pour un prix toutefois égal à celui de l'offre complète Ideo 24/24). Orange France a été le dernier opérateur mobile à répliquer en août 2010, avec le lancement de Orange Open ;
― de convergence technique, d'abord avec le lancement par Orange France à l'automne 2006 de l'offre convergente Unik reposant sur un terminal ad hoc (GSM/Wifi) permettant des communications illimitées vers les fixes et vers les mobiles Orange France depuis le domicile et connecté à la Livebox grâce à la technologie UMA, puis par le lancement de l'offre femtocell Home 3G par SFR en novembre 2009. L'offre consiste à raccorder un boîtier à la connexion haut-débit fixe de l'utilisateur final afin de passer des communications mobiles (voix, SMS ou data), sans passer par la boucle locale radio. Le boitier permet de fournir une couverture mobile de qualité au domicile de l'utilisateur final et contribue à décharger la boucle locale radio, étant donné que les communications passées depuis le domicile atteignent alors le réseau cœur de l'opérateur mobile en passant par un accès fixe.
Ces nouveaux types d'offres conduisent à penser que les accès fixes et mobiles à un service téléphonique au public pourraient à long terme constituer un unique marché. Mais il ne s'agit à ce jour que de tendances potentielles puisque la très grande majorité des consommateurs continue d'utiliser les accès fixes, d'une part, et les accès mobiles, d'autre part, de façon distincte et non interchangeable. L'Autorité suivra les développements de ces offres et pourra être amenée le cas échéant à revoir son analyse à l'avenir.
I.2.1.7. Les accès fixes à un service téléphonique au public
et les communications téléphoniques constituent des marchés distincts
Du point de vue historique, les prestations d'accès à un service téléphonique au public ont toujours été proposées séparément des prestations de communications téléphoniques. Bien qu'aujourd'hui se développent des offres couplant accès et communications, une part significative des clients résidentiels et non résidentiels continue de distinguer l'abonnement des communications dans leurs choix d'achats et dans le contrôle de leur budget (notamment parce qu'un nombre important de clients continue de bénéficier d'offres découplées [3], pour des raisons historiques).
En outre, le mécanisme de sélection du transporteur, introduit à partir de 1997, repose sur la séparation entre l'accès et les communications et maintient cette distinction. La sélection du transporteur a été mise en œuvre pour développer la concurrence entre les opérateurs fournissant l'acheminement des appels, indépendamment des conditions de concurrence qui pouvaient être observées sur le marché de l'accès à un service téléphonique au public. De fait, la souscription à un abonnement de téléphonie fixe et la souscription à un service de communications fixes, appel par appel ou en présélection, sont effectuées auprès d'opérateurs distincts. Sous le coup du développement d'offres de communications fondées sur la sélection du transporteur, l'intensité concurrentielle est sensiblement différente entre les marchés des communications et ceux de l'accès.
Cependant, depuis 2006 et la mise en œuvre de l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique (ci-après dénommée « VGAST »), les opérateurs alternatifs ont la possibilité de proposer des offres couplant accès et communications aux clients titulaires d'un accès chez France Télécom en évitant que soit maintenu un lien commercial entre France Télécom et ledit client. De même, France Télécom commercialise une gamme d'offres « Optimale » couplant accès et communications. Ces offres unifiées permettent de simplifier les usages des clients, avec notamment une facture unique au lieu de deux dans le cas de la sélection du transporteur.
Toutefois, à moyen terme, il est possible que les offres découplant accès et communications se marginalisent, fusionnant ainsi les marchés de l'accès et des communications en un unique marché des services téléphoniques. On observe ainsi que les offres de sélection du transporteur (notamment la sélection appel par appel) hors VGAST sont en baisse significative, au profit des offres multiservices qui incluent presque systématiquement maintenant un forfait téléphonique d'abondance couplé avec l'accès.
Pour ce qui concerne les prochaines années, l'Autorité estime donc que les marchés de l'accès et des communications ne sont pas substituables et continuent de constituer des marchés distincts. Cette analyse est conforme à la recommandation révisée « marchés pertinents » de la Commission européenne, qui explique dans la note explicative de sa recommandation : « [...] Telephone services are usually supplied as overall packages of access and usage. Various options and packages may be available to end users depending on their typical usage or calling patterns. Although many end users appear to prefer to purchase both access and outgoing calls from the same undertaking, many others choose alternative undertakings from the one providing access (and the receipt of calls) in order to make some or all of their outgoing calls. An undertaking that attempted to raise the price of outgoing calls above the competitive level would face the prospect of end users substituting alternative service providers. End users can relatively easily choose alternative undertakings by means of short access codes, (carrier selection via contractual or pre-paid means) or by means of carrier pre-selection. Whilst undertakings that provide access compete on the market for outgoing calls, it does not appear to be the case that undertakings supplying outgoing calls via carrier selection or pre-selection would systematically enter the access market in response to a small but significant non-transitory increase in the price of access. Therefore, it is possible to identify separate retail markets for access and outgoing calls. [...] » (4).
I.2.1.8. Les clientèles résidentielle et non résidentielle délimitent des marchés distincts
La Commission européenne avait distingué dans ses « lignes directrices » et dans sa recommandation « marchés pertinents » de 2003, deux types de clientèles : les « abonnés résidentiels » et les « abonnés d'affaires » qui regroupent les professions libérales, les TPE, les PME et les grandes entreprises. De même, dans sa première décision d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité avait estimé que dans le cas français, la segmentation des marchés de détail en fonction des clientèles résidentielle et non résidentielle était pertinente d'un point de vue concurrentiel et avait donc défini, d'une part, trois marchés pertinents de détail pour la clientèle résidentielle et, d'autre part, trois marchés pertinents de détail pour la clientèle non résidentielle.
Dans sa recommandation « marchés pertinents » révisée, estimant que les conditions d'accès ne diffèrent en réalité pas substantiellement d'un segment de clientèle à l'autre, la Commission européenne considère dorénavant que les clientèles résidentielle et non résidentielle peuvent être regroupées au sein d'un même marché pertinent : « [...] In the initial Recommendation, a distinction was made between residential and non-residential access. However, the experience so far of market analyses and notifications under the Framework Directive has shown that the contractual terms of access in most Member States, do not significantly and systematically differ between residential and non-residential access. Operators do not generally seek to classify different demand categories and do not normally register whether a particular access service is supplied to a residential or non-residential customer, so that collecting separate data for both groups of customers has in practice often appeared to be difficult. From a supply perspective, since similar products (in particular PSTN access lines) are often used by residential and non-residential users, suppliers to non-residential customers could generally divert their supplies to residential customers should prices to residential customers rise, and vice versa. On this basis, the Commission proposes in the draft revised Recommendation to define one single narrowband access market for residential and non-residential customers. [...] » (5). La Commission européenne précise toutefois dans le même document que les Autorités de régulation nationales ont la possibilité de décider, si les circonstances nationales le justifient, de continuer de considérer des marchés distincts pour les clientèles résidentielle et non résidentielle : « [...] NRAs may, however, decide on the basis of national circumstances and in line with competition law principles to segment this market further where this would be appropriate. [...] » (6).
L'Autorité considère que la segmentation des marchés de détail entre clientèles résidentielle et non résidentielle demeure pertinente au cas d'espèce de la France. En effet, s'il existe un certain degré de substituabilité notamment en matière de demande, celle-ci n'est pas totale.
Tout d'abord en ce qui concerne les besoins des utilisateurs, les produits d'accès fixe ainsi que les contrats associés à ces produits, achetés par la clientèle non résidentielle diffèrent souvent de ceux achetés sur le marché résidentiel. A titre d'exemple, les accès de base (ainsi que les groupements d'accès de base) et les accès primaires (ainsi que les groupements d'accès primaire) sont quasi exclusivement achetés sur le marché non résidentiel. De plus, même si certains accès sont à la fois achetés par la clientèle résidentielle et non résidentielle (par exemple les accès analogiques), les caractéristiques associées à ces produits différent fortement d'un marché à l'autre. Notamment, s'agissant des utilisateurs finals du marché non résidentiel, les commandes d'accès sont souvent centralisées, les dates de livraisons des commandes harmonisées et, en cas de conservation des numéros, celles-ci se font souvent par bloc de numéros. En outre, ces utilisateurs finals tendent à solliciter davantage de services associés ou avancés (présentation du nom, transfert d'appel, statistiques d'usage, etc.), et à acheter leurs accès via des appels d'offres (les processus d'achat sur les marchés résidentiels étant en général moins complexes). L'Autorité tient à souligner, toujours concernant les caractéristiques des usages sur les deux marchés de l'accès fixe identifiés, que les clients non résidentiels présentent une demande nettement supérieure en termes de qualité de service (disponibilité, temps de rétablissement, service après-vente, etc.), une interruption de services pouvant porter préjudice au fonctionnement d'une entreprise notamment en ce qui concerne la relation avec ses partenaires externes. Enfin, les profils d'usages diffèrent sensiblement sur les deux marchés et les clients non résidentiels utilisent les services de communications électroniques principalement durant les heures et jours ouvrables, au contraire des résidentiels. Les offres de détail achetées par ces deux catégories de clients ne sont en conséquence pas identiques (mode de tarification, remises accordées, etc.).
Les besoins spécifiques des clients non résidentiels présentés supra ont un impact important sur la façon dont sont construites les offres sur ces deux marchés mais aussi sur la structure des marchés concernés. Ainsi du côté de l'offre, on constate qu'à ce jour, seuls trois acteurs desservent à la fois les clientèles résidentielle et non résidentielle, les autres opérateurs étant positionnés exclusivement sur l'une ou l'autre. Or, ces trois opérateurs continuent de proposer des offres tarifaires différentes pour chacune d'elles. L'Autorité note également que les canaux de distribution et de commercialisation, et plus généralement les politiques commerciales de ces opérateurs, sont distincts entre les deux clientèles. Ainsi, chaque offre est explicitement destinée soit aux clients résidentiels, soit aux clients non résidentiels. Certains petits clients non résidentiels, dont les usages sont particulièrement proches de ceux des clients résidentiels, peuvent toutefois opter pour des offres conçues pour les résidentiels, mais ce chevauchement entre les deux franges de clientèles identifiées reste marginal.
Enfin la plus grande complexité des offres destinées au marché non résidentiel impose des contraintes particulières aux opérateurs désirant adresser ce marché. Ces derniers doivent par exemple être en mesure d'offrir des garanties de qualité de service adaptées aux besoins des clients non résidentiels (garanties de temps de rétablissement plus élevées que sur les marchés résidentiels) ou encore collaborer avec des installateurs et intégrateurs pour le déploiement des infrastructures d'accès. A titre illustratif, du fait de la plus grande complexité des offres destinées à la clientèle du marché non résidentiel (et notamment de la qualité de service à fournir), l'utilisation de l'offre de gros de vente en gros de l'accès au service téléphonique (VGAST) a été plus rapide et répandue sur le marché résidentiel (dès 2007). Sur le marché non résidentiel, les opérateurs alternatifs ont estimé nécessaire de procéder au préalable à des expérimentations plus élaborées (ventes significatives sur ce segment à partir de 2008 seulement).
Au vu de ces éléments, l'Autorité estime justifié de segmenter les types de clientèle sur lesquels porte la délimitation des marchés et d'analyser la clientèle résidentielle, d'une part, et la clientèle non résidentielle, d'autre part.
I.2.2. Délimitation géographique des marchés de détail de l'accès
à un service téléphonique au public
Après avoir délimité les marchés de détail de l'accès en termes de produits, il est nécessaire d'établir leur délimitation géographique.
Le groupe France Télécom est présent, tant pour les prestations de détail que pour les prestations de gros, sur un territoire comprenant la métropole, les départements d'outre-mer et Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. L'Autorité estime que les conditions de concurrence sont suffisamment proches en métropole, dans les départements d'outre-mer et à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon pour les intégrer dans les mêmes marchés, dans la mesure où la présence et la pratique d'une politique commerciale, et tarifaire notamment, uniforme sur l'ensemble de ce territoire de l'opérateur France Télécom y structurent le jeu concurrentiel de manière suffisamment homogène.
Par conséquent, la délimitation géographique retenue dans la présente analyse pour les marchés de détail de l'accès correspond à la métropole, aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
I.2.3. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP et en particulier à la pertinence de la segmentation en deux marchés de l'accès distincts pour les usagers résidentiels, d'une part, et non résidentiels, d'autre part.
I.2.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la délimitation des marchés de détail de l'accès.
I.2.5. Conclusion
La délimitation des marchés de détail de l'accès, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et pour la clientèle non résidentielle, d'autre part, reste inchangée par rapport aux analyses effectuées par l'Autorité en 2005 puis en 2008. Ces marchés comprennent les produits d'accès utilisés principalement ou exclusivement pour l'accès au service téléphonique et incluant l'accès physique au réseau, sur l'ensemble du territoire d'analyse :
― le marché de détail de l'accès à un service téléphonique au public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle résidentielle principalement pour accéder à un service téléphonique au public ;
― le marché de détail de l'accès à un service téléphonique au public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle non résidentielle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle non résidentielle principalement pour accéder à un service téléphonique au public.
I.3. Délimitation des marchés de gros du départ d'appel
et de la terminaison d'appel fixe
I.3.1. Préambule relatif aux architectures des réseaux
Le document « Bilan et perspectives » (rappelé en 0) a permis de décrire les évolutions générales des architectures et des technologies utilisées par les opérateurs fixes. Cette partie se concentre plus précisément sur l'organisation de l'interconnexion.
I.3.1.1. Architecture des réseaux téléphoniques
Le schéma ci-dessous présente l'architecture générique d'une communication téléphonique, qui est indépendante du type de réseau la supportant.
Figure 1. ― Architecture générique d'une communication téléphonique
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
Deux principaux types de réseaux coexistent aujourd'hui, dont l'architecture est fondamentalement différente : les réseaux téléphoniques commutés et les réseaux IP-NGN multiservices. Ces types de réseaux sont interconnectables, mais présentent des spécificités en termes d'architecture d'interconnexion.
I.3.1.1.1. Cas des réseaux téléphoniques commutés.
Le réseau historique de France Télécom est un réseau téléphonique commuté, représenté à la page suivante. Celui-ci est organisé hiérarchiquement. En effet, compte tenu des structures de coûts des réseaux RTC et étant donné qu'une partie importante du trafic voix est à destination locale, le réseau RTC de France Télécom est établi suivant une architecture à plusieurs niveaux de commutation, afin de réduire les distances d'acheminement du trafic entre deux points (mais aussi, par ailleurs, pour gérer le nombre important d'utilisateurs).
Au niveau bas, les commutateurs raccordant les utilisateurs finals sont appelés « commutateurs d'abonnés » (CA) ou « commutateurs à autonomie d'acheminement » (CAA). Au niveau haut, un « commutateur de transit » (CT) raccorde plusieurs commutateurs d'abonnés et achemine le trafic qui leur est destiné ou qu'ils génèrent. La métropole est ainsi divisée en 18 zones de transit (ZT), comprenant chacune un commutateur de transit (7) auxquels sont connectés plusieurs commutateurs d'abonnés. Les réseaux commutés des autres opérateurs sont d'envergure moindre que celui de France Télécom, et ne possèdent généralement qu'un seul niveau hiérarchique, pouvant assurer simultanément des fonctions de transit et de commutation.
Depuis quelques années, France Télécom a déployé en parallèle un réseau IP-NGN multiservices, qui lui permet de proposer des services complémentaires aux services téléphoniques, comme l'accès à internet haut débit ou la télévision sur IP. Ce réseau permet également l'acheminement de la voix (VLB commercialisée sous la marque « Orange » sur le marché résidentiel et « Orange Business Services » sur le marché non résidentiel). Deux réseaux, RTC et IP-NGN, coexistent ainsi.
Figure 2. ― Architecture du réseau téléphonique commuté de France Télécom
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
I.3.1.1.2. Cas des réseaux NGN.
Comme expliqué ci-avant, les opérateurs, dont France Télécom, ont déployé également des réseaux s'appuyant sur le protocole IP. Ces réseaux, qualifiés de « réseaux de nouvelle génération » (NGN ou « Next Generation Networks » en anglais), présentent notamment l'avantage de pouvoir transporter simultanément des flux de voix et de données à des débits importants, sur une unique infrastructure de transport utilisant le protocole IP. De plus, ces réseaux permettent de concentrer et de centraliser les équipements de gestion des appels. En effet, les équipements NGN gèrent généralement un plus grand nombre d'utilisateurs finals que les équipements de commutation et ne sont pas organisés de façon pyramidale, chaque équipement étant relié à un ou plusieurs autres équipements de même niveau. Les communications peuvent emprunter plusieurs routes différentes pour relier deux utilisateurs finals entre eux, de même que la signalisation d'une communication peut emprunter une route différente du contenu lui-même.
Les réseaux NGN peuvent servir comme réseaux de transit, y compris pour du trafic émis ou reçu par des clients raccordés au réseau téléphonique commuté. Dans ce cas, les appels passent par une passerelle TDM/IP qui convertit le trafic commuté en trafic IP, les interconnexions IP-IP entre deux opérateurs n'étant pas aujourd'hui en œuvre à la connaissance de l'Autorité (sauf à titre expérimental).
Les réseaux NGN acheminent depuis 2009 la majorité des communications émises ou reçues par les clients finals, à partir d'accès large bande notamment. Ainsi en 2010, environ 57 % du trafic émis depuis les lignes fixes en France l'a été en VLB.
I.3.1.2. Architecture d'interconnexion
Pour s'interconnecter avec les autres réseaux et permettre à ses utilisateurs finals de joindre et d'être joints par les utilisateurs finals des autres réseaux, chaque opérateur doit mettre en place une architecture d'interconnexion.
Cette architecture d'interconnexion est généralement calquée sur l'architecture générale du réseau de l'opérateur, dans la mesure où chaque opérateur a intérêt à échanger les appels entrants et sortants de son réseau près de ses équipements de commutation et/ou de routage, dans un souci d'efficacité. L'architecture d'interconnexion la plus pertinente pour un réseau est généralement définie par l'opérateur de ce réseau et peut dépendre de la taille de son réseau, de la localisation géographique de ses clients et de la technologie utilisée dans le réseau. Elle dépend également des contraintes des opérateurs qui souhaitent s'interconnecter et peut évoluer selon les rapports bilatéraux entre opérateurs.
L'interconnexion des réseaux est aujourd'hui encore réalisée en utilisant la technologie TDM. Les flux IP arrivant à un point d'interconnexion sont convertis en flux TDM, préalablement à leur livraison à l'opérateur tiers. Les réseaux NGN et les structures de coûts qui en découlent conduisent généralement les opérateurs à concentrer leurs points d'interconnexion en des points proches des équipements de commande et de gestion des appels et des utilisateurs finals.
L'Autorité constate que, pour les appels depuis ou à destination de ses utilisateurs finals « Orange » qui accèdent au service téléphonique en VLB et qui utilisent des numéros non géographiques, France Télécom a mis en place une architecture d'interconnexion resserrée autour de 23 points d'interconnexion (PRV) au maximum. De même, compte tenu de la diminution notable des coûts de transit dans les réseaux tout-IP, tous les opérateurs alternatifs en France proposent pour ce type de réseaux un nombre de points d'interconnexion pertinents (permettant d'accéder au tarif de terminaison d'appel régulé) considérablement réduit par rapport au réseau RTC de France Télécom : généralement entre un et cinq points. L'Autorité note cependant que des considérations de sécurité et de résilience des interconnexions et de répartition de la charge réseau peuvent conduire un opérateur à fixer des conditions spécifiant le nombre minimal de points d'interconnexion auxquels un autre opérateur doit se raccorder en fonction de la quantité de trafic émise ou de la capacité d'interconnexion requise par ce dernier. La pratique de France Télécom qui impose actuellement de raccorder au moins un PRV (8) par tranche de 5 blocs primaires numériques (BPN) commandés, dans la limite des 23 points existants, paraît s'inscrire, au moins pour partie dans cette logique. D'une manière générale, la réduction du nombre de points d'interconnexion dans le cas des réseaux IP est susceptible d'aboutir à un net recul des prestations de gros de transit.
Colt signale par ailleurs que « la notion de point d'interconnexion pertinent peut s'appliquer, d'une part, au flux de communication, et, d'autre part, au flux de signalisation » et « demande donc que le débat sur les points d'interconnexion pertinents en mode IP et les mesures que le régulateur sera éventuellement [amené] à prendre à leur sujet distingue bien ces deux types de points d'interconnexion ». De plus, Colt suggère « d'ouvrir le débat sur les points pertinents d'interconnexion et d'accès à l'ensemble des services actifs supportés par le réseau NGN (voix sur IP, bitstream, services de capacité supportés par le réseau MPLS, voire terminaison data pour les échanges relatifs au trafic internet) ».
D'une manière générale, même si la régulation des prestations de gros respecte un principe de neutralité technologique, l'Autorité souhaite que la régulation permette d'accompagner la transition technologique des réseaux vers la technologie IP, notamment en ce qu'elle impacte les architectures et protocoles d'interconnexion. Des réflexions sont donc à prévoir, qui pourront porter notamment sur les structures de tarification et les architectures d'interconnexion pertinentes, ou encore les différences susceptibles de subsister durablement ou au contraire de s'atténuer rapidement entre les interconnexions pour la voix et les interconnexions pour les données.
I.3.2. Eléments d'analyse communs à tous les marchés de gros
L'analyse des substituabilités comporte des éléments communs aux marchés du départ d'appel et de la terminaison d'appel. Cette partie montre que les prestations de gros d'acheminement de trafic produites selon différents modes techniques sont substituables (I.3.2.1), puis que l'origine des communications (résidentielle ou non résidentielle) ne délimite pas de marchés de gros distincts (I.3.2.2), et enfin que les prestations connexes aux prestations de gros d'acheminement de trafic sont incluses dans le même marché (I.3.2.3).
I.3.2.1. Les prestations de gros d'acheminement
de trafic produites selon différents modes techniques sont substituables
Les opérateurs qui s'échangent aujourd'hui des prestations de gros d'acheminement de trafic se livrent ce trafic en mode commuté sur des interfaces d'interconnexion utilisant principalement des protocoles de signalisation de type « signalisation sémaphore n° 7 » (SS7). Avant et après livraison sur l'interface d'interconnexion, les opérateurs interconnectés acheminent le trafic sur leur réseau respectif.
Les produits inclus dans les marchés de gros analysés ici désignent des prestations d'acheminement de trafic offertes par certains opérateurs pour le compte d'autres opérateurs. Conformément au principe de neutralité technologique, les prestations commercialisées ne se définissent pas par le mode de production ou la technologie utilisée, mais par leur fonction et leurs caractéristiques visibles pour l'acheteur.
En particulier, le fait que le trafic soit transporté, avant et après livraison sur l'interface d'interconnexion, en mode commuté, en mode IP ou selon tout autre mode reste neutre sur la définition du produit du point de vue de l'acheteur, qui n'est d'ailleurs pas toujours en mesure de savoir quelle sera la technologie de transport utilisée par l'opérateur vendeur de la prestation. De fait, en l'état actuel des interconnexions, les appels acheminés en mode ATM (« Asynchronous Transfer Mode » ou mode de transfert asynchrone) ou IP sur les réseaux des opérateurs sont convertis en mode commuté à l'interconnexion. De même, des prestations de gros qui seraient livrées sur de nouvelles interfaces d'interconnexion ― notamment en mode IP pur ― et qui permettraient aux opérateurs y ayant recours de proposer sur les marchés de détail des produits similaires à ceux qui s'appuient aujourd'hui sur les prestations de gros existantes seront de fait incluses dans les marchés pertinents correspondants.
I.3.2.2. Les prestations de gros d'acheminement de trafic issu des utilisateurs finals
résidentiels et non résidentiels sont substituables
Si la structure de la demande des clients finals sur le marché de détail est différente pour les communications résidentielles et les communications non résidentielles, les deux types de prestations utilisent les mêmes éléments de réseau. Par conséquent, elles présentent un degré de substituabilité du côté de l'offre qui justifie leur inclusion dans un même marché de produits.
I.3.2.3. Les prestations connexes aux prestations d'acheminement
de trafic sont incluses dans le même marché
Les prestations d'acheminement de trafic (départ et terminaison d'appel notamment) ne sont fournies qu'à condition d'avoir mis en place une interconnexion physique et logique des réseaux. Cette interconnexion nécessite le recours à différentes prestations connexes comme la création d'un faisceau, la location d'un espace de colocalisation, la sécurisation de l'interconnexion, etc. En particulier, les prestations d'accès aux sites d'interconnexion et de sécurisation du trafic sont essentielles pour la fourniture des prestations d'acheminement de trafic.
Ces prestations connexes ne font sens que dans l'objectif de recourir aux prestations principales d'acheminement de trafic, et inversement, ces dernières ne sont pas réalisables sans ces prestations connexes. Par conséquent, les marchés de gros d'acheminement de trafic incluent les prestations connexes qui leur sont associées.
I.3.3. Les marchés de la terminaison d'appel fixe
I.3.3.1. Définition de la prestation de terminaison d'appel fixe
La terminaison d'appel fixe désigne la prestation fournie par un opérateur à d'autres opérateurs d'acheminement d'appels à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau depuis les points d'interconnexion pertinents. Ces prestations permettent aux opérateurs acheteurs d'établir, via l'interconnexion de leur réseau au réseau de l'opérateur vendeur, des communications téléphoniques à destination des utilisateurs finals d'un service téléphonique au public auxquels ces numéros ont été affectés. Par commodité, on dit que l'opérateur vendeur « termine » les appels vers ces numéros ou vers ces utilisateurs finals.
Les points d'interconnexion pertinents sont définis comme ceux au-delà desquels seul cet opérateur, qui contrôle l'accès au service téléphonique des utilisateurs finals auxquels sont affectés lesdits numéros, peut acheminer de manière efficace les appels qui leur sont destinés.
Du point de vue de l'opérateur acheteur, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie employée pour offrir cette prestation : après le ou les points d'interconnexion pertinents, l'acheminement du trafic est de la seule responsabilité de l'opérateur de terminaison quant au choix de la solution technologique. En effet, au-delà de ce ou ces points, l'opérateur de terminaison d'appel est le seul à pouvoir acheminer l'appel grâce aux équipements appropriés, l'opérateur acheteur n'y ayant structurellement pas accès. Ces équipements constituent ainsi un goulot d'étranglement structurel.
Figure 3. ― Prestation de terminaison d'appel
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
I.3.3.2. Opérateurs concernés
Les prestations de terminaison d'appel fixe sont fournies par des opérateurs contrôlant l'accès au service téléphonique des utilisateurs finals au travers de la fourniture à ces utilisateurs de la possibilité de recevoir une communication téléphonique.
Ainsi, sont concernés :
― les opérateurs disposant de boucles locales téléphoniques fixes quelle que soit leur couverture géographique, utilisant des infrastructures en propre tels que les réseaux cuivrés, les réseaux de câblo-téléphonie, de boucle locale radio ou les réseaux en fibre optique, pour fournir des accès exclusivement, principalement ou notamment téléphoniques, c'est-à-dire groupant l'accès au réseau et l'accès au service téléphonique au public (et d'autres services, le cas échéant, pour les accès non exclusivement téléphoniques) ;
― les opérateurs louant à des tiers des infrastructures de boucle locale, telles que des liaisons louées d'accès ou des paires de cuivre dégroupées, pour fournir des accès exclusivement, principalement ou notamment téléphoniques groupant l'accès au réseau et l'accès au service téléphonique au public (et d'autres services, le cas échéant pour les accès non exclusivement téléphoniques) ;
― les opérateurs de service disposant de cœurs de réseau téléphoniques et fournissant des accès au service téléphonique sans fournir eux-mêmes l'accès au réseau, et pour lesquels l'acheminement du trafic depuis et jusqu'aux utilisateurs finals s'appuie sur des accès fournis à ces derniers par des opérateurs tiers, généralement des accès haut débit.
Les prestations de terminaison d'appel sont fournies quelles que soient les technologies utilisées (analogique, numérique, VLB, VoIP, etc.).
I.3.3.3. Analyse de la substituabilité entre les différentes offres
de terminaison d'appel fixe
Après avoir donné un sens aux termes de « terminaison d'appel », il est justifié, pour effectuer la délimitation du marché, de partir du marché le plus petit possible, à savoir l'acheminement d'un appel à destination d'un numéro fixe ouvert à l'interconnexion sur le réseau d'un opérateur et livré à un point d'interconnexion pertinent, puis d'examiner quelles prestations doivent également être incluses dans ce marché en fonction de la substituabilité que présentent les autres prestations du côté de la demande et du côté de l'offre.
Concernant la terminaison d'appel fixe, cet examen des degrés de substituabilité conduit à conclure que :
― le marché contient au moins l'ensemble des prestations de terminaison d'appel à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur le réseau du même opérateur (I.3.3.3.1) ;
― les prestations de terminaison d'appel à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur le réseau d'un autre opérateur sont incluses dans des marchés distincts (I.3.3.3.2) ;
― les prestations de terminaison d'appel fixe et de terminaison d'appel mobile d'un opérateur ne sont pas substituables (I.3.3.3.3) ;
― les offres couplant terminaison et transit ne font pas partie du marché (I.3.3.3.4) ;
― les prestations de terminaison d'appel fixe produites selon différents modes techniques sont substituables (voir partie I.3.2.1 précédemment développée) ;
― les prestations de terminaison d'appel fixe fournies pour du trafic issu d'utilisateurs finals résidentiels et d'utilisateurs finals non résidentiels sont substituables (voir partie I.3.2.2 précédemment développée).
I.3.3.3.1. Le marché contient au moins l'ensemble des prestations de terminaison d'appel à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur le réseau d'un opérateur donné.
La prestation de terminaison d'appel vendue par un opérateur pour les appels à destination d'un des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau n'est pas en soi substituable à la prestation vendue pour les appels à destination d'un autre de ses numéros. L'Autorité considère néanmoins que ces deux prestations doivent être incluses dans le même marché car, du point de vue de l'offre, elles sont généralement commercialisées de manière homogène et soumises aux mêmes contraintes au regard de leurs conditions de production et du point de vue de la demande, elles font généralement l'objet d'une demande d'interconnexion relative à l'ensemble des numéros fixes d'un opérateur donné.
En particulier, l'Autorité constate que l'attribution de numéros géographiques (01 à 05) ou non géographiques (09) résulte généralement de la politique de l'opérateur ou des souhaits des clients finals mais qu'il n'y a plus aujourd'hui de distinction faite entre les clients utilisant des numéros géographiques et les clients utilisant des numéros non géographiques, certains d'entre eux pouvant même disposer d'un numéro géographique et d'un numéro non géographique pour le même accès physique (exemple : accès physique groupant deux accès au service téléphonique, l'un en RTC et l'autre en VLB). De plus, lors de la mise en place d'une interconnexion, l'acheteur de terminaison d'appel souhaite généralement pouvoir joindre l'ensemble des numéros fixes, géographiques ou non, de l'opérateur vendeur.
L'Autorité rappelle que les numéros pour lesquels une prestation de terminaison d'appel fixe est fournie sont uniquement les numéros fixes du plan national de numérotation appelés « numéros de communications interpersonnelles géographiques et non géographiques » tels que définis dans la décision n° 2005-1085 et commençant, à ce jour, par 01, 02, 03, 04, 05 et 09. Le marché de la terminaison d'appel fixe inclut donc toutes les prestations de terminaison vers ces types de numéros et vers toute autre ressource de numérotation susceptible d'être affectée à un usage de communications interpersonnelles en position déterminée impliquant un modèle d'interconnexion directe, c'est-à-dire la fourniture d'une prestation de terminaison d'appel.
L'acheminement des communications à destination des numéros d'accès à un service à valeur ajoutée tels que définis dans la décision n° 2005-1085 (ci-après « numéros SVA ») ne recourt pas à une prestation de terminaison d'appel mais à une prestation de départ d'appel, les communications étant « collectées » par l'opérateur d'arrivée, définissant ainsi un modèle d'interconnexion indirecte. Il s'agit à ce jour des numéros longs commençant par 08 et des numéros courts de la forme 10XY, 3BPQ, 116XYZ et 118XYZ. Il ne peut donc exister de marché de la terminaison d'appel vers ces types de numéros.
L'Autorité considère donc que l'ensemble des prestations de terminaison d'appel fournies à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur le réseau d'un même opérateur sur son réseau doit être regroupé dans un même marché.
I.3.3.3.2. Les prestations de terminaison d'appel fournies à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur les réseaux d'opérateurs distincts sont incluses dans des marchés distincts.
Pour déterminer si les offres d'opérateurs distincts doivent être regroupées ou non dans un même marché, il convient d'examiner les possibilités de substitution entre les prestations de terminaison d'appel offertes à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur deux réseaux distincts, pour l'acheminement de communications à destination de ces numéros.
Lorsqu'un opérateur souhaite terminer un appel vers un numéro fixe ouvert à l'interconnexion sur le réseau d'un autre opérateur, il ne dispose d'aucune solution de substitution à la prestation de terminaison d'appel de cet opérateur, seul ce dernier étant capable d'acheminer l'appel sur la dernière partie du réseau, jusqu'au numéro ouvert à l'interconnexion sur son réseau. Il en résulte que les prestations de terminaison d'appel à destination de numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur deux réseaux distincts ne peuvent être considérées comme substituables du point de vue de l'offre.
Cette analyse rejoint d'ailleurs l'analyse de la Commission européenne dans sa recommandation sur les marchés pertinents.
I.3.3.3.3. Les prestations de terminaison d'appel vocal mobile et de terminaison d'appel fixe d'un même opérateur ne sont pas incluses dans le même marché.
Comme indiqué supra, il semble pertinent d'inclure dans le même marché toutes les prestations de terminaison d'appel fixe d'un opérateur pour des raisons d'identité des conditions d'offre et de demande de ces prestations.
A l'inverse, les prestations de terminaison d'appel fixe et de terminaison d'appel mobile d'un opérateur donné ne sont pas substituables. En effet, la nature même du service fourni est différente : un appel à destination d'un numéro mobile ne peut se substituer à un appel à destination d'un numéro fixe dans la mesure, notamment, où l'usage des services mobiles et fixes peut différer, en particulier en situation de mobilité. De plus, les architectures d'interconnexion peuvent également différer pour ces deux prestations.
