C O N V E N T I O N
D'EXTRADITION ENTRE
LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE ROYAUME DU MAROC
La République française
et
le Royaume du Maroc,
ci-dessous désignés les Parties,
Désireux d'établir une coopération plus efficace dans le domaine de l'extradition,
Sont convenus des dispositions suivantes :
Article 1
Obligation d'extrader
Les deux Parties s'engagent à se livrer réciproquement, selon les dispositions de la présente Convention, toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux Etats, est poursuivie pour une infraction pénale ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par les autorités judiciaires de l'autre Etat, comme conséquence d'une infraction pénale.
Article 2
Faits donnant lieu à extradition
1. Donnent lieu à extradition les faits punis par les lois de la Partie requérante et de la Partie requise d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins deux ans ou d'une peine plus sévère. Si l'extradition est demandée en vue de l'exécution d'un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois.
2. Si la demande d'extradition vise plusieurs faits distincts punis chacun par la législation des deux Etats, mais dont certains ne remplissent pas les conditions prévues par le paragraphe 1, la Partie requise peut également accorder l'extradition pour ces faits.
3. Pour les infractions en matière de taxes, d'impôts, de douane et de change, l'extradition est accordée dans les conditions prévues par la présente Convention.
Article 3
Refus d'extradition
1. L'extradition n'est pas accordée :
a) pour les infractions considérées par la Partie requise comme des infractions politiques ou comme des faits connexes à de telles infractions. Toutefois, aux fins de la présente Convention, ne sont pas considérées comme des infractions politiques, l'atteinte à la vie dirigée contre la personne d'un chef d'Etat de l'une des Parties, ou d'un membre de sa famille, toute tentative ou complicité d'une telle infraction, ainsi que toute infraction pour laquelle les deux Parties ont l'obligation, en vertu d'un accord ou d'une convention multilatéral, d'extrader la personne réclamée ou de soumettre le cas aux autorités compétentes pour décider des poursuites ;
b) lorsque la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'étre aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ;
c) lorsque la personne réclamée serait jugée dans la Partie requérante par un tribunal d'exception ou lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal ;
d) lorsque l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction exclusivement militaire ;
e) lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans la Partie requise d'un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d'acquittement, pour la ou les infractions à raison desquelles l'extradition est demandée ;
f) lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de la Partie requise. Les actes effectués dans la Partie requérante qui ont pour effet d'interrompre ou de suspendre la prescription sont pris en compte par la Partie requise, dans la mesure où sa législation le permet ;
g) Si la demande d'extradition se rapporte à l'exécution d'une peine résultant d'une décision judiciaire rendue par défaut à laquelle la personne réclamée n'a pas acquiescé et que son droit d'exercer le recours en opposition n'est pas garanti après l'extradition.
2. L'extradition peut être refusée :
a) si la personne réclamée a fait l'objet, de la part de la Partie requise, de poursuites pour la ou les infractions à raison de laquelle l'extradition est demandée ou si les autorités judiciaires de la Partie requise ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu'elles ont exercées pour la ou les mêmes infractions ;
b) si conformément à la législation de la Partie requise, il incombe à ses tribunaux de connaître de l'infraction pour laquelle elle a été demandée ;
c) si la personne réclamée a fait l'objet d'un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d'acquittement dans un Etat tiers pour l'infraction ou les infractions à raison desquelles l'extradition est demandée ;
d) si l'infraction motivant la demande d'extradition a été commise hors du territoire de la Partie requérante et que la législation de la Partie requise n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ;
e) pour des considérations humanitaires, si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, en raison de son âge ou de son état de santé.
Article 4
Extradition des nationaux
1. L'extradition n'est pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de la Partie requise. La qualité de national s'apprécie à la date de commission des faits.
2. Si l'extradition est refusée pour la seule raison de la nationalité de la personne réclamée, la Partie requise doit, conformément à sa législation et sur dénonciation des faits par la Partie requérante, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. A cet effet, les documents, rapports et objets relatifs à l'infraction sont adressés gratuitement par la voie prévue au paragraphe 1 de l'article 6 et la Partie requérante est informée de la décision intervenue.
