SOMMAIRE
1. Introduction
1.1. Processus d'analyse des marchés
1.2. Démarche suivie par l'Autorité
1.3. Durée d'application de la décision
1.4. Cadre d'analyse et définition des termes employés
1.4.1. Le haut débit fixe
1.4.2. Le très haut débit fixe
1.4.3. Marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire
1.4.4. Définition des termes employés
1.4.4.1. Le dégroupage de la boucle locale
1.4.4.2. L'accès aux infrastructures de génie civil
1.4.4.3. L'accès à la fibre passive
2. Définition du marché pertinent
2.1. Délimitation du marché en termes de produits et services
2.1.1. Principes
2.1.2. Analyse de substituabilité sur le segment des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit
2.1.2.1. Substituabilité entre les différents modes de dégroupage
2.1.2.2. Substituabilité entre l'accès à la boucle et l'accès à la sous-boucle
2.1.2.3. Substituabilité avec les offres d'accès au câble coaxial
2.1.2.4. Substituabilité avec les offres de gros d'accès haut débit activées
2.1.3. Analyse de substituabilité sur le segment des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit
2.1.3.1. Substituabilité avec d'autres supports physiques pouvant accueillir ou supporter des réseaux de communications électroniques
2.1.3.2. Substituabilité avec les offres passives de mise à disposition de fibre optique
2.1.4. Analyse de substituabilité entre segments du haut débit et du très haut débit
2.2. Délimitation géographique du marché
2.2.1. Principes
2.2.2. Analyse
2.3. Pertinence du marché au regard de la régulation sectorielle
2.4. Conclusion
3. Désignation d'un opérateur exerçant une influence significative
3.1. Principes généraux relatifs à la détermination des conditions caractérisant une situation d'influence significative sur un marché
3.2. Analyse de l'Autorité
3.2.1. Indicateurs quantitatifs
3.2.2. Critères qualitatifs
3.2.2.1. L'occupation du domaine public routier
3.2.2.2. L'utilisation de techniques de génie civil allégé
3.2.2.3. L'occupation du domaine public non routier
3.2.2.4. L'accès aux poteaux de distribution d'électricité
3.2.2.5. L'offre de fibre optique du câblo-opérateur
3.3. Conclusion
4. Obligations imposées à l'opérateur exerçant une influence significative
4.1. Principes généraux relatifs à la détermination des obligations imposées à l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché
4.2. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
4.2.1. Obligation générique
4.2.1.1. Obligation générique de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
4.2.1.2. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès pour le haut débit
4.2.1.3. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès pour le très haut débit
4.2.1.4. Obligation générique de faire droit aux demandes raisonnables d'accès aux prestations connexes
4.2.1.5. Cas des infrastructures dont France Télécom n'est pas propriétaire
4.2.1.6. Conclusion
4.2.2. Précision de l'obligation pour le dégroupage de la boucle locale cuivre
4.2.2.1. Prestations existantes
4.2.2.2. Dégroupage total/dégroupage partiel
4.2.2.3. Accès résidentiel/professionnel
4.2.2.4. Technologies autorisées
4.2.2.5. Processus de commande/livraison/SAV
4.2.2.6. Prestations connexes liées à la cohabitation
4.2.2.7. Offres de raccordement des répartiteurs distants
4.2.2.8. Réaménagement de la boucle locale
4.2.2.9. Mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle
4.2.2.10. Informations préalables
4.2.2.11. Raccordement des éléments de réseau distants
4.2.2.12. Anticipation sur la fermeture des NRA
4.2.3. Précision de l'obligation pour l'accès aux infrastructures de génie civil souterraines et aériennes
4.2.3.1. Prise en compte de la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique
4.2.3.2. Prestations existantes
4.2.3.3. Modalités de l'accès aux infrastructures de génie civil
4.2.3.4. Prestations connexes d'hébergement au sein des locaux de France Télécom
4.2.3.5. Informations préalables
4.2.3.6. Raccordement des éléments de réseau distants
4.3. Obligation de fournir l'accès dans des conditions non discriminatoires
4.3.1. Obligation générique
4.3.2. Précision de l'obligation pour le dégroupage
4.3.2.1. Processus opérationnels liés au dégroupage
4.3.2.2. Introduction de nouvelles technologies
4.3.3. Précision de l'obligation pour l'accès aux infrastructures de génie civil
4.3.3.1. Respect des mêmes processus
4.3.3.2. Respect des mêmes règles d'ingénierie