Néanmoins, l'Autorité veillera à accroître l'homogénéité des conditions techniques, opérationnelles et économiques de fourniture des prestations de terminaison d'appel fixe et mobile, dont notamment : la définition, le nombre et la localisation des points d'interconnexion pertinents ainsi que la cohérence des tarifs à périmètre identique, voire la mutualisation des prestations associées (colocalisation, création ou modification de faisceaux d'acheminement, etc.).
I.3.3.3.4. Les offres couplant terminaison et transit ne font pas partie du marché.
Certaines offres de terminaison d'appel fixe peuvent inclure une prestation complémentaire de transit. C'est par exemple le cas lorsqu'il est techniquement possible, pour l'opérateur sollicitant la prestation, de s'interconnecter à un point d'interconnexion pertinent A du réseau, mais qu'il choisit de s'interconnecter à un autre point d'interconnexion B du réseau et de confier ainsi l'acheminement de trafic entre B et A à l'opérateur de terminaison.
Pour autant, les opérateurs sont a priori en mesure de connaître, soit au regard de la localisation de l'utilisateur final appelé ou appelant, soit par une information fournie par l'opérateur appelé (cf. base des numéros portés), le ou les points pertinents auxquels livrer l'appel à destination dudit numéro. Ils peuvent par conséquent choisir de s'interconnecter directement à ce ou ces points, ou de livrer plutôt l'appel à un autre point d'interconnexion, sollicitant par là même une prestation complémentaire de transit.
L'Autorité estime que les offres de terminaison à destination des numéros fixe ouverts à l'interconnexion sur un réseau donné incluant le transit vers ce même réseau ne peuvent être considérées comme des substituts à la terminaison d'appel fixe vendue par chacun des opérateurs au niveau des éléments de commutation ou de routage les plus pertinents permettant d'assurer la prestation de terminaison d'appel. Ces offres de « transit + terminaison d'appel » doivent en effet être considérées, dans la segmentation des marchés retenue par l'Autorité, comme un couplage entre deux prestations faisant partie de deux marchés distincts, à savoir le transit, d'une part, et la terminaison d'appel, d'autre part. La pertinence de ce choix de délimitation entre les marchés de la terminaison d'appel et du transit s'explique principalement par le fait que la terminaison d'appel, au contraire du transit, ne peut être fournie que par l'opérateur vendeur ainsi que par les différences significatives de niveaux tarifaires entre les prestations de terminaison d'appel et les prestations de transit incluant la terminaison d'appel.
Par conséquent, les offres couplant terminaison d'appel et transit (redirection du trafic par l'opérateur de terminaison entre le point d'interconnexion utilisé par l'opérateur acheteur et le point d'interconnexion pertinent) seront réputées comme n'appartenant pas au marché pertinent des offres se limitant à la terminaison d'appel.
I.3.3.3.5. Cas particulier du marché de la terminaison d'appel de France Télécom.
Comme pour tous les opérateurs, les prestations de terminaison d'appel fournies par France Télécom le sont au niveau d'équipements sur lesquels il est possible de proposer l'interconnexion, et au-delà desquels seul l'opérateur contrôlant l'accès au numéro appelé est capable de terminer l'appel. Ces équipements constituent le goulot d'étranglement structurel. Cette définition s'applique aussi bien au réseau commuté qu'au réseau IP de France Télécom.
Comme exposé supra, le réseau de France Télécom est historiquement un réseau en mode commuté, organisé de manière hiérarchique avec deux niveaux possibles d'interconnexion.
Compte tenu des démonstrations précédentes, les prestations d'interconnexion de France Télécom au niveau des CT sont considérées comme des prestations couplant terminaison d'appel (pour la partie CA-carte d'abonné) et transit (pour la partie CT-CA). Ces prestations ne font pas partie du même marché que la prestation d'interconnexion au niveau des CA. De plus, France Télécom a déployé une architecture d'interconnexion particulière pour les appels à destination de ses numéros en VoIP (aujourd'hui néanmoins limitée aux seuls numéros VoIP non géographiques), en définissant un nombre limité de CT comme points d'interconnexion VoIP. Conformément au principe de neutralité technologique de la régulation et aux raisonnements développés ci-dessus, les prestations de terminaison d'appel vers les numéros VoIP vendues à ces points font partie du même marché que les prestations de terminaison d'appel aux CA vendues pour les numéros affectés à des utilisateurs finals raccordés au réseau téléphonique commuté de France Télécom.
Au demeurant, ce regroupement est valable pour tout opérateur distinguant plusieurs architectures d'interconnexion pour joindre ses utilisateurs finals.
I.3.3.4. Délimitation en termes géographiques
Dans la mesure où le marché de produits a été défini comme étant la terminaison d'appel à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur le réseau individuel de chaque opérateur, la dimension géographique du marché de la terminaison d'appel sur ce réseau coïncide avec la couverture géographique du réseau de l'opérateur considéré.
I.3.3.5. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne la délimitation des marchés de la terminaison d'appel sur chacun des réseaux des opérateurs français.
Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence est favorable à l'accompagnement réglementaire de la transition des réseaux vers la technologie NGN. Elle conclut ainsi que : « si l'Autorité de la concurrence n'est pas en mesure de porter une appréciation détaillée sur les mesures envisagées par l'ARCEP dans le cadre du présent avis, elle estime pleinement légitime la démarche du régulateur sectoriel tendant à encadrer l'architecture d'interconnexion de France Télécom et à donner les incitations aux acteurs pour faire migrer leurs réseaux vers le tout IP. »
I.3.3.6. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la délimitation des marchés de gros de la terminaison d'appel fixe.
I.3.3.7. Conclusion
L'Autorité identifie donc un marché de la terminaison d'appel fixe vers chaque réseau individuel comme étant le marché de gros sur le territoire d'analyse des prestations nécessaires à l'acheminement d'appels à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau depuis le ou les points d'interconnexion pertinents. Les points d'interconnexion pertinents sont définis comme ceux au-delà desquels seul cet opérateur, qui contrôle l'accès au service téléphonique des utilisateurs finals auxquels sont affectés lesdits numéros, peut acheminer de manière efficace les appels qui leur sont destinés.
La liste des opérateurs pour lesquels un marché de la terminaison d'appel fixe a été identifié est fournie à l'annexe A du présent document.
S'agissant des opérateurs fixes maîtrisant le trafic entrant (i.e. contrôlant l'accès au service téléphonique et la possibilité de recevoir des communications téléphoniques des utilisateurs finals) qui pourraient apparaître ou qui pourraient ne pas figurer dans la liste ci-annexée, l'Autorité pourra être amenée, en tant que de besoin après le lancement de leur activité, soit à identifier de nouveaux marchés individuels de terminaison d'appel fixe, associés à chacun d'entre eux, soit à intervenir dans le cadre d'une éventuelle demande de règlement de différend.
I.3.4. Le marché du départ d'appel
I.3.4.1. Définition de la prestation de départ d'appel
Le départ d'appel fixe désigne la prestation d'acheminement d'appels fournie par un opérateur d'acheminement d'appels en provenance des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau jusqu'au(x) point(s) d'interconnexion pertinent(s). Cette prestation permet aux opérateurs acheteurs d'établir, via l'interconnexion de leur réseau au réseau de l'opérateur vendeur, des communications téléphoniques au départ des utilisateurs finals d'un service téléphonique au public auxquels ces numéros ont été affectés. Par commodité, on dit de l'opérateur qui achète une telle prestation qu'il « collecte » les appels en provenance de ces numéros ou de ces utilisateurs finals. Cela signifie qu'il « récupère » le trafic pour en assurer l'acheminement ultérieur sur son propre réseau (ou éventuellement sur celui d'autres opérateurs auprès desquels il sollicite d'autres prestations de gros).
Les points d'interconnexion pertinents sont définis comme ceux en deçà desquels seul cet opérateur, qui contrôle l'accès au service téléphonique des utilisateurs finals auxquels sont affectés lesdits numéros, peut acheminer de manière efficace les appels qu'ils ont émis.
I.3.4.2. Délimitation en termes de trafics concernés
Les prestations d'acheminement de trafic de départ d'appel permettent de fournir trois services de détail aval distincts :
― des communications interpersonnelles, via la sélection du transporteur ;
― l'accès à internet bas débit ;
― des communications à destination de numéros SVA.
L'Autorité estime que les prestations de gros d'acheminement de trafic de départ d'appel sous-jacentes à ces trois types de services de détail doivent être incluses dans un même marché, puisqu'elles utilisent les mêmes éléments de réseau. Par conséquent, elles présentent un degré de substituabilité du côté de l'offre qui justifie leur inclusion dans un même marché de produits.
I.3.4.3. Délimitation en termes de produits et services
Le service de départ d'appel considéré ici est associé à plusieurs services de détail : les communications voix au départ des postes téléphoniques en position déterminée, qu'elles soient à destination des fixes (nationales ou internationales) ou à destination des mobiles (nationales ou internationales), les communications vers internet (accès bas débit) et les communications à destination de numéros SVA. L'Autorité a déjà montré que les prestations de gros sous-jacentes à ces différents trafics sont substituables sur les marchés de gros.
Un opérateur B devant collecter un appel au départ d'un numéro d'un opérateur fixe A pourrait théoriquement solliciter une prestation de départ d'appel en plusieurs points d'interconnexion, de niveau hiérarchique plus ou moins élevé dans le réseau, le cas échéant.
En particulier, pour collecter du trafic au départ d'un utilisateur final appelant dont l'accès au service téléphonique est contrôlé par l'opérateur A, l'opérateur B a le choix entre :
― l'offre d'interconnexion de l'opérateur A, au niveau d'un point d'interconnexion pertinent du réseau de l'opérateur A ;
― l'offre d'interconnexion de l'opérateur A ou d'un opérateur tiers, au niveau d'un autre point d'interconnexion du réseau de l'opérateur A.
L'Autorité considère que la deuxième offre inclut une prestation complémentaire de transit entre le point d'interconnexion pertinent du réseau de l'opérateur de départ et un autre point d'interconnexion de son réseau. Or, les opérateurs acheteurs de départ d'appel sont a priori en mesure de connaître soit au regard de la localisation du numéro appelant, soit par une information fournie par l'opérateur appelant, le point d'interconnexion techniquement et économiquement le plus pertinent offert par l'opérateur de départ sur lequel collecter l'appel en provenance dudit numéro. Ils peuvent par conséquent choisir de s'interconnecter directement à cet équipement, ou de collecter plutôt l'appel à un niveau supérieur ou simplement à un autre équipement d'interconnexion, sollicitant par là même une prestation complémentaire de transit.
L'Autorité estime que les offres de départ d'appel incluant le transit ne peuvent être considérées comme des substituts au départ d'appel vendu au niveau des éléments de commutation ou de routage les plus pertinents pour l'interconnexion et qu'elles offrent seulement un couplage entre deux prestations de deux marchés distincts, à savoir le marché du départ d'appel et le marché du transit. La pertinence de ce choix de délimitation entre les marchés du départ d'appel et du transit s'explique principalement par le fait que le départ d'appel, au contraire du transit, ne peut être fourni que par l'opérateur contrôlant l'accès à l'utilisateur final appelant ainsi que par les différences significatives de niveaux tarifaires entre les prestations de départ d'appel et les prestations de transit incluant le départ d'appel.
Par conséquent, les offres couplant départ d'appel et transit (redirection du trafic par l'opérateur de départ entre le point d'interconnexion utilisé par l'opérateur acheteur et le point d'interconnexion pertinent) seront réputées comme n'appartenant pas au marché pertinent des offres se limitant au départ d'appel.
I.3.4.4. Délimitation en termes géographiques
Pour procéder à la délimitation géographique du marché, il convient de tenir compte du fait que France Télécom exploite encore, fin 2009, environ 31 millions d'accès au service téléphonique (75 % du total) ― sur lesquels il fournit donc les prestations de départ d'appel ― et que son réseau couvre la Métropole, les départements d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'Autorité estime par ailleurs que les conditions concurrentielles de la fourniture du départ d'appel sont homogènes sur l'ensemble du territoire d'analyse. En outre, il n'existe pas d'instruments juridiques, législatifs ou réglementaires, permettant de déterminer des zones géographiques distinctes.
L'Autorité considère donc que le marché géographique du départ d'appel correspond au territoire d'analyse, à savoir la métropole, les départements d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
I.3.4.5. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence émet dans son avis des remarques d'ordre méthodologique concernant le traitement des communications à destination de numéros SVA. Celles-ci sont exposées infra, à la section III.4.6.
Ces remarques ne remettent pas en cause la délimitation du marché du départ d'appel en position déterminée proposée par l'ARCEP, sous réserve de l'issue future des travaux européens sur le traitement réglementaire des services à valeur ajoutée.
I.3.4.6. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la délimitation du marché de gros du départ d'appel en position déterminée.
I.3.4.7. Conclusion
L'Autorité identifie donc le marché du départ d'appel en position déterminée comme étant le marché de gros sur le territoire d'analyse des prestations nécessaires à l'acheminement d'appels en provenance des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau jusqu'au(x) point(s) d'interconnexion pertinent(s). Les points d'interconnexion pertinents sont définis comme ceux en deçà desquels seul cet opérateur, qui contrôle l'accès au service téléphonique des utilisateurs finals auxquels sont affectés lesdits numéros, peut acheminer de manière efficace les appels qu'ils ont émis.
Cette délimitation correspond à la délimitation du marché du départ d'appel en position déterminée retenue par la Commission européenne dans sa recommandation.
II. ― PERTINENCE DES MARCHÉS POUR UNE RÉGULATION EX ANTE
II.1. Introduction sur la pertinence des marchés
L'article L. 37-1 du CPCE dispose que l'Autorité doit définir les marchés pertinents pour l'application d'une régulation ex ante « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ». Ainsi, pour estimer la pertinence d'un marché au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.
En application des directives susvisées, la Commission européenne a publié les « lignes directrices » précitées relatives au processus d'analyse de marché. Elle a également adopté une première recommandation « marchés pertinents » en 2003, définissant une liste de dix-huit marchés susceptibles d'être pertinents pour une régulation sectorielle, puis une seconde recommandation « marchés pertinents » du 17 décembre 2007, dans laquelle elle ramène à sept le nombre de marchés de cette liste. L'Autorité a tenu le plus grand compte de ces documents dans l'élaboration de son analyse de marché.
Pour définir les marchés de la téléphonie fixe pouvant être considérés pertinents pour une régulation sectorielle, les recommandations « marchés pertinents » de 2003 et de 2007 de la Commission européenne préconisaient de démontrer la présence de trois critères :
― la présence de barrières à l'entrée élevées et non provisoires ;
― l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective ;
― l'efficacité insuffisante du droit de la concurrence.
L'Autorité considère, conformément au paragraphe 36 des lignes directrices de la Commission européenne susvisées, que s'agissant d'un marché recensé par la Commission européenne, il ne lui est pas nécessaire de démontrer à nouveau les éléments qui ont déjà été pris en compte par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents » et sur lesquels l'Autorité porte la même appréciation. La note explicative de la Commission portant sur sa recommandation « marchés pertinents » révisée précise en effet : « [...] for those markets listed, the Recommendation creates a presumption for the NRA that the three criteria are met and therefore NRAs do not need to reconsider the three criteria. [...] » (9). Toutefois, conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, elle s'attachera, dans le cadre de la présente analyse, à démontrer les obstacles au développement effectif de la concurrence.
II.2. Pertinence des marchés de détail de l'accès
II.2.1. Dans la recommandation révisée de la Commission européenne
Le marché de détail de l'accès figure dans la recommandation « marchés pertinents » révisée du 17 décembre 2007 en tant que marché susceptible d'être régulé ex ante. Dans sa recommandation, la Commission européenne estime que la seule régulation de gros pouvant influer sur le contexte concurrentiel de ce marché de détail est la régulation des infrastructures d'accès, notamment le dégroupage. Or, concurrencer l'opérateur historique par le dégroupage suppose un déploiement de réseau important, et nécessite beaucoup de temps et d'investissements. Par ailleurs, en pratique, les opérateurs dégroupeurs ne s'appuient pas sur l'offre de dégroupage pour proposer des offres d'accès bas débit. La régulation appliquée sur les infrastructures ne permet ainsi pas de supprimer les barrières à l'entrée importantes et durables existant sur le marché de l'accès au service téléphonique, qui est donc susceptible d'être régulé ex ante.
Dans la note explicative de sa recommandation révisée sur les marchés pertinents, la Commission européenne explique ainsi : « [...] Regarding retail access to the public telephone network at a fixed location, the only wholesale regulation that could impact on competition in this market is the regulation of the wholesale infrastructure access market, which enables new entrants to provide narrowband access services to retail customers. However, exploiting wholesale infrastructure access requires time and significant investments, a large portion of which are sunk. Moreover, new entrants in principle do not lease infrastructure access to provide narrowband access only. Wholesale infrastructure access therefore does not remove the high and non-transitory barriers to enter the retail access market at a fixed location, nor does it make this market tend towards effective competition. Even in combination with the development of other infrastructures such as cable or fibre-to-the-home, etc., such a tendency is not observed yet at the European level. Therefore, even in the presence of wholesale regulation, the retail market for access to the public telephone network at a fixed location remains susceptible to ex ante regulation. [...] » (10).
Dès lors que le marché de détail de l'accès fait partie des marchés pertinents de la recommandation révisée de la Commission européenne, l'Autorité n'est plus tenue de démontrer sa pertinence pour une régulation ex ante. L'Autorité montre néanmoins dans la partie suivante que l'analyse de la Commission européenne s'applique bien au cas français et que, comme imposé par l'article L. 37-1 du CPCE, l'analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective confirme sa pertinence.
II.2.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France
France Télécom continue de bénéficier en France d'une part de marché très élevée sur les accès au service téléphonique, sur le segment résidentiel comme sur celui des non-résidentiels.
Pour la clientèle résidentielle, les opérateurs alternatifs ont pu développer des offres d'accès concurrentes grâce au dégroupage, d'une part, et à la vente en gros de l'accès au service téléphonique, d'autre part. Mais les offres en dégroupage sont des offres multiservices, dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie et qui ne font donc pas partie du marché de l'accès résidentiel délimité dans la partie I.2. Actuellement, les seules offres d'accès au service téléphonique alternatives sont donc celles des opérateurs acheteurs de VGAST. Comme détaillé dans la partie suivante, la part de marché en volume de France Télécom sur le marché résidentiel de l'accès était à fin 2009 supérieure à 95 %. Sans prise en compte des offres basées sur la VGAST, cette part de marché est égale à 100 %. Les déploiements actuels de boucle locale en fibre optique par les opérateurs alternatifs pourraient permettre à ces opérateurs d'augmenter leur part de marché de l'accès ; toutefois, il n'est pas évident que ce nouveau type de boucle locale leur permette de proposer des offres d'accès principalement téléphonique compétitives.
Pour la clientèle non résidentielle, les opérateurs peuvent proposer des offres d'accès grâce aux offres de gros haut débit de France Télécom (dégroupage, bitstream, etc.), grâce aux offres de service de capacité de France Télécom, grâce à la VGAST et enfin en raccordant leurs clients en propre dès lors que la taille de ceux-ci le permet. Les opérateurs ont ainsi été en mesure de développer davantage la concurrence sur le marché de l'accès non résidentiel. Néanmoins, la mise en œuvre de ces différentes solutions n'est viable que pour une très petite partie des clients. Notamment, le raccordement des plus petits clients n'est pas toujours rentable dans la mesure où il engendre des coûts importants pour des revenus contenus. Ainsi, la part de marché de France Télécom sur le marché de l'accès non résidentiel, qui est détaillé dans la partie suivante, restait à la fin 2009 proche de 95 %. Cette part de marché est supérieure à 97 % sans prise en compte des offres de détail reposant sur la VGAST.
Ainsi, les marchés de détail de l'accès ne connaissent pas encore une situation de concurrence effective. En outre, la régulation appliquée sur les marchés de gros et pouvant influer sur cette situation concurrentielle (le dégroupage, les services de capacité, etc.) ne suffit pas à permettre à elle seule, et à un horizon raisonnable, l'avènement d'un contexte de concurrence effective. Ces solutions, qui supposent des investissements importants, ne permettent pas aux opérateurs alternatifs de concurrencer France Télécom sur tous les segments de marché. Pour les clients résidentiels, les opérateurs alternatifs ne proposent ainsi que des offres couplées, destinées aux clients les plus demandeurs de services de communications électroniques. Sur les marchés non résidentiels, ils ne sont en mesure de raccorder que les clients ayant de gros volumes ou situés dans les zones les plus denses du territoire. Il ressort donc que les seuls remèdes imposés au titre de la régulation des marchés de gros (11) ne suffisent pas à supprimer d'importantes barrières à l'entrée sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique résidentiels et non résidentiels et qu'il demeure, malgré leur existence, d'importants obstacles au développement d'une situation de concurrence effective. Le seul droit de la concurrence apparaît comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché.
En conséquence, les marchés de détail de l'accès au service téléphonique sont considérés pertinents pour l'application d'une régulation ex ante.
II.2.3. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne la pertinence des marchés de détail de l'accès.
II.2.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la pertinence des marchés de détail de l'accès.
II.3. Pertinence des marchés de gros de la terminaison d'appel
II.3.1. Dans la recommandation révisée de la Commission européenne
Les marchés de la terminaison d'appel fixe vers chaque réseau individuel figurent dans la recommandation « marchés pertinents » révisée du 17 décembre 2007 en tant que marchés susceptibles d'être régulés ex ante.
Dans sa recommandation, la Commission européenne estime que la prestation de terminaison d'appel est la prestation la moins réplicable de celles nécessaires pour fournir des services de communications téléphoniques. De plus, la Commission européenne estime qu'il existe de fortes et durables barrières à l'entrée sur ce marché. En cela, elle a défini ce marché comme pertinent :
« [...] Such alternatives for demand or supply substitution do not appear currently to provide sufficient discipline on call termination at fixed locations or an argument in favour of a wider market definition, so that the relevant market appears to be call termination on individual networks with consequent satisfaction of the first criterion (i.e. high and non-transitory barriers to entry). Each market for call termination on an individual fixed network is a monopolistic market with no tendency towards effective competition, where end-users are unable to systematically set up their own call termination, thus satisfying the second criterion. Effective regulation of termination services moreover requires frequent intervention on a coordinated basis and a detailed cost assessment. Termination rates should also be regulated ex ante in order to provide legal certainty to other operators when setting their retail tariffs, which are inter alia a function of the terminating charge. Competition law is therefore insufficient to address the market failure on this market. [...] » (12).
Dès lors que les marchés de la terminaison d'appel fixe vers chaque réseau individuel font partie des marchés pertinents de la recommandation révisée de la Commission européenne, l'Autorité n'est plus tenue de démontrer sa pertinence pour une régulation ex ante. L'Autorité montre néanmoins dans la partie suivante que l'analyse de la Commission européenne s'applique bien au cas français et que, comme imposée par l'article L. 37-1 du CPCE, l'analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective confirme sa pertinence.
II.3.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France
L'Autorité considère que l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel fixe qui est présentée par la Commission européenne dans sa recommandation révisée est pertinente dans le contexte français.
Tout d'abord, de la définition même du marché de la terminaison d'appel fixe vers le réseau d'un opérateur faite supra, seul cet opérateur est en mesure de proposer une prestation sur ce marché.
De plus, pour un opérateur donné, l'achat des prestations de terminaison d'appel de ses concurrents est nécessaire pour garantir à ses utilisateurs la possibilité d'appeler les numéros ouverts à l'interconnexion sur leurs réseaux. Inversement, la vente par un opérateur de sa propre prestation de terminaison d'appel à ses concurrents lui est nécessaire s'il souhaite assurer la possibilité pour les utilisateurs finals disposant d'un numéro ouvert à l'interconnexion sur son réseau d'être appelés par les utilisateurs finals des autres réseaux.
Ces prestations portent ainsi une importance particulière, d'une part, dans la réalisation des objectifs généraux de l'Autorité définis à l'article L. 32-1 du CPCE tels que la possibilité pour les utilisateurs de communiquer librement entre eux quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ― objectif dit « d'interopérabilité des réseaux » ― et, d'autre part, dans la concurrence que se livrent les opérateurs fixes sur le marché de détail sous-jacent des communications, sur lequel la constitution d'offres dépend des conditions de mise à disposition de ces prestations.
L'importance de ces prestations pour le développement de la concurrence n'est toutefois pas limitée à la question de l'absence ou de la fourniture effective de ces prestations, c'est-à-dire finalement à la mise en œuvre technique de l'interconnexion.
En effet, du fait du modèle économique associant CPP (« calling party pays », en français : « la partie appelante paye ») sur le marché de détail et CPNP (« calling party network pays », en français : « l'opérateur de la partie appelante paye ») sur le marché de gros, qui prévaut pour les appels vers les numéros fixes en France, comme dans le reste de l'Europe, les conditions économiques de la vente de ces prestations de terminaison d'appel influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail. Dans ce modèle économique, l'opérateur de l'appelant se voit facturer les charges liées à la terminaison des appels par l'opérateur de destination. Ainsi de nombreux tarifs que peuvent offrir les opérateurs sur le marché de détail sont contraints par les charges de terminaison d'appel qui leur sont facturées par les autres opérateurs, qui sont en même temps leurs concurrents directs sur ces mêmes marchés de détail. En augmentant sa terminaison d'appel, un opérateur donné augmente ses revenus d'interconnexion et pénalise les offres de détail de ses concurrents.
Il en résulte qu'il n'existe intrinsèquement pas, ou peu, d'incitation économique pour les opérateurs à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être observés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
Pour ces marchés, la régulation sectorielle ex ante dispose d'outils adaptés, comme notamment les obligations tarifaires ou encore la mise en place et le suivi d'obligations comptables. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Le seul droit de la concurrence apparaît comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché. Dans ce contexte, et en l'absence de régulation ex ante des prestations de terminaison d'appel, le marché de la terminaison d'appel fixe vers le réseau d'un opérateur présente des obstacles au développement d'une concurrence effective, non seulement sur le marché de la terminaison d'appel lui-même, mais également sur les marchés de détail aval.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments et en application de l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité considère que les marchés de la terminaison d'appel vers chaque réseau individuel tels que définis ci-dessus doivent être déclarés pertinents au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques.
II.3.3. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne la pertinence des marchés de gros de la terminaison d'appel fixe.
II.3.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la pertinence des marchés de gros de la terminaison d'appel fixe.
II.4. Pertinence du marché de gros du départ d'appel
II.4.1. Dans la recommandation révisée de la Commission européenne
Le marché du départ d'appel en position déterminée figure dans la recommandation « marchés pertinents » révisée du 17 décembre 2007 en tant que marché susceptible d'être régulé ex ante.
Dans sa recommandation, la Commission européenne estime que l'alternative à l'achat d'une prestation de départ d'appel réside dans l'établissement d'un réseau d'accès alternatif ou l'achat ou la location d'un réseau d'accès existant. La Commission européenne relève que ces deux alternatives demandent un temps et des investissements considérables, dont une large proportion est irrécupérable (13). La Commission européenne estime donc que le marché du départ d'appel fixe présente des barrières à l'entrée élevées et durables et est pertinent pour une régulation ex ante.
Dès lors que le marché du départ d'appel en position déterminée fait partie des marchés pertinents de la recommandation révisée de la Commission européenne, l'Autorité n'est plus tenue de démontrer sa pertinence pour une régulation ex ante. L'Autorité montre néanmoins dans la partie suivante que l'analyse de la Commission européenne s'applique bien au cas français et que, comme imposée par l'article L. 37-1 du CPCE, l'analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective confirme sa pertinence.
II.4.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France
L'Autorité considère que l'analyse du marché du départ d'appel fixe présentée par la Commission européenne dans sa recommandation révisée est pertinente dans le contexte français. En particulier, il convient de constater que la fourniture de la prestation de départ d'appel repose sur le contrôle d'un réseau en propre. En pratique aujourd'hui, cela signifie pour un opérateur alternatif essentiellement d'avoir recours à l'infrastructure de la boucle locale de l'opérateur historique, via les offres de gros passives, dans la mesure où celle-ci constitue une facilité essentielle qu'il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer. La location même de la boucle locale de France Télécom (via le dégroupage notamment) demande des investissements importants pour les opérateurs sans leur permettre de bénéficier des mêmes économies d'échelle et de densité que celles dont bénéficie l'opérateur historique.
Ce marché présente donc de fortes barrières à l'entrée. Elles ont nécessairement pour effet, en l'absence de régulation ex ante, d'empêcher le développement d'une concurrence effective à l'horizon de la présente analyse, dans la mesure où France Télécom dispose du réseau historique le plus capillaire sur le territoire d'analyse, qui rend l'accès aux clients qu'il raccorde indispensable pour l'activité de tout opérateur de communications électroniques.
Pour ce marché, et comme pour ceux de la terminaison d'appel, la régulation sectorielle ex ante dispose d'outils adaptés, comme notamment les obligations d'accès, les obligations tarifaires ou encore la mise en place et le suivi d'obligations comptables. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Le seul droit de la concurrence apparaît comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments et en application de l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité considère que le marché du départ d'appel en position déterminée tels que défini ci-dessus doit être déclaré pertinent pour la régulation sectorielle ex ante des communications électroniques.
II.4.3. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne la pertinence du marché de gros du départ d'appel en position déterminée.
II.4.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la pertinence du marché de gros du départ d'appel en position déterminée.
III. - INFLUENCE SIGNIFICATIVE
L'analyse d'un marché pertinent permet d'évaluer le niveau de développement de la concurrence et d'identifier les éventuels opérateurs y disposant d'une influence significative, c'est-à-dire se trouvant dans une situation équivalente à une position dominante au sens du droit de la concurrence.
III.1. Introduction à l'analyse de l'influence significative
sur les marchés pertinents
Aux termes de l'article L. 37-1 du CPCE, « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ». L'analyse des marchés pertinents permet d'identifier les situations d'influence significative.
L'observation des parts de marché des acteurs constitue la première étape de l'analyse de l'existence d'une influence significative. Concernant les parts de marchés, la Commission européenne identifie trois chiffres-clés :
― au-delà de 40 % de part de marché, il est peu probable qu'une entreprise ne soit pas en situation d'exercer une influence significative ;
― une présence supérieure à 50 % du marché « suffit, sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante » ;
― une entreprise ayant au contraire moins de 25 % de part de marché est peu susceptible de se révéler puissante, même si cela n'est pas totalement exclu.
L'analyse des parts de marché, même prospective, ne suffit pas à démontrer l'exercice d'une éventuelle influence significative des acteurs présents sur un marché. Pour une analyse complète du développement de la concurrence sur les marchés pertinents, les « lignes directrices » recommandent en effet de « procéder à une analyse approfondie et exhaustive des caractéristiques économiques du marché pertinent avant de conclure à l'existence d'une puissance sur le marché ». A cet égard, la Commission européenne recommande d'utiliser notamment les critères suivants :
― le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;
― les avancées ou la supériorité technologiques ;
― l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;
― l'accès facile ou privilégié aux marchés des capitaux et aux ressources financières ;
― la diversification des produits et/ou des services ;
― la présence d'économies d'échelle et de gamme ;
― l'intégration verticale ;
― l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;
― l'absence de concurrence potentielle ;
― des entraves à l'expansion.
III.2. Influence significative de France Télécom
sur les marchés de détail de l'accès
L'Autorité a défini deux marchés de détail pertinents pour une régulation ex ante : les marchés de détail de l'accès au service téléphonique résidentiel, d'une part, et non résidentiel, d'autre part. Sur chacun de ces deux marchés, l'Autorité avait démontré en 2005, puis en 2008, que France Télécom exerçait à l'époque une influence significative. Dans cette partie, l'Autorité analyse la nouvelle situation concurrentielle en vigueur sur les marchés de l'accès. Elle analyse dans un premier temps les parts de marchés (III.2.1), puis prend en compte des éléments concurrentiels qualitatifs (III.2.2), avant de conclure sur l'influence significative de France Télécom (III.2.2.3).
III.2.1. En termes de part de marchés
III.2.1.1. Taille des marchés pertinents de l'accès
III.2.1.1.1. La taille du marché pertinent de l'accès résidentiel.
Le nombre d'accès résidentiels exclusivement ou principalement dédiés à la téléphonie décroît du fait notamment du passage de certains usagers vers des offres de type multiservices, en dégroupage total ou ADSL nu. Celui-ci a baissé de 23,1 millions d'accès à 21,1 millions d'accès entre 2003 et 2006, soit d'environ 9 % par an sur trois ans. Cette tendance s'accélère depuis 2006, avec une baisse en volumes d'environ 11 % par an entre 2006 et 2009, le nombre d'accès ayant atteint 14,7 millions à fin 2009.
Figure 4. ― Evolution du nombre d'accès résidentiels exclusivement
ou principalement dédiés au service téléphonique
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
Le chiffre d'affaires associé à ces accès résidentiels est également en repli, mais avec un décalage temporel dû principalement aux hausses successives appliquées par France Télécom au montant mensuel de son abonnement principal entre 2005 et 2007. Celui-ci a en effet été augmenté trois fois d'un euro TTC, en mars 2005, puis en juillet 2006 et enfin en juillet 2007.
Le chiffre d'affaires de l'accès résidentiel principalement téléphonique est ainsi resté pratiquement stable entre 2003 et 2007. En revanche, depuis 2007, celui-ci décroît au rythme du nombre d'accès correspondants : ― 10 % par an entre 2007 et 2009.
Figure 5. ― Evolution du chiffre d'affaires associé aux accès résidentiels exclusivement
ou principalement dédiés au service téléphonique
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
III.2.1.1.2. La taille du marché pertinent de l'accès non résidentiel.
La taille du marché non résidentiel est mesurée en nombre de canaux dédiés à la voix. Un accès analogique correspond à un canal, tandis que les accès numériques de base et primaires correspondent respectivement à 2 canaux et 30 canaux au maximum.
Le nombre de canaux téléphoniques non résidentiels est en diminution depuis 2003, pour deux raisons principales. La première, bien que moins marquée que sur le marché résidentiel, est le développement de la VLB au détriment des accès classiques principalement téléphoniques. La seconde est l'adéquation croissante des offres multiservices résidentielles aux besoins du bas de marché non résidentiel (professionnels et TPE), qui conduit à une désaffection des offres non résidentielles par ce segment de clientèle.