Article 5
Peine capitale
Si la peine encourue dans la législation de la Partie requérante pour les faits à raison desquels l'extradition est demandée est la peine capitale, cette peine est remplacée de plein droit, en vertu de la présente Convention, par la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation de la Partie requise.
Article 6
Procédure d'extradition et pièces à produire
1. La demande d'extradition et toutes correspondances ultérieures sont transmises par la voie diplomatique.
2. La demande d'extradition doit être formulée par écrit et accompagnée :
a) de l'original ou de l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la Partie requérante ;
b) dans tous les cas où une peine a été prononcée, d'une déclaration relative au reliquat de la peine restant à exécuter ;
c) d'un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée, du lieu et de la date de leur perpétration, de leur qualification légale et des références aux dispositions légales qui leur sont applicables, indiqués le plus exactement possible ;
d) les textes des dispositions légales applicables à l'infraction ou aux infractions pour lesquelles l'extradition est demandée, les peines correspondantes et les délais de prescription. Lorsqu'il s'agit d'infractions commises hors du territoire de la Partie requérante, le texte des dispositions légales ou conventionnelles attribuant compétence à ladite Partie ;
e) du signalement aussi précis que possible de la personne réclamée et de tous autres renseignements de nature à déterminer son identité et sa nationalité et, si possible, des éléments permettant sa localisation.
Article 7
Complément d'informations
Si les informations ou documents communiqués par la Partie requérante se révèlent insuffisants pour permettre à la Partie requise de prendre une décision en application de la présente Convention, cette dernière Partie demande le complément d'informations nécessaire et peut fixer un délai pour leur obtention. Ce délai ne peut être inférieur à vingt jours à compter de la date de réception de la demande. Les informations ou documents complémentaires sont demandés et fournis par le moyen de la communication directe entre le ministère de la justice français et le ministère de la justice marocain.
Article 8
Règle de la spécialité
1. La personne qui aura été extradée ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté, ni soumise à toute autre restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l'extradition, sauf dans les cas suivants :
a) lorsque la Partie qui l'a livrée y consent. Une demande sera présentée à cet effet, accompagnée des pièces prévues à l'article 6 et d'un procès-verbal judiciaire consignant les déclarations de la personne extradée, Ce consentement sera donné lorsque l'infraction pour laquelle il est demandé entraîne elle-même l'obligation d'extrader aux termes de la présente Convention ;
b) lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, la personne extradée n'a pas quitté le territoire de la Partie à laquelle elle a été livrée dans les quarante-cinq jours qui suivent son élargissement définitif, ou si elle y est retournée après l'avoir quitté.
2. Toutefois, la Partie requérante peut prendre les mesures nécessaires en vue d'une part d'un renvoi éventuel du territoire, d'autre part d'une interruption de la prescription conformément à sa législation, y compris le recours à une procédure par défaut.
3. Lorsque la qualification légale d'une infraction pour laquelle une personne a été extradée est modifiée au cours de la procédure, cette personne ne sera poursuivie ou jugée que si l'infraction nouvellement qualifiée :
a) peut donner lieu à extradition dans les conditions de la présente Convention ;
b) vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée ;
c) est punie d'une peine d'un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée.
Article 9
Réextradition vers un Etat tiers
Sauf dans le cas prévu au paragraphe 1, alinéa b) de l'article 8, la réextradition au profit d'un Etat tiers ne peut être accordée sans le consentement de la Partie qui a accordé l'extradition. Cette Partie peut exiger la production des pièces prévues au paragraphe 2 de l'article 6.
Article 10
Arrestation provisoire
1. En cas d'urgence, les autorités compétentes de la Partie requérante peuvent demander l'arrestation provisoire de la personne recherchée.