4.4. Obligation de transparence et de publication d'informations concernant l'accès
4.4.1. Publication d'informations préalables
4.4.2. Publication des indicateurs de qualité de service
4.4.3. Publication d'une offre de référence technique et tarifaire d'accès
4.4.3.1. Obligation générique
4.4.3.2. Eléments des offres de référence
4.4.3.3. Evolution des offres de référence
4.4.4. Publications de prestations non nécessairement incluses dans l'offre de référence
4.4.4.1. L'offre de raccordement des répartiteurs distants Liaison fibre optique
4.4.4.2. L'offre de gros de raccordement à la sous-boucle en mono-injection
4.4.5. Transmission d'informations à l'Autorité
4.4.6. Transmission des conventions
4.5. Qualité de service
4.5.1. Publication d'indicateurs de qualité de service
4.5.2. Processus opérationnels efficaces et non discriminatoires
4.5.3. Engagement de niveau de qualité de service
4.6. Obligation de contrôle tarifaire
4.6.1. Principes généraux
4.6.1.1. Sur le principe d'efficacité des investissements
4.6.1.2. Sur le principe de concurrence effective et loyale
4.6.2. Cas du dégroupage total à la boucle locale et à la sous-boucle
4.6.3. Cas du dégroupage partiel
4.6.4. Cas des offres d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale
4.7 Obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable
5. Révision anticipée du cadre de régulation
6. Avis de l'Autorité de la concurrence
6.1. Sur la régulation du haut et du très haut débit
6.2. Sur la question de la montée en débit
6.3. Sur la séparation fonctionnelle
7. Commentaires des autorités réglementaires nationales et observations de la Commission européenne
7.1. Sur l'absence de mesures correctrices imposées sur la base de la puissance de marché pour les infrastructures en fibre
7.2. Sur la nécessité d'apprécier de manière appropriée les différences entre les conditions concurrentielles existant dans les zones géographiques et d'imposer ou d'adapter la régulation imposée sur la base de la puissance de marché
7.3. Prise en compte des observations de la Commission européenne sur l'absence de mesures correctrices imposées sur la base de la puissance de marché pour les infrastructures en fibre
1. INTRODUCTION
Dans les développements ci-après, l'Autorité procède à :
― la délimitation du périmètre du marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire ;
― l'analyse de l'état de la concurrence et de son évolution prévisible sur ce marché afin de désigner, le cas échéant, le ou les opérateurs y exerçant une influence significative ;
― la détermination des obligations imposées à l'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.
1.1. Processus d'analyse des marchés
Le processus d'analyse des marchés consiste, conformément aux dispositions des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE ») :
― à déterminer la liste des marchés du secteur dont les caractéristiques en termes de développement de la concurrence justifient l'imposition d'un dispositif de régulation spécifique ;
― à désigner, le cas échéant, les opérateurs disposant sur ces marchés d'une influence significative ;
― à fixer les obligations spécifiques, adaptées et proportionnées aux problèmes concurrentiels constatés.
L'analyse menée par l'Autorité vise, en vertu des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, à analyser l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés et à en déduire les conséquences en termes d'obligations réglementaires.
Dans ce cadre, et conformément aux articles L. 37-3 et D. 301 du même code, l'Autorité recueille l'avis de l'Autorité de la concurrence, soumet son projet de décision à consultation publique, et le notifie à la Commission européenne, à l'organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et aux autorités de régulation nationales (ARN) des autres Etats membres.
Au terme du précédent cycle d'analyse de marché correspondant au processus décrit ci-dessus, l'Autorité a adopté la décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008, et a mis en place une régulation ex ante sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.
L'Autorité mène ici l'analyse du marché de gros de la « fourniture en gros d'accès (physique) à l'infrastructure du réseau (y compris l'accès partagé ou totalement dégroupé) en position déterminée ». Il s'agit du quatrième marché listé en annexe de la recommandation C(2007)5406 de la Commission européenne en date du 17 décembre 2007.