Figure 6. ― Evolution du nombre d'accès non résidentiels exclusivement
ou principalement dédiés au service téléphonique
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
III.2.1.2. Fonctionnement des marchés pertinents de l'accès
Les marchés pertinents de détail de l'accès, résidentiel et non résidentiel, ont été définis dans la partie I.2.1 comme comprenant l'ensemble des accès dédiés exclusivement ou principalement à la téléphonie.
III.2.1.2.1. Sur le segment résidentiel.
Sur le marché résidentiel, une partie des offres de communications téléphoniques des opérateurs alternatifs est fondée sur la sélection du transporteur ou la vente en gros de l'accès au service téléphonique. La plupart des autres offres de téléphonie résidentielles sont des offres de VLB fondées sur l'achat de dégroupage total, de dégroupage partiel, d'ADSL nu par l'opérateur alternatif ou encore via le raccordement en fibre optique de l'opérateur. Enfin, quelques petits acteurs proposent d'autres types d'offres (par exemple sur des accès WiMAX), mais sur des parcs de taille négligeable en comparaison.
Les offres de sélection de transporteur ne constituent pas des offres d'accès puisqu'elles ne sont accessibles qu'aux usagers achetant un accès téléphonique auprès de France Télécom.
La VGAST permet en revanche aux opérateurs de commercialiser des offres couplant accès et communications qui constituent en cela des offres concurrentes des offres d'accès de France Télécom. Techniquement toutefois, en VGAST, l'accès continue d'être géré par France Télécom. Pour mettre en œuvre des offres reposant sur la VGAST, les opérateurs ne sont pas tenus de déployer des infrastructures mais doivent bénéficier d'une interconnexion avec l'opérateur historique. Dès lors, si cette offre de gros disparaissait, les opérateurs l'ayant mise en œuvre ne seraient plus en mesure de commercialiser d'offres d'accès auprès de leur clientèle finale. Par ailleurs, la création et la commercialisation de la VGAST ayant été imposées à France Télécom au titre de la régulation des marchés de détail dans le cadre des précédentes analyses des marchés de la téléphonie, il convient d'analyser les parts de marché sans prise en compte de la VGAST et des offres de détail sous-jacentes. Cette approche est en cohérence avec la « modified greenfield approach » présentée par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents » révisée.
III.2.1.2.2. Sur le segment non résidentiel.
L'offre est bien plus variée sur le segment non résidentiel. Il est donc plus complexe de définir une liste d'offres ou de catégories d'offres. Comme sur le marché résidentiel, de nombreuses offres alternatives sont fondées sur la sélection du transporteur et la VGAST analogique et numérique. D'autres sont basées sur l'achat d'offres de gros telles que le dégroupage, DSLE ou des services de capacité. Enfin, certains opérateurs alternatifs raccordent leurs clients en propre, en fibre optique dans la grande majorité des cas.
Comme expliqué dans la partie précédente, la sélection du transporteur ne permet pas d'offrir l'accès ; quant à la VGAST, si elle permet la commercialisation de l'accès par les opérateurs alternatifs, elle n'est cependant pas à prendre en compte pour l'analyse de l'influence significative.
Il convient en revanche de considérer les offres des opérateurs alternatifs reposant sur l'achat de dégroupage, de services de capacité dans la mesure où les offres de gros en question ont été mises en place sur des marchés amont. Il s'agit là encore de l'approche recommandée par la Commission européenne : « [...] In general, the market to be analysed first is that market which is most upstream in the vertical supply chain. Taking into account the ex ante regulation imposed on that market (if any), an assessment should be made as to whether there still is SMP on a forward-looking basis on the related downstream market(s). This methodology has become known as the « modified greenfield approach ». Thus the NRA should work its way along the vertical supply chain until it reaches the stage of the retail market(s). A downstream market should only be subject to direct regulation if competition on that downstream market still exhibits SMP in the presence of wholesale regulation on the related upstream market(s). [...] » (14).
Parmi les offres commercialisées par les opérateurs alternatifs auprès de la clientèle non résidentielle et s'appuyant sur une offre de gros large bande, une offre de gros de service de capacité ou via un raccordement en propre, seules font partie du marché pertinent de l'accès celles dont l'usage principal se limite à la téléphonie. L'offre étant très diversifiée, notamment sur le haut de marché où les offres sur mesure sont courantes, l'analyse quantitative du marché est rendue particulièrement complexe.
III.2.1.2.3. Liste des opérateurs d'accès résidentiel et non résidentiel.
Les principaux acteurs présents sur le marché pertinent de l'accès résidentiel sont :
― France Télécom ;
― SFR ;
― ACN ;
― Outremer Télécom.
A la connaissance de l'Autorité, SFR, ACN (15) et Outremer Télécom ne proposent des offres relevant du marché pertinent de l'accès résidentiel que via la VGAST.
Les principaux acteurs présents sur le marché pertinent de l'accès non résidentiel sont :
― France Télécom ;
― SFR ;
― Colt ;
― Completel ;
― Verizon ;
― Hub Télécom ;
― Outremer Telecom.
III.2.1.3. Analyse des parts de marché
III.2.1.3.1. Les parts de marché de détail de l'accès résidentiel.
La part de marché de France Télécom sur le marché de détail résidentiel des accès principalement ou exclusivement dédiés à la téléphonie était supérieure à 99 % jusqu'à fin 2006, en volume comme en valeur. Elle est passée à environ 95 % entre 2007 et 2009, en valeur et en volume (16), sous l'effet du développement de la VGAST.
En outre, en excluant la VGAST du périmètre, comme le recommande la Commission européenne, la part de marché cumulée des opérateurs alternatifs est quasiment nulle.
Figure 7. ― Evolution du nombre d'abonnements résidentiels en France, ventilés par type,
et de la part de marché des opérateurs alternatifs sur l'accès principalement téléphonique
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
III.2.1.3.2. Les parts de marché de détail de l'accès non résidentiel.
La part de marché de France Télécom sur le marché de détail non résidentiel des accès principalement ou exclusivement dédiés à la téléphonie était supérieure à 97 % jusqu'à fin 2006, en volume comme en valeur. Elle est passée à environ 95 % en volume entre 2007 et 2009, grâce à la VGAST.
En outre, en excluant la VGAST du périmètre, comme le recommande la Commission européenne, la part de marché cumulée des opérateurs alternatifs est estimée à environ 2 %.
Figure 8. ― Evolution du nombre d'abonnements non résidentiels en France, ventilés par type,
et de la part de marché des opérateurs alternatifs sur l'accès principalement téléphonique
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
III.2.2. Autres facteurs d'analyse
III.2.2.1. Contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer
Il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer le réseau d'accès (boucle locale) de France Télécom. De plus, la présence d'importants coûts irrécupérables, notamment de génie civil et de transmission, a pour effet de limiter l'entrée d'opérateurs concurrents sur ces marchés. A titre d'illustration, l'évaluation du coût de reconstruction à neuf de la boucle locale de France Télécom est de l'ordre de 28 à 30 milliards d'euros (17). C'est pourquoi l'entrée d'opérateurs concurrents sur le marché de l'accès n'est généralement envisagée que dans deux cas principaux : dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires ou en ayant recours aux offres de gros de l'opérateur historique.
Les déploiements actuels d'infrastructures d'accès en propre en FTTH, compte tenu des investissements très importants qu'elles imposent, ne permettent pas un retour sur investissements sur la seule base d'offres principalement téléphoniques, sauf dans certains cas ponctuels sur le segment non résidentiel. Ainsi, aucun opérateur ne propose aujourd'hui d'offre principalement téléphonique sur un accès fibre optique en propre à destination de la clientèle résidentielle. Par ailleurs, de par l'ampleur des investissements qu'ils impliquent, ces déploiements n'ont qu'un caractère très progressif et n'offrent que des perspectives de moyen à long terme.
III.2.2.2. Présence d'importantes économies d'échelle et de gamme
Les produits d'accès à un service téléphonique au public sont caractérisés par d'importants coûts fixes (notamment de génie civil), en particulier en France où la dispersion des habitations est très importante dans certaines zones.
France Télécom bénéficie de fortes économies d'échelle. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à l'importance de son volume de production. Ces économies d'échelle sont identifiables dans l'activité de France Télécom par le nombre très important de clients pour chaque réseau local, qui permet à l'opérateur historique un amortissement particulièrement rapide de ses investissements. A l'inverse, un opérateur souhaitant être compétitif par rapport à l'opérateur historique sur les marchés de l'accès devra limiter ses tarifs de détail, ce qui rendra d'autant plus difficile l'amortissement de ses coûts et la couverture à terme des coûts irrécupérables. Cela augmentera son profil de risque financier en allongeant la période de rentabilisation de ses investissements.
En outre, France Télécom bénéficie d'économies de gamme. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à une gamme de services plus étendue. De fortes économies de gamme sont permises à France Télécom par le partage des coûts fixes du réseau d'accès entre les différents segments de clientèle mais aussi entre les différentes offres de détail et de gros.
III.2.2.3. Evolution prospective du marché
L'Autorité estime que sans intervention sur ces marchés, et notamment sans l'imposition à France Télécom de proposer une offre de VGAST, la situation concurrentielle et la position de l'opérateur historique ne devraient pas sensiblement évoluer sur les marchés de détail résidentiel et non résidentiel de l'accès au service téléphonique.
III.2.3. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur les marchés de détail de l'accès résidentiel, d'une part, et non résidentiel, d'autre part.
III.2.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur les marchés de détail de l'accès résidentiel, d'une part, et non résidentiel, d'autre part.
III.2.5. Conclusion
L'Autorité conclut que l'opérateur France Télécom exerce une influence significative sur les marchés de détail de l'accès à un service téléphonique au public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et pour la clientèle non résidentielle, d'autre part.
III.3. Influence significative sur les marchés de la terminaison d'appel
L'Autorité a défini les marchés de la terminaison d'appel fixe vers le réseau individuel de chaque opérateur comme pertinents pour une régulation ex ante. Dans cette partie, l'Autorité analyse la situation concurrentielle en vigueur sur ces marchés de la terminaison d'appel.
III.3.1. Les opérateurs sont en situation de monopole naturel sur le marché de la terminaison d'appel
à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur leur réseau
Chaque opérateur dispose de 100 % de part de marché sur le marché de la terminaison d'appel à destination des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau. En effet, lorsqu'un opérateur souhaite terminer un appel vers un client d'un autre opérateur, il ne dispose d'aucune autre solution de substitution à la prestation de terminaison d'appel de cet opérateur, seul ce dernier étant capable d'acheminer l'appel sur la dernière partie du réseau, jusqu'à son client.
Ainsi, dès lors qu'un opérateur est actif commercialement sur le marché de détail et qu'il a conquis des clients qui sont joignables par des clients d'autres opérateurs, cet opérateur assure la fourniture effective de prestations de terminaison d'appel vers ses numéros géographiques et/ou non géographiques fixes et dispose donc d'un pouvoir de marché (de monopole) sur le marché formé par l'ensemble de ces prestations.
Toutefois, il est nécessaire d'évaluer si d'éventuels contre-pouvoirs d'acheteurs peuvent être exercés sur la fourniture des prestations de terminaison d'appel afin de déterminer si les opérateurs vendeurs sont effectivement en mesure d'agir indépendamment de leurs concurrents, de leurs clients et, en fin de compte, des utilisateurs finals.
III.3.2. Analyse des contre-pouvoirs éventuels des acheteurs
L'analyse développée dans cette partie cherche à évaluer les possibilités dont disposent les acheteurs des prestations de terminaison d'appel d'un opérateur donné d'exercer un contre-pouvoir d'achat sur les conditions de la vente de cette prestation, et notamment de s'opposer à une hausse des tarifs des prestations de terminaison d'appel qu'il veut acheter.
Il convient donc, d'une part, d'identifier la nature des contre-pouvoirs potentiels qui pourraient être exercés face à une hausse des tarifs de terminaison d'appel et, d'autre part, d'évaluer si les différents acheteurs du marché sont effectivement en mesure d'utiliser ces contre-pouvoirs.
III.3.2.1. Nature des contre-pouvoirs potentiels
Lorsqu'un opérateur augmente ses tarifs de terminaison d'appel, les possibilités dont disposent les acheteurs de s'opposer à cette hausse sont extrêmement limitées puisqu'il n'est pas possible d'accéder à des offres alternatives pour terminer les appels vers les numéros ouverts à l'interconnexion sur son réseau.
Les seuls contre-pouvoirs potentiels d'un acheteur sont donc limités à :
― renoncer, ou menacer de renoncer, à l'achat de terminaison d'appel vers les numéros ouverts à l'interconnexion sur le réseau de cet opérateur, ce qui ne permettrait plus à ces numéros d'être joints par les clients de l'acheteur. Ceci suppose toutefois pour l'acheteur de renoncer à offrir à ses propres clients sur le marché de détail l'acheminement des appels vers les numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur le réseau de cet opérateur ;
― augmenter, ou menacer d'augmenter, les tarifs de détail des appels vers les numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur le réseau de cet opérateur, de façon à diminuer le volume de trafic acheminé vers ces numéros, et donc à baisser les revenus de terminaison d'appel de ce dernier, ou à le faire paraître sur le marché de détail comme un réseau sur lequel il est cher d'être appelé, ce qui pourrait en théorie dissuader les utilisateurs finaux de souscrire aux services de cet opérateur ou inciter ceux qui y ont déjà souscrit à changer d'opérateur.
A priori, la possibilité dont disposent les acheteurs d'exercer effectivement ces contre-pouvoirs paraît étroitement liée à leur propre position sur le marché de détail. En particulier, les contre-pouvoirs d'acheteur de France Télécom doivent être distingués de ceux des autres opérateurs.
Par ailleurs, un acheteur de terminaison d'appel pourrait théoriquement bénéficier d'un contre-pouvoir indirect via ses clients, si ceux-ci renoncent à appeler l'opérateur pratiquant une terminaison d'appel élevée. Comme cela a été montré lors de la délimitation des marchés, cette possibilité est très limitée, très aléatoire et dépend de nombreux facteurs. Elle ne saurait donc constituer un contre-pouvoir d'acheteur crédible à une hausse de terminaison d'appel.
Enfin, il convient de distinguer les contre-pouvoirs d'acheteur d'un opérateur vis-à-vis de la terminaison d'appel fixe, dans le cas de numéros déjà ouverts à l'interconnexion et vers lesquels il achemine déjà du trafic comme dans le cas de numéros qui ne sont pas encore ouverts à l'interconnexion.
III.3.2.2. Contre-pouvoirs éventuels des opérateurs alternatifs
III.3.2.2.1. Vis-à-vis de la terminaison d'appel de France Télécom.
Des contre-pouvoirs d'acheteurs existeraient si les acheteurs de terminaison d'appel avaient la capacité de s'opposer à une hausse éventuelle par France Télécom de ses prix de terminaison d'appel ou de contraindre ceux-ci à une baisse. L'Autorité estime qu'aucun opérateur alternatif n'est en mesure d'exercer un tel contre-pouvoir.
Tout d'abord et comme on l'a vu précédemment lors de la délimitation de marché, il n'existe pas d'alternative effective à l'achat de terminaison d'appel à France Télécom pour l'acheminement des communications jusqu'aux numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau.
Par ailleurs, compte tenu de l'importance de la taille du parc d'utilisateurs finals raccordés au réseau de France Télécom par rapport à celui de ses concurrents, la possibilité théorique dont disposent les opérateurs tiers de menacer de cesser l'achat de la prestation de terminaison d'appel de France Télécom en cas de hausse significative de ses tarifs n'est pas susceptible d'exercer une contrainte sur les prix de ces prestations. En effet, France Télécom peut supporter dans une certaine mesure, compte tenu de la taille des autres réseaux, les conséquences de l'impossibilité qui en résulterait pour ses utilisateurs finals d'être appelés par les utilisateurs de l'un de ces autres réseaux. En revanche, l'impossibilité pour les utilisateurs raccordés à un autre opérateur de téléphonie de joindre les utilisateurs finals raccordés au réseau de France Télécom, qui représentent encore la très grande majorité du parc total d'utilisateurs finals aux réseaux de téléphonie fixe en France, serait extrêmement pénalisante et compromettrait la viabilité de l'activité commerciale de cet opérateur.
Si France Télécom décide d'augmenter unilatéralement son tarif de terminaison d'appel, les autres opérateurs peuvent répliquer immédiatement en procédant à une hausse du même ordre de manière à équilibrer globalement les flux financiers d'interconnexion entrants et sortants. Une telle réplique, qui pourrait théoriquement constituer un véritable contre-pouvoir d'acheteur sur le marché de gros (en annulant les effets de la hausse chez l'opérateur ayant augmenté sa terminaison d'appel le premier), reste cependant difficile à mettre en œuvre quand les volumes de terminaison d'appel en cause ne sont pas symétriques. Or, du fait de la sélection du transporteur et de profils de clientèle spécifiques, la plupart des opérateurs alternatifs présentent un solde d'interconnexion avec France Télécom négatif en volume.
Cette possibilité ne constitue donc pas un contre-pouvoir d'acheteur de nature à influer sur la position d'un opérateur sur sa terminaison d'appel et poserait de plus des problèmes concurrentiels néfastes pour le consommateur final puisqu'elle conduirait à une hausse généralisée des tarifs de gros, entraînant par rebond une hausse injustifiée des tarifs de communications au détail.
Enfin, France Télécom reste, via l'autofourniture, le plus gros acheteur en volume de ses propres prestations de terminaison d'appel. Ainsi, le principal acheteur du marché n'est pas susceptible d'exercer une pression à la baisse sur les prix de ces prestations.
III.3.2.2.2. Vis-à-vis de la terminaison d'appel des autres opérateurs alternatifs.
L'Autorité observe que des interconnexions directes se sont développées entre les principaux opérateurs alternatifs, avec la croissance des trafics entrants chez ces opérateurs.
Néanmoins, comme cela a été rappelé, dans l'hypothèse où un opérateur déciderait d'augmenter unilatéralement et sensiblement ses tarifs de terminaison d'appel, les autres opérateurs alternatifs pourraient répondre de plusieurs façons :
― renoncer, ou menacer de renoncer, à l'achat de terminaison d'appel vers les numéros ouverts à l'interconnexion sur le réseau de cet opérateur ;
― augmenter, ou menacer d'augmenter, les tarifs de détail des appels vers cet opérateur.
Concernant la première possibilité, l'Autorité estime que les opérateurs alternatifs se positionnent sur le marché des communications d'abord en fonction des offres de l'opérateur historique. Or, dans le mesure où France Télécom raccorde aujourd'hui tous les numéros et donc tous les opérateurs, il semble difficile, pour un opérateur alternatif, de proposer une offre plus réduite en termes de destinations joignables par ses clients. Dès lors, l'Autorité estime que la renonciation à l'achat de terminaison d'appel d'un opérateur alternatif ne constitue pas un contre-pouvoir d'acheteur efficace.
Concernant la seconde possibilité, l'Autorité estime qu'il est très difficile pour un opérateur de mettre en œuvre des tarifs de détail différenciés par opérateur, car les offres de détail sont généralement regroupées par destination (tous les numéros fixes, tous les numéros mobiles, etc.) et les utilisateurs ne souhaitent pas devoir faire des distinctions plus fines, leurs attentes étant pour beaucoup marquées par le besoin de simplification.
Par conséquent, une différenciation tarifaire à la hausse des appels d'un opérateur alternatif A vers un autre opérateur alternatif B à la suite de l'augmentation des tarifs de terminaison d'appel de ce dernier aurait pour principal effet de mécontenter les utilisateurs finals de l'opérateur A par la hausse tarifaire, sans que l'opérateur B ne soit incité à baisser sa terminaison d'appel. En effet, d'une manière générale, les utilisateurs de téléphonie ne sont pas sensibles au prix des appels entrants dans le choix de leur opérateur, et d'autant plus quand seul un opérateur alternatif pratique une différenciation tarifaire.
A ce titre, l'Autorité constate qu'un opérateur, Free, a tenté, en 2006, de mettre en œuvre une différenciation tarifaire au détail pour les appels à destination des numéros et des opérateurs dont il estimait le tarif de terminaison d'appel trop élevé. Concrètement, Free a exclu ces numéros du forfait « illimité France » vendu à tous ses clients disposant d'un accès à internet haut débit et mis à disposition de ces derniers un outil permettant de connaître les numéros en question. Or, cette différenciation tarifaire introduite par Free, et maintenue pendant plusieurs mois, n'a pas amené les opérateurs concernés à revoir spontanément leurs tarifs de terminaison d'appel à la baisse : il a fallu pour cela attendre la décision n° 2006-551 de l'Autorité réglant un différend opposant les sociétés France Télécom et Neuf Télécom sur ce même sujet. Cette expérience a confirmé l'impossibilité pratique pour un opérateur alternatif d'agir sur les tarifs de terminaison d'appel des autres opérateurs via sa tarification de détail.
En conséquence, l'Autorité estime que les opérateurs alternatifs ne sont pas en mesure d'exercer un contre-pouvoir d'acheteur sur les prestations de terminaison d'appel fournies par les autres opérateurs alternatifs.
III.3.2.3. Contre-pouvoirs éventuels de France Télécom vis-à-vis
de la terminaison d'appel des autres opérateurs alternatifs
France Télécom exploite encore, à fin 2009, environ 31 millions d'accès au service téléphonique sur le territoire national (75 % du total) ― sur lesquels il fournit donc les prestations de terminaison d'appel. Par conséquent, le nombre d'utilisateurs raccordés aux réseaux de ses concurrents reste plus faible. France Télécom pourrait en théorie cesser d'offrir à ses clients l'acheminement au détail des communications vers l'un de ces concurrents sans pour autant que sa compétitivité en soit significativement altérée. Inversement, une telle pratique serait extrêmement pénalisante pour l'activité d'un opérateur alternatif dans la mesure où il ne serait plus en mesure d'offrir à ses clients actuels ou potentiels la possibilité d'être joints par la majorité des utilisateurs finals au service téléphonique fixe en France. En l'absence de régulation, une telle pratique, ou la menace d'une telle pratique, pourrait ainsi agir comme un contre-pouvoir effectif empêchant toute hausse des tarifs de terminaison d'appel d'un opérateur alternatif.
Cependant, le CPCE impose à tous les opérateurs une obligation symétrique de faire droit aux demandes raisonnables d'interconnexion, au titre de l'article 34-8 II : « Les exploitants de réseaux ouverts au public font droit aux demandes d'interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public [...] présentées en vue de fournir au public des services de communications électroniques. La demande d'interconnexion ne peut être refusée si elle est justifiée au regard, d'une part, des besoins du demandeur, d'autre part, des capacités de l'exploitant à la satisfaire. Tout refus d'interconnexion opposé par l'exploitant est motivé. »
De plus, France Télécom est tenue, au titre de ses obligations de fournisseur du service universel (18), courant jusqu'en 2012, d'acheminer les communications issues de ses clients ― bénéficiant de l'offre de service universel téléphonique ― vers l'ensemble des numéros situés sur le territoire national, y compris ceux de ses concurrents. France Télécom ne dispose donc pas de la possibilité de renoncer, pour une part significative de ses utilisateurs finals, à l'achat des prestations de terminaison d'appel d'un opérateur alternatif, et ainsi d'utiliser ce moyen comme un contre-pouvoir effectif.
Par ailleurs, compte tenu de sa position sur le marché des communications vers les fixes, où sa part de marché demeure très importante, France Télécom dispose en théorie de la possibilité d'appliquer à ses clients des prix particulièrement élevés, de façon excessive et durable, pour les appels vers les numéros ouverts à l'interconnexion sur le réseau de cet opérateur. En l'absence de régulation, une telle pratique, ou la menace d'une telle pratique, pourrait ainsi agir comme un contre-pouvoir effectif face à toute hausse des tarifs de terminaison d'appel de cet opérateur.
Cependant, les possibilités dont France Télécom dispose pour fixer ses tarifs de détail indépendamment de ses concurrents et de ses utilisateurs sont encadrées par le droit commun de la concurrence, et en particulier l'interdiction faite aux acteurs économiques d'abuser de leur éventuelle position dominante. De plus, au titre de ses obligations actuelles de fournisseur du service universel, une partie des tarifs de détail pratiqués par France Télécom doivent aujourd'hui être abordables (article L. 35-1 du CPCE) et orientés vers les coûts (article R. 20-30-11).
Dans l'hypothèse d'une hausse des charges de terminaison d'appel d'un opérateur donné, ces dispositions permettraient de vérifier que la hausse correspondante des tarifs de détail vers les numéros ouverts à l'interconnexion sur le réseau de cet opérateur, si elle était justifiée dans son principe, resterait strictement proportionnée à la hausse de ces charges de terminaison d'appel et d'éviter ainsi l'apparition de tout comportement anticoncurrentiel. De plus, en augmentant ses tarifs de détail vers un opérateur en particulier, sans que ses clients puissent facilement identifier les numéros concernés par cette augmentation, France Télécom s'exposerait à un mécontentement de ces derniers et risquerait d'être pénalisée sur les marchés de détail.
En conséquence, l'augmentation des tarifs de détail vers un opérateur dont la terminaison d'appel augmenterait ne semble pas être un contre-pouvoir de nature à modifier la position d'un opérateur alternatif sur sa terminaison d'appel.
Enfin, l'ensemble de cette analyse est confirmée par l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 décembre 2006 sur le contentieux opposant la société UPC France et l'Autorité : « [...] si France Télécom est l'acheteur le plus important sur le même marché, cette société ne dispose pas pour autant, de ce fait, d'un pouvoir lui permettant de contrebalancer celui de la société requérante [UPC France], notamment celui de s'opposer à une hausse des tarifs de terminaison d'appel [...] ».
III.3.2.4. Evolution prospective
Les différents éléments d'analyse présentés ci-dessus ne devraient vraisemblablement pas évoluer durant la période d'analyse courant sur les trois prochaines années compte tenu de la position structurellement monopolistique d'un opérateur sur le marché de la terminaison d'appel à destination des numéros ouverts à l'interconnexion sur son réseau.
En tant que de besoin, par exemple en cas d'évolution significative de la structure du marché, des acteurs ou des technologies disponibles, l'Autorité pourra être amenée à effectuer une nouvelle analyse de ce marché avant la fin de la période envisagée.
III.3.3. Avis de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne l'exercice par chacun des opérateurs d'une influence significative sur le marché de la terminaison d'appel fixe sur son réseau.
III.3.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant l'exercice par chacun des opérateurs d'une influence significative sur le marché de la terminaison d'appel fixe sur son réseau.
III.3.5. Conclusion
En conséquence, l'Autorité estime que les opérateurs fixes exercent une influence significative, sur la période couverte par la présente analyse, sur chacun de leur réseau, défini comme marché pertinent dans la section I.3.3.
III.4. Influence significative de France Télécom
sur le marché de gros du départ d'appel
L'Autorité a défini le marché du départ d'appel pertinent pour une régulation ex ante et avait démontré en 2005 puis en 2008 que France Télécom exerçait à l'époque une influence significative sur ce marché. Dans cette partie, l'Autorité analyse les évolutions de la situation concurrentielle en vigueur sur le marché du départ d'appel.
III.4.1. Analyse des parts de marché
Sous l'impulsion du dégroupage, la part de marché de France Télécom en volume sur les prestations de départ d'appel est passée pour la première fois sous le seuil des 90 % en 2009. Les déploiements de boucles locales alternatives en propre (raccordements de sites entreprises et déploiement de la fibre optique en zone dense notamment) contribuent également à la baisse de la part de marché de France Télécom, bien que jusqu'à présent à un rythme lent en comparaison du dégroupage. Leur impact devrait être amené à s'intensifier au cours de ce cycle réglementaire.
Aujourd'hui, ce n'est plus seulement France Télécom mais également les opérateurs des clients d'offres haut débit alternatives incluant l'accès au service téléphonique qui vendent une prestation de départ d'appel. En revanche, pour les clients demeurant utilisateurs finals à un service de sélection du transporteur ou de vente en gros de l'accès au service téléphonique, c'est France Télécom qui continue de vendre les prestations de départ d'appel.
Par conséquent, la part de marché de France Télécom sur le marché du départ d'appel ― hors autofourniture ― reste encore largement majoritaire, même si elle baisse régulièrement depuis 2004 du fait de la croissance des volumes de trafic de départ d'appel à destination de numéros SVA depuis les boucles locales alternatives à mesure du développement du dégroupage. Cette situation reste confortée par les prestations de sélection du transporteur, et dans une moindre mesure désormais d'accès à internet bas débit, qui bien qu'en déclin représentent toujours des volumes importants et ne sont commercialisées que par France Télécom.
De plus, il convient de noter que bien que les offres de gros de services haut débit de France Télécom permettent aux opérateurs alternatifs de gagner des parts de marché sur le marché du départ d'appel, l'infrastructure reste contrôlée par France Télécom. L'Autorité constate que les opérateurs alternatifs accélèrent leur déploiement d'infrastructures d'accès propres, notamment via le raccordement des utilisateurs finals en fibre optique, même si le développement des offres commerciales basées sur ces infrastructures d'accès en propre est encore limité. Ce déploiement est de plus concentré dans les zones à forte densité dans un premier temps. D'autres opérateurs et, dans certains cas, des collectivités locales, investissent également dans des technologies d'accès alternatives, comme le WiMAX. Là encore, ces projets restent généralement limités à certaines zones géographiques.
Figure 9. ― Evolution des volumes de départ d'appel en France
et des parts de marché de France Télécom
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
L'Autorité note au passage que la part de marché des opérateurs alternatifs en volume sur le seul départ d'appel à destination de numéros SVA est passée d'environ 8 % en 2006 à environ 35 % en 2009. En valeur, l'Autorité estime que cette part de marché des opérateurs alternatifs sur le seul départ d'appel à destination de numéros SVA dépasse désormais les 50 %, du fait de leur tarif unitaire supérieur à celui de France Télécom ― qui est soumise à un régime d'obligation différent.
Au global, la part de marché en volume de France Télécom sur les prestations de départ d'appel, qui était de 89 % en 2009, constitue un indicateur important de puissance de marché. Il est toutefois nécessaire de procéder à l'examen des autres critères pour en évaluer la portée.
III.4.2. Contrôle d'infrastructures difficiles à dupliquer
Les parts de marché précédemment exposées illustrent le fait que France Télécom possède encore le contrôle de la grande majorité des infrastructures de boucle locale sur l'ensemble du territoire, infrastructures sur lesquelles reposent en partie les prestations de départ d'appel.
Comme cela a déjà été exposé pour le marché de l'accès, cette infrastructure, qui permet de raccorder les utilisateurs finals, est difficile à dupliquer en l'absence d'économies d'échelle considérables dont ne disposent pas, à l'heure actuelle, les opérateurs alternatifs et dont ils ne pourront disposer, à l'horizon de l'analyse, sauf dans les zones de population très denses.
Par ailleurs, France Télécom met à disposition des autres opérateurs ses infrastructures d'accès, notamment via les offres de dégroupage. Cette possibilité permet théoriquement à un opérateur alternatif de concurrencer France Télécom sur le marché du départ d'appel mais demande également un temps et des investissements importants, qui ne pourraient pas être rentabilisés par la seule fourniture de prestations de départ d'appel. De plus, le développement actuel des raccordements directs et de dégroupage reste aujourd'hui limité à certaines zones géographiques et certains segments du marché.
A l'horizon de la présente analyse, l'Autorité considère donc que les infrastructures détenues par France Télécom ne seront pas duplicables par des opérateurs alternatifs.
III.4.3. Economies d'échelle et de gamme
La position de France Télécom sur l'ensemble des marchés de détail de l'accès et des communications lui permet de bénéficier d'économies d'échelle et de gamme importantes sur le départ d'appel. En effet, l'activité de France Télécom couvre l'ensemble des produits proposés sur le marché des communications électroniques et l'ensemble du territoire national sur lequel elle peut compter sur une densité de clients importante, équilibrée et durable.
Aucun opérateur alternatif présent sur le marché ou nouvel entrant ne pourrait bénéficier d'une structure de coûts équivalente à celle de France Télécom.
III.4.4. Absence de contre-pouvoir d'acheteurs
Pour intervenir sur les marchés de détail des communications, les opérateurs tiers peuvent soit acheter des prestations d'accès à la boucle locale de France Télécom (dégroupage, bitstream), soit s'appuyer sur la prestation de départ d'appel de France Télécom notamment via la sélection du transporteur. En cas de hausse unilatérale par France Télécom de ses tarifs de départ d'appel, les opérateurs acheteurs ne disposeraient d'aucun contre-pouvoir si ce n'est l'achat de prestations de gros d'accès à la boucle locale de France Télécom, prestations qui demandent un temps et des investissements sans commune mesure avec les conditions d'achat des prestations de départ d'appel. Cette possibilité ne constitue donc pas un contre-pouvoir d'acheteur de nature à contrebalancer la position de France Télécom sur le départ d'appel.
La situation est identique concernant l'accès à internet bas débit.
Concernant les communications à destination de numéros SVA, ni l'opérateur collecteur ni le prestataire de service (19) ne sont en mesure de choisir l'opérateur départ, choix qui est dicté par le client final appelant. Dans l'hypothèse où un opérateur déciderait d'augmenter unilatéralement et sensiblement ses tarifs de départ d'appel, les autres opérateurs pourraient en théorie répondre en renonçant, ou menaçant de renoncer, à l'achat de la prestation de départ d'appel depuis les clients de cet opérateur.
L'augmentation, ou la menace d'augmentation, des tarifs de détail des appels depuis cet opérateur n'est pas une option envisageable. En effet, le tarif de détail est encadré tranche par tranche de numéro SVA par la décision n° 2005-1085. La seule possibilité pour l'opérateur collecteur et le prestataire de service serait de modifier la tranche de numéro SVA du service considéré. Toutefois, cela reviendrait à en augmenter le tarif de détail depuis l'ensemble des boucles locales, ce qui n'aurait donc pas d'effet incitatif pour l'opérateur initiateur de la hausse tarifaire de son départ d'appel.
Concernant la possibilité restante, l'Autorité estime que la disponibilité d'un ou plusieurs numéros SVA dans l'offre d'un opérateur n'influence que très accessoirement la décision d'achat d'un client de détail. Par conséquent, renoncer à l'achat de la prestation départ d'appel depuis les clients de cet opérateur ― ce qui revient à rendre indisponibles les numéros SVA correspondants pour ces clients ― aurait un impact beaucoup plus préjudiciable sur l'opérateur collecteur et plus encore sur le prestataire de service, en les privant d'une part significative de leur chiffre d'affaires sur cette activité (20), que sur l'opérateur départ, pour qui les revenus de départ d'appel ne constituent qu'un complément de revenus de deuxième ordre.
Ces possibilités ne constituent donc pas un contre-pouvoir d'acheteur de nature à contrebalancer la position d'un opérateur sur son départ d'appel à destination de numéros SVA. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles l'Autorité a jugé utile d'encadrer les conditions d'accès aux numéros SVA par la décision n° 2007-0213 en date du 16 avril 2007 portant sur les obligations imposées aux opérateurs qui contrôlent l'accès à l'utilisateur final pour l'acheminement des communications à destination de numéros SVA. Elle dispose notamment que « tout opérateur contrôlant l'accès aux utilisateurs finals appelants fait droit aux demandes raisonnables des opérateurs visant à rendre les numéros accessibles par ces utilisateurs. L'opérateur fait droit à ces demandes dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires ».
A titre d'illustration, l'Autorité constate que les principaux opérateurs alternatifs ont maintenu depuis 2007 ― pour certains jusqu'en 2010 ― un tarif de départ d'appel près de deux fois supérieur à celui de France Télécom. Or, ce dernier, qui dispose pourtant de la part de marché la plus élevée sur la collecte de trafic à destination de numéros SVA, n'a pas été en mesure de négocier une baisse de ce tarif. France Télécom a saisi l'Autorité en août 2010, dans le cadre d'un règlement de différend l'opposant sur ce sujet à SFR. L'Autorité a ainsi été amenée, devant l'impossibilité pour France Télécom de faire évoluer ce tarif, à juger notamment que la stabilité du tarif appliqué par SFR depuis le 1er octobre 2008 n'était pas raisonnable (21).
A fortiori, il n'existe donc pas de pouvoir d'achat compensateur susceptible de s'exercer sur les prestations de départ d'appel fournies par France Télécom.
III.4.5. Evolution prospective du marché
Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime pouvoir établir que France Télécom détient une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée tel que défini ci-avant, regroupant dans un marché unique les prestations de départ d'appel pour du trafic interpersonnel tel que celui de sélection du transporteur, pour du trafic internet bas débit et pour du trafic à destination de numéros SVA.
L'Autorité constate néanmoins sur les trois composantes du départ d'appel des évolutions différenciées, entre sélection du transporteur et internet bas débit d'une part et à destination de numéros SVA d'autre part.
Le service d'accès à internet bas débit est en très net déclin et l'Autorité anticipe qu'il pourrait avoir quasiment disparu d'ici la fin du troisième cycle d'analyse de marché.
Le service de sélection du transporteur (avec ou sans VGAST) est en déclin mais constitue toujours en 2009 plus de la moitié du volume total de départ d'appel vendu en France. L'Autorité anticipe que ce déclin devrait se poursuivre, mais à un rythme moindre, les parcs de sélection (avec ou sans VGAST) étant en phase de stabilisation.
France Télécom restera par construction en position de monopole sur ces deux services.
En revanche, les volumes de communications à destination de numéros SVA en France présentent une certaine stabilité au cours du temps, qui devrait persister. La concurrence sur le départ d'appel à destination de numéros SVA se développe au rythme de l'évolution de la concurrence sur l'accès en propre (par exemple via le dégroupage ou en fibre optique). La part de marché de France Télécom sur le départ d'appel à destination de numéros SVA, déjà légèrement minoritaire en valeur, pourrait le devenir en volume d'ici à la fin du cycle.
Ces évolutions qui sont appelées à se poursuivre et engendrer à l'avenir une différenciation croissante des conditions concurrentielles selon les types de départ d'appel. Elles pourraient justifier une distinction formelle des différents types de départ d'appel, au sein de marchés distincts. L'Autorité note toutefois qu'une telle distinction ne serait pas à ce stade susceptible de modifier les conclusions en termes d'influence significative sur ces marchés ainsi séparés. En effet, ainsi qu'exposé précédemment, d'une part France Télécom est en monopole sur les prestations de sélection du transporteur et d'accès à internet bas débit, pour lesquelles elle détient 100 % de parts de marché et, d'autre part, France Télécom possédait encore en 2009 65 % de parts de marché en volume sur le départ d'appel à destination de numéros SVA.
Une séparation du marché du départ d'appel en plusieurs sous-marchés ne semble donc pas de nature à modifier les conclusions à ce stade. L'Autorité pourra néanmoins être appelée à réexaminer cette question à l'occasion du prochain cycle d'analyse de marché.
Cependant, ainsi qu'exposé par la suite, cette différenciation croissante des conditions concurrentielles amène l'Autorité à engager dès à présent une différenciation dans les remèdes appliqués à ces différents types de départ d'appel.
Les positions des différents opérateurs s'opposent concernant cette différenciation.
Ainsi, Free, Bouygues Telecom et Colt partagent l'analyse de l'Autorité. Ces acteurs défendent donc le maintien d'un marché unique du départ d'appel, sur lequel France Télécom continue d'exercer une influence significative, et la mise en œuvre de remèdes ― notamment tarifaires ― différenciés concernant, d'une part, le départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit (continuité de l'orientation vers les coûts des tarifs), et, d'autre part, le départ d'appel à destination de numéros SVA (non-excessivité des tarifs), du fait de leur divergence croissante de tendances.
De leur côté, SFR et l'AFORST soutiennent qu'il n'est pas concevable de différencier les prestations de départ d'appel précitées, que ce soit au stade de la délimitation des marchés ou en termes de remèdes. Selon elles, les tarifs de toutes les prestations de départ d'appel de France Télécom devraient donc rester encadrés en orientation vers les coûts. Verizon adopte une position proche, estimant envisageable mais prématurée une différenciation des obligations portant sur les prestations de départ d'appel de sélection du transporteur d'une part et à destination de numéros SVA, d'autre part, du fait de la part de marché encore élevée de France Télécom sur les deux sous-prestations.
France Télécom considère a contrario que l'Autorité devrait plutôt définir un marché pertinent du départ d'appel à destination de numéros SVA depuis chaque réseau individuel, à l'image des marchés pertinents individuels de la terminaison d'appel. Selon elle, chacun de ces marchés individuels devrait être réputé pertinent pour une régulation ex ante et chaque opérateur devrait être réputé exerçant une influence significative sur le marché du départ d'appel à destination de numéros SVA depuis son propre réseau. France Télécom estime que l'Autorité devrait alors imposer une obligation symétrique à tous les opérateurs au titre de cette influence significative : « la pratique de tarifs raisonnables ».
L'Autorité est d'avis que les positions de SFR, de l'AFORST, de Verizon et de France Télécom ne sauraient être retenues.
L'Autorité a ainsi exposé supra les caractéristiques spécifiques et tendances divergentes du départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit (continuité de l'orientation vers les coûts des tarifs), d'une part, et de départ d'appel à destination de numéros SVA, d'autre part. Celles-ci ne peuvent être ignorées et ne permettent pas de continuer à considérer que les prestations doivent être régulées de la même façon.
En outre, la suggestion de France Télécom recourt à la définition de marchés ne figurant pas dans la recommandation « marchés pertinents » révisée de la Commission européenne. De plus, la Commission européenne a émis en 2007 des doutes sérieux concernant la tentative de l'AGCOM (Autorité de régulation nationale) de réguler des marchés individuels du départ d'appel en Italie (22).
Au vu de ce qui précède, l'Autorité estime que l'approche médiane conduisant, pour ce cycle de transition, vers une cible symétrique qui restera à définir, à maintenir un marché unique du départ d'appel tout en commençant à différencier les remèdes appliqués aux différentes sous-composantes de ce marché, est la plus proportionnée et la plus robuste. L'Autorité signale que des travaux de l'ORECE (23) sont en cours sur le sujet, qui devraient aboutir d'ici à mi-2012 et fournir des éléments permettant de préciser l'approche de long terme de régulation du départ d'appel à destination de numéros SVA.
III.4.6. Avis de l'Autorité de la concurrence
Comme indiqué à la section I.3.4.5, l'Autorité de la concurrence émet dans son avis des remarques d'ordre méthodologique concernant le traitement des communications à destination de numéros SVA. Ces remarques peuvent être résumées comme suit :
― délimitation du marché : « si ces deux types de prestations [départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit d'une part, départ d'appel à destination de numéros SVA d'autre part] ont pu apparaître comme étant substituables par le passé, [...] cela ne paraît plus pouvoir être le cas aujourd'hui. [...] Ces considérations pourraient appeler une analyse séparée du marché de gros du départ d'appel SVA » ;
― influence significative : « à l'instar de l'analyse menée sur les terminaisons d'appel, il est donc plausible que tout opérateur dispose d'une position dominante sur le marché du départ d'appel au départ de ses abonnés » ;
― pertinence pour une régulation ex ante : « une telle hypothèse n'impliquerait pas nécessairement que chacun de ces marchés soit soumis à une régulation ex ante. [...] Seul le marché de gros du départ d'appel au départ de la boucle locale de France Télécom pourrait faire l'objet d'une régulation ex ante » ;
― obligations : « [ces remarques] ne remettent pas en cause les obligations que l'ARCEP entend imposer à ce titre ».
L'Autorité de la concurrence a toutefois pris acte du contexte communautaire. A ce titre, elle invite l'ARCEP dans sa conclusion « à prendre pleinement en compte la spécificité des services à valeur ajoutée (SVA) dans les travaux européens auxquels elle est amenée à participer. Sous réserve de l'issue de ces travaux, l'ARCEP pourrait être amenée à amender son analyse de marché de la téléphonie fixe pour identifier un marché pertinent spécifique des prestations de gros de départ d'appel vers les numéros SVA au départ de la boucle locale de France Télécom ».
En ce sens, l'Autorité de la concurrence souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée, sous réserve de l'issue future des travaux européens sur le traitement réglementaire des services à valeur ajoutée.
III.4.7. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur le marché de gros du départ d'appel en position déterminée.
III.4.8. Conclusion
Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime que France Télécom détient une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée tel que défini ci-avant sur le territoire d'analyse pour la période d'analyse.
L'Autorité souligne néanmoins que les positions de France Télécom et des opérateurs alternatifs sont de moins en moins asymétriques sur la composante « à destination de numéros SVA » du marché du départ d'appel.
IV. ― OBLIGATIONS
L'Autorité ayant délimité des marchés, démontré leur pertinence pour une régulation sectorielle ex ante, puis établi l'existence sur chacun d'eux d'un opérateur exerçant une influence significative, il convient de définir les remèdes à appliquer afin de permettre le développement d'une concurrence effective.
IV.1. Objectifs de l'action réglementaire
Si l'analyse du niveau de développement de la concurrence conclut qu'un marché est effectivement concurrentiel, l'Autorité peut proposer la suppression des éventuelles obligations qui s'y appliquaient jusqu'alors. Dans le cas contraire, l'Autorité impose aux entreprises identifiées comme exerçant une influence significative les obligations spécifiques appropriées, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE.
Les remèdes disponibles que peut imposer l'Autorité peuvent concerner les marchés de gros (transparence, non-discrimination, séparation comptable, etc.) et les marchés de détail (non-discrimination, contrôle tarifaire, etc.).
Conformément à l'article L. 38-1 du CPCE, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros et n'envisage une régulation via les marchés de détail que lorsque l'imposition d'obligations de gros ne suffit pas à atteindre l'objectif poursuivi. Les obligations imposées ci-après sont donc majoritairement des obligations portant sur les marchés de gros. Cas particuliers, la fourniture d'une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique et la fourniture d'une offre de sélection du transporteur sont des obligations de gros imposées au titre de l'influence significative exercée par France Télécom sur les marchés de détail de l'accès.
IV.2. Obligations non tarifaires d'interconnexion et d'accès imposées à France Télécom
L'influence significative qu'exerce France Télécom sur certains marchés de gros et de détail de la téléphonie fixe rend nécessaire l'imposition de remèdes sur ces marchés.
L'Autorité justifie dans cette partie la nécessité et la proportionnalité des obligations non tarifaires qu'elle lui impose sur les marchés de gros.
De plus, cette partie identifie les raisons conduisant à imposer à France Télécom des obligations différentes des obligations imposées aux autres opérateurs, qui exercent une influence significative seulement sur le marché de gros de la terminaison d'appel sur leur réseau individuel.
Ces obligations sont imposées à France Télécom pour la durée de validité de cette analyse, sans préjudice de l'éventuel réexamen que l'Autorité pourrait être amenée à anticiper conformément à l'article D. 303 du CPCE.
IV.2.1. Obligation de fourniture d'une offre de sélection
et présélection du transporteur
IV.2.1.1. Obligation de fourniture d'une offre de sélection du transporteur
Lors de ses précédentes analyses des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité a estimé justifié d'imposer à France Télécom de permettre à ses utilisateurs finals de bénéficier de la sélection appel par appel et de la présélection d'un autre opérateur, prolongeant ainsi l'obligation de mise à disposition de ces offres, depuis 1998 pour la sélection appel par appel et 2000 pour la présélection. Cette obligation était un remède imposé au titre de l'article L. 38-II et de l'influence significative exercée sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique.
En effet, l'article 19 de la directive « service universel » 2002/22/CE du 7 mars 2002 prévoyait l'obligation pour les autorités de régulation nationales d'imposer la sélection du transporteur aux opérateurs exerçant une influence significative sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique. En France, l'article L. 38-II du CPCE dispose à ce titre que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur le marché du raccordement aux réseaux téléphoniques fixes ouverts au public sont tenus de fournir à tout opérateur les prestations d'interconnexion et d'accès nécessaires pour que leurs abonnés puissent, à un tarif raisonnable, présélectionner le service téléphonique au public de cet opérateur et écarter, appel par appel, tout choix de présélection en composant un préfixe court ; les tarifs de ces prestations reflètent les coûts correspondants ». L'expression « marché du raccordement » renvoyant aux marchés de détail de l'accès et la directive « service universel » considérant des obligations sur les marchés de détail, il apparaît que cette obligation est un remède pouvant être imposé au titre de l'influence significative exercée sur lesdits marchés de détail.
Depuis lors, la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009 a modifié la directive « service universel » précitée, en supprimant l'article 19. Elle explique en particulier à l'alinéa 20 des motifs que « le fait de continuer à imposer la sélection et la présélection des transporteurs directement dans la législation communautaire risque d'entraver le progrès technologique. Ces mesures correctives devraient plutôt être imposées par les autorités réglementaires nationales, à la suite d'une analyse de marché effectuée conformément aux procédures prévues dans la directive 2002/21/CE (directive "cadre”), et par le biais des obligations visées à l'article 12 de la directive 2002/19/CE (directive "accès”) ». Il est donc possible que l'article L. 38-II du CPCE précité soit allégé voire abrogé en conséquence prochainement, à l'occasion du processus de transposition.
Pour autant, l'Autorité estime que l'obligation pour France Télécom de fournir une offre de sélection du transporteur reste nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis, notamment à ceux de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale et à la définition de conditions d'accès aux réseaux qui garantissent l'égalité des conditions de concurrence (24). En effet, bien que les volumes de sélection du transporteur (appel par appel et en présélection) soient en recul significatif, ceux-ci représentaient encore plus de 13 milliards de minute en 2009, soit environ 11 % du trafic au départ des postes fixes ; de même, le parc actif de sélection du transporteur (25) reste supérieur à 3,6 millions d'unités au troisième trimestre 2010.
L'Autorité maintient donc l'obligation pour France Télécom de fournir, sur l'ensemble du territoire d'analyse, les prestations d'interconnexion et d'accès nécessaires à la sélection du transporteur et à la présélection. Toutefois, l'Autorité portera une attention particulière à l'évolution des parcs et des volumes résiduels de sélection du transporteur au cours de ce cycle d'analyse de marché. L'Autorité s'attend notamment à ce que le nombre de clients actifs à la sélection appel par appel ne dépasse pas quelques dizaines de milliers en fin de cycle (2014), si bien que l'obligation de fournir cette modalité pourrait être levée au début du quatrième cycle.
France Télécom a soumis à l'Autorité deux demandes de clarification portant sur cette obligation, dans la perspective d'une éventuelle évolution vers l'IP des raccordements fournis dans le cadre du service universel, portant sur le fait de savoir si la mission de service universel implique la sélection du transporteur, et si la sélection du transporteur serait applicable ailleurs que sur des accès cuivre en technologie TDM.
Concernant le premier point, l'Autorité rappelle que l'obligation de fournir la sélection du transporteur est un remède imposé au titre de la loi et de l'influence significative exercée sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique, et qui est donc indépendante de la mission de service universel.
Concernant le second point, la conclusion varie selon si les marchés de détail de l'accès au service téléphonique continuent à être pertinents pour une régulation ex ante et si France Télécom continue à y exercer une influence significative ou non. Ainsi, dans l'éventualité où France Télécom commercialiserait une offre de détail d'accès principalement téléphonique sur un autre type d'accès que le cuivre et/ou en VLB qui ne soit pas réplicable par les autres opérateurs au moyen d'accès en propre ou des offres de gros haut débit et d'accès à la boucle locale cuivre de France Télécom, les obligations actuelles seraient vraisemblablement maintenues. Dans le cas contraire, les obligations actuelles ne trouveraient probablement pas à s'appliquer.
IV.2.1.2. Conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès
fournies par France Télécom au titre de la sélection du transporteur
France Télécom exerçant une influence significative sur le marché de l'accès au service téléphonique, elle devra fournir les prestations d'interconnexion et d'accès au titre de la sélection et présélection pour permettre aux utilisateurs finals raccordés à un service téléphonique au public de choisir un autre opérateur pour acheminer leurs appels. Ces prestations doivent être accessibles au niveau de tous les points d'interconnexion pertinents du réseau de France Télécom, c'est-à-dire à ce jour au niveau de l'ensemble de ses commutateurs d'abonnés ouverts à l'interconnexion, sans préjudice d'évolutions futures. De plus, elle devra offrir une offre de sécurisation de la collecte du trafic, via une offre d'accès à ses commutateurs de transit, sans préjudice d'évolutions futures.
IV.2.1.3. Historique des prestations de sélection du transporteur
En 1998, France Télécom a introduit une prestation de sélection du transporteur qui permettait aux opérateurs alternatifs de proposer une offre de sélection appel par appel aux utilisateurs finals raccordés à son réseau. Cette offre ne comprenait pas les appels locaux ni les appels vers les numéros mobiles et nécessitait que l'utilisateur compose un préfixe (à la place de E = 0) lorsqu'il souhaitait utiliser un autre opérateur que France Télécom pour l'acheminement de ses communications. Ce préfixe de sélection du transporteur, différent d'un opérateur à l'autre, est du type E 0 ou 16XY. Les modalités d'attribution de ces préfixes sont définies dans le cadre de la décision n° 2005-1085 de l'Autorité fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation.
Par la suite, France Télécom s'est vue imposer une obligation de fournir une offre de présélection qui permette aux opérateurs alternatifs de proposer l'acheminement de leurs communications aux clients finals sans que ceux-ci aient besoin de modifier le numéro appelé lors de sa composition. L'Autorité a décrit les procédures opérationnelles relatives à la présélection dans sa décision n° 99-0490.
Dans sa décision n° 99-1077, l'Autorité a précisé les conditions et les délais de mise en œuvre de la sélection du transporteur appel par appel et de la présélection et a par ailleurs inclus les appels à destination des numéros mobiles dans le champ de la sélection du transporteur.
Puis, notamment du fait du déploiement par les opérateurs alternatifs de leur réseau au niveau des commutateurs d'abonnés de France Télécom, l'Autorité a estimé en 2001 que la sélection du transporteur devait dorénavant pouvoir être étendue afin d'inclure les appels internes à une zone locale de tri (ZLT), c'est-à-dire les communications locales. Chaque opérateur de transport devant être en mesure de décider s'il souhaitait proposer une offre sur le marché des communications locales, l'Autorité a de plus estimé nécessaire de créer une nouvelle modalité de sélection du transporteur incluant les appels locaux, tout en maintenant une modalité les excluant (modalité appelée par la suite modalité « hors ZLT & 09AB »). L'Autorité a précisé ces évolutions dans sa décision n° 2001-691. Les opérateurs qui souhaitaient conserver deux modalités distinctes (une incluant les appels locaux et l'autre les excluant) devaient donc se voir attribuer un préfixe de sélection du transporteur supplémentaire.
Dans ses décisions n° 2005-571 et n° 2008-896 d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité a confirmé l'obligation pour France Télécom d'offrir une prestation de sélection du transporteur, comme expliqué précédemment.
L'Autorité a toujours considéré que les numéros non géographiques fixes commençant par 09AB avaient vocation à faire partie de l'offre de sélection du transporteur, comme elle le précisait déjà lors de l'ouverture de ces numéros dans sa décision n° 2005-1085, fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation (26). Il est en effet justifié que les opérateurs alternatifs soient en mesure de prendre en charge ces numéros de communications interpersonnelles afin d'offrir une offre globale à leurs clients.
France Télécom a donc annoncé l'ouverture d'une nouvelle modalité incluant les appels à destination des numéros de la tranche 09AB pour septembre 2008 lors du comité de l'interconnexion et de l'accès du 12 décembre 2007. L'Autorité a alors lancé des travaux multilatéraux avec le secteur (27) et une consultation publique sur l'évolution des prestations techniques de la sélection du transporteur le 11 avril 2008. Au regard des réponses ― notamment celle de France Télécom ― à cette consultation publique, l'Autorité a estimé plus raisonnable que la mise en place de cette modalité soit assurée dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er février 2009. Cette modalité avait de plus vocation à inclure automatiquement les appels vers de nouvelles ressources en numérotation dédiées à des communications interpersonnelles que l'Autorité pourrait être amenée à ouvrir dans le futur.
A l'inverse, du fait du mode d'interconnexion particulier utilisé pour les communications à destination des numéros SVA (08AB, 3BPQ, 10YT et 118XYZ notamment), les communications vers ces services et les services de données continuent à être systématiquement acheminées par France Télécom. A ce stade, l'Autorité ne considère pas que ces numéros aient vocation à entrer dans le champ de la sélection du transporteur.
La modalité « hors ZLT & 09AB » a été fermée au 1er juin 2010. La modalité de sélection du transporteur excluant les appels à destination des numéros de la tranche 09AB (modalité « hors 09AB ») sera fermée au 1er avril 2013, l'arrêt des commandes pour ladite modalité remontant au 1er avril 2009. Il ne restera donc plus au 1er avril 2013 qu'une unique modalité de sélection du transporteur comprenant l'ensemble des numéros reposant sur un modèle d'interconnexion directe (communications internationales et communications nationales vers les tranches Z = 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 9).
IV.2.1.4. Processus de transition vers la modalité ultime de sélection du transporteur
Comme expliqué précédemment, la sélection du transporteur comporte désormais deux modalités de présélection :
― une modalité « ultime » qui comprend l'ensemble des communications interpersonnelles, c'est-à-dire les communications à destination de l'ensemble des numéros reposant sur un modèle d'interconnexion directe : appels internationaux et appels nationaux vers les tranches Z = 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 9 ;
― une modalité (dite « hors 09AB ») qui comprend ces mêmes communications, à l'exception des appels à destination des numéros de la tranche Z = 9.
L'ancienne modalité « hors ZLT & 09AB », excluant en outre les appels internes à une zone locale de tri, a été fermée au 1er juin 2010.
Seul subsistera au 1er avril 2013 la modalité ultime, qui est la seule à accepter encore de nouvelles commandes. D'ici là, cette modalité coexiste avec la modalité « hors 09AB » pour les clients existants.
Les opérateurs et leurs clients doivent bénéficier de suffisamment de temps pour pouvoir gérer la transition, tant d'un point de vue opérationnel que du point de vue des aspects contractuels et légaux qui s'imposent à eux.
Lors des discussions avec le secteur, il est apparu nécessaire de prévoir également des demandes groupées qui permettent aux opérateurs d'activer sur la nouvelle modalité tout ou partie de leurs clients « en masse » et de manière simultanée, afin de mutualiser les opérations à réaliser au niveau du réseau de France Télécom, et ainsi de réduire les coûts induits par opérations. Les opérateurs ont la possibilité de conserver une partie de leurs clients sur la modalité « hors 09AB » s'ils le décident. De plus, ces demandes groupées peuvent inclure des clients anciennement présélectionnés comme les clients nouvellement présélectionnés.
Enfin, ces demandes groupées ayant comme objet la mutualisation des opérations sur le réseau de France Télécom, elles n'induisent pas les mêmes coûts qu'une activation de présélection accès par accès comme dans le cas général, et ne doivent donc pas faire l'objet de la même tarification. Par conséquent, France Télécom doit proposer une offre tarifaire forfaitaire par demande groupée.
Avant création de la modalité ultime incluant les 09AB, la quasi-totalité des clients de la sélection du transporteur utilisaient la modalité « hors 09AB ». Par conséquent, contrairement à la modalité « hors ZLT & 09AB », la totalité des opérateurs était concernée par la fermeture de la modalité « hors 09AB ». Par ailleurs, cette modalité était utilisée par tous les types de clients : résidentiels, acheteurs publics et entreprises. Il ressort des échanges que l'Autorité a eus avec les opérateurs que ces derniers ont estimé être en mesure de gérer la suppression de la modalité « hors 09AB » dans des délais relativement brefs, voire simultanément à l'ouverture de la nouvelle modalité. Cependant, du fait de l'importance du nombre d'opérateurs et de clients utilisant la modalité « hors 09AB », l'Autorité a jugé nécessaire de prévoir une période de transition plus longue que pour la modalité « hors ZLT & 09AB », notamment afin de ne pas placer les opérateurs dans la situation de contrevenir aux clauses de leurs contrats ou aux dispositions légales.
L'Autorité a estimé qu'un délai raisonnable de fermeture de la modalité « hors 09AB » devrait notamment prendre en considération la durée de validité d'un marché public pour un lot de communications téléphoniques. A la suite de discussions avec des acheteurs publics, l'Autorité a pu constater que ce type de contrat n'excédait pas quatre ans. Par ailleurs, un délai de quatre ans semblait suffisant pour que les opérateurs gèrent leurs relations contractuelles avec leurs clients résidentiels et leurs clients non résidentiels suivant les règles applicables. Etant donné qu'aucune activation sur la modalité « hors 09AB » ne devait intervenir à compter du 1er avril 2009, comme exposé précédemment, il semblait donc raisonnable de prévoir que les opérateurs auraient la possibilité de gérer la migration de l'ensemble de leurs clients, notamment les acheteurs publics, avant le 1er avril 2013.
Le 1er avril 2013 a donc été retenu comme la date de fermeture de la modalité « hors 09AB ».
L'Autorité s'est attachée à définir un délai raisonnable pour la fermeture totale des modalités « hors ZLT & 09AB » et « hors 09AB ». Cependant, l'Autorité estime qu'au cas où ces modalités ne seraient plus utilisées par aucun opérateur avant leur date de fermeture programmée, il serait légitime que France Télécom puisse fermer ces modalités de manière anticipée et libérer les ressources associées dans son réseau, après information préalable de son intention à l'ensemble des opérateurs utilisateurs de l'offre de sélection du transporteur, recueil de leurs commentaires et après accord de l'Autorité.
IV.2.1.5. Règles applicables à la présélection du transporteur
IV.2.1.5.1. Nombre d'opérateurs pouvant être présélectionnés sur un accès donné.
Dans sa décision n° 99-1077, l'Autorité avait estimé qu'il convenait de limiter à un le nombre d'opérateurs pouvant être présélectionnés sur une ligne donnée, notamment dans un souci de simplicité et de clarté pour les utilisateurs de la présélection. L'Autorité soulignait que les utilisateurs conservaient la possibilité de recourir à d'autres opérateurs dans le cadre de la sélection appel par appel.
L'Autorité estime que ces conditions sont toujours justifiées et note qu'elles n'ont pas été remises en cause lors de sa consultation publique du 11 avril 2008. L'Autorité juge donc opportun de continuer à limiter à un le nombre d'opérateurs présélectionnés sur un accès donné et de permettre à un utilisateur client d'une offre principalement téléphonique de France Télécom de recourir à d'autres opérateurs dans le cadre de la sélection appel par appel.
IV.2.1.5.2. Procédures opérationnelles de la présélection.
L'activation de la présélection pour les utilisateurs qui le demandent nécessite la mise en œuvre de procédures d'échanges d'informations et de commandes entre opérateurs et le respect par France Télécom de certaines obligations.
a) Principe du guichet unique :
La gestion opérationnelle de la présélection et les échanges d'information entre les opérateurs se trouve simplifiée si un point de contact unique est identifié au sein de chaque opérateur. France Télécom dispose d'une entité centralisée chargée de la gestion de la présélection qui est le point de contact unique des entités en charge de la présélection chez les opérateurs clients. Il est distinct des services commerciaux de France Télécom en relation avec les clients finals, afin de garantir la confidentialité nécessaire au traitement des demandes de présélection.
D'une manière générale, France Télécom doit garantir un traitement des demandes de présélection respectant les dispositions prévues dans le décret n° 97-188 du 3 mars 1997 relatif à l'interconnexion, en particulier le deuxième alinéa de l'article D. 99-6 : « Les opérateurs disposant d'informations dans le cadre d'une négociation ou de la mise en œuvre d'un accord d'interconnexion ne peuvent les utiliser qu'aux seules fins explicitement prévues lors de leur communication. En particulier, ces informations ne sont pas communiquées à d'autres services, filiales ou partenaires pour lesquels elles pourraient constituer un avantage concurrentiel. »
b) Délai d'activation d'une présélection :
Il s'agit du délai entre la réception d'une demande par France Télécom et l'activation de la présélection. L'Autorité estime que ce délai d'activation ne peut excéder 72 heures.
c) Courrier envoyé a posteriori par France Télécom :
Dans l'hypothèse où France Télécom déciderait d'envoyer un courrier à ses utilisateurs finals ayant demandé la présélection de leur accès, les principes suivants devraient être respectés :
― le courrier envoyé se limite à informer l'utilisateur final que son service a changé (i.e. que ses communications seront désormais acheminées par un opérateur tiers), et ne devrait pas pouvoir être perçu comme une tentative de récupérer le client, ou de dénigrer les services de l'opérateur présélectionné. En particulier, il ne doit contenir aucune information de nature commerciale (information sur des services offerts par France Télécom, par exemple) ;
― les coûts d'envoi ne sont pas répercutés, directement ou indirectement, sur les opérateurs ;
― conformément aux dispositions de l'article D. 99-6 du CPCE, l'envoi du courrier ne doit pas avoir pour conséquence d'informer, directement ou indirectement, les services commerciaux de détail de France Télécom des demandes de présélection des clients ;
― le courrier n'est envoyé qu'après la mise en œuvre effective de la présélection. France Télécom veille en particulier à ce que l'opérateur présélectionné soit informé avant le client de l'activation de la présélection ;
― le courrier ne doit pas contenir le nom de l'opérateur présélectionné car le client final n'est pas nécessairement en contact direct avec cet opérateur, et peut notamment avoir contractualisé avec une société de commercialisation de services. A terme, le courrier pourrait contenir le nom de l'opérateur commercial.
d) Conditions non discriminatoires :
Les demandes de présélection ou de modification de présélection doivent être traitées par France Télécom dans des conditions non discriminatoires, notamment en termes de délais et de procédures, conformément aux dispositions du CPCE, en particulier du deuxième paragraphe de l'article D. 99-11.
Afin de respecter ce principe de non-discrimination, il est nécessaire que France Télécom demande et obtienne une preuve de toute demande qui lui est directement adressée par le client afin de supprimer une présélection et bénéficier des services de communication de France Télécom.
En outre, des engagements similaires à ceux pris par les opérateurs présélectionnés doivent s'appliquer à France Télécom :
― conserver la preuve pendant toute la période où la demande du client reste valide, et au moins un an au-delà ;
― transmettre la preuve de la demande du client dans les meilleurs délais, et dans un délai maximal de trois jours, en cas de litige ;
― envoyer systématiquement les preuves des demandes d'annulation de présélection à un opérateur présélectionné qui aurait constaté des irrégularités et obtenu l'accord de l'Autorité.
Par ailleurs, France Télécom doit traiter toutes les demandes relatives à la présélection (activation, modification, ou suppression), quelle que soit leur origine, dans des délais équivalents.
e) Modification de l'accès :
Pour toute modification de l'accès n'affectant pas le numéro associé, la présélection est maintenue par France Télécom. Lorsque le numéro associé est modifié, France Télécom informe sans délai l'opérateur concerné du nouveau numéro. L'opérateur concerné doit reformuler la demande d'activation de présélection auprès de France Télécom, sans qu'un nouveau mandat soit nécessaire.
IV.2.1.6. Anticipation de la fermeture de la sélection appel par appel
L'Autorité constate que si le parc de clients en présélection, avec et sans VGAST, se maintient (environ 3,25 millions de clients fin 2010), le parc de clients actifs en sélection appel par appel a en revanche été divisé par près de 14 entre 2003 et 2010 : ce parc est estimé à environ 217 000 clients au T4 2010, selon l'observatoire des marchés.
L'Autorité s'attendait à ce que le nombre de clients restants en fin de cycle (2014) devienne négligeable. L'Autorité a donc posé la question aux opérateurs qui fournissent encore le service de l'opportunité de lever l'obligation pour France Télécom de fournir une modalité appel par appel de la sélection du transporteur au quatrième cycle d'analyse de marché. Leurs réponses sont les suivantes.
Verizon n'y est pas opposée pour autant que tous les opérateurs s'assurent que plus aucun client final ne l'utilise, « exercice [de vérification qui] s'avère souvent pénible et exige parfois des efforts disproportionnés par rapport aux [bénéfices tirés] ». SFR s'attend en revanche à ce qu'il lui reste un parc et des revenus significatifs en 2014, si bien qu'une fermeture à cette date lui apparaît prématurée. Colt précise que l'offre n'est plus proposée depuis longtemps aux nouveaux clients mais qu'il reste un parc significatif. Colt invite donc l'Autorité à conduire une analyse coût/bénéfice détaillée avec France Télécom et les opérateurs clients avant d'annoncer la levée de l'obligation de fourniture de la modalité de sélection du transporteur appel par appel. Free n'a pas d'objections tant que la présélection n'est pas concernée.
Compte tenu des commentaires des opérateurs clients, l'Autorité prévoit d'analyser l'équilibre coût/bénéfice avec ces derniers et France Télécom, en vue de préciser l'opportunité et la faisabilité d'une levée de l'obligation au prochain cycle d'analyse de marché (2014-2017), pouvant se traduire par une fermeture de la modalité, soit pour les tous les clients (technique), soit uniquement pour les nouveaux clients (commerciale).
IV.2.2. Obligation de fourniture d'une offre de vente en gros
de l'accès au service téléphonique
IV.2.2.1. Contexte
Dans sa décision d'analyse des marchés n° 2005-571, au vu des objectifs mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 32-1 et conformément à l'article D. 310 (4°) du CPCE, l'Autorité a décidé d'imposer à France Télécom « de faire droit aux demandes raisonnables d'accès permettant aux opérateurs alternatifs de proposer des offres compétitives et globales de service téléphonique, englobant une offre d'accès analogique ou numérique de base (accès isolés ou groupements d'accès) au service téléphonique, et une offre de communications à destination de l'ensemble des numéros du plan national de numérotation ». Cette obligation faisait suite notamment à un engagement pris par France Télécom de proposer une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique.
En 2006, dans sa décision n° 2006-162, l'Autorité a défini les modalités techniques et tarifaires de l'offre VGAST, qui a été créée la même année.
IV.2.2.2. Nécessité d'une offre de vente en gros
de l'accès au service téléphonique
En 2005, l'Autorité avait estimé que l'existence d'une offre de vente de l'accès au service téléphonique était nécessaire pour deux raisons principales : l'insuffisance des offres de gros de dégroupage et de bitstream régional d'une part et la nécessité d'un remède complémentaire à la sélection du transporteur d'autre part.
Concernant les offres de gros haut débit, il apparaît aujourd'hui que de nombreux opérateurs alternatifs tentent de concurrencer les services de l'opérateur historique en proposant principalement des offres composées de plusieurs services, par exemple les offres multiservices. Toutefois, l'Autorité a démontré dans la partie relative à la délimitation des marchés que de telles offres n'étaient pas substituables à une offre principalement dédiée à la téléphonie, tel l'abonnement principal de France Télécom. Ainsi, sur le segment résidentiel et le bas de segment non résidentiel (comprenant les petites entreprises et les petits sites des entreprises plus grandes), les opérateurs ne proposant à ce jour pas d'offres principalement dédiées à la téléphonie via l'achat d'offres de gros haut débit, seule l'offre VGAST permet aux opérateurs alternatifs de concurrencer les offres d'abonnement de France Télécom auprès de la clientèle ne désirant pas souscrire d'offres de type multiservices.
Ensuite, si la sélection du transporteur permet aux opérateurs de concurrencer les offres de communications de France Télécom, le fait pour France Télécom de vendre par ailleurs l'accès constitue un avantage concurrentiel indéniable. En tant qu'opérateur d'accès, France Télécom bénéficie en effet d'un accès privilégié à l'information sur les clients potentiels, ce qui lui facilite la conservation ou la reconquête de clients. De plus, les clients en sélection du transporteur reçoivent forcément au moins deux factures, l'une de France Télécom, les autres des opérateurs sélectionnés, ce qui peut constituer un frein pour certains clients. Enfin, les opérateurs en sélection du transporteur ne sont pas en mesure de proposer des offres couplant accès et communications. Or ce type d'offre semble correspondre à une véritable tendance du marché puisque l'ensemble des opérateurs ayant mis en œuvre la VGAST, ainsi que France Télécom, proposent désormais de tels couplages.
L'offre VGAST a connu une croissance significative depuis sa création en 2006, tel qu'illustré sur le graphique suivant. Elle compte environ 1,35 million d'abonnements à fin 2010 et a réalisé en un peu plus de 4 ans d'existence plus de 2 millions de ventes brutes (28). Après un démarrage quasi-exclusivement dû à la clientèle résidentiel, la croissance est désormais tirée principalement par la clientèle non résidentielle dont les attentes en termes de qualité de service sont supérieures. L'Autorité note en outre la bonne performance de la version numérique de l'offre VGAST, qui a assuré près des deux tiers de la croissance en 2010.
Figure 10. ― Evolution du parc de VGAST en France, depuis sa création
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 192 du 20/08/2011 texte numéro 62
En conséquence, l'Autorité estime qu'il convient de continuer d'imposer à France Télécom de faire droit aux demandes raisonnables d'accès permettant aux opérateurs alternatifs de proposer des offres compétitives et globales de service téléphonique englobant une offre d'accès analogique ou numérique de base (accès isolés ou groupements d'accès) au service téléphonique et une offre de communications à destination de l'ensemble des numéros du plan national de numérotation.
Cette obligation est un remède d'interconnexion et d'accès imposé au titre de l'influence significative exercée par France Télécom sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique et sur le marché de gros du départ d'appel.
La décision n° 2006-162 prévoit les conditions techniques et tarifaires dans lesquelles France Télécom propose son offre de VGAST. Ces modalités pourront être modifiées par l'Autorité, conformément aux articles D. 303 et D. 310 du CPCE.
A ce titre, Bouygues Telecom estime nécessaire, « pour créer un début de dynamisme sur le marché non résidentiel », la mise en œuvre d'une offre de VGAST sur accès primaires. Cette nouvelle offre permettrait selon elle de palier les lacunes des offres de dégroupage en propre ou de liaisons partielles terminales. A l'inverse, SFR « ne voit pas la nécessité d'imposer une obligation d'offre VGAST sur accès T2 à France Télécom, alors que des solutions alternatives d'accès entretiennent déjà une concurrence sur ce segment » et « invite l'Autorité à se concentrer sur le bas de marché, segment qui souffre le plus aujourd'hui d'un manque patent de concurrence effective ».
L'Autorité rappelle qu'une consultation conduite en 2007 avait conclu que l'intégration des accès primaires dans le périmètre de l'offre VGAST n'était pas nécessaire au vu du contexte d'alors. A ce stade, l'Autorité estime qu'elle ne dispose pas de nouveaux éléments de nature à mettre en doute cette conclusion. Toutefois, elle analysera attentivement les informations et analyses complémentaires que pourront lui transmettre les opérateurs clients, afin de juger du bien-fondé de cette demande. En particulier, plusieurs opérateurs ont communiqué leur première analyse de la situation actuelle et une critique des positions exposées en 2007. L'Autorité prévoit de travailler avec ces opérateurs, pour mieux comprendre les paramètres qualitatifs et quantitatifs sous-jacents et in fine les enjeux. Le cas échéant, l'Autorité pourra rouvrir les travaux multilatéraux sur la question.
Dans les zones où France Télécom n'est ni propriétaire ni gestionnaire de la boucle locale (zones aéroportuaires de Paris par exemple), une demande d'accès au service téléphonique formulée auprès de France Télécom ne saurait être considérée comme raisonnable. France Télécom n'est donc pas soumise sur ces zones à l'obligation de fournir une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique.
En pratique toutefois, si les propriétaires ou gestionnaires de la boucle locale dans ces zones ne proposaient pas des offres d'accès à un service téléphonique public dans des conditions équivalentes à celles fournies par France Télécom sur le reste du territoire, l'Autorité serait amenée à traiter cette situation en règlement de différend.
IV.2.2.3. L'enjeu de la qualité de service
Comme expliqué supra, la croissance de l'offre VGAST est désormais tirée principalement par la clientèle non résidentielle. Or, la qualité de service des offres de gros constitue un enjeu particulièrement important sur ce segment. Il est en effet essentiel pour les opérateurs alternatifs de pouvoir concurrencer les offres de détail non résidentielles d'Orange Business Services non seulement en termes technique et tarifaire, mais également sur des engagements de qualité de service, qui peuvent constituer des éléments structurants et discriminants lors des procédures d'appels d'offres.
France Télécom est tenue de publier chaque mois des indicateurs de qualité de service concernant son offre VGAST (en application de l'obligation développée à la section IV.2.7). Ces indicateurs permettent de suivre l'évolution absolue de la qualité de service de l'offre VGAST (efficacité des processus mis en place), mais également de la comparer avec celle des offres de détail fournies directement par France Télécom sur le marché aval (respect de l'obligation de non-discrimination). Or, l'Autorité continue de constater des écarts, parfois significatifs, entre les indicateurs portant sur les services de gros et ceux portant sur les services de détail.
Par ailleurs, des difficultés opérationnelles concernant les offres de gros de France Télécom ― services de capacité, dégroupage, VGAST,... ― sont régulièrement soulevées par les opérateurs alternatifs ces dernières années, lors de réunions multilatérales tenues sous l'égide de l'Autorité. Ces difficultés semblent particulièrement nombreuses et récurrentes dans le cas de l'offre VGAST.
L'Autorité souligne néanmoins que ces difficultés ne sont pas nécessairement le fait de France Télécom : elles peuvent être dues également pour partie aux opérateurs clients. A ce titre, leur implication constante et leurs propositions constructives et proportionnées restent cruciales pour l'amélioration continue et efficace de l'offre.
IV.2.2.3.1. Chantiers passés et en cours.
Pour pallier ces écarts et les difficultés opérationnelles rencontrées, plusieurs évolutions ont été mises en œuvre par France Télécom, comme :
― des groupes de travail ayant abouti à des solutions pour la diminution des taux de commandes non conformes ;
― l'outil « e-SAV » qui permet de fiabiliser les interventions en cas de pannes ;
― la mise à disposition d'une page d'informations centralisées à destination des opérateurs alternatifs (liste des contenus en cours de discussion).
Par ailleurs, de nombreux autres axes d'amélioration de l'offre VGAST (suggérés par des opérateurs clients par le passé) font actuellement l'objet d'expérimentations ou d'études de la part de France Télécom :
― l'accès pour les opérateurs alternatifs, via l'outil « e-RDV », au planning de charges des techniciens France Télécom, qui existe déjà en dégroupage, permettant à la fois une plus grande fiabilité de la prise de rendez-vous en construction de ligne, mais aussi une plus grande maîtrise par l'opérateur alternatif de sa relation avec le client final ;
― l'analyse des cas de report de rendez-vous client pour la livraison des accès et la réduction de leur nombre, qu'ils soient de la responsabilité de France Télécom ou des opérateurs clients ;
― l'amélioration des flux d'information et de facturation concernant les communications à destination de numéros SVA, non inclus dans le périmètre de la sélection du transporteur ;
― la formalisation de l'ensemble des processus existants, afin de palier le déficit actuel de documentation, qui est préjudiciable aux nouveaux opérateurs clients ou en cas de changements de responsables VGAST chez les opérateurs clients existants.
L'Autorité rappelle que la dérégulation complète des marchés de détail non résidentiels de l'accès a été réalisée en contrepartie de niveaux de qualité de service satisfaisants sur les marchés de gros. L'Autorité reste donc très vigilante à ce que les avancées mentionnées supra soient effectivement réalisées par France Télécom à brève échéance ou que leur abandon soit justifié de manière détaillée, le cas échéant, et assorti de solutions alternatives permettant in fine d'atteindre des niveaux acceptables de qualité de service.
France Télécom a fourni, dans sa réponse à la première consultation publique, sa position et de premiers engagements concernant chacun des points :
― extension du périmètre de l'outil e-RDV à la VGAST : « France Télécom considère [...] que ce n'est pas une demande de court terme raisonnable au regard des volumes concernés. Néanmoins, France Télécom a engagé une réflexion globale sur l'architecture du système d'information pour la production de l'accès et elle intégrera e-RDV pour VGA dans cette étude. En attendant cette cible qui n'est pas de court terme, France Télécom s'engage à développer une solution d'accès à e-RDV pour VGAST à l'image de ce qui est fait pour le dégroupage multipaires, dans un premier temps pour les accès numéris. Ce serait une solution qui n'autoriserait pas toutes les fonctionnalités de l'application e-RDV actuelle mais qui permettrait une prise de rendez-vous par l'alternatif avec le plan de charge de France Télécom en visibilité. L'extension aux accès analogiques sera étudiée dans un second temps mais elle présente des difficultés majeures » ;
― flux de facturation : « les flux d'informations concernant les communications à destination des numéros SVA, non inclus dans le périmètre de la sélection du transporteur, fournis par France Télécom sont en tous points conformes à la décision n° 2006-162 [...]. Les demandes d'évolutions de certains opérateurs concernant la valorisation du temps d'appel gratuit, des flux 3008 pourraient conduire à des valorisations par opérateur, ce qui n'est pas raisonnable. La solution proposée par France Télécom est de rendre le flux de facturation exhaustif avec toutes les communications non valorisées (transparent à tous les flux), charge à l'opérateur alternatif de développer un outil de valorisation qui lui est propre. Cette solution lui permettra d'assurer la comparaison avec les flux qui lui sont facturés en tant qu'opérateur de réseau et elle est parfaitement compatible avec une évolution vers une facturation de type (C+S). A ce stade, France Télécom considère que cette transparence des flux est la solution cible et se tient à la disposition des opérateurs pour gérer la transition vers cette cible » ;
― qualité de service globale : « en dépit de volumes réduits, force est de constater qu'à l'exception d'un dysfonctionnement du système d'information qui a affecté ponctuellement la performance fin 2010, il n'est pas constaté de problème particulier sur la performance du service après-vente par rapport au marché de détail » ;
― formalisation des processus : « la formalisation des processus est indissociable de leur industrialisation ; ce sont donc des échanges itératifs entre les opérateurs et France Télécom qui doivent conduire à converger vers des mécanismes stables et la contribution des opérateurs est essentielle, avec un volume de commandes suffisant. La publication des processus est la suite logique de ce travail et France Télécom a déjà engagé la mise à jour du web opérateur sur ce point, l'objectif est bien que tous les processus non embarqués dans le contrat soient publiés sur ce site » ;
IV.2.2.3.2. Chantiers prioritaires engagés en 2011.
a) Demandes prioritaires des opérateurs clients pour 2011 :
D'une manière plus générale, il est indispensable que France Télécom continue de s'investir pleinement dans le développement continu de son offre, en tenant le plus grand compte notamment des priorités exprimées par les opérateurs clients de son offre VGAST, parmi lesquelles :
― l'amélioration des délais de rendez-vous et des taux de respect des créneaux de rendez-vous, passant en particulier par l'extension à la VGAST de l'outil e-RDV ;
― la séparation opérationnelle de la livraison de l'accès physique au réseau et de la livraison des services vendus au client final (accès au service téléphonique, communications, services annexes), avec gestion transférée à l'opérateur client de la partie livraison des services et reprise des options activées sans interruption ;
― la facilitation pour les opérateurs clients de la réalisation d'actions sur les terminaisons cuivre du réseau au niveau des sites clients, appelées communément « têtes de câble » : accès à l'information préalable, déplacement, création, accroissement de capacité,... (cf. section suivante). L'Autorité souligne que cette demande n'est pas limitée à la VGAST : elle concerne tous les produits d'accès de gros de France Télécom. Il est donc important que les travaux de mise en œuvre soient concertés et multiproduits ;
― l'attention constante aux performances du service après-vente, pour veiller notamment à la disparition de tout écart entre service de gros et service de détail qui pourrait survenir. Pour y parvenir, les opérateurs clients suggèrent notamment : « un renforcement des conditions contractuelles et des pénalités de l'offre de France Télécom » et « le lancement d'une enquête de l'Autorité » ;
― la mise en place d'indicateurs de qualité de service plus nombreux et plus détaillés.
Des travaux ont été engagés début 2011 par France Télécom sur ces différents points, en collaboration avec les opérateurs clients, et sous l'égide de l'Autorité.
b) Chantier multiproduits « têtes de câble » :
Afin de pouvoir répondre à des besoins spécifiques de raccordement formulés par la clientèle professionnelle et concurrencer les offres aval d'Orange Business Services, il apparaît raisonnable que les opérateurs tiers disposent d'offres de gros leur permettant d'accéder aux informations pertinentes existantes concernant la boucle locale cuivre de France Télécom permettant une meilleure anticipation des conditions de raccordement et, le cas échéant, de commander la réalisation d'un ensemble d'opérations élémentaires concernant cette boucle locale.
Ainsi, les opérateurs alternatifs ont exprimé le besoin, d'une part, d'anticiper les opérations éventuellement nécessaires préalablement au raccordement (désaturation, création de têtes de câble, réalisation de la desserte interne, etc.) et, d'autre part, de créer leurs accès sur la tête de câble de leur choix afin d'optimiser leurs déploiements et l'utilisation des ressources disponibles sur le réseau cuivre (sécurisation, limitation des désaturations, réutilisation de dessertes internes existantes, etc.). En conséquence, les opérateurs alternatifs souhaitent pouvoir s'informer sur les têtes de câbles présentes sur les sites de leurs clients finals et la disponibilité de paires de cuivre sur ces têtes de câbles.
Par ailleurs, les opérateurs alternatifs ont spécifié plusieurs besoins concernant la réalisation d'opérations sur la boucle locale cuivre de France Télécom et en particulier :
― la création et l'extension des têtes de câble ainsi que leur déplacement ;
― le raccordement de sites sans adresse postale normalisée, de sites non desservis préalablement ou nécessitant une coordination entre France Télécom et l'opérateur tiers lors de la livraison, ou a minima la possibilité de s'appuyer sur la boucle locale cuivre de France Télécom pour procéder à de tels raccordements.
Pour qu'elles soient utilisables de manière efficace sur le segment non résidentiel, ces différentes opérations doivent pouvoir être coordonnées avec la livraison de produits de gros basés sur la boucle locale cuivre de France Télécom, dont les offres de VGAST.
Ces besoins, dans leur principe, apparaissent pertinents, et il convient que les offres de gros permettent d'y répondre. Ils font d'ores et déjà l'objet d'échanges entre France Télécom, l'Autorité et les opérateurs alternatifs ; des travaux et expérimentations sont par ailleurs en cours pour permettre de préciser le caractère raisonnable du périmètre et les modalités de telles offres.
IV.2.2.3.3. Engagements contractuels de qualité de service et pénalités.
Afin de refléter l'importance particulière de la qualité de service comme facteur de compétitivité, notamment sur le segment non résidentiel, et permettre la réplication des engagements de qualité de service (« service level agreement ») couramment pratiqués sur le marché de détail, y compris par Orange Business Services, il est raisonnable de demander que l'offre de VGAST soit assortie, notamment lorsqu'elle sert in fine sur le marché aval une clientèle non résidentielle, d'engagements contractuels renforcés de la part de France Télécom incluant un système de pénalités suffisamment incitatif. Ce système de pénalités doit également être équilibré et juste au regard de celui appliqué aux opérateurs clients en cas de manquement à leurs propres engagements contractuels.
IV.2.2.3.4. Suivi opérationnel.
Afin de mieux comprendre et anticiper les évolutions (développements SI, nouveaux processus, nouvelles fonctionnalités, etc.) de l'offre de VGAST, nécessaires à la disparition progressive des différences pouvant subsister entre l'offre de détail et l'offre de gros (obligation de non-discrimination, cf. section IV.2.4), l'Autorité estime approprié de disposer d'outils complémentaires de suivi opérationnel. A ce titre, l'Autorité demande à France Télécom de lui remettre, au début de chaque année N, les documents suivants :
― une note de synthèse des évolutions réalisées par France Télécom sur son offre de VGAST en année N―1, comparées aux évolutions initialement prévues et des évolutions envisagées pour l'année N ;
― un calendrier des évolutions susmentionnées couvrant deux années (N―1 et N) et de précision mensuelle ;
― un tableur détaillant, pour chacune des évolutions susmentionnées, le montant des investissements consentis dans l'année (réalisés pour l'année N―1, prévisionnels pour l'année N). Dans le cas où lesdits investissements concernent des évolutions portant sur plusieurs offres de gros et/ou de détail, France Télécom précisera le périmètre des offres (par exemple : évolution utile à tous les produits d'accès, mais uniquement de gros).
La note de synthèse et le calendrier seront transmis aux opérateurs participant au comité de suivi VGAST et discutés lors de la première réunion de l'année dudit comité.
En revanche, le tableur sera traité de manière strictement confidentielle par l'Autorité et ne sera pas communiqué, sauf accord explicite préalable de France Télécom, auxdits opérateurs.
IV.2.3. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
L'Autorité rappelle qu'au titre de l'article L. 34-8-II du CPCE, « les opérateurs de réseaux ouverts au public font droit aux demandes d'interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public ».
Or, comme cela a été démontré précédemment, France Télécom dispose d'une influence significative sur l'ensemble des marchés pertinents de détail et de gros de la téléphonie fixe identifiés dans la recommandation « marchés pertinents » révisée de la Commission européenne, à l'exception des marchés de la terminaison d'appel à destination des numéros ouverts à l'interconnexion sur des réseaux tiers. Par conséquent, afin de permettre aux opérateurs d'intervenir dans des conditions équivalentes sur les marchés de détail situés en aval, il est nécessaire d'imposer également à France Télécom une obligation de fournir, en réponse aux demandes raisonnables des opérateurs alternatifs, des prestations d'accès, lorsque celles-ci sont relatives aux marchés de gros sur lesquels elle exerce une influence significative, ou lorsqu'elles sont nécessaires pour l'exercice d'une concurrence effective et loyale sur les marchés de détail au bénéfice des utilisateurs.
D'une manière générale, conformément aux dispositions de l'article L. 38-V du CPCE, le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement d'un des marchés de gros ou de détail de la téléphonie fixe.
IV.2.3.1. Obligations générales d'accès portant sur les prestations principales
de départ d'appel et de terminaison d'appel
En premier lieu, compte tenu des investissements consentis par les opérateurs pour s'interconnecter sur l'un ou l'autre des équipements d'interconnexion de France Télécom, et en vertu de l'article D. 310 (3°) du CPCE, il est proportionné d'imposer à cette dernière de ne pas retirer un accès déjà accordé à un opérateur, sauf accord préalable exprès de l'Autorité, conformément à l'objectif de l'investissement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du CPCE précité.
En particulier, France Télécom doit continuer à fournir les prestations d'accès actuellement offertes de départ d'appel et de terminaison d'appel basées sur des protocoles de type « signalisation par canal sémaphore CCITT n° 7 » (dit SS7). Si les prestations d'interconnexion actuellement proposées par France Télécom utilisent le protocole SS7, l'importance croissante des offres de communications sur accès large bande (58 % du trafic au départ des postes fixes en 2010), la convergence des différentes normes utilisées pour la VoIP (les premiers travaux de normalisation de l'interconnexion en VoIP ont abouti au sein de la FFT) et les expérimentations actuellement en cours conduisent l'Autorité à envisager l'apparition de nouvelles architectures d'interconnexion et le développement d'interfaces utilisant le protocole IP d'ici à la fin de la période d'analyse. Ces nouvelles architectures pourraient ainsi donner lieu à de nouvelles prestations de gros ayant vocation à compléter ou à se substituer aux prestations fournies actuellement par France Télécom en mode SS7. Plus propices aux gains d'économies d'échelle et permettant de se dispenser de passerelles de conversion TDM/IP, elles pourraient engendrer un gain d'efficacité pour l'ensemble du secteur.
France Télécom doit également continuer à fournir la prestation d'interconnexion forfaitaire pour l'accès à internet bas débit actuellement offerte. En effet, celle-ci reste utilisée par les opérateurs alternatifs. Toutefois, le nombre de BPN vendus sous cette modalité forfaitaire a été divisé par plus de 10 en seulement trois ans, passant de plus de 500 à moins de 50 entre fin 2007 et fin 2010, conséquence directe du net recul des volumes de trafic livré pour cette prestation (volume divisé par 8 en trois ans, pour atteindre moins de 3 milliards de minutes en 2009). L'Autorité prévoit qu'il ne restera plus que quelques BPN vendus sous cette modalité à la fin de ce cycle d'analyse de marché. L'Autorité prévoit donc a priori de lever, au quatrième cycle d'analyse de marché, l'obligation de fourniture de la prestation d'interconnexion forfaitaire pour l'accès à internet bas débit imposée à France Télécom ; elle devrait néanmoins enjoindre France Télécom de proposer des modalités techniques et économiques d'accompagnement pour la migration vers la modalité à l'usage des quelques BPN restants, le cas échéant.
Par ailleurs, France Télécom étant une entreprise verticalement intégrée fournissant tout type de prestations de détail et de gros, il est également nécessaire et proportionné qu'elle présente les prestations qu'elle offre de façon suffisamment claire et détaillée, et qu'elle ne subordonne pas l'octroi d'une prestation à une autre, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.
Enfin, France Télécom devra, conformément à l'article D. 310 (2°) du CPCE, négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent des prestations d'accès relatives à ces marchés afin, d'une part, de minimiser les cas de litige et, d'autre part, de ne pas profiter de l'influence significative qu'elle exerce sur ces marchés pour durcir les négociations avec ces opérateurs.
Dans un environnement technologique en évolution rapide, il est nécessaire que France Télécom fasse droit aux demandes raisonnables d'accès des opérateurs relatives à ces nouvelles architectures d'interconnexion, afin de ne pas fausser le jeu concurrentiel.
En particulier, l'Autorité souligne que les choix d'architecture d'interconnexion des opérateurs ― en particulier ceux de France Télécom, de par sa taille ― génèrent des externalités pour les autres opérateurs. En effet, les autres opérateurs sont amenés à investir en fonction de ces choix, notamment pour raccorder un maximum de points d'interconnexion pertinents (29) et dimensionner leur propre réseau de façon à gérer la répartition de charge aux interfaces. Par conséquent, l'Autorité étudiera attentivement le caractère raisonnable des choix d'architecture d'interconnexion effectués par les différents opérateurs fixes, notamment le nombre et la localisation des points d'interconnexion pertinents.
S'agissant, en particulier, de l'architecture d'interconnexion de France Télécom, à la date du présent document, l'interconnexion au niveau des PRV n'est pas en vigueur pour les appels à destination des numéros géographiques sur accès VLB de France Télécom. Or, imposer près de 400 points d'interconnexion pour bénéficier du tarif régulé de terminaison d'appel à destination d'utilisateurs finals en VLB apparaît déraisonnable, au vu notamment du nombre de points imposés pour le même service par les opérateurs alternatifs et par France Télécom elle-même à destination des numéros non géographiques sur accès VLB. L'Autorité souligne que cette situation ne saurait être que temporaire, en particulier avec le développement de l'interconnexion en mode IP. Une solution pratique consistant à indiquer dans une base centralisée ― par exemple la base APNF ou un autre outil sectoriel partagé ― si un numéro géographique de France Télécom correspond à un accès VLB, ce qui permettrait de livrer l'appel au niveau des PRV au lieu des CA (ou au niveau de tous autres points d'interconnexion en nombre fortement réduit à définir par France Télécom), ou à un accès RTC, a notamment pu être évoquée par le passé.
Consultés à ce sujet, les opérateurs ont montré des conceptions très variables de la notion de « demandes raisonnables d'accès en matière d'interconnexion ».
France Télécom considère que son architecture actuelle est raisonnable. Selon elle, aucune demande de restructuration de celle-ci émanant d'un opérateur tiers ne saurait l'être, France Télécom étant la seule à maîtriser ses contraintes propres.
Bouygues Telecom estime à l'inverse qu'à l'heure des réseaux NGN, France Télécom devrait ramener à au plus 7 points son nombre de points d'interconnexion pertinents pour les prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel. Bouygues Telecom ajoute que cette modification devrait intervenir dès à présent concernant les numéros IP géographiques ; elle appelle également à la mise en œuvre immédiate d'une interconnexion en mode IP pur.
Colt partage l'opinion de Bouygues Telecom concernant les numéros IP géographiques. En tant que pilote du groupe de travail de la FFT sur le sujet, Colt soutient également la mise en œuvre d'une interconnexion en mode IP pur sans aller jusqu'à demander qu'elle soit immédiate.
Verizon se déclare préoccupée par « le nombre extrêmement élevé de points d'interconnexion pertinents imposés par l'opérateur historique pour l'interconnexion au RTC, [...] susceptible de poser problème avant la fin du troisième cycle d'analyse des marchés de la téléphonie fixe [...]. A cet égard, une obligation limitant le nombre de "points d'interconnexion pertinents" exigés pour une couverture nationale serait souhaitable à terme. L'obligation de mise [en] œuvre par France Télécom d'un nombre limité de "points d'interconnexion en mode IP pertinents” permettant l'accès à l'ensemble des abonnés desservis par les CA de France Télécom serait idéale ».
Free précise que, selon elle, une demande d'interconnexion en mode IP pur est aujourd'hui déraisonnable, « dans la mesure où cette technologie n'est pas encore normalisée ». Il lui paraîtrait « plus efficace et proportionné d'imposer à France Télécom de faire droit aux demandes visant à considérer les PRV comme des points d'interconnexion pertinents pour le RTC ».
SFR, dont les activités de transit sont significatives, suggère une unification progressive des architectures d'interconnexion IP et RTC, sans à-coups. Elle demande également la mise en œuvre de mesures d'accompagnement financier en cas de fermeture de CA et/ou de modification des points de collecte imposés.
A ce stade et sous réserve d'approfondissements ultérieurs, l'Autorité juge souhaitable d'apprécier différemment le caractère raisonnable d'une demande d'accès selon les deux types de trafic suivants :
― le trafic issu ou à destination des accès au service téléphonique s'appuyant sur la technologie TDM (sur RTC), que le numéro associé soit géographique ou non géographique ;
― le trafic issu ou à destination des accès au service téléphonique s'appuyant sur la technologie IP (sur NGN), que le numéro associé soit géographique ou non géographique.
Concernant le trafic depuis ou à destination des accès au service téléphonique s'appuyant sur la technologie TDM (sur RTC), l'Autorité n'estime pas déraisonnable à court terme de maintenir les points d'interconnexion pertinents au CA, tout en poursuivant les programmes de compactage en cours. Elle considère cette position comme la plus proportionnée et pragmatique à date. En effet, comme détaillé infra (sections IV.4.2 et IV.5.2), l'Autorité retient comme référence de coûts pertinente pour la fixation des tarifs cibles des prestations de terminaison d'appel de France Télécom les coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace muni d'un réseau NGN. La technologie TDM (sur RTC) étant réputée moins efficace économiquement que la technologie IP (sur NGN), l'Autorité s'attend à ce que les coûts réels de France Télécom soient donc supérieurs aux plafonds tarifaires fixés au gros (30), ce qui correspond à un signal d'efficacité fort. Dans le même temps, le maintien d'une architecture d'interconnexion comprenant plusieurs centaines de points pertinents (CA) fait néanmoins peser sur les opérateurs tiers les coûts réputés inefficaces de transit TDM entre les CT et les CA. Globalement, les surcoûts (inefficacités) du RTC sont donc pour partie partagés entre France Télécom et les opérateurs alternatifs, pendant la phase de transition vers l'IP. Cette répartition correspond néanmoins à celle envoyant le meilleur signal économique d'efficacité à France Télécom, sans pour autant lui imposer d'investissement supplémentaire uniquement pour répondre à des obligations d'interconnexion transitoires le temps de la décroissance du RTC. Une position extrême consistant à faire supporter ces surcoûts entièrement et exclusivement par France Télécom ou par les opérateurs alternatifs apparaît a contrario déraisonnable. L'Autorité tend donc à considérer le maintien des points d'interconnexion pertinents au CA pour le trafic depuis ou à destination des accès au service téléphonique s'appuyant sur la technologie TDM (sur RTC) comme la position la plus proportionnée et pragmatique à date. Cette question nécessitera néanmoins un suivi périodique et une réévaluation régulière, auxquels l'Autorité portera attention, dans un cadre multilatéral associant l'ensemble des opérateurs concernés incluant notamment le comité de l'interconnexion et de l'accès.
Concernant le trafic depuis ou à destination des accès au service téléphonique s'appuyant sur la technologie IP, en revanche, l'Autorité estime raisonnable d'imposer que France Télécom propose rapidement une modalité alternative d'interconnexion instaurant les PRV, ou tous autres points d'interconnexion en nombre fortement réduit à définir par France Télécom (a priori comparable ou inférieur au nombre de PRV actuel, soit 23), comme points d'interconnexion pertinents, indépendamment du caractère géographique ou non géographique du numéro appelé. En effet, un opérateur générique efficace muni d'un réseau NGN/IP est aujourd'hui capable de proposer l'interconnexion en un nombre resserré de points, généralement inférieur à la dizaine, compte tenu des faibles coûts d'acheminement du trafic dans un réseau de ce type, comme le montre l'architecture d'interconnexion proposée par les opérateurs alternatifs en France. France Télécom conserve néanmoins la possibilité de définir, pour un numéro donné, un ou plusieurs points d'interconnexion pertinents, dans un souci d'optimisation de son réseau. France Télécom devra donc proposer cette modalité alternative aux opérateurs intéressés sous dix-huit mois, ce qui représente un délai suffisant d'adaptation pour elle et les opérateurs interconnectés. L'interface d'interconnexion retenue (IP ou TDM) est laissée à sa discrétion, notamment au cours de la phase de transition, sachant qu'à terme une interface en mode IP sera à favoriser, car plus efficace (31).
La mise en œuvre de la modalité alternative nécessitera une concertation en amont (établissant notamment des règles claires et partagées entre les parties), un suivi périodique et une réévaluation régulière, auxquels l'Autorité portera attention, dans un cadre multilatéral associant l'ensemble des opérateurs concernés incluant notamment le comité de l'interconnexion et de l'accès. En particulier, la mise en place d'une solution technique indiquant à tous les opérateurs tiers le ou les points d'interconnexion pertinents pour chaque numéro, selon que l'accès au service téléphonique correspondant s'appuie sur la technologie TDM ou IP, est sur le chemin critique du projet de transition. Par conséquent, il convient que les travaux démarrent dès la publication de la présente décision, ce à quoi l'Autorité s'emploiera en initiant la concertation sectorielle nécessaire.
Ces obligations sont conformes aux critères fixés par l'article L. 38-V en particulier les a, b et d en ce qu'elles sont aujourd'hui fournies par France Télécom et permettent le développement de la concurrence. Elles sont proportionnées aux objectifs précités fixés à l'article L. 32-1 (II) du CPCE, en particulier les 2°, 3° et 4°.
VI.2.3.2. Obligations concernant les prestations associées
Les offres d'accès et d'interconnexion incluent un ensemble de prestations élémentaires dont la fourniture est nécessaire au bon acheminement des communications des opérateurs alternatifs et à leur activité. Ces prestations associées comprennent notamment les prestations de raccordement aux sites d'interconnexion et d'accès et la prestation de reversement.
IV.2.3.2.1. Raccordement des sites d'interconnexion et d'accès.
L'utilisation effective de prestations d'acheminement suppose le raccordement physique des réseaux de communications électroniques entre eux. Ainsi, les offres de gros d'accès au réseau de France Télécom ne peuvent être opérationnelles que si elles sont accompagnées de prestations connexes adaptées, nécessaires à leur utilisation par les opérateurs alternatifs. Il est donc nécessaire que l'opérateur historique propose aux opérateurs alternatifs une offre de raccordement de leurs équipements dans ses propres sites.
En l'absence d'une telle offre, l'obligation de fournir un accès aux prestations de départ d'appel ou de terminaison d'appel serait vidée de son sens. L'Autorité estime que les obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès précitées doivent dès lors s'accompagner d'obligations connexes concernant l'accès aux sites d'interconnexion.
France Télécom propose actuellement les solutions de raccordement suivantes :
― une offre de colocalisation qui permet à un opérateur d'accéder au site de l'opérateur en installant ses équipements de transmission directement dans les locaux de France Télécom. C'est la solution la plus directe pour un opérateur alternatif, mais elle représente des frais d'investissement importants : un tel investissement ne se justifie donc qu'au-delà d'un certain seuil de trafic ;
― une offre de liaisons de raccordement qui permet à un opérateur de livrer son trafic de terminaison au niveau de son point de présence, l'acheminement du trafic entre ce point et le point d'interconnexion se faisant sur un lien pris en charge par un opérateur tiers. Elle représente des coûts variables et récurrents et se prête à des volumes de trafic plus faibles. Elle peut être fournie par France Télécom ou par un autre opérateur colocalisé dans le site de l'opérateur ;
― une offre d'interconnexion en ligne dite « in-span », qui est une solution intermédiaire où l'interconnexion physique des réseaux se fait non pas dans les locaux de France Télécom mais dans un lieu proche de ces derniers.
Tous ces moyens d'accès sont nécessaires au développement de la concurrence sur les marchés de gros de la téléphonie fixe en ce qu'ils permettent à un opérateur de disposer de flexibilité dans ses options de déploiement et de pouvoir se déployer au niveau d'un site d'interconnexion même avec des volumes relativement faibles.
Il est donc nécessaire que France Télécom continue à fournir ces prestations. En effet, leur suppression ou modification aurait pour conséquence de déstabiliser le marché et les plans d'affaires des opérateurs alternatifs. Dans la mesure où ces prestations sont déjà offertes aujourd'hui et sont nécessaires à l'activité des opérateurs tiers, leur imposition répond aux critères de l'article L. 38-V du CPCE, en particulier les a, b, c et d.
De plus, avec le développement du dégroupage, de nombreux sites utilisés pour l'interconnexion sont également utilisés pour l'accès aux équipements de la boucle locale de France Télécom. Plusieurs opérateurs alternatifs ont donc demandé la possibilité de mutualiser les ressources dédiées à l'interconnexion avec celles dédiées au haut débit. L'Autorité a constaté au cours du deuxième cycle d'analyse de marché l'évolution en ce sens des processus de France Télécom et souhaite pour ce nouveau cycle que l'opérateur historique poursuive ses efforts de mutualisation des ressources, en collaboration avec les autres opérateurs afin de trouver les solutions les plus efficaces.
Enfin, l'Autorité constate que de nombreux opérateurs utilisent des interconnexions au niveau des centres de transit de France Télécom pour sécuriser les acheminements de trafic qui devraient être livrés aux commutateurs d'abonnés reliés à ces centres de transit. Ce type de dispositif de sécurisation est souhaitable dans la mesure où il garantit l'acheminement et la qualité des communications et, comme l'Autorité l'avait précisé dans sa décision n° 2000-30 du 5 janvier 2000 réglant un différend entre Télécom Développement et France Télécom. L'Autorité rappelle toutefois que, comme le précise encore ladite décision, ce dispositif de sécurisation ne doit pas être utilisé par un opérateur interconnecté avec France Télécom pour gérer ses pointes de trafic, par débordement automatique au niveau du centre de transit (32).
C'est pourquoi l'Autorité considère que les prestations de raccordement des sites d'interconnexion et d'accès au niveau des centres de transit sont également des offres associées aux prestations d'interconnexion au niveau des commutateurs d'abonnés.
De manière générale, l'Autorité considère que toute offre de sécurisation du trafic pour une prestation d'acheminement de trafic est une prestation associée à cette dernière.
Conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1-II du CPCE, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose au titre de l'article D. 310, 1° et 3°, du CPCE, une offre de raccordement des équipements des autres opérateurs, adaptée à chaque type de site, comprenant a minima les trois modalités précitées.
IV.2.3.2.2. Prestation de reversement.
Dans sa décision de régulation symétrique n° 2007-0213, l'Autorité impose une obligation à tout opérateur départ, dans le cadre d'une communication à destination d'un numéro SVA, de faire droit aux demandes raisonnables de reversement d'une partie des montants facturés au client final, l'opérateur départ ayant la charge de facturer le client final en son nom propre et de reverser une partie des sommes ainsi facturées à l'exploitant du numéro. Sans accord raisonnable quant à cette prestation de reversement, l'interopérabilité des numéros de SVA et leur acheminement de bout en bout peuvent être remis en cause par l'un ou l'autre des acteurs. C'est pourquoi cette obligation est un complément nécessaire à l'obligation d'accessibilité imposée à l'opérateur départ.
Cette obligation imposée aux opérateurs départ, et en particulier à France Télécom, apparaît pleinement conforme aux objectifs poursuivis par l'Autorité, et notamment ceux qui lui sont imposés aux 2°, 4° et 10° de l'article L. 32-1-II du CPCE.
Enfin, l'Autorité l'estime proportionnée en ce qu'elle est indispensable au développement des services accessibles via des numéros SVA du plan national de numérotation, compte tenu des faibles montants que les communications à destination de ces numéros SVA engendrent et de la consommation en règle générale à l'acte de ces services.
La décision n° 2007-667 a défini le contenu de la prestation de reversement de France Télécom :
« [...] En ce qui concerne France Télécom, la modalité de commercialisation des SVA se traduira contractuellement par la mise à disposition d'une facturation et d'un recouvrement en son nom propre auprès du client final, lesquels s'accompagneront du reversement aux fournisseurs de services d'une partie des sommes facturées à l'utilisateur final appelant, comme cela est déjà le cas pour les services à valeur ajoutée à paliers bas et intermédiaires. Il ne s'agira en aucun cas d'une offre de recouvrement pour compte de tiers.
France Télécom maintiendra par ailleurs, dans le cadre de son offre de reversement, les modalités existantes de fixation des tarifs de détail des SVA. Elle propose ainsi une palette de structures et de niveaux tarifaires respectant les règles de gestion du plan public de numérotation, dans lesquels les fournisseurs de services ou leurs intermédiaires techniques choisissent la structure et le niveau de prix de détail du SVA fourni au départ de la boucle locale de France Télécom qui leur conviennent. Ces modalités de fixation des prix ainsi que les paliers existants ne sont pas amenés à changer du fait de la mise en place de cette offre de reversement.
Quant à la composition de la facture, ci-avant détaillée, dorénavant, pour l'ensemble des appels à destination des SVA, France Télécom inclura les sommes dues par les clients dans le deuxième volet de la facture, le troisième volet disparaissant. Celle-ci comprendra l'ensemble des services gratuits, des services à paliers bas et intermédiaires (dits aussi à coûts partagés), des services à paliers élevés (dits aussi à revenus partagés) et des services de renseignements téléphoniques. France Télécom procédera par conséquent au recouvrement des sommes éventuellement impayées par les clients pour l'ensemble des SVA et non plus pour les seuls SVA à paliers bas ou intermédiaires, comme elle le fait déjà pour ses propres besoins.
Cette offre de reversement sera enfin indépendante du type de réseau utilisé pour acheminer les SVA : elle sera donc disponible sur l'ensemble des lignes offrant un service téléphonique (RTC et VoIP) de la boucle locale fixe de France Télécom. [...] »
La prestation de reversement que doit fournir France Télécom au titre de la présente analyse de marché est identique à celle définie dans la décision n° 2007-667 susvisée.
IV.2.4. Obligation de non-discrimination
L'article L. 38 I 2 du CPCE prévoit la possibilité d'imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative sur un marché une obligation de non-discrimination.
L'article D. 309 du CPCE précise que l'obligation de non-discrimination fait notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».
France Télécom, entreprise intégrée verticalement, intervient sur l'ensemble des marchés de gros d'acheminement de trafic et sur l'ensemble des marchés de détail sous-jacents. Elle exerce en outre une influence significative sur une partie de ces marchés de gros et de détail. Il est par conséquent nécessaire de garantir que France Télécom n'avantagera pas ses propres services de détail par les moyens qu'elle leur fournit. Il est de même nécessaire que France Télécom n'avantage pas certains opérateurs, en particulier ses filiales ou ses partenaires, en leur proposant des offres de gros dans des conditions privilégiées, dans le but d'exclure ses concurrents les plus directs des marchés de détail et de gros sous-jacents.
Une obligation de non-discrimination est donc imposée à France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros où elle exerce une influence significative. Cette obligation s'applique à toutes les prestations d'accès et d'interconnexion, y compris les prestations qui leur sont associées et notamment aux conditions techniques et tarifaires offertes par voie contractuelle, aux contenus et à la qualité des informations fournies dans les processus mis en œuvre pour l'accès et l'interconnexion, aux délais de fourniture des offres de gros ou encore à la qualité de service offerte.
IV.2.5. Obligation de transparence
L'article L. 38-I (1°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès.
L'influence significative de France Télécom sur les marchés de gros du départ et de la terminaison d'appel rend les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent s'interconnecter avec elle structurantes pour la viabilité des services qu'ils peuvent proposer.
Il est donc nécessaire que les opérateurs disposent d'une bonne visibilité sur l'architecture technique, économique et tarifaire des offres de gros de France Télécom, afin de garantir l'exercice d'une concurrence effective et loyale dans la fourniture des services de communications électroniques, au bénéfice des utilisateurs, ainsi qu'à l'égalité des conditions de concurrence. Cette obligation est d'autant plus nécessaire dans la période actuelle de transformation technologique du réseau de l'opérateur historique.
Par ailleurs, l'obligation de transparence apparaît indispensable pour permettre le contrôle de l'obligation de non-discrimination et ainsi permettre aux opérateurs négociant l'accès avec France Télécom de s'appuyer sur des données de référence publiques. L'obligation de transparence imposée à France Télécom est ainsi nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE, et notamment à ceux cités aux 2°, 4° et 9° de cet article. En pratique, l'Autorité impose à France Télécom une obligation de transparence au moyen de deux dispositifs.
IV.2.5.1. Conventions d'interconnexion et d'accès
Les conventions d'interconnexion et d'accès précisent les conditions techniques et tarifaires offertes par les parties. France Télécom devra informer l'Autorité de la signature de toutes les conventions d'interconnexion et d'accès et de tout avenant à ces conventions qu'elle signe avec des tiers dans un délai de sept jours à compter de la signature du document, lorsque les prestations concernées sont fournies sur les marchés de gros pertinents de la téléphonie fixe, ou qu'elles leur sont associées.
Cette information permettra à l'Autorité de demander, le cas échéant, à France Télécom de lui transmettre ledit document, sous format papier et/ou électronique (version numérisée du document signé et/ou fichier source sous format exploitable), en application de l'article L. 34-8 du CPCE, afin notamment de lui permettre de contrôler le respect par France Télécom de l'obligation de non-discrimination.
IV.2.5.2. Informations données aux acteurs bénéficiant
de prestations d'accès et d'interconnexion
Par ailleurs, afin de donner la visibilité nécessaire aux acteurs ayant signé avec elle une telle convention d'interconnexion et d'accès, France Télécom devra leur fournir des informations sur les caractéristiques et les évolutions de son réseau, notamment en termes d'architecture, d'interfaces et de dimensionnement.
Conformément aux dispositions de l'article D. 307 III du CPCE, elle devra également informer ces acteurs, dans un préavis raisonnable, de toute évolution de ses conditions techniques et tarifaires des prestations d'interconnexion et d'accès ainsi que de toute évolution d'architecture de son réseau, en cas de modification de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations d'interconnexion et d'accès à modifier ou adapter leurs propres installations. Le délai de préavis suffisant variera selon la nature de l'évolution proposée et ne saurait être inférieur à un mois. En cas d'évolution tarifaire, ce préavis sera de 3 mois minimum (sauf en cas de baisse d'un tarif orienté vers les coûts qui pourra être immédiate le cas échéant), et il sera porté à un an en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations.
Compte tenu des évolutions importantes que France Télécom envisage d'opérer dans son réseau et de l'importance de l'architecture du réseau de France Télécom pour l'ensemble des opérateurs interconnectés, l'Autorité considère nécessaire que les opérateurs interconnectés à France Télécom et l'Autorité disposent d'une visibilité suffisante sur ces évolutions. En période de transition technologique rapide, comme ce sera le cas pour le réseau de France Télécom au cours du prochain cycle d'analyse de marché, le préavis susmentionné est néanmoins insuffisant et il est essentiel que France Télécom fournisse des informations indicatives à plus long terme aux opérateurs interconnectés et à l'Autorité.
L'Autorité estime donc pertinent de maintenir pour France Télécom l'obligation de communiquer, avant le 31 janvier de chaque année, les prévisions indicatives d'évolution de son réseau sur les trois années suivantes. Les prévisions pour les années deux et trois peuvent être révisées par France Télécom dans des plans triennaux postérieurs. Ces prévisions incluent notamment les fermetures et ouvertures de points d'interconnexion (pertinents ou non) et la modification des trafics pouvant être collectés ou livrés sur ces points. Elles sont communiquées à l'Autorité et aux opérateurs qui ont signé une convention d'interconnexion avec France Télécom, France Télécom pouvant imposer une clause de confidentialité sur ces informations. Ces informations font l'objet d'une présentation annuelle par France Télécom au comité de l'interconnexion et de l'accès.
Par ailleurs, l'Autorité estime également pertinent que France Télécom communique par la même occasion ses prévisions concernant l'horizon de fermeture du RTC ― quel que soit son terme ― et les mesures qu'elle envisage pour la mener à bien ainsi que leur impact sur les opérateurs tiers. A titre d'exemple de mesures, il apparaît indispensable que des travaux sectoriels soient conduits suffisamment en amont dans le but de normaliser pour le NGN l'ensemble des services aujourd'hui fournis sur RTC : téléalarmes, monétique, etc.
A l'initiative de France Télécom en cas de révision d'ampleur significative ou à la demande de l'Autorité, une mise à jour de ces prévisions lui est communiquée entre les dates prévues à l'alinéa précédent.
Cette obligation apparaît essentielle pour permettre aux opérateurs d'anticiper ces évolutions et ainsi d'avoir une visibilité suffisante de leurs plans d'investissement, condition nécessaire au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures.
IV.2.6. Communication pour information
Conformément au cadre réglementaire, l'Autorité entend favoriser une action sur les marchés de gros tout en s'assurant de la réplicabilité des offres de détail de France Télécom. Ainsi, lors des allégements de la régulation en 2006, 2007 et 2008 (33), l'Autorité a supprimé les obligations imposées à France Télécom sur les marchés de détail résidentiels et non résidentiels, en mettant notamment un terme à l'obligation de communication préalable des offres de France Télécom pour avis de l'Autorité, avec possibilité pour elle de s'opposer à leur commercialisation.
Toutefois, si l'homologation tarifaire avait été mise en place principalement pour vérifier que France Télécom respectait bien ses obligations sur les marchés de détail, celle-ci permettait également la surveillance de plusieurs obligations imposées sur les marchés de gros. En particulier, il est nécessaire de vérifier l'adéquation de la régulation des marchés de l'accès et de l'interconnexion vis-à-vis des évolutions des marchés de détail aval et le respect par France Télécom des obligations de non-discrimination sur les marchés de gros.
Afin donc de s'assurer que France Télécom respecte bien ses obligations de non-discrimination sur les marchés de l'interconnexion et de l'accès (départ d'appel, terminaison d'appel, sélection du transporteur et vente en gros de l'accès au service téléphonique), l'Autorité juge nécessaire d'imposer à France Télécom de lui transmettre pour information les offres des marchés de détail aval à ces marchés et prestations, dans un délai raisonnable avant leur mise en œuvre.
L'Autorité estime qu'il convient de maintenir l'obligation de communication pour information des offres de détail de communications et d'accès de France Télécom sur les marchés de détail aval des marchés de terminaison d'appel, de départ d'appel et des prestations de sélection du transporteur et de vente en gros de l'accès au service téléphonique.
Cette obligation de communication pour information est imposée à France Télécom au titre de sa puissance sur les marchés de gros du départ d'appel et de la terminaison d'appel et sur les marchés de détail de l'accès en vue de permettre la mise en œuvre effective de ses obligations d'accès et d'interconnexion, et non à des fins de régulation des marchés de détail. Cette obligation ne permet pas à l'Autorité de s'opposer à la commercialisation d'offres de détail mais permet de modifier, le cas échéant, sa régulation des offres de gros sous-jacentes pour la mettre en cohérence avec les évolutions des offres de détail. En cas de risque concurrentiel important découlant de la commercialisation d'une offre de détail par France Télécom et indépendamment des obligations réglementaires imposés à celle-ci, l'ARCEP peut saisir l'Autorité de la concurrence.
Cette obligation est une modalité de mise en œuvre des obligations de non-discrimination et de transparence imposées à France Télécom sur les prestations d'accès et d'interconnexion de la téléphonie fixe au titre de l'article L. 38-I, 1° et 2°, du CPCE. Cette obligation, imposée au titre de l'article L. 38 du CPCE, est conforme et proportionnée aux objectifs de régulation définis à l'article L. 32-1-II du CPCE, et en particulier ceux visant à garantir l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques et l'égalité des conditions de concurrence.
IV.2.7. Indicateurs de qualité de service
L'Autorité est particulièrement attachée à ce que le développement de la concurrence sur les marchés de la téléphonie fixe améliore l'attractivité des offres de détail tout en maintenant une qualité de service élevée dans l'intérêt des consommateurs, voire en l'améliorant. En effet, la capacité qu'ont les opérateurs alternatifs de proposer à leurs clients des niveaux de qualité de service satisfaisants (délai de livraison, délai de réparation en cas de panne...) est un paramètre déterminant pour l'établissement d'une concurrence durable sur les marchés de détail. A ce titre, l'Autorité a pris, le 4 décembre 2008, une décision (n° 2008-1362) qui a imposé à tous les opérateurs fournissant un service fixe à des utilisateurs finals résidentiels de procéder à la mesure d'indicateurs de qualité de service définis par l'ETSI, l'organisme européen de normalisation des télécommunications. Ainsi, les opérateurs fixes ayant plus de 100 000 utilisateurs finals résidentiels ont l'obligation de publier le résultat des mesures de qualité de service (34). Du point de vue des consommateurs, la mesure de ces indicateurs permet de mener un suivi de l'évolution de la qualité du service fourni par les opérateurs sur leur réseau.
Si la qualité de service des offres aval commercialisées par les opérateurs alternatifs dépend de la qualité de leurs propres prestations, elle est également fonction de la qualité des offres de gros achetées auprès de France Télécom à partir desquelles elles sont construites. Or, une transparence totale sur les conditions techniques et tarifaires des offres peut ne pas s'avérer suffisante pour assurer l'équivalence des conditions de fourniture des prestations. En particulier, elle ne garantit pas que France Télécom fournisse des offres de gros avec une qualité de service équivalente à celle fournie à ses propres services pour des prestations équivalentes, comme elle doit y veiller conformément à l'obligation de non-discrimination qui lui est imposée.
Ce type de dissymétrie est préjudiciable au fonctionnement du marché, notamment si la qualité de service de l'offre de gros rend impossible la réplication par les opérateurs alternatifs des offres de détail du groupe France Télécom en terme, de qualité de service rendus aux clients finals.
En application de l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité estime donc nécessaire d'imposer à France Télécom de publier des informations concernant les conditions de fourniture des prestations d'interconnexion. De plus, l'Autorité considère comme proportionné aux objectifs poursuivis, et notamment à ceux de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale, et à la définition de conditions d'accès aux réseaux qui garantissent l'égalité des conditions de concurrence (35), que France Télécom soit astreinte à publier un ensemble d'indicateurs pertinents de qualité de service sur les prestations déterminantes pour la capacité des opérateurs alternatifs à répliquer les offres de détail de France Télécom et permettre ainsi de s'assurer de l'absence de discrimination entre le niveau de service de l'offre de gros et le niveau de services des prestations équivalentes que France Télécom met en œuvre pour son propre compte.
A la suite de travaux menés avec l'Autorité, France Télécom publie déjà régulièrement sur son site internet (36) des indicateurs de qualité de service pour ses prestations de gros d'interconnexion et d'accès au service téléphonique. L'Autorité s'autorise à l'avenir, en tant que de besoin et de manière proportionnée, à modifier, enrichir ou réduire la liste des indicateurs pertinents, au regard notamment des indicateurs que France Télécom élabore déjà pour son propre suivi.
IV.2.8. Publication d'une offre technique et tarifaire
détaillée d'interconnexion et d'accès dite « Téléphonie fixe »
En application de l'article L. 38 I du CPCE, l'Autorité estime justifié de maintenir l'obligation de publication d'une offre de référence par France Télécom, en application de ses obligations de non-discrimination et de transparence.
Une offre technique et tarifaire (ou « offre de référence ») poursuit quatre objectifs :
― concourir à la mise en place de processus transparents, pour limiter la capacité de l'opérateur exerçant une influence significative à déstabiliser ses concurrents ou favoriser ses filiales ;
― donner de la visibilité aux acteurs sur les termes et les conditions dans lesquelles ils s'interconnectent avec l'opérateur sur qui pèse l'obligation ;
― pallier le déficit de pouvoir de négociation des opérateurs acheteurs ;
― permettre l'élaboration d'une offre cohérente de prestations aussi découplées que possible les unes des autres pour permettre à chaque opérateur de n'acheter que les prestations dont il a besoin.
L'offre de référence contribue ainsi grandement à la stabilité du marché, et permet aux opérateurs alternatifs de développer un plan d'affaires et de programmer leurs investissements avec une visibilité suffisante sur des paramètres qui conditionnent fortement leur structure de coûts.
L'Autorité estime donc que cette obligation est nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, notamment aux 2°, 3° et 4°, pour certaines prestations d'interconnexion particulièrement décisives pour les opérateurs, et détaillées à l'annexe B. Cette obligation doit également porter sur les prestations d'accès associées permettant l'utilisation effective de ces offres par les opérateurs pour proposer des services sur les marchés de détail : les prestations d'accès aux sites d'interconnexion et la prestation de reversement.
Dans un souci de lisibilité, France Télécom constituera une unique offre de référence comprenant a minima les prestations d'interconnexion et d'accès aujourd'hui disponibles. Cette offre se décomposera en une partie décrivant les conditions techniques et opérationnelles de fourniture de l'offre et une partie tarifaire pour chacune desdites prestations.
Par ailleurs, au regard des mêmes objectifs, et pour les mêmes raisons, l'obligation de publier une offre technique et tarifaire d'accès apparaît nécessaire et proportionnée pour les prestations d'accès relatives à la sélection et la présélection du transporteur ainsi que celles relatives à l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique.
En application des II et III de l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité estime justifié que cette offre comprenne outre les prestations d'accès devant y figurer, les conditions contractuelles types relatives aux tarifs, aux conditions de souscription, aux modalités d'accès à l'offre, les engagements de qualité de service, ainsi que les informations répondant à l'obligation de transparence et de non-discrimination. En particulier, tous les tarifs devront être effectivement inscrits dans l'offre de référence et non uniquement dans les conventions conclues entre les parties.
En outre, il importe que la tarification de certaines prestations « sur devis » ne soit envisagée qu'à titre exceptionnel. Le cas échéant, il reviendra à France Télécom de justifier des contraintes l'empêchant d'établir un tarif fixé à l'avance dans l'offre de référence.
L'Autorité précise à l'annexe B la liste minimale des prestations d'interconnexion et d'accès devant figurer à l'offre, y compris les prestations qui leur sont associées, les informations à publier, le niveau de détail requis et le mode de publication.
Concernant l'offre de VGAST, France Télécom détaillera notamment, dans son offre de référence « Téléphonie fixe », l'ensemble des prestations décrites dans la décision n° 2006-162, leurs conditions techniques et tarifaires, et les processus de commande sous-jacents, dans une partie identifiée à cet effet.
Pour en assurer une diffusion satisfaisante, l'Autorité souhaite que l'offre de référence soit toujours publiée sur un site internet librement accessible. Certaines informations, concernant notamment la localisation et les caractéristiques d'équipements de réseau et pouvant être qualifiées de sensibles, pourront être mises en annexe, afin d'en limiter la diffusion aux seuls opérateurs.
Enfin, pour des raisons évidentes de protection des investissements réalisés par les opérateurs alternatifs, les évolutions que France Télécom pourrait apporter à son offre de référence « Téléphonie fixe » devront respecter un délai de préavis suffisant selon la nature de l'évolution proposée et qui ne saurait être inférieur à un mois, excepté dans les cas d'évolutions des tarifs à la baisse, pour lesquelles une application immédiate peut être effectuée le cas échéant. En cas d'évolution tarifaire à la hausse, ce préavis sera de trois mois minimum, et il sera porté à douze mois en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations, sauf accord mutuel ou si l'Autorité en décide autrement. Cette condition apparaît essentielle pour garantir aux opérateurs une visibilité suffisante sur leurs investissements. Elle est donc adaptée au respect des objectifs d'égalité des conditions de la concurrence fixés à l'article L. 32-1 du CPCE, sans pour autant représenter une charge excessive pour France Télécom.
L'obligation de publication avec préavis pour l'entrée en vigueur des modifications apportées s'entend sauf décision contraire de l'Autorité ou de toute autre autorité ou juridiction habilitée à imposer une telle modification. Certains cas particuliers peuvent en effet nécessiter une mise en œuvre immédiate des évolutions de l'offre. Ce cas peut notamment se rencontrer à la suite d'une décision de règlement de différend ou d'une décision de modification de l'offre de référence. De même, aucun préavis ne sera nécessaire en cas de modification consistant simplement à répercuter une modification, à la hausse ou à la baisse, décidée par un autre opérateur et qui impacte directement une des conditions inscrites à l'offre.
IV.2.9. Observations de la Commission européenne
Dans l'avis rendu par la Commission européenne en date du 11 juillet 2011, celle-ci « se félicite de l'obligation imposée à l'opérateur puissant sur le marché de fournir, sur demande, l'interconnexion IP en un nombre restreint de points d'interconnexion. A cet égard, la Commission invite l'ARCEP à spécifier des règles de migration claires afin d'encourager une migration en temps opportun vers l'interconnexion IP. »
Afin de tenir le plus grand compte de cette observation, l'Autorité a précisé à la section IV.2.3.1 que des travaux multilatéraux seraient à lancer dès la publication de la présente décision afin d'établir le calendrier et les conditions de transition vers l'architecture cible d'interconnexion dans les délais prévus.
IV.3. Obligations non tarifaires imposées aux opérateurs puissants sur les marchés de gros
de la terminaison d'appel, autres que France Télécom
L'influence significative qu'exerce chaque opérateur alternatif sur le marché de gros de la terminaison d'appel à destination des numéros ouverts à l'interconnexion sur son réseau rend nécessaire l'imposition de remèdes sur ces marchés.
L'Autorité justifie dans cette partie la nécessité et la proportionnalité des obligations non tarifaires qu'elle impose à chaque opérateur alternatif : l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès (IV.3.1), l'obligation de non-discrimination (IV.3.2) et l'obligation de transparence (IV.3.3).
Ces obligations sont imposées à chaque opérateur alternatif pour la durée de validité de cette analyse, sans préjudice de l'éventuel réexamen que l'Autorité pourrait être amenée à anticiper conformément à l'article D. 303 du CPCE.
IV.3.1. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
L'article L. 38-I (3°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut imposer des obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché pertinent.
L'Autorité estime nécessaire d'imposer à chaque opérateur fixe déclaré puissant sur au moins un marché pertinent de telles obligations, et en précise la teneur ci-dessous.
D'une manière générale, tout refus de l'opérateur exerçant une influence significative de fournir ces prestations devra être dûment motivé, et les conditions techniques et tarifaires de ces prestations devront être suffisamment détaillées pour faire apparaître les divers éléments propres à répondre à la demande. En particulier, la fourniture d'une prestation d'accès ne doit pas être subordonnée à la fourniture de services, de moyens ou de toute autre ressource, qui ne seraient pas nécessaires à la fourniture de cette prestation.
En premier lieu, compte tenu des investissements consentis par les opérateurs pour se déployer et s'interconnecter au réseau d'un autre opérateur, et en vertu de l'article D. 310 (3°) du CPCE, il est proportionné d'imposer à chacun des opérateurs de ne pas retirer un accès déjà accordé à un opérateur, sauf accord préalable expresse de l'Autorité ou du cocontractant concerné, conformément à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du CPCE précité.
De plus, chaque opérateur alternatif réputé exercer une influence significative au titre de la présente analyse est tenu de faire droit à toute demande raisonnable d'accès aux prestations de terminaison d'appel vers l'ensemble des numéros ouverts à l'interconnexion sur son réseau. Ces prestations étant déjà fournies aujourd'hui, cette obligation est proportionnée.
Comme cela est prévu par l'article L. 38-I du CPCE, cette obligation s'applique également aux demandes raisonnables de fourniture de prestations connexes permettant le raccordement physique et logique au réseau de l'opérateur et nécessaires à l'achat des prestations de terminaison d'appel.
Ils devront également, conformément à l'article D. 310 (2°), négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent des prestations d'accès à leur réseau, afin, d'une part, de minimiser les cas de litige, et, d'autre part, de ne pas profiter de l'influence significative qu'ils exercent sur leur marché pertinent pour durcir les négociations avec les opérateurs.
D'une manière générale, les opérateurs déclarés puissants devront faire droit aux demandes raisonnables d'accès des autres opérateurs, lorsque le caractère proportionné de l'obligation qui en découlera aura été vérifié, en conformité avec les dispositions de l'article L. 38-V du CPCE. L'Autorité renvoie à ce sujet aux considérations relatives aux « demandes raisonnables d'accès en matière d'interconnexion » discutées à la section IV.2.3.1, qui valent également pour les opérateurs autres que France Télécom.
Enfin, les opérateurs exerçant une influence significative sur le marché de la terminaison d'appel à destination des numéros ouverts à l'interconnexion sur leur réseau doivent s'engager sur un niveau satisfaisant de qualité de service des prestations de raccordement physique et logique à leur réseau (37), dans la mesure où la livraison ou la réparation des accès en fonction d'un délai précis constitue une modalité de mise en œuvre concrète de l'obligation de faire droit aux demandes d'accès raisonnables.
Ces obligations sont conformes aux critères fixés par l'article L. 38-V en particulier les a, b et d en ce qu'elles sont aujourd'hui fournies par les opérateurs et permettent le développement de la concurrence.
IV.3.2. Obligation de non-discrimination
L'article L. 38-I (2°) du CPCE prévoit la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.
Conformément à l'article D. 309 du CPCE, les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents lorsqu'ils fournissent l'accès et l'interconnexion.
Une différenciation des prestations fournies à différents acheteurs n'est pas nécessairement répréhensible en soi. Par exemple, certaines différenciations tarifaires peuvent être justifiées, dans certains cas motivés, par le fait que les acheteurs ont une consommation différente des mêmes prestations.
Comme le précise le considérant 17 de la directive « accès » de la Commission européenne, l'application d'une obligation de non-discrimination vise à garantir que les entreprises exerçant une influence significative sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.
Comme l'a montré l'analyse de la puissance au chapitre précédent, il existe une incitation forte pour les opérateurs à augmenter leurs charges de terminaison d'appel, incitation d'autant plus forte qu'elles représentent une composante significative des charges supportées par leurs concurrents dans les tarifs qu'ils offrent sur les marchés de détail. L'obligation de non-discrimination vise principalement dans ce cas à éviter que les opérateurs n'augmentent leurs charges vis-à-vis d'opérateurs acheteurs dont le pouvoir de négociation serait moindre, ou qu'ils n'avantagent leurs partenaires ou leurs filiales en concurrence avec les autres acheteurs de terminaison d'appel. De telles pratiques auraient pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre les opérateurs sur les marchés de détail.
Cette obligation s'applique à l'ensemble des prestations des marchés pertinents, y compris aux prestations associées à l'accès que l'opérateur devra fournir. Elle s'applique de plus à la qualité de service offerte pour les prestations d'interconnexion vendues par chaque opérateur et pour les prestations équivalentes fournies pour son propre compte ou pour le compte d'une société filiale ou partenaire.
L'Autorité estime ainsi que l'imposition de cette obligation est justifiée et proportionnée, notamment au regard de l'objectif fixé à l'article L. 32-1-II du CPCE, de veiller « à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale ».
IV.3.3. Obligation de transparence
L'article L. 38-I (1°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut imposer à un opérateur exerçant une influence significative des obligations visant à assurer la transparence de ses offres d'accès et d'interconnexion, y compris de rendre publiques certaines informations.
L'imposition de telles obligations pour les prestations de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs permet ainsi d'assurer le respect de l'obligation de non-discrimination ou, en tout état de cause, de dissuader les opérateurs de mettre en œuvre des pratiques discriminatoires.
Ces obligations doivent en outre permettre de faciliter les négociations en vue de la mise en œuvre de l'interconnexion directe entre opérateurs alternatifs lorsqu'une telle interconnexion s'avère pertinente économiquement. Elles peuvent également permettre d'apporter une transparence accrue sur les conditions financières des offres de transit vers les opérateurs alternatifs.
Compte tenu de ces objectifs, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à tout opérateur alternatif les obligations suivantes sur l'ensemble des prestations du marché pertinent de la terminaison d'appel sur lequel il exerce une influence significative, y compris sur les prestations associées à l'accès qu'il devra fournir en vertu de cette influence significative :
― informer l'Autorité de la signature ou de la modification de tout accord d'interconnexion ou d'accès signé avec lui concernant la fourniture de prestations de terminaison d'appel ou de prestations associées, et en particulier des prestations connexes d'accès à ses sites d'interconnexion, dans un délai de sept jours à compter de sa signature ;
― communiquer aux opérateurs ayant signé avec lui une convention d'interconnexion ou d'accès des informations pertinentes sur les caractéristiques de son réseau relatives à la prestation de terminaison d'appel qu'il offre, y compris les prestations associées ;
― informer ces opérateurs, dans un délai de préavis raisonnable, de toute modification des conditions techniques ou tarifaires de ces prestations de terminaison d'appel, y compris les prestations associées, et de toute évolution de nature à contraindre ces derniers à modifier ou adapter leurs installations. Les modalités de communication de ces informations et le niveau de détail requis pourront être précisés par une décision ultérieure de l'Autorité.
Ces obligations sont proportionnées au regard des objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE, en particulier ceux visés aux 2°, 4° et 9°.
Par ailleurs, compte tenu de l'état actuel du marché et des contraintes qu'elle ferait peser sur les opérateurs alternatifs, l'Autorité estime qu'il serait disproportionné d'imposer aux opérateurs alternatifs la publication d'une offre technique et tarifaire de référence.
IV.3.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant les obligations non tarifaires imposées aux opérateurs de réseaux fixes autres que France Télécom.
IV.4. Obligations tarifaires imposées sur les marchés de gros
de la terminaison d'appel fixe
L'article L. 38-I (4°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut imposer « de ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants. »
L'examen de la puissance de marché a montré que France Télécom et les opérateurs alternatifs disposent d'une position durable de puissance sur les marchés de la terminaison d'appel fixe à destination des numéros ouverts à l'interconnexion sur leurs réseaux individuels respectifs.
Comme il a été démontré dans la partie sur la pertinence des marchés, les prestations de terminaison d'appel ont une importance économique particulière pour ces opérateurs.
En outre, les conditions économiques de la vente de ces prestations influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail.
Il en résulte qu'il n'existe intrinsèquement pas d'incitation économique pour les opérateurs à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être observés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
Il est donc nécessaire d'imposer une régulation tarifaire à tous les opérateurs fixes sur leurs prestations de terminaison d'appel, ainsi que, et de manière cohérente, sur les prestations qui leur sont associées. Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ». Ce sera l'objet des sections IV.6.1 (pour France Télécom) et IV.6.2 (pour les opérateurs alternatifs).
IV.4.1. Contexte et principes de la régulation de la terminaison d'appel
IV.4.1.1. Spécificités de la prestation de terminaison d'appel
Le service de terminaison d'appel est une prestation de gros très particulière, dont il convient d'analyser les spécificités.
En effet, jusqu'à présent, cette prestation est facturée entièrement à l'opérateur appelant, et donc répercutée au client final appelant, alors même qu'elle bénéficie à la fois au client appelant et au client appelé, en permettant l'appel, grâce à l'interconnexion des réseaux des opérateurs des deux clients. Il est difficile de mesurer le partage de l'utilité entre ces deux acteurs. Toutefois, l'influence de l'appelé sur la durée de l'appel doit être reconnue, celui-ci ayant à tout moment la possibilité de raccrocher, voire même de ne pas décrocher, notamment en faisant usage de la reconnaissance du numéro.
Dans ce contexte, rappelons que la prestation de terminaison d'appel relève d'un marché biface (souvent appelé « two-sided market » dans la littérature économique), l'opérateur de l'appelé ayant la possibilité de recouvrer ses coûts soit par la facturation de l'opérateur de l'appelant, soit par la facturation de son client appelé (par exemple sous forme forfaitaire, en supplément de l'abonnement), soit par une combinaison des deux.
De plus, la terminaison d'appel est une prestation d'accès réciproque, aussi appelée « two-way access ». En effet, les opérateurs qui facturent la terminaison d'appel à des tiers sont également les opérateurs qui achètent la terminaison d'appel à des tiers, si bien que la facturation entre opérateur de terminaison d'appel est une somme de flux financiers inter opérateurs équilibrés au niveau du secteur. L'ensemble des coûts de réseaux sont donc in fine recouvrés sur les marchés de détail. Du fait de ces spécificités, une suppression des terminaisons d'appel ou un modèle de non-paiement des terminaisons d'appel (régime dit de « Bill and Keep ») pourraient être envisagés au sens où elle ne remet pas en cause le principe de recouvrement des coûts. Dans une analyse prospective, il s'agira donc d'analyser quel est le niveau optimum du tarif de terminaison d'appel au regard de son efficacité économique.
IV.4.1.2. Principes fondateurs de l'obligation tarifaire
IV.4.1.2.1. Objectifs de la régulation.
Au cas d'espèce de la terminaison d'appel fixe, la régulation des tarifs de la terminaison d'appel fixe doit poursuivre notamment les objectifs suivants :
― ne pas perturber la tendance générale du marché consistant à passer d'offres de détail tarifées à la minute à des offres péréquées et forfaitaires et/ou innovantes ;
― accompagner la transition technologique engagée par les opérateurs fixes et permettre aux opérateurs de mettre au point leur stratégie dans un contexte réglementaire prédéterminé ;
― ne pas inciter ou favoriser les mécanismes de distorsion concurrentielle ;
― inciter à la fourniture efficace des services.
IV.4.1.2.2. Nécessité de fournir une visibilité sur les tarifs de terminaison d'appel.
L'Autorité constate que la régulation des terminaisons d'appel fixes a pu pâtir par le passé, avant la décision n° 2008-896 qui a mis en place un encadrement tarifaire pluriannuel, de l'absence de visibilité du secteur sur les niveaux pratiqués. En effet, à plusieurs reprises, les niveaux de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs ont varié à la suite de règlements de différend entre opérateurs. Ces variations non planifiées sont, in fine, néfastes pour le bon fonctionnement du marché dans la mesure où les opérateurs acheteurs de terminaison d'appel fixe ne sont pas en mesure de prévoir les charges d'interconnexion qu'ils vont encourir.
De plus, le cycle d'analyse de marché qui se présente est un cycle durant lequel les opérateurs de réseaux fixes vont poursuivre, voire intensifier, la transition technologique de leurs réseaux vers les technologies IP : en effet, la part de trafic circulant sur les réseaux téléphoniques commutés, déjà minoritaire, devrait encore nettement faiblir d'ici à la fin de ce cycle. Cette transition concerne aussi bien les opérateurs d'envergure locale que ceux d'envergure nationale. Or, elle demande des investissements importants, sur plusieurs années, de la part des opérateurs. Dans ce contexte, la prévisibilité sur les tarifs d'interconnexion est d'autant plus nécessaire, afin de réaliser les investissements nécessaires dans un contexte réglementaire connu.
Enfin, l'importance croissante des parts de marché d'accès des opérateurs alternatifs, et donc du poids de leurs terminaisons d'appel, renforce le besoin de visibilité sur tous les tarifs de terminaison d'appel fixe et pas seulement sur ceux de France Télécom.
IV.4.1.2.3. Risques de distorsion concurrentielle posés par l'existence de tarifs de terminaison d'appel asymétriques.
L'Autorité souhaite rappeler les risques de distorsion concurrentielle portés par le caractère spécifique de la prestation de terminaison d'appel.
Ainsi, l'opérateur de destination des appels génère un revenu en vendant des prestations de terminaison d'appel à ses concurrents, qui sont de facto dans l'obligation d'acheter ces prestations, quel qu'en soit le prix, pour permettre à leurs propres clients de pouvoir joindre leurs correspondants sur l'ensemble des réseaux de communications électroniques ouverts au public. L'opérateur appelé se trouve ainsi doublement incité à fixer des tarifs élevés pour la terminaison d'appel : d'une part, parce qu'un tarif élevé lui procure des revenus d'autant plus importants sans dégrader sa propre compétitivité sur les marchés de détail, où s'exerce la concurrence entre opérateurs, d'autre part, car un tel tarif dégrade la compétitivité de ses concurrents, puisqu'il vient s'ajouter à la masse de coûts qu'ils supportent pour construire leurs offres tarifaires sur ces mêmes marchés de détail. La prestation de terminaison d'appel emporte donc des risques importants de distorsion concurrentielle sur les marchés de détail.
De plus, l'importance croissante des volumes de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs, sous l'impulsion du dégroupage total, renforce les effets des potentielles distorsions concurrentielles induites par le maintien d'un écart entre les tarifs de terminaison d'appel. Dans ces conditions, il est indispensable que l'Autorité veille à la symétrie effective des tarifs de terminaison d'appel de l'ensemble des opérateurs au plus tôt. Ce principe de symétrie tarifaire est par ailleurs cohérent avec celui énoncé par la Commission européenne dans sa recommandation sur les terminaisons d'appel fixe et mobile (cf. IV.4.1.4 ci-après).
IV.4.1.2.4. Absence de facteurs exogènes justifiant le maintien d'une asymétrie.
Par le passé, l'Autorité a fixé le niveau de la terminaison d'appel des opérateurs alternatifs à un niveau asymétrique pour tenir compte des différences dans leurs structures de coûts avec celle de France Télécom, compte tenu notamment de l'ouverture récente du secteur à la concurrence. Cependant, l'Autorité a bien précisé que ces différences ne pouvaient revêtir qu'un caractère transitoire et que les structures de coûts devaient converger à terme vers celle d'un opérateur générique efficace. Dans une approche prospective, l'Autorité constate en effet que les raisons qui l'ont poussée par le passé à définir des niveaux de terminaison d'appel plus élevés pour les opérateurs alternatifs ont disparu.
Le marché des communications électroniques s'est ouvert à la concurrence il y a plus de treize ans. Les effets de retard ou de moindre taille pris en compte par exemple dans le règlement de différend opposant les sociétés France Télécom et Neuf Télécom en 2006 se sont estompés avec la transition technologique de leur réseau vers l'IP et la convergence de leurs structures de coûts vers celle d'un opérateur générique efficace, et laissent place aux bénéfices des économies d'échelle offertes par cette technologie. De plus, le coût d'entrée sur le marché de la téléphonie fixe s'est très fortement réduit avec le passage à l'IP et la banalisation des accès haut débit sur le marché de détail : les opérateurs alternatifs fournissent aujourd'hui de nombreux services sur un même accès, parmi lesquels des services de téléphonie. Ainsi, l'utilisation de tarifs de terminaison d'appel plus élevés pour accompagner l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs pouvait trouver sa justification au début de la libéralisation du marché mais n'est plus nécessaire maintenant que des concurrents pérennes se sont installés et que les barrières à l'entrée ont été abaissées.
Par ailleurs, en s'appuyant sur les opérateurs de dimension nationale présents sur les marchés de l'accès et du transit et selon leur plan d'affaires et de déploiement, les nouveaux entrants peuvent restreindre géographiquement ou par type de clientèle leur pénétration du marché et limiter ainsi les effets de moindres économies d'échelle qui pèsent lors de l'entrée. L'Autorité estime qu'il n'existe ainsi pas de moindres économies d'échelle d'origine exogène pour les opérateurs fixes. Le choix de certains opérateurs alternatifs d'adresser un marché et/ou une zone géographique qui entraîne des moindres économies d'échelle sur le long terme ne constitue pas un facteur exogène de déséquilibre, dans la mesure où ce choix résulte uniquement de la stratégie de l'opérateur. L'Autorité constate d'ailleurs qu'il existe des opérateurs de toute taille et de tout type d'empreinte géographique (locale, régionale, nationale et internationale).
Enfin, l'Autorité estime que les différences d'architecture d'interconnexion entre les opérateurs ne justifient pas des tarifs de terminaison d'appel différents : les opérateurs définissent l'architecture d'interconnexion qui leur est la plus adaptée, compte tenu de leur activité, des technologies utilisées et des besoins propres de l'opérateur qui souhaite s'interconnecter. L'Autorité constate en particulier la plus grande concentration des fonctions de gestion des appels dans les réseaux IP que dans les réseaux RTC et s'attend donc à des évolutions importantes des architectures d'interconnexion de certains opérateurs, évolutions qui sont laissées à l'appréciation de ces derniers, dans le respect de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès.
De même, l'Autorité ne distingue pas différents tarifs de terminaison d'appel selon la technologie employée : d'une part, la terminaison d'appel est une prestation fonctionnellement indépendante de la technologie du point de vue de l'acheteur ; d'autre part, en cas de cohabitation de deux technologies dans le réseau d'un opérateur, seule la technologie la plus efficace fournit un signal économique pertinent et il n'est pas légitime de rémunérer les choix technologiques moins efficaces de l'opérateur. En corollaire, la tarification de la terminaison d'appel ne doit pas traduire les coûts ponctuels de migration induits par le changement de technologie décidé par un opérateur donné. Il n'est pas non plus pertinent de distinguer la régulation de la terminaison d'appel selon la ressource de numérotation (i.e. entre numéros géographiques et numéros non géographiques), dans la mesure où le type de numéro ne fait pas l'objet d'utilisations différentes ou de spécificités fonctionnelles, mais est soumis à des conditions de concurrence homogènes.
Enfin, l'Autorité n'estime pas pertinent de définir réglementairement plusieurs niveaux tarifaires de terminaison d'appel selon le niveau de qualité fourni. Les niveaux tarifaires imposés par l'Autorité s'appliquent à une prestation de terminaison d'appel de qualité équivalente à la qualité standard des services que se fournit l'opérateur en interne. Il n'existe pas aujourd'hui de différenciation selon le niveau de qualité de service pour la fourniture du service ; toutefois, rien n'empêche deux opérateurs qui le souhaiteraient de formaliser un accord et mettre en œuvre des prestations de terminaison d'appel de qualité supérieure, ou incluant des fonctionnalités complémentaires, sur une base commerciale. Un tel service de qualité supérieure pourrait en outre avoir vocation à être facturé par un opérateur plutôt auprès de ses clients de détail que sur le marché de gros.
IV.4.1.2.5. Autres inconvénients causés par une asymétrie des tarifs de terminaison d'appel.
Outre les éléments indiqués ci-dessus, il convient de rappeler que l'existence de plusieurs niveaux de terminaison d'appel fixe comporte plusieurs inconvénients pour le fonctionnement du marché, dont entre autres :
― la définition de niveaux de terminaison d'appel différenciés conduit à l'illisibilité des charges d'interconnexion qu'un opérateur peut prévoir d'encourir, ce qui peut avoir un effet sur les stratégies d'investissements des opérateurs ;
― à long terme, le maintien d'asymétries entre les tarifs de terminaison d'appel favorise durablement certains opérateurs par rapport à d'autres, ce qui entrave le fonctionnement normal du marché.
A l'inverse, une terminaison d'appel symétrique permet de récompenser l'efficacité des opérateurs dans la fourniture de cette prestation : si l'opérateur encourt des coûts qu'il estime supérieurs au tarif de terminaison d'appel, il est incité à augmenter son efficacité pour réduire cet écart et si l'opérateur encourt des coûts inférieurs, il tire bénéfice de l'écart entre ses coûts et le tarif fixé.
IV.4.1.3. Position commune du GRE du 28 février 2008
Le Groupement des régulateurs européens (GRE) (38) a adopté, le 28 février 2008, une position commune sur les terminaisons d'appels fixe et mobile. Dans ce document, le GRE exprime une volonté commune d'orienter les terminaisons d'appel fixes vers un niveau symétrique, dans chaque pays, entre l'opérateur historique et les opérateurs alternatifs. En particulier, le GRE relève que les raisons qui ont été invoquées par le passé pour justifier des niveaux de terminaison d'appel dissymétriques ne sont plus valables aujourd'hui.
En conclusion, le GRE recommande à toutes les autorités de régulation nationale de mettre en œuvre la symétrie des tarifs de terminaison d'appel le plus vite possible.
IV.4.1.4. Recommandation de la Commission européenne du 7 mai 2009
En accord avec la position commune du GRE, la Commission européenne a publié le 7 mai 2009, à la suite d'une consultation publique menée durant l'été 2008, une recommandation (39) portant sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appels fixe et mobile dans l'Union européenne. La Commission européenne y préconise un encadrement tarifaire symétrique de la terminaison d'appel, en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, ce qui implique pour ses activités de téléphonie fixe qu'il soit doté d'un réseau de nouvelle génération (NGN), évalués à l'aide d'un modèle technico-économique.
La mise en œuvre de cette recommandation par les pays membres est prévue pour être effective au plus tard au 31 décembre 2012. A cet égard, la recommandation laisse les Autorités de régulation nationales libres de définir les modalités de transition adaptées aux spécificités de chaque pays.
IV.4.1.5. Conclusion
Compte tenu des éléments exposés supra, l'Autorité estime que la régulation des terminaisons d'appel doit finaliser au plus vite la convergence tarifaire, en mettant fin aux asymétries constatées par le passé. Ce mouvement est cohérent avec les positions exprimées à plusieurs reprises par le GRE et la Commission européenne.
Pour la période couverte par la présente analyse, et pour répondre aux objectifs précisés supra, l'Autorité maintient les quatre principes fondateurs pour la régulation tarifaire des terminaisons d'appel fixes qu'elle avait établis dans la décision n° 2008-896 :
― la symétrie entre toutes les terminaisons d'appel fixe doit constituer la règle, notamment pour éviter les risques de distorsion concurrentielle ;
― la constitution de rente sur la terminaison d'appel doit être évitée, et en particulier, la terminaison d'appel ne doit pas être utilisée par les opérateurs pour financer des services qui ne bénéficient qu'au seul client appelé, d'autant plus si ces services ne concernent pas uniquement la fourniture d'une prestation de voix, voire pour rémunérer le client appelé. La terminaison d'appel rémunère uniquement la prestation consistant à terminer un appel téléphonique sur un réseau fixe selon un périmètre de coûts pertinents normé, en l'occurrence les coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace muni d'un réseau NGN (cf. infra). A fortiori, dès lors que les tarifs de terminaison d'appel d'un opérateur sont orientés vers les coûts d'un opérateur efficace, celui-ci n'est pas censé réaliser une marge sur cette prestation : l'Autorité sera donc extrêmement attentive à toute pratique visant pour un opérateur à reverser une partie des revenus de terminaison d'appel générés à un client final appelé ;
― les externalités négatives engendrées par les évolutions techniques de l'opérateur vendeur ne doivent pas avoir d'impact sur la nature et la qualité les prestations de gros fournies aux autres opérateurs. En particulier, les éventuels surcoûts occasionnés ne doivent pas être reportés sur les opérateurs clients. De même, l'annualisation des investissements consentis pour réaliser cette transition technologique doit traduire les économies de long terme réalisées grâce à cette transition (et qui en sont la raison d'être). Enfin, si le déploiement de réseaux NGN permet aux opérateurs d'offrir de nouveaux services aux utilisateurs, leurs coûts spécifiques ne doivent pas être rémunérés par les revenus d'interconnexion voix ;
― une visibilité sur trois ans sur les tarifs de terminaison d'appel doit être donnée au secteur : cette visibilité réglementaire permettra aux opérateurs d'engager ou de poursuivre leur transition technologique et de constituer des offres de détail innovantes et compétitives (le maintien d'une incertitude sur les tarifs de gros pourrait conduire les opérateurs à reporter ce risque sur les utilisateurs finals). Pour répondre à ce principe de visibilité, l'Autorité estime que les tarifs de terminaison d'appel doivent faire l'objet d'un contrôle tarifaire pluriannuel, tout particulièrement dans un contexte de poursuite de la transition technologique rapide des réseaux de l'ensemble des opérateurs vers une architecture NGN.
IV.4.2. Références de coûts pertinentes
pour la définition de l'encadrement tarifaire
IV.4.2.1. Coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace
L'Autorité se fonde sur l'article D. 311-II du CPCE pour préciser la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts imposée aux opérateurs. Elle définit ainsi les méthodes de recouvrement des coûts et de tarification, conformément à cet article : « Pour la mise en œuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur. »
Le choix de la référence de coûts pertinents implique notamment de préciser le périmètre de coûts à prendre en compte en fonction de règles d'efficience et de rationalité économiques et la bonne allocation des coûts joints entre les différentes prestations produites par un opérateur de réseau fixe. A cet égard, il convient de noter que chaque opérateur possède un réseau unique qui sert à produire tout un ensemble de prestations dont celle de terminaison d'appel : appels entrants et sortants, services de transmission de données permettant l'accès au réseau internet notamment, diffusion de services de télévision. Le coût du réseau est donc partagé entre l'ensemble de ces prestations.
En particulier, expliciter la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts consiste à déterminer la part maximale de ces coûts partagés pouvant être recouvrée via la commercialisation des prestations de terminaison d'appel fixe. Au regard des évolutions du marché, l'Autorité considère que les coûts pertinents devant servir de référence à la fixation des plafonds tarifaires au titre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel sont les coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, induits par la fourniture du service de terminaison d'appel. Ces coûts incrémentaux correspondent à la part des coûts qui augmentent avec le trafic de terminaison d'appel dans son ensemble.
Ce signal économique reflète en effet la structure de coût des réseaux de télécommunications ― faite de coûts liés au trafic et de coûts indépendants du trafic ― et permet un fonctionnement optimal du marché, au regard des objectifs de l'Autorité. En particulier, il permet le développement d'une concurrence saine et loyale entre les opérateurs fixes et mobiles (40), et il entraîne une évolution du marché au bénéfice des consommateurs. L'Autorité souligne en effet que ce standard de coût est le seul qui permette de prévenir d'éventuelles distorsions de concurrence entre opérateurs (fixes et mobiles), en présence par exemple d'offres à effet de réseaux (offre dites « on-net »), reposant sur l'écart entre le coût incrémental et le tarif de terminaison d'appel, et générant des « effets de club » au bénéfice des seuls opérateurs ayant les plus grandes parts de marché.
Par ailleurs, la prestation de terminaison d'appel bénéficie aussi bien à l'opérateur appelant (car elle présente une valeur pour l'utilisateur appelant, qui a décidé la communication et peut l'interrompre quand il le souhaite) qu'à l'opérateur appelé (car elle présente également une valeur pour l'utilisateur appelé, qui a accepté la communication et peut l'interrompre quand il le souhaite) : elle définit ainsi un marché biface. A cet égard, une référence aux coûts complets ne traduit pas l'utilité de la prestation pour l'opérateur appelé, car elle laisse l'intégralité des coûts de la prestation à la charge de l'opérateur appelant. En revanche, la référence aux coûts incrémentaux de long terme permet bien de traduire l'utilité de la prestation de terminaison d'appel pour l'opérateur appelé, en lui laissant la charge des coûts non évitables ― au sens de non variables avec le trafic ― de la prestation, autrement dit les coûts correspondants à la faculté offerte à ses clients de recevoir des communications.
France Télécom a indiqué à plusieurs reprises qu'une quote-part des coûts communs indivis et les coûts commerciaux de gros spécifiques devraient, selon elle, être intégrés dans le périmètre de coûts pertinents. L'Autorité convient du bien-fondé de l'inclusion des coûts commerciaux de gros spécifiques à la prestation de terminaison d'appel dans le périmètre de coûts pertinents ; l'ampleur de ces coûts reste toutefois très limitée. En revanche, par définition, les coûts communs indivis d'un opérateur, dont le périmètre est précisé à l'annexe E de la décision de l'Autorité n° 2006-1007 (41), ne présentent pas « de relation de causalité susceptible d'être établie » avec un quelconque produit et ne sont donc en particulier pas variables avec le trafic : ils sont par conséquent exclus du périmètre de coûts pertinents.
L'Autorité relève au passage qu'une orientation vers les coûts incrémentaux de chacun des opérateurs ne permettrait pas, par construction, d'atteindre des niveaux symétriques, car les opérateurs ont tous des réseaux et des parcs de caractéristiques et de tailles différentes (42). La symétrie visée à terme par l'Autorité, conformément à la position commune du Groupement des régulateurs européens (GRE) précitée, et préconisée par la Commission européenne dans sa recommandation du 7 mai 2009 précitée, constitue un signal économique émis à l'attention de l'ensemble des opérateurs, que l'Autorité estime optimal en ce qu'il prévient l'introduction de distorsions concurrentielles dans le fonctionnement des marchés de détail sous-jacents. A cet égard, cette symétrie repose nécessairement sur une référence aux coûts d'un opérateur générique efficace.
En termes fonctionnels, l'opérateur générique efficace de référence fait appel aux choix technologiques les plus efficaces pour fournir le portefeuille de services couramment proposé sur le marché. Cela implique en particulier qu'il a recours à un cœur de réseau convergent de nouvelle génération (IP/NGN), qui apparaît plus économique pour produire cet ensemble de services, ainsi que l'illustrent d'ailleurs les dernières entrées sur le marché de la téléphonie fixe.
La technologie et l'architecture RTC de cœur de réseau n'ont ainsi pas été retenues par l'Autorité, car elles sont réputées sous-optimales économiquement. Si un opérateur choisit de maintenir un cœur de réseau RTC, le surcoût engendré (notamment sur la prestation de terminaison d'appel) a vocation à être recouvré par cet opérateur sur d'autres prestations davantage soumises à une pression concurrentielle que ne l'est la terminaison d'appel, a priori auprès des opérateurs clients et utilisateurs finals ayant choisi de conserver des offres de détail basées sur cette technologie. Cette approche fournit le meilleur signal économique possible à l'opérateur en question et à ses clients ayant recours à des offres fondées sur la technologie RTC.
L'Autorité note, à titre incident, que ce choix de référence est cohérent avec la recommandation susvisée de la Commission européenne sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appels fixe et mobile dans l'Union européenne.
IV.4.2.2. Traitement des coûts complets ne pouvant pas être recouvrés
via la prestation de terminaison d'appel
Comme expliqué supra, la référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace laisse à la charge de l'opérateur appelé certains coûts de production de la prestation, en particulier les coûts non évitables de la prestation et ceux liés, le cas échéant, à l'emploi de technologies moins efficaces que le NGN. Ces coûts, qui ne peuvent pas être recouvrés par les opérateurs via la prestation de terminaison d'appel (en ce qu'ils ne sont pas pris en compte pour fixer ses tarifs), peuvent éventuellement l'être via d'autres produits de leur choix et selon des modalités de leur choix. Cela passe nécessairement par l'intermédiaire de produits de gros, formalisés (externes) ou non (internes).
Pour France Télécom, certains des produits potentiellement porteurs de ce report sont régulés, et soumis à des obligations tarifaires (orientation vers les coûts d'un opérateur efficace, interdiction de pratiquer des tarifs excessifs, etc.) et non tarifaires (transparence, non-discrimination, etc.), comme le départ d'appel ou la VGAST. Par conséquent, si le choix d'un mode de recouvrement relèvera in fine de France Télécom, il devra néanmoins s'opérer dans le respect des obligations applicables, ce qui fera l'objet d'un contrôle particulier de l'Autorité. Ce contrôle s'appliquera également aux opérateurs alternatifs, le cas échéant.
Plusieurs opérateurs s'interrogent sur le risque que fait peser le report de coûts sur les tarifs de départ d'appel. Selon quelques-uns, tout report sur des produits de gros devrait être proscrit. Selon la majorité, un tel report ne devrait intervenir que lorsque que le tarif de terminaison d'appel sera effectivement au niveau du CILT, ou a minima sera passé en dessous de la référence de coûts complets. Ces derniers partagent le point de vue initialement exprimé par l'Autorité que seuls les montants compris entre la référence de coûts complets et le tarif de terminaison d'appel (une fois passée sous cette référence) devraient pouvoir être reportés sur d'autres produits de gros régulés.
France Télécom considère au contraire qu'elle devrait pouvoir reporter les montants compris entre ses coûts complets réels et le tarif de terminaison d'appel. Par ailleurs, France Télécom indique s'être « interrogée sur la nature des produits pertinents pour supporter l'écart entre coût moyen et tarif de terminaison d'appel ». A ce stade, « il paraît souhaitable que ces produits concernent les mêmes éléments techniques de réseau que la terminaison d'appel. En l'occurrence, cela est précisément le cas pour les départs d'appel de toute catégorie : les départs d'appel vendus en gros de tout type (présélection, internet bas débit et SVA d'opérateurs tiers) mais aussi les départs d'appel autoconsommés pour les appels de ses clients, qu'ils soient sur une offre RTC ou une offre de Voix sur large bande. Une telle allocation de coût est objective, non discriminatoire (en particulier entre services de gros et services de détail) et repose sur des éléments auditables par l'Autorité ».
A ce stade, l'Autorité estime que, dans certaines circonstances qu'il conviendra, le cas échéant, de définir précisément, France Télécom pourrait a priori raisonnablement demander à recouvrer au moyen d'un report sur d'autres produits régulés une partie des coûts complets antérieurement recouvrés via la charge de terminaison d'appel payée par les opérateurs tiers appelants.
Plusieurs options de mise en œuvre ayant été identifiées par l'Autorité, il apparaît qu'un chantier portant sur cette question du report éventuel sur d'autres prestations de coûts antérieurement recouvrés au travers de la prestation de terminaison d'appel, impliquant France Télécom, l'Autorité et les autres acteurs du secteur, devra être lancé très rapidement pour aboutir d'ici à la fin de l'année 2011, c'est-à-dire avant la mise en œuvre des tarifs de gros 2012 (qui intervient généralement au 1er janvier). Ce chantier comportera a minima une consultation publique du secteur.
Ce chantier devra en particulier répondre aux questions suivantes, soulevées par la Commission européenne dans son avis en date du 11 juillet 2011 (cf. section IV.4.4) :
― justification du principe de report d'une partie des coûts antérieurement recouvrés via la terminaison d'appel fixe sur des marchés non concurrentiels ;
― produits susceptibles de recevoir les coûts reportés ;
― démonstration du caractère non discriminatoire de l'approche de report proposée ;
― cas spécifique des coûts RTC (43), en accord notamment avec la recommandation de la Commission européenne portant sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appels fixe et mobile dans l'Union européenne mentionnée précédemment.
En tout état de cause et au vu des inquiétudes exprimées par plusieurs opérateurs et par la Commission européenne, l'Autorité juge important et utile en termes de prévisibilité de préciser que le report éventuel de coûts complets non recouvrés via la terminaison d'appel devra nécessairement être non discriminatoire entre l'autofourniture et la vente externe.
IV.4.2.3. Modèle public technico-économique de coûts de l'Autorité
L'Autorité a lancé au début de l'année 2010, en étroite concertation avec les acteurs du secteur, des travaux structurants de construction d'un modèle technico-économique de la terminaison d'appel fixe. L'objectif de ces travaux était notamment d'établir les références de coût complet et de coût incrémental de long terme d'un opérateur générique de réseau fixe efficace pour la prestation de terminaison d'appel fixe.
Les travaux de modélisation ont suivi le calendrier suivant :
― 1er semestre 2010 : construction d'une première structure complète du modèle. Pour cela, l'Autorité s'est appuyée notamment sur les informations recueillies auprès des opérateurs, en réponse à un questionnaire qualitatif et de réunions bilatérales techniques avec leurs équipes, et, le cas échéant, sur les données disponibles concernant d'autres opérateurs européens ou fournies par des acteurs tiers ;
― du 22 juin au 30 juillet 2010 : consultation publique sur la structure du modèle. Les principaux opérateurs fixes actifs sur le marché français ont répondu à cette consultation ;
― 2nd semestre 2010 : affinage des données d'entrée et calibrage du modèle. Pour cela, l'Autorité s'est appuyée notamment sur les informations recueillies auprès des opérateurs, en réponse à un questionnaire quantitatif et de réunions bilatérales techniques avec leurs équipes, et, le cas échéant, sur les données disponibles concernant d'autres opérateurs européens ou fournies par des acteurs tiers ;
― du 7 janvier au 18 février 2011 : consultation publique sur les données d'entrée et les résultats du modèle ;
― du 18 février au 26 avril 2011 : mise à jour du modèle en fonction des contributions des acteurs à la seconde consultation publique, et publication du modèle final de l'Autorité.
Le modèle définitif et sa documentation détaillée ainsi qu'un document d'accompagnement ont été rendus publics le 26 avril 2011. Ils peuvent désormais être téléchargés sur le site de l'Autorité (44).
IV.4.2.4. Résultats du modèle
IV.4.2.4.1. Résultats en coûts incrémentaux.
Le coût incrémental réseau des prestations de terminaison d'appel fixe en sortie du modèle technico-économique de coûts d'un opérateur générique efficace finalisé est de 0,069 c€/min en 2011 et de 0,065 c€/min en 2013 dans le cas de base.
L'Autorité souligne que ces résultats ont évolué à la hausse (45) depuis la seconde consultation publique, portant sur la calibration du modèle, le plus grand compte ayant été tenu des remarques et suggestions des différents contributeurs.
IV.4.2.4.2. Résultats en coûts complets.
Le coût complet réseau des prestations de terminaison d'appel fixe en sortie du modèle technico-économique de coûts d'un opérateur générique efficace finalisé est de 0,131 c€/min en 2011 et de 0,107 c€/min en 2013 dans le cas de base.
L'Autorité souligne que ces résultats ont évolué à la hausse (46) depuis la seconde consultation publique, portant sur la calibration du modèle, le plus grand compte ayant été tenu des remarques et suggestions des différents contributeurs.
IV.4.2.4.3. Robustesse des résultats.
L'Autorité rappelle que la robustesse de ces résultats est assurée par quatre éléments :
― l'utilisation prioritaire des informations qualitatives et quantitatives communiquées par les opérateurs au cours des travaux pour déterminer la structure et les paramètres d'entrée ;
― le calibrage du nombre d'équipements résultant des calculs effectués dans le modèle avec l'inventaire des équipements fourni par les opérateurs dans le cadre du projet ;
― la vérification des grandes masses de coûts en sortie du modèle, au regard des informations agrégées communiquées par les opérateurs et des résultats d'exercices comparables dans d'autres pays ;
― l'analyse de sensibilité des résultats, qui a permis de conclure que le coût incrémental réseau de la terminaison d'appel mobile est peu sensible aux paramètres pour lesquels il existe une marge d'appréciation.
L'Autorité renvoie aux documents publiés sur son site pour plus d'informations sur la conception, le mode de fonctionnement et les données d'entrée du modèle.
IV.4.3. Obligations d'orientation vers les coûts des tarifs
des prestations de terminaison d'appel de l'ensemble des opérateurs fixes
IV.4.3.1. Modalités de l'obligation d'orientation vers les coûts des tarifs
des prestations de terminaison d'appel de l'ensemble des opérateurs fixes
L'examen de la puissance de marché a montré que tous les opérateurs fixes disposent d'une position durable de puissance sur les marchés de la terminaison d'appel fixe vers leurs réseaux individuels respectifs. De plus, il a été montré que cette prestation est incontournable pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques en France, qui ne disposent dès lors d'aucun contre-pouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont dispose l'opérateur qui fournit le service. L'Autorité note que l'absence d'obligation d'orientation vers les coûts pourrait permettre aux opérateurs fixes de bénéficier d'une rente liée à leur monopole sur leur propre terminaison d'appel. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés.
L'Autorité estime donc que les tarifs des prestations de terminaison d'appel de l'ensemble des opérateurs fixes doivent refléter les coûts d'un opérateur générique efficace. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du CPCE et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».
Cette obligation concerne en particulier tous les éléments de l'offre technique et tarifaire de gros « Téléphonie fixe » de France Télécom relatifs aux prestations de terminaison d'appel.
L'obligation imposée à l'ensemble des opérateurs fixes pour le cycle de trois ans consécutif à l'adoption de la décision d'analyse de marché devrait prendre la forme d'un encadrement pluriannuel des tarifs, comme le prévoit l'article D. 311 du CPCE. De plus, en application de ce même article (47), la référence de coûts retenue pour définir cet encadrement pluriannuel des tarifs est celle des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, tels que définis à la section IV.4.2.1.
IV.4.3.2. L'encadrement pluriannuel des tarifs de terminaison d'appel
Remplissage de la partie fixe (minutes par BPN et par an) |
2 850 000 |
Durée moyenne des appels |
170 secondes |
Répartition du trafic : heures pleines |
66 % |
Répartition du trafic : heures creuses |
34 % |
IV.4.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne a formulé des observations concernant les obligations tarifaires imposées sur les marchés de gros de la terminaison d'appel fixe. Celles-ci se concentrent sur la question du report de certains coûts antérieurement recouvrés via la prestation de gros de terminaison d'appel fixe sur d'autres produits. Dans l'avis rendu par la Commission européenne en date du 11 juillet 2011, celle-ci indique ainsi « s'inquiète[r] profondément que le transfert de coûts depuis le marché de gros de la terminaison d'appel vers un autre marché de gros régulé puisse créer des obstacles supplémentaires à l'entrée sur le marché de la téléphonie de détail entravant de la sorte, la concurrence. »
En particulier, la Commission :
― « préconise que l'ARCEP spécifie, dans le cadre de la future consultation publique, les produits sur lesquels les coûts qui ne sont plus recouvrés sur le marché de la terminaison d'appel pourraient être récupérés. Au cas où il serait proposé de récupérer ces coûts sur le départ d'appel ou sur d'autres marchés régulés, l'ARCEP doit expliquer pourquoi, et justifier que ces coûts ne peuvent pas être récupérés sur des marchés concurrentiels. En outre, la Commission insiste auprès de l'ARCEP pour qu'elle explique comment la réallocation de ces coûts sur le marché du départ d'appel pourrait ne pas être discriminatoire tant à l'égard de l'opérateur historique que des opérateurs alternatifs » ;
― « demande à l'ARCEP de vérifier attentivement son approche de réallocation des coûts RTC et de l'aligner avec les principes de la recommandation sur les tarifs de terminaison d'appels » ;
― « invite [...] l'ARCEP à notifier ce nouveau projet de régulation conformément à la procédure de consultation prévue à l'article 7 ».
Afin de répondre à ces observations de la Commission européenne, l'Autorité a précisé à la section IV.4.2.2 le périmètre et les modalités pratiques des travaux ultérieurs qu'elle prévoit de mener concernant la question du report de certains coûts antérieurement recouvrés via la prestation de gros de terminaison d'appel fixe sur d'autres produits. Ces travaux seront menés en étroite concertation avec la Commission européenne.
IV.5. Obligations tarifaires imposées à France Télécom
sur le marché de gros du départ d'appel fixe
L'examen de la puissance de marché de France Télécom a montré que France Télécom dispose d'une position durable de puissance sur le marché du départ d'appel en position déterminée. De plus, il a été montré que cette prestation est incontournable pour les opérateurs de communications électroniques en France, qui ne disposent d'aucun contre-pouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont dispose France Télécom. L'Autorité a également montré que France Télécom était puissante sur les marchés pertinents de détail de l'accès et le marché de gros de la terminaison d'appel à destination des numéros ouverts à l'interconnexion sur son réseau. Enfin, France Télécom est une entreprise verticalement intégrée qui intervient sur l'ensemble des marchés de détail de la téléphonie fixe et exerce sur ces marchés une influence significative.
L'Autorité a exposé à la section III.4.5 la divergence de tendances des composantes du départ d'appel : sélection du transporteur et accès à internet bas débit, d'une part, à destination de numéros SVA, d'autre part.
Ainsi, les départs d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit sont en déclin et France Télécom reste structurellement sur ces prestations en position de monopole. A l'inverse, les volumes de départ d'appel à destination de numéros SVA sont relativement stables aux alentours de 10 milliards de minutes par an, et la concurrence sur cette prestation de gros se développe de manière satisfaisante. L'Autorité observe d'ailleurs que le départ d'appel à destination de numéros SVA pourrait devenir majoritaire au début de ce cycle d'analyse de marché ― voire même dès 2011 ― dans le volume total de départ d'appel, si les tendances historiques se poursuivent au même rythme.
De surcroît, les deux types de départ d'appel jouent des rôles concurrentiels très différents et s'insèrent dans des chaînes de valeurs très différentes.
Par conséquent, l'Autorité juge souhaitable de différencier le mode de régulation tarifaire des différentes composantes du départ d'appel.
Il est par ailleurs nécessaire d'imposer à France Télécom, de manière cohérente, une régulation tarifaire sur les prestations associées au départ d'appel ― qui sont également associées à la terminaison d'appel, car communes. Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ». Ce sera l'objet de la section IV.6.1.
IV.5.1. Obligation d'orientation vers les coûts des tarifs des prestations
de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit
La fourniture de prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit a été imposée à France Télécom comme remède à une position durable de puissance sur le marché de détail de l'accès. Ce remède vise à permettre à la concurrence de se développer sur les marchés de détail des communications.
France Télécom est ainsi le seul opérateur à fournir ces prestations. L'Autorité note que l'absence d'obligation d'orientation vers les coûts sur ces prestations pourrait permettre à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à sa position dominante sur le départ d'appel et à sa position sur l'ensemble des marchés de détail de la téléphonie fixe. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés. De plus, une absence d'obligation d'orientation vers les coûts aboutirait, par effet de discrimination entre ventes internes et externes, à une distorsion des conditions économiques prévalant pour France Télécom et les opérateurs alternatifs sur les marchés aval des communications de détail.
L'Autorité estime donc que les tarifs des prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit de France Télécom doivent refléter les coûts. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du CPCE et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Cette obligation concerne donc notamment tous les éléments de l'offre technique et tarifaire de gros « Téléphonie fixe » de France Télécom relatifs aux prestations de départ d'appel.
IV.5.1.1. Modalités de l'obligation d'orientation vers les coûts des tarifs des prestations
de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit
L'Autorité rappelle que les tarifs des prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel régulées sont soumis à des modalités d'orientation vers les coûts distinctes depuis le deuxième cycle d'analyse de marché.
L'Autorité a en effet considéré que, contrairement aux prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit, la prestation de terminaison d'appel relève du principe de l'accès réciproque (« two-way access ») : deux opérateurs s'achètent et se vendent mutuellement des prestations de terminaison d'appel. De plus, cette prestation, si elle est facturée à l'opérateur appelant (et par rebond à l'utilisateur appelant), bénéficie également à l'opérateur appelé (car elle présente une valeur pour l'utilisateur appelé) : elle définit ainsi un marché biface. A l'opposé, les prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit ne sont pas réciproques et ne profitent, a priori, qu'à l'opérateur acheteur (et pas à France Télécom, l'opérateur vendeur).
Ces spécificités des prestations de départ d'appel par rapport à la terminaison d'appel ont conduit à un traitement différencié. Celui-ci se justifie d'autant plus aujourd'hui, avec l'orientation progressive du tarif de terminaison d'appel vers une référence de coûts incrémentaux.
Par ailleurs, pour les produits de sélection du transporteur et d'accès à internet bas débit, les prestations de départ d'appel fournies par France Télécom sont aujourd'hui dans la pratique fondées sur la technologie RTC, sans préjudice des évolutions possibles ultérieures et, par conséquent, pour ces prestations, les références de coûts fondées sur la technologie RTC peuvent apparaître pertinentes pour définir le niveau d'un départ d'appel. Pour autant, pour le départ d'appel comme pour la terminaison d'appel, il est illégitime que les opérateurs acheteurs payent pour les inefficacités de l'opérateur vendeur et chaque prestation doit donc prendre pour référence les coûts qu'encourrait un opérateur efficace pour la produire.
Cette question de la technologie efficace pour la production d'accès principalement téléphoniques est en particulier pertinente au vu de la nécessité d'apprécier le bien-fondé d'un éventuel report sur cette prestation de coûts antérieurement recouvrés au travers de la prestation de terminaison d'appel, ainsi qu'exposé précédemment (cf. IV.4.2.2). Cette question fera l'objet d'un travail de l'Autorité d'ici à la fin de l'année 2011, en concertation avec les opérateurs concernés.
Enfin, les volumes de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit sont en net recul depuis 2004. L'effondrement rapide des volumes, qui devrait se poursuivre selon toute vraisemblance, ne permet pas de prévoir avec fiabilité les évolutions pertinentes de la tarification du départ d'appel. C'est pourquoi l'Autorité n'impose pas d'encadrement tarifaire pluriannuel des tarifs de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit. Conformément à l'article D. 311 I du CPCE, France Télécom devra en revanche « justifier intégralement [ses] tarifs » de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit, a minima sur une base annuelle, à partir notamment des restitutions en coûts complets issues de sa comptabilité réglementaire.
France Télécom n'est pas opposée au maintien de l'obligation d'orientation vers les coûts de ses prestations de départ d'appel de sélection du transporteur (et pour l'accès à internet bas débit) et s'accorde avec l'Autorité concernant la référence pertinente de coût : le coût complet unitaire d'un opérateur RTC (en l'occurrence France Télécom elle-même). France Télécom anticipe en outre que ce coût unitaire de référence « sera amené à évoluer à la hausse durant cette période du troisième cycle d'analyse de marché ».
A l'inverse, l'AFORST et Verizon excluent toute augmentation des tarifs. Elles rappellent notamment que l'Autorité indiquait dans sa décision n° 2008-896 qu'« en effet, compte tenu du progrès technologique et de l'amélioration constante de leur efficacité recherchée par les entreprises, les coûts d'un opérateur efficace ne sont a priori pas voués à augmenter au cours du temps. Par conséquent, les coûts encourus par un opérateur donné à une date donnée représentent, théoriquement et hors circonstances exceptionnelles relatives à des facteurs exogènes, un majorant des coûts d'un opérateur efficace à partir de cette date ».
L'Autorité confirme le fait que les coûts globaux et toutes technologies confondues d'un opérateur efficace ne sont a priori pas voués à augmenter au cours du temps. Par ailleurs, ainsi qu'elle avait pu l'exposer au précédent cycle d'analyse de marché en ce qui concernait alors la terminaison d'appel, « France Télécom ne saurait être fondée à recouvrer auprès des opérateurs tiers [...] des coûts [de migration] qui sont dus à ses propres choix sur le marché de détail, car cela remettrait en cause l'établissement d'une concurrence durable et loyale entre les opérateurs sur les marchés de détail » (49). Pour autant, lorsque, faute de demande et non faute d'efficacité de la part d'un opérateur, un service connaît des baisses significatives de volume, comme c'est le cas des prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit, rien n'exclut une augmentation des coûts unitaires au cours du temps. Par ailleurs, les coûts pertinents pour la fixation des tarifs de ces prestations sont uniquement ceux du réseau RTC, qui ne connait plus de gains d'efficacité significatifs en termes d'achat d'équipements et pourrait a contrario connaître des hausses en matière d'entretien des équipements. Dans ces conditions, il apparaît peu probable que les coûts unitaires de cette prestation ― et donc les tarifs associés ― baissent significativement à l'avenir.
L'Autorité souligne que les considérations exposées à la section IV.4.3.2.2 concernant la structure tarifaire des prestations de terminaison d'appel de France Télécom s'appliquent également à la structure tarifaire de ses prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit.
IV.5.1.2. Obligation d'orientation vers les coûts des tarifs des prestations
d'interconnexion forfaitaire pour l'accès à internet bas débit
L'Autorité rappelle que France Télécom est tenue d'offrir, pour ce cycle, des prestations d'interconnexion forfaitaire pour l'accès à internet bas débit au niveau des points d'interconnexion pertinents ouverts à l'interconnexion.
L'Autorité a justifié et motivé l'imposition d'un contrôle tarifaire sur les prestations de départ d'appel pour l'accès à internet bas débit, sous la forme d'une obligation de reflet des coûts. Cette obligation concerne l'ensemble des prestations d'interconnexion pour l'accès à internet bas débit, qu'elles soient commercialisées à la minute ou au forfait.
Par conséquent, l'Autorité estime justifié et proportionné aux objectifs de l'article L. 32-1 II du CPCE, notamment l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », le développement de la compétitivité ou encore « l'égalité des conditions de concurrence », d'imposer à France Télécom l'obligation de fixer des tarifs d'interconnexion forfaitaire pour l'accès à internet bas débit reflétant les coûts correspondants.
IV.5.2. Interdiction de pratiquer des tarifs excessifs
sur la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA
Contrairement aux prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit, la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA est offerte par l'ensemble des opérateurs contrôlant l'accès à des utilisateurs finals en position déterminée. De plus, comme la terminaison d'appel, la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA définit un marché biface, puisqu'elle présente une utilité aussi bien pour l'opérateur qui la fournit (car son client final ― l'appelant ― bénéficie grâce à elle d'un service qu'il a sollicité) que pour l'opérateur qui l'achète (car son client final ― l'appelé ― est en mesure de fournir un service à l'appelant grâce à elle).
L'Autorité a montré précédemment que la position de France Télécom sur cette composante du départ d'appel était de moins en moins asymétrique vis-à-vis de celle des opérateurs alternatifs, avec notamment une part de marché en valeur désormais inférieure à 50 %. Néanmoins, France Télécom reste le premier fournisseur de la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA. France Télécom reste en outre en première position sur le marché, en amont dans la chaîne de valeur, de la collecte de communications à destination de numéros SVA : elle bénéficie à ce titre de gains d'intégration verticale.
Par conséquent, l'Autorité considère que la régulation de la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA reste limitée à France Télécom mais peut être allégée pour entamer un mouvement de convergence progressive, au rythme de l'évolution du marché, dans le sens d'une plus grande symétrie vis-à-vis des opérateurs alternatifs.
Or, ces derniers se voient en effet imposer, par la décision symétrique n° 2007-213 (50) (qui s'applique également à France Télécom), l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, aussi bien en termes techniques que tarifaires. L'Autorité lève donc pour les communications à destination de numéros SVA l'obligation d'orientation vers les coûts des tarifs de départ d'appel de France Télécom en vigueur jusqu'alors et impose à la place pour le prochain cycle d'analyse de marché à France Télécom l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs.
IV.5.2.1. Modalités de l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs
sur la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA
L'Autorité estime que l'allégement de la régulation doit se traduire par une évolution progressive, au rythme de l'évolution prévisible du marché et des positions des opérateurs, et qu'il n'est pas pertinent que l'écart entre les tarifs de départ d'appel à destination de numéros SVA de France Télécom et ceux des alternatifs soit réduit de façon trop brutale. En effet, les facteurs qui ont justifié une asymétrie par le passé (notamment l'avantage concurrentiel historique pour France Télécom de disposer d'un large parc de clients déjà constitué, qui est encore majoritaire aujourd'hui) n'auront pas totalement disparu d'ici à la fin de ce cycle d'analyse des marchés : une période de transition doit être définie. De plus, il est nécessaire de donner au secteur suffisamment de visibilité sur leurs revenus (dans le cas de France Télécom) et charges de départ d'appel (dans le cas des autres opérateurs) et de ne pas remettre en cause leurs stratégies d'investissement. C'est pourquoi l'Autorité précise ci-après l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs susmentionnée au moyen d'un encadrement tarifaire pluriannuel explicite.
L'Autorité a rappelé supra que les opérateurs acheteurs n'ont pas à subir les inefficacités éventuelles des opérateurs fournissant la prestation de départ d'appel. Par conséquent, la référence de coûts pertinente pour la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA est, comme pour la terminaison d'appel, celle d'un opérateur générique efficace disposant d'un réseau NGN (puisque la prestation peut effectivement être fournie sur un tel réseau). Toutefois, contrairement à la terminaison d'appel, dans le cadre de la structure actuelle des tarifs de détail des communications à destination de numéros SVA (modèle dit « P »), l'opérateur fournissant la prestation de départ d'appel n'étant pas en mesure de se rémunérer sur le marché de détail (auprès de l'appelant dans ce cas) pour l'acheminement de la communication téléphonique, l'intégralité de ses coûts doit être recouvrée sur le marché de gros. Une référence aux coûts complets de l'opérateur générique efficace doit donc être retenue comme pertinente. En pratique, les prestations de terminaison d'appel et de départ d'appel font appel aux mêmes éléments réseau : les coûts complets des deux prestations sont donc identiques. Le modèle de coût technico-économique public développé par l'Autorité décrit à la section IV.4.2.3 fournit par conséquent une référence de coûts pertinente pour la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA.
Parallèlement, l'Autorité s'attend à ce que les tarifs de départ d'appel à destination de numéros SVA des opérateurs alternatifs diminuent régulièrement au cours du prochain cycle d'analyse de marché, au regard notamment des motifs développés dans la décision n° 2010-1351 de l'Autorité (51), qui rappelle et précise la portée de la décision symétrique n° 2007-0213 du 16 avril 2007. En particulier, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables appelle à pratiquer un tarif raisonnable, ce qui implique a minima une juste répercussion des baisses de coût attendues de la part d'un opérateur efficace pour la fourniture de cette prestation. Par conséquent, l'écart tarifaire devrait avoir notablement réduit d'ici à la fin de ce cycle d'analyse de marché (2014). Cette tendance pourrait donner lieu à une symétrie effective des régimes de régulation des départs d'appel à destination de numéros SVA de France Télécom et des opérateurs alternatifs au quatrième cycle d'analyse de marché (2014-2017).
IV.5.2.2. Paramètres de l'encadrement pluriannuel des tarifs de la prestation
de départ d'appel à destination de numéros SVA
Au regard du coût complet réseau en sortie du modèle d'opérateur générique efficace pour les années 2011 et 2013, précisés ci-avant en partie IV.4.2.4.2, le coût complet de terminaison d'appel fixe pour un opérateur générique efficace sur la période considérée par la présente décision se situe entre 0,11 et 0,15 c€/min. Ce coût complet correspond également à celui de production d'une prestation de départ d'appel.
Par contraste, le tarif actuel de départ d'appel à destination de numéros SVA de France Télécom est de 0,445 c€/min. Ce niveau reflète les coûts de production d'un départ d'appel essentiellement sur RTC, en accord avec l'obligation à laquelle est aujourd'hui soumise le départ d'appel de France Télécom, indifférenciée entre départ d'appel de sélection du transporteur et départ d'appel à destination de numéros SVA. Or, ainsi qu'il l'a été exposé précédemment, le départ d'appel à destination de numéros SVA est de manière croissante produit sur IP. Il apparaîtrait ainsi excessif que le tarif de France Télécom reste constant au cours de ce cycle, à un niveau significativement supérieur à la référence efficace NGN. L'Autorité estime au contraire proportionné que l'évolution future de ce tarif traduise une partie au moins des gains d'efficacité réalisés par France Télécom au cours du cycle, via une baisse limitée mais non nulle des tarifs, tout en laissant à France Télécom le bénéfice d'une part de ces gains d'efficacité au titre de la transition d'une obligation d'orientation vers les coûts à une obligation de non excessivité (ce qui signifie que l'écart entre le tarif de la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA de France Télécom et les coûts efficaces correspondants, nul jusqu'à présent, va aller s'accroissant entre le début et la fin du cycle). Cette baisse aura lieu au 1er janvier de chaque année, date anniversaire historique des évolutions tarifaires du service.
L'Autorité souligne par ailleurs que les considérations exposées à la section IV.4.3.2.2 concernant la structure tarifaire des prestations de terminaison d'appel fixe s'appliquent également à la structure tarifaire des prestations de départ d'appel à destination de numéros SVA fournies par France Télécom.
IV.5.2.3. Conclusion
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les tarifs récurrents de départ d'appel à destination de numéros SVA de France Télécom ne devront pas excéder les niveaux moyens suivants :
0,43 centime d'euro par minute à compter du 1er janvier 2012 ;
0,415 centime d'euro par minute à compter du 1er janvier 2013 ;
0,4 centime d'euro par minute à compter du 1er janvier 2014.
Les modalités précises d'encadrement et de calcul de cette moyenne sont précisées dans la section IV.5.2.2.
IV.5.3. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant les obligations tarifaires imposées à France Télécom sur le marché du départ d'appel en position déterminée.
IV.6. Contrôle des tarifs des prestations associées aux prestations d'interconnexion
IV.6.1. Contrôle des tarifs des prestations associées
aux prestations d'interconnexion de France Télécom
Un contrôle tarifaire doit être imposé sur les tarifs des prestations qui sont associées aux prestations d'interconnexion de France Télécom, et de manière cohérente au contrôle tarifaire de ces mêmes prestations. Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ».
IV.6.1.1. Obligation d'orientation vers les coûts des prestations associées
de raccordements des sites d'interconnexion et d'accès
S'agissant des prestations d'accès aux sites d'interconnexion et d'accès, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur acheteur ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées, c'est-à-dire moyennant un tarif reflétant les coûts.
En particulier, la prestation de colocalisation revêt un caractère essentiel pour les opérateurs souhaitant s'interconnecter avec France Télécom, car ceux-ci sont dans l'obligation d'acheter cette prestation pour joindre les utilisateurs finals de France Télécom. En effet, les offres de liaisons d'interconnexion des opérateurs alternatifs s'appuient inter alia sur une prestation de colocalisation achetée par l'opérateur alternatif vendant la liaison d'interconnexion.
L'Autorité constate en revanche que les prestations de liaisons de raccordement (LR) de France Télécom sont réplicables par les opérateurs alternatifs raccordés en colocalisation aux points d'interconnexion de France Télécom sous forme d'offres de liaisons d'interconnexion (LI). L'Autorité constate notamment que l'offre de colocalisation est disponible sur l'ensemble des points d'interconnexion de France Télécom et en particulier à tous les commutateurs d'abonnés. Ces offres de LI exercent une pression concurrentielle suffisante et complète (en ce qu'elles peuvent être offertes pour tous les points) sur la fixation du niveau des tarifs de LR de France Télécom. L'Autorité estime donc proportionné de maintenir, pour ces prestations, l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs ou évictifs.
France Télécom indique que, comme tous les sites d'interconnexion de France Télécom sont ouverts à la colocalisation, il n'y a pas lieu de distinguer la régulation des prestations de LR et d'interconnexion en ligne (dite « in-span »). L'offre « in-span » de France Télécom est donc réplicable par les opérateurs ayant souscrit des offres de colocalisation auprès de France Télécom. L'Autorité maintient donc également l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs ou évictifs sur les offres d'« in-span ».
Enfin, pour répondre à l'obligation de France Télécom de proposer une offre de sécurisation de l'acheminement des flux aux points d'interconnexion, celle-ci doit proposer une offre de raccordement à tous les sites d'interconnexion et d'accès utilisés (entre autres) pour la sécurisation sur laquelle pèsent les mêmes obligations que sur l'offre de raccordement aux points d'interconnexion pertinents pour les prestations d'interconnexion. En particulier, dans le cas de l'interconnexion au niveau des CA, France Télécom doit proposer une offre de raccordement à tous les sites d'interconnexion et d'accès de niveau hiérarchique supérieur (centres de transit).
L'Autorité, au regard des mêmes objectifs que ceux poursuivis pour les prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel, impose donc à France Télécom l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts pour ces prestations associées, à l'exception de l'offre de liaison de raccordement et de l'offre d'« in-span » pour lesquelles elle impose l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs ou évictifs.
Pour les mêmes raisons, France Télécom doit fournir les prestations nécessaires à la sélection du transporteur à des tarifs reflétant les coûts correspondants.
IV.6.1.2. Interdiction de pratiquer des tarifs excessifs pour la prestation de reversement
associée à la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA
L'Autorité a précisé dans sa décision n° 2007-213 de régulation symétrique en date du 16 avril 2007 que la commercialisation de numéros SVA repose sur une règle de reversement qui détermine un partage raisonnable de la rémunération entre l'opérateur départ et l'exploitant du numéro SVA.
Un niveau de partage raisonnable s'entend comme un partage reflétant le fait que le service est fourni à l'appelant conjointement par l'opérateur départ et par le prestataire de service. Il est donc le fruit d'une négociation entre les parties et doit constituer une répartition juste de la valeur ajoutée.
Selon l'Autorité, une obligation de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts serait peu appropriée compte tenu des prestations variées, de nature essentiellement commerciale, qui, au-delà du simple acheminement d'une communication à destination de numéros SVA sont celles attachées aux modalités de commercialisation (i.e. facturation, encaissement, recouvrement, publication des tarifs associés à sa grille tarifaire, relation clientèle dont la gestion des réclamations et reversement d'une partie des sommes perçues à l'exploitant du numéro SVA). En outre, compte tenu de la coopération nécessaire entre l'opérateur départ et le fournisseur de service pour assurer l'accès aux numéros SVA, il apparaît peu justifié de contraindre seulement l'une des parties à cette coopération par l'obligation de fournir sa participation à des prix reflétant les coûts.
L'Autorité avait par suite imposé à France Télécom, dans sa décision n° 2008-896 d'analyse de marché, l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs sur les taux de rétention (encore appelés « peines et soins ») qu'elle applique en contrepartie de sa prestation de reversement, complétant ainsi l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables de reversement imposée par la décision n° 2007-213 aux opérateurs départ pour les communications à destination de numéros SVA. L'Autorité estime qu'il est proportionné de maintenir cette obligation.
De plus, l'Autorité rappelle que le caractère non excessif peut être notamment évalué à l'aune du niveau des taux habituellement appliqués sur le marché français. Il est également possible de recourir à des comparaisons internationales pour des prestations comparables mais l'existence de fortes adhérences aux contextes juridiques et économiques nationaux rend difficile et limite la pertinence de l'exercice. Une entreprise telle que France Télécom qui exerce une influence significative sur le marché de gros du départ d'appel et sur les marchés de détail de l'accès est réputée pratiquer des tarifs excessifs notamment lorsqu'elle utilise sa puissance de marché pour élever ses prix significativement au-dessus de ses coûts sans rapport avec sa contribution dans la création de valeur ajoutée liée à la commercialisation des communications à destination de numéros SVA. Les profits dégagés sont alors supérieurs à ceux qui seraient attendus sur un marché concurrentiel et permettent la constitution d'une rente pour l'opérateur puissant, au détriment de l'utilisateur final ou de la concurrence sur d'autres marchés.
Cette obligation est donc proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du CPCE et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».
IV.6.2. Contrôle des tarifs des prestations associées aux prestations d'interconnexion
des opérateurs puissants sur les marchés de gros de la terminaison d'appel, autres que France Télécom
Un contrôle tarifaire doit être imposé sur les tarifs des prestations qui sont associées aux prestations de terminaison des opérateurs alternatifs, et de manière cohérente au contrôle tarifaire de ces mêmes prestations. Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ».
S'agissant plus particulièrement des prestations d'accès aux sites d'interconnexion, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur acheteur ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées, c'est-à-dire moyennant un tarif reflétant les coûts.
En particulier, la prestation de colocalisation revêt un caractère essentiel pour tout opérateur souhaitant s'interconnecter avec un opérateur fournissant des prestations de terminaison d'appel, car l'achat de cette prestation est indispensable pour joindre les utilisateurs finals de ce dernier. En effet, l'alternative consiste à faire appel aux offres de liaisons d'interconnexion fournies par des opérateurs tiers. Or, ces offres tierces s'appuient inter alia sur une prestation de colocalisation achetée par l'opérateur tiers vendant la liaison d'interconnexion.
L'Autorité, au regard des mêmes objectifs que ceux poursuivis pour les prestations « de base » de terminaison d'appel, impose donc aux opérateurs puissants sur les marchés de gros de la terminaison d'appel autres que France Télécom, l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts pour les prestations associées.
IV.6.3. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant le contrôle des tarifs des prestations associées aux prestations d'interconnexion.
IV.7. Obligations comptables imposées à France Télécom
En raison de l'influence significative qu'elle exerce sur les marchés de gros de la terminaison d'appel et du départ d'appel, France Télécom est soumise à des obligations, notamment tarifaires. La mise en œuvre de ces obligations est associée à l'imposition de l'obligation de comptabilisation des coûts, qui après spécification des règles, permet à l'Autorité de développer un référentiel de coûts robuste de France Télécom et, en se dotant d'un outil de modélisation complémentaire, d'apprécier son efficacité.
En effet, l'article L. 38-I (5°) du CPCE précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des télécommunications électroniques peuvent se voir imposer [...] [d'] isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ».
Le caractère intégré et le positionnement de France Télécom sur les marchés des communications électroniques peuvent se traduire par des pratiques discriminatoires sur les marchés de gros et de détail, qui peuvent être mis sous surveillance grâce notamment à l'imposition sur les marchés de gros d'une obligation de séparation comptable.
L'obligation de séparation comptable est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier les 2°, 3° et 4°. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de subventions croisées.
Les modalités de mise en œuvre de l'obligation de séparation comptable ont été précisées dans la décision n° 2006-1007 en date du 7 décembre 2006 portant sur les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à France Télécom. L'Autorité estime qu'il convient de maintenir les dispositions prévues par la décision n° 2006-1007 concernant les marchés de la téléphonie fixe au cours du prochain cycle d'analyse de marché, sans préjudice de toute décision ultérieure.
Au titre des obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposées au niveau des marchés de l'accès et de l'interconnexion, la décision n° 2006-1007 impose à France Télécom de produire des comptes relatifs aux marchés de détail situés en aval, c'est-à-dire les marchés de détail de l'accès et les marchés de détail des communications.
Ainsi, l'article 18 de la décision n° 2006-1007 impose à France Télécom « de produire un compte séparé et un état du capital immobilisé par marché de gros où l'obligation de séparation comptable s'applique et par marché de détail où France Télécom a été déclarée puissante [...] ». France Télécom est par conséquent tenue, au titre des obligations de séparation comptable, de continuer de publier des comptes séparés correspondant à chaque gamme d'offre incluse dans chacun des deux marchés de détail de l'accès.
Par ailleurs, l'article 20 de la même décision précise que « lorsque des offres de détail de France Télécom reposent sur des protocoles d'approvisionnement en offres de gros sans toutefois appartenir à un marché de détail pertinent défini par les analyses de marché de l'Autorité et sur lequel France Télécom aurait été déclarée puissante, celle-ci doit produire un compte séparé et un état du capital immobilisé selon un périmètre permettant de vérifier le respect de l'obligation de non-discrimination et l'absence de subventions croisées abusives et cohérent avec les principes du droit de la concurrence ». L'Autorité note donc que bien que les marchés de détail des communications ne soient plus pertinents pour l'application d'une régulation ex ante, France Télécom reste dans l'obligation de lui fournir des comptes séparés relatifs aux prestations de ces marchés, selon des périmètres cohérents avec les principes du droit de la concurrence. En pratique, l'Autorité estime qu'il conviendrait d'effectuer cet exercice sur une partition de l'ensemble des offres de détail de communications semblable à celle définit lors des précédents cycles d'analyse des marchés : un marché des communications nationales et un marché des communications internationales, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et la clientèle non résidentielle, d'autre part. Les restitutions établies au titre de l'article 20 ne donnent pas lieu à publication, contrairement à celles prévues par l'article 18 de la décision n° 2006-1007.
Enfin, la décision n° 2007-0667 en date du 6 septembre 2007 a étendu les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts pesant sur France Télécom à son offre de reversement, laquelle constitue une prestation associée aux prestations du marché du départ d'appel, déjà soumis à cette obligation. Cette extension demeure justifiée et proportionnée dans le cadre de la présente analyse de marché.
Les contributeurs à la première consultation publique sont revenus sur deux questions concernant ces obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts. D'une part, ils s'interrogent sur l'opportunité de mutualiser les coûts de développement des offres de gros (notamment la VGAST, cf. supra) sur l'ensemble des produits de gros et de détail vendus par l'opérateur historique. D'autre part, ils mettent en doute la méthode d'annualisation des coûts investissements retenue par l'Autorité pour le calcul des coûts et la fixation subséquente des tarifs des prestations régulées de France Télécom, notamment le départ d'appel et la VGAST.
Concernant la mutualisation des coûts de développement, l'Autorité signale que cette réflexion n'est pas limitée aux services téléphoniques fixes. Elle est à envisager dans un cadre plus large, multi-produits. L'Autorité a ainsi entamé début 2011 un chantier ad hoc intitulé « non-discrimination renforcée ».
Concernant la méthode d'annualisation des coûts investissements, l'Autorité a lancé le 29 mars 2011 une consultation publique spécifique. Les contributeurs intéressés par le sujet sont invités à y répondre.
L'Autorité précisera, en tant que de besoin, par une ou plusieurs décisions ad hoc, les modalités de comptabilisation des coûts d'investissements et de tarification des prestations à l'issue des travaux évoqués ci-dessus.
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant les obligations comptables imposées à France Télécom.
Décide :