2. La demande d'arrestation provisoire indique l'existence d'une des pièces prévues au paragraphe 2, alinéa a) de l'article 6 et fait part de l'intention d'envoyer une demande d'extradition. Elle mentionne également l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée, la date, le lieu et les circonstances de sa commission ainsi que, dans la mesure du possible, les renseignements permettant d'établir l'identité et la nationalité de la personne recherchée, ainsi que son signalement.
3. La demande d'arrestation provisoire est transmise aux autorités compétentes de la Partie requise soit par la voie diplomatique, soit directement par la voie postale ou télégraphique, soit par l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), soit par tout autre moyen laissant une trace écrite ou admis par la Partie requise.
4. Les autorités compétentes de la Partie requise donnent suite à cette demande conformément à leur législation. La Partie requérante est informée sans délai de la suite donnée à sa demande.
5. L'arrestation provisoire prend fin si, dans un délai de quarante jours après l'arrestation, la Partie requise n'a pas été saisie de la demande d'extradition et des pièces mentionnées à l'article 6. Toutefois, la mise en liberté provisoire de la personne réclamée est possible à tout moment, à condition que la Partie requise prenne toute mesure qu'elle estime nécessaire en vue d'éviter la fuite de cette personne.
6. La mise en liberté ne s'oppose pas à une nouvelle arrestation et à l'extradition de la personne réclamée si la demande officielle et les pièces visées à l'article 6 parviennent ultérieurement.
Article 11
Concours de requêtes
Si l'extradition est demandée concurremment par plusieurs Etats, soit pour le même fait, soit pour des faits différents, la Partie requise statue compte tenu de toutes circonstances et notamment de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d'une extradition ultérieure à un autre Etat.
Article 12
Décision et remise
1. La Partie requise fait connaître dans les meilleurs délais à la Partie requérante par la voie prévue au paragraphe 1 de l'article 6, sa décision sur l'extradition.
2. En cas de rejet, complet ou partiel, de la demande, la Partie requise indique le motif de sa décision. Sur demande, la Partie requise communique la copie des décisions judiciaires pertinentes.
3. En cas d'acceptation, les autorités des Parties conviennent de la date et du lieu de la remise de la personne réclamée. La Partie requise communique également à la Partie requérante la durée de la détention subie par la personne réclamée en vue de son extradition.
4. Si la personne réclamée n'est pas reçue dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date fixée pour sa remise, elle doit être mise en liberté et la Partie requise peut, par la suite, refuser son extradition pour les mêmes faits.
5. En cas de force majeure empêchant la remise ou la réception de la personne à extrader, la Partie affectée en informe l'autre Partie ; les deux Parties conviennent d'une nouvelle date pour la remise et les dispositions du paragraphe 4 sont applicables.
Article 13
Remise temporaire ou ajournée
1. La Partie requise peut, après avoir accepté l'extradition, différer la remise de la personne réclamée lorsqu'il existe des procédures en cours à son encontre ou lorsqu'elle purge sur le territoire de la Partie requise une peine pour une infraction autre, jusqu'à la conclusion de la procédure ou l'exécution de la peine qui lui a été infligée.
2. Au lieu de différer la remise, la Partie requise peut remettre temporairement la personne réclamée à la Partie requérante, dans des conditions à déterminer d'un commun accord entre les Parties.
3. La remise peut également être différée lorsque, en raison de l'état de santé de la personne réclamée, le transfert est susceptible de mettre sa vie en danger ou d'aggraver son état.
Article 14
Saisie et remise d'objets
1. A la demande de la Partie requérante, la Partie requise saisit et remet, dans la mesure permise par sa législation, les objets, valeurs ou documents liés à l'infraction qui peuvent servir de pièces à conviction ou qui, provenant de l'infraction, ont été trouvés au moment de l'arrestation en la possession de la personne réclamée ou seraient découverts ultérieurement.
2. Lorsque l'extradition est accordée, la Partie requise, en application de sa législation interne, ordonne la remise des objets saisis même si la remise de la personne réclamée ne peut avoir lieu en raison de son décès, de sa disparition ou de son évasion.