Conformément à l'article 7 de la directive « cadre » et à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité étudie la délimitation de ce marché, désigne le cas échéant le (ou les) opérateur(s) y exerçant une influence significative et, enfin, au regard des problèmes et obstacles au développement de la concurrence, impose les obligations nécessaires et proportionnées.
1.2. Démarche suivie par l'Autorité
L'Autorité a mené, à l'été 2010, une première consultation publique portant sur son projet d'analyse des marchés du haut débit et du très haut débit, à laquelle quinze acteurs ont répondu. Une synthèse des réponses à cette consultation publique a été publiée le 24 janvier 2011.
A l'issue de cette première consultation publique, l'Autorité a fait évoluer son projet d'analyse des marchés du haut débit et du très haut débit et l'a soumis, pour avis, à l'Autorité de la concurrence le 24 janvier 2011. Les principaux points de l'avis (1) de l'Autorité de la concurrence sont synthétisés à la fin de la présente décision.
A la suite de l'avis de l'Autorité de la concurrence, l'Autorité a fait évoluer une nouvelle fois son projet d'analyse des marchés du haut débit et du très haut débit et a soumis ses projets de décision pour notification à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales le 26 avril 2011. A l'issue de la consultation publique lancée en parallèle de la notification, l'Autorité n'a reçu qu'une réponse, de la part du groupe France Télécom. Les principaux points des observations (2) de la Commission européenne sont synthétisés à la fin de la présente décision.
La présente décision tient compte des observations de la Commission européenne et, plus généralement, de l'ensemble des observations formulées par les acteurs lors des processus de consultation.
1.3. Durée d'application de la décision
Conformément aux prescriptions de l'article D. 301 du CPCE, l'Autorité peut déclarer un marché pertinent « pour une durée maximale de trois ans ». L'Autorité doit réviser son analyse de sa propre initiative « lorsque l'évolution de ce marché le justifie », ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne précitée ». En outre, en vertu des articles D. 302 et D. 303 du même code, les décisions déterminant l'existence d'une influence significative et imposant aux opérateurs des obligations sont réexaminées dans les mêmes conditions.
La présente analyse porte sur une durée de trois ans. L'Autorité s'est attachée à effectuer une analyse prospective du marché sur cette période et considère que la mise en œuvre d'une régulation de ce marché pendant une durée de trois ans est pertinente, au regard de l'absence d'évolution prévisible vers une situation de concurrence effective.
En tant que de besoin, par exemple en cas d'évolution significative de la structure du marché ou de ses acteurs, l'Autorité pourra toutefois se donner la possibilité, éventuellement au travers de la fixation d'une clause de rendez-vous, d'effectuer une nouvelle analyse avant la fin de la période envisagée et, le cas échéant, prendre de nouvelles décisions.
A l'issue du présent processus d'analyse, l'Autorité adopte donc des décisions qui s'appliqueront pour une période de trois ans à compter du jour de la publication de la décision au Journal officiel de la République française.
1.4. Cadre d'analyse et définition des termes employés
1.4.1. Le haut débit fixe
Il est entendu par « offres de haut débit fixe », ci-après offres haut débit, les produits de détail offrant une capacité de transmission de données à haut débit en situation fixe. Ces offres permettent d'accéder aux applications et services les plus répandus sur internet, mais également, pour les utilisateurs professionnels, d'interconnecter des sites et de fournir un lien de transmission supportant une offre agrégée de services. Ceci correspond à ce jour à un débit nominal supérieur ou égal à 512 kbit/s.
Les technologies DSL, déployées sur la boucle locale cuivre, sont aujourd'hui les technologies les plus répandues pour la fourniture d'accès haut débit, et représentaient 19,7 millions d'accès haut débit au 31 décembre 2010. L'utilisation des fréquences hautes de la paire de cuivre, rendue possible grâce aux technologies DSL, permet la fourniture à l'abonné de multiples services tels que l'accès à l'internet haut débit, la voix sur large bande ou encore la télévision. Compte tenu de l'affaiblissement des signaux DSL avec la longueur de la boucle locale cuivre, le débit disponible en DSL n'est pas le même aujourd'hui pour tous les abonnés. En particulier, les paires de cuivre les plus longues ne peuvent être activées en DSL, ce qui représente aujourd'hui près de 1,5 % des foyers.
Le haut débit par câble coaxial, disponible dans les zones d'emprise des réseaux câblés, représente aujourd'hui la deuxième technologie la plus répandue, avec 1 075 000 million d'accès au 31 décembre 2010.
D'autres technologies peuvent également être utilisées pour la fourniture d'accès haut débit, comme les réseaux hertziens utilisant des technologies de type Wi-Fi, la boucle locale radio WIMAX, les réseaux de satellites ou encore le réseau de distribution électrique (courants porteurs en ligne). Le nombre d'accès haut débit activés fondés sur ces technologies reste à ce jour très limité, avec environ 50 000 accès.
Le marché du haut débit s'est principalement développé en France grâce à la possibilité donnée aux opérateurs de communications électroniques alternatifs de dégrouper la boucle locale cuivre de France Télécom. Le secteur a ainsi connu une croissance très forte du nombre d'accès haut débit, portée par le dégroupage. En termes de nombre d'accès et de taux de pénétration du haut débit, la France se place au-dessus de la moyenne des grands pays européens. Pour la part d'accès haut débit DSL en dégroupage, la France est dans le peloton de tête, en Europe comme au niveau mondial. Le dégroupage couvre désormais plus de 80 % de la population.
Les opérateurs et fournisseurs de services proposent aujourd'hui des offres haut débit avec des déclinaisons adaptées à la clientèle résidentielle et à la clientèle professionnelle. Des services spécifiques sont commercialisés en faveur de cette dernière, notamment en termes de débits (débits élevés et garantis, connexions symétriques) et de niveau de qualité de service (temps d'intervention et de rétablissement garanti). Ces services peuvent également être utilisés au raccordement d'éléments de réseau (BTS, hotspots Wi-Fi, femtocells, etc.).
Sur le marché résidentiel, les offres de détail haut débit peuvent se limiter au seul accès à internet ou donner en outre l'accès à un ensemble de services multimédia comprenant des services diversifiés tels que la téléphonie en voix sur large bande, voire l'accès à un bouquet de chaînes et la vidéo à la demande dans les zones concernées par le dégroupage. Là où il est techniquement possible, les offres « multiservices » ou « triple play » se sont généralisées.
1.4.2. Le très haut débit fixe
Le très haut débit est une notion éminemment relative à la notion actuelle de haut débit, compte tenu de l'amélioration et de l'enrichissement des offres et des usages permis par le très haut débit par rapport au haut débit actuel. La notion de très haut débit ne dépend pas a priori uniquement des seuls débits descendants et remontants des offres d'accès. Néanmoins, par souci d'illustration, en cohérence avec les seuils de débits retenus dans l'observatoire des marchés haut et très haut débit de l'Autorité et sans préjudice d'une définition ultérieure plus fine du très haut débit, il est ici entendu par « offres très haut débit fixe », ci-après « offres très haut débit », les offres de services de communications électroniques en situation fixe proposées sur le marché de détail avec un débit crête descendant supérieur à 50 Mbit/s et un débit crête remontant supérieur à 5 Mbit/s, incluant un service d'accès à Internet, ou un service d'interconnexion de sites.
Il existe une appétence des consommateurs pour des services toujours plus innovants, nécessitant des débits de plus en plus élevés, ce qu'illustrent notamment le succès des offres de télévision par ADSL, l'essor de la vidéo à la demande, le développement de nouveaux usages sur le web, la croissance des échanges de pair à pair entre communautés d'internautes, la connexion à domicile de multiples terminaux fixes et mobiles et l'équipement progressif des ménages en écrans de télévision haute définition.
Les offres haut débit actuelles sont limitées en bande passante, notamment sur la voie remontante, ce qui peut constituer un frein au développement de certains nouveaux usages. Seul le très haut débit reposant sur la technologie fibre optique est à même de répondre à terme, par des débits nettement supérieurs, aux nouvelles attentes des consommateurs en favorisant le développement de services enrichis, notamment dans le domaine de l'audiovisuel (ex : haute définition d'excellente qualité sans contrainte de longueur de ligne, télévision en 3D), ou pour des usages nécessitant un débit plus symétrique de type « user generated content » (ex : blogs, mise en ligne de vidéos et de photos, ou sauvegarde des contenus personnels sur des serveurs externes).
Sur un plan technologique, le déploiement du très haut débit consiste à rapprocher la fibre de l'abonné. Une première option consiste à réutiliser une partie des réseaux en cuivre ou en câble coaxial sur la partie terminale, la plus proche des abonnés. C'est le choix retenu par le câblo-opérateur qui a engagé un plan de déploiement de fibre optique jusqu'au niveau du dernier amplificateur de son réseau de câble coaxial (FttLA : Fibre to the Last Amplifier), ce qui lui permet aujourd'hui, sur la base de la technologie DOCSIS3.0, d'offrir un débit descendant de 100 Mbit/s. Les autres opérateurs ont fait le choix de déployer leurs réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné (Ftth : Fibre to the Home), ce qui leur permet d'offrir aujourd'hui 100 Mbit/s à chaque abonné en débit montant et descendant (débit symétrique). En outre, dans le cas de l'accès à la sous-boucle cuivre, qui suppose le déploiement de fibre optique jusqu'au sous-répartiteur, l'introduction de la technologie VDSL2 pourrait permettre d'atteindre des débits descendants de l'ordre de 30 à 40 Mbit/s pour les abonnés les plus proches.
Le déploiement des réseaux très haut débit par les opérateurs, pour adresser une clientèle résidentielle, est en cours dans les principales agglomérations de métropole. Au 31 décembre 2010, 1 075 000 logements étaient d'ores et déjà éligibles à des offres de fibre optique jusqu'à l'abonné (3). En application du cadre réglementaire adopté en décembre 2009 pour le déploiement des réseaux de fibre optique dans les zones très denses, plusieurs opérateurs (dont France Télécom, SFR et Free) ont lancé des appels au co-investissement, en vue d'un déploiement mutualisé sur 84 communes.
Deux topologies de boucle locale optique sont utilisées pour le FttH : le point-à-point et le point-à-multipoints de type PON (Passive Optical Network). Le point-à-point, comme le réseau de boucle locale cuivre de France Télécom, relie chaque foyer au répartiteur optique par une fibre dédiée. Le PON permet la mutualisation de plusieurs accès (jusqu'à 128 avec les technologies actuelles) sur une seule fibre pour une partie de la boucle locale, située entre le répartiteur optique et des points de concentration passifs, appelé coupleurs, situés plus bas dans le réseau ; à partir du dernier niveau de coupleur, une fibre est reliée à chaque foyer.
A l'horizon de la présente analyse, il apparaît difficile d'opérer une distinction claire entre haut débit et très haut débit au niveau des marchés de détail. Il existe en effet un continuum de débits entre les offres de détail fondées sur le DSL, le câble et la fibre, et aucune application spécifique au très haut débit ne semble susceptible d'induire à elle seule un clivage dans le comportement des consommateurs à court terme. En effet, à ce stade, les services permis par le très haut débit ne sont pas encore significativement différents de ceux permis par le haut débit.
1.4.3. Marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques
constitutives de la boucle locale filaire
Au terme de sa recommandation C(2007)5406 sur les marchés pertinents pour les analyses des marchés adoptée le 17 décembre 2007, la Commission européenne indique qu'elle considère comme pertinent le marché de gros d'accès aux réseaux d'infrastructures physiques pour les services fixes de communications électroniques, incluant l'accès dégroupé totalement et partiellement, ci-après désigné « marché 4 ».
Concernant les offres de gros d'accès aux infrastructures autres que la boucle locale cuivre, la Commission européenne précise, en page 33 de la note explicative correspondante du 13 novembre 2007, que l'évolution technologique conduit à inclure dans le marché pertinent toute infrastructure physique nécessaire à la livraison de services fixes de communications électroniques au client final, sans limiter strictement le marché à la boucle et à la sous-boucle métalliques (4). Dans ce même document, la Commission européenne ajoute que l'accès aux fourreaux peut constituer un remède pertinent pour l'accès aux réseaux d'infrastructures physiques dans la perspective du très haut débit.
En conformité avec cette recommandation, l'Autorité a adopté en 2008 la décision n° 2008-0835 d'analyse du marché 4, incluant dans la définition du périmètre de ce marché, l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle cuivre, l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale, et enfin les offres passives de mise à disposition de fibre optique.
A l'occasion du nouveau cycle d'analyse du marché 4, l'Autorité envisage de reconduire la même analyse en terme de délimitation du marché pertinent en l'élargissant pour y inclure l'accès aux infrastructures de génie civil aériennes, c'est-à-dire les poteaux et supports aériens, compléments indispensables des fourreaux pour le déploiement de réseaux de fibre optique capillaires à l'échelle du territoire national.
Dans la partie II du présent document relative à la définition du marché pertinent, l'Autorité délimite ainsi de manière successive, au terme d'une analyse de substituabilité, deux segments au sein du présent marché : celui des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit, d'une part, et celui des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit, d'autre part.
L'Autorité conclut ensuite à la substituabilité de ces deux segments de marché à l'horizon de la présente analyse et, par suite, à la définition d'un marché global des offres de gros d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.
1.4.4. Définition des termes employés
1.4.4.1. Le dégroupage de la boucle locale
1.4.4.1.1. Constitution de la boucle locale cuivre
L'article L. 32 3° ter du CPCE définit la boucle locale comme « l'installation qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente d'un réseau de communications électroniques fixe ouvert au public ». Dans le cas du réseau téléphonique commuté, la boucle locale est une paire de cuivre torsadée, dénommée dans l'analyse qui suit « boucle locale cuivre », qui va du nœud de raccordement d'abonnés (ci-après NRA, siège du répartiteur principal) jusqu'à l'abonné.
Le sous-répartiteur constitue un point de flexibilité du réseau de boucle locale cuivre, situé entre le NRA et les abonnés. Au plus proche des abonnés, sont installés des boîtiers de branchement, regroupant en général jusqu'à sept lignes, qui constituent un deuxième point de flexibilité du réseau de boucle locale cuivre. On parle de sous-boucle cuivre pour désigner le tronçon de la boucle locale cuivre reliant le sous-répartiteur à l'abonné.
On désigne :
― par segment de transport le segment de la boucle locale cuivre situé entre le NRA et le sous-répartiteur ;
― par segment de distribution le segment de la boucle locale cuivre situé entre le sous-répartiteur et le boîtier de branchement ;
― et par segment de branchement le segment de la boucle locale cuivre situé entre le boîtier de branchement et l'abonné.
Les technologies DSL peuvent techniquement être injectées au niveau du NRA, ce qui suppose l'installation des équipements DSL au plus proche du répartiteur général, ou au niveau du sous-répartiteur, ce qui suppose de même l'installation des équipements DSL au plus proche du sous-répartiteur.
A priori, l'injection de signaux DSL au niveau du sous-répartiteur peut se faire selon deux modalités, proches sur les plans opérationnels et économiques, mais fondamentalement différentes :
― il est techniquement possible d'envisager que les accès DSL des abonnés situés en aval d'un sous-répartiteur puissent être activés dans le même temps au niveau du NRA qu'au niveau du sous-répartiteur : on parle alors de bi-injection. Cette technique suppose notamment que les signaux DSL injectés au niveau du sous-répartiteur soient techniquement modifiés pour ne pas perturber les signaux DSL injectés depuis le NRA ;
― il est par ailleurs possible d'envisager que l'activation des accès DSL de tous les abonnés situés en aval d'un sous-répartiteur ne puisse se faire exclusivement qu'au niveau du sous-répartiteur : on parle alors de mono-injection, ce qui permet d'injecter les signaux DSL au niveau du sous-répartiteur sans contrainte technique particulière.
1.4.4.1.2. Accès à la boucle et à la sous-boucle
L'accès à la boucle locale consiste en la mise à disposition au bénéfice d'un opérateur tiers d'un accès direct à la boucle locale, au niveau du NRA dans le cas de la boucle locale cuivre. On parle alors de dégroupage de la boucle locale cuivre.
L'accès à la sous-boucle consiste en la mise à disposition au bénéfice d'un opérateur tiers d'un accès direct à la sous-boucle, au niveau du sous-répartiteur dans le cas de la boucle locale cuivre. Compte tenu des technologies DSL, pour lesquelles les performances sont liées à la longueur de la paire de cuivre, l'accès à la sous-boucle, qui limite la distance entre le point d'injection des signaux DSL et l'abonné, permet concrètement à un opérateur de proposer de meilleurs débits et services que dans le cas de l'accès à la boucle locale. Il existe ainsi une forte demande des collectivités territoriales pour la mise en œuvre de solutions d'accès à la sous-boucle afin d'apporter davantage de débits et de nouveaux services dans certaines zones.
Au regard des deux modes d'injection présentés précédemment (mono-injection et bi-injection), l'accès à la sous-boucle cuivre peut être proposé :
― soit au même titre que l'accès à la boucle locale cuivre, pour desservir un même abonné, dans le cas de la bi-injection : on parle alors de dégroupage de la sous-boucle cuivre ;
― soit exclusivement au niveau du sous-répartiteur, dans le cas de la mono-injection : cela revient concrètement à réaménager la boucle locale cuivre, en requalifiant le sous-répartiteur concerné en NRA pour le haut débit.
Deux formes de dégroupage sont aujourd'hui disponibles pour la boucle locale cuivre et la sous-boucle :
― le dégroupage total correspond à la mise à disposition d'un opérateur tiers de l'ensemble de la boucle locale cuivre reliant un abonné donné : la boucle locale est alors déconnectée du réseau de l'opérateur offreur au niveau du répartiteur ;
― le dégroupage partiel correspond à la mise à disposition d'un opérateur tiers, par l'intermédiaire d'un filtre, des seules fréquences hautes de la paire de cuivre, utilisées par la technologie DSL : l'abonné reste lié à l'opérateur offreur pour les fréquences basses de la paire de cuivre, utilisées pour la téléphonie commutée.
1.4.4.2. L'accès aux infrastructures de génie civil
Les infrastructures de génie civil apparaissent, à la lecture des articles L. 32 8° et L. 37-1 du CPCE et de l'article 2 a de la directive « accès » 2002/19/CE (modifiée), comme des infrastructures physiques dont l'accès constitue pour son bénéficiaire, à travers des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés, une ressource matérielle en vue de fournir des services de communications électroniques.
Dans sa recommandation C(2010)6223 en date 20 septembre 2010 sur l'accès réglementé aux réseaux d'accès de nouvelle génération (ci-après, recommandation NGA), la Commission européenne indique que les infrastructures de génie civil comprennent l'ensemble des installations physiques associées à la boucle locale déployées par un opérateur de communications électroniques pour supporter les câbles de la boucle locale qui peuvent être des câbles cuivre, fibre optique ou coaxiaux. La Commission européenne précise que cette notion désigne notamment les installations enterrées ou non telles les fourreaux, les chambres et les appuis aériens (5).
De fait, en France, les infrastructures de génie civil utilisées aujourd'hui pour le déploiement des réseaux de communications électroniques, en particulier pour la boucle locale cuivre, comprennent à la fois des ouvrages souterrains et des appuis aériens. En zone urbaine dense, le déploiement aérien est le plus souvent proscrit par les règles d'urbanisme et l'essentiel des réseaux sont installés dans des infrastructures souterraines complétées ponctuellement par des ouvrages aériens, notamment dans les derniers mètres. En revanche, en périphérie des villes et dans les zones moins denses, la pose en aérien est plus courante.
On distingue deux niveaux hiérarchiques dans le réseau d'infrastructures de génie civil, par analogie à la structure de la boucle locale cuivre : le segment de transport et le segment de distribution. En ce qui concerne la boucle locale cuivre, il apparaît que le segment de transport est aujourd'hui quasiment exclusivement en souterrain, alors que la situation est plus diverse sur le segment de distribution.
On parle en outre d'adduction pour désigner la partie du réseau d'infrastructures de génie civil permettant la desserte d'un immeuble. L'adduction est réalisée soit en souterrain, entre la dernière chambre de tirage et la cave de l'immeuble, soit en aérien par l'intermédiaire de poteaux ou d'une pose en façade.
1.4.4.2.1. Le génie civil souterrain en conduite
Il s'agit tout d'abord des fourreaux, à l'intérieur desquels sont tirés les câbles. Les fourreaux, encore appelés gaines ou conduits, sont déposés et stabilisés par lots au fond de la tranchée, puis recouverts. La matière utilisée a été dans un premier temps le béton. Il s'agit désormais de dérivés plastiques (en PVC ou PEHD notamment).
Les fourreaux sont interrompus régulièrement par des chambres. Il s'agit d'espaces souterrains de dimension variable permettant d'effectuer différentes opérations sur les câbles : tirage, retrait, épissurage. Les chambres hébergent également des équipements passifs (boîtiers