3. Lorsque lesdits objets sont susceptibles de saisie ou de confiscation sur le territoire de la Partie requise, cette dernière peut, aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution.
4. Lorsque la Partie requise ou des tiers ont des droits sur les objets remis à la Partie requérante aux fins d'un procès pénal, ces objets sont restitués le plus tôt possible et sans frais à la Partie requise, conformément aux dispositions du présent article.
Article 15
Transit
1. Le transit à travers le territoire de l'une des Parties d'une personne qui n'est pas ressortissante de cet Etat, remise à l'autre Partie par un Etat tiers, est accordé sur présentation par la voie diplomatique, de l'un quelconque des documents visés au paragraphe 2 de l'article 6, à condition que des raisons d'ordre public ne s'y opposent pas ou qu'il ne s'agisse pas d'infractions pour lesquelles l'extradition n'est pas accordée en application de l'article 3.
2. Le transit peut être refusé dans tous les autres cas de refus d'extradition.
3. La garde de la personne dont le transit est demandé incombe aux autorités de la Partie de transit tant qu'elle se trouve sur son territoire.
4. Dans le cas où la voie aérienne est utilisée, il est fait application des dispositions suivantes :
a) lorsqu'aucun atterrissage n'est prévu, la Partie requérante avertit la Partie dont le territoire doit être survolé, et atteste l'existence d'un des documents prévus au paragraphe 2 de l'article 6. Dans le cas d'atterrissage fortuit, cette notification produit les effets de la demande d'arrestation provisoire visée à l'article 10 et la Partie requérante adresse une demande régulière de transit ;
b) lorsqu'un atterrissage est prévu, la Partie requérante adressera une demande régulière de transit.
5. La Partie requérante rembourse à la Partie de transit tous les frais qui auraient pu être engagés à cet effet.
Article 16
Langues à employer et authentification des documents
1. Les demandes d'extradition et les documents qui les accompagnent sont adressés indifféremment dans la langue de la Partie requérante, ou dans celle de la Partie requise.
2. Les pièces et documents transmis en application de la présente Convention seront dispensés de toutes formalités de légalisation.
Article 17
Frais
1. Les frais occasionnés par l'extradition sur le territoire de la Partie requise seront à la charge de cette Partie.
2. Les frais occasionnés par le transit à travers le territoire de la Partie requise du transit seront à la charge de la Partie requérante.
Article 18
Relations avec d'autres accords
La présente Convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements des Parties résultant de tout autre traité, convention ou accord.
Article 19
Consultations
Les Parties se consultent sur l'interprétation et l'application de la présente Convention par la voie diplomatique.
Article 20
Dispositions particulières
Les dispositions du Titre III de la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, faite à Paris le 5 octobre 1957, ainsi que l'échange de lettres franco-marocain pour l'application de l'article 34 de ladite Convention signé à Rabat les 16 novembre 1970 et 4 janvier 1971, sont abrogés.
Article 21
Dispositions finales
1. Chacune des Parties notifiera à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises en ce qui la concerne pour l'entrée en vigueur de la présente Convention.
2. La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification.
3. L'une ou l'autre des Parties pourra dénoncer à tout moment la présente Convention en adressant à l'autre, par la voie diplomatique, une notification de dénonciation. La dénonciation prendra effet le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de ladite notification.
4. Les dispositions de la présente Convention s'appliquent aux demandes d'extradition présentées postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la Convention, que les faits aient été commis avant ou après cette date.
EN FOI DE QUOI, les soussignés, dûment autorisés, ont signé la présente Convention.
FAIT à Rabat le 18 avril 2008, en double exemplaire, en langues française et arabe, les deux textes faisant également foi.
Pour la République française :
Bernard Kouchner
Le ministre des affaires étrangères
et européennes
Pour le Royaume du Maroc :
Abdelwahad Radi
Le ministre de la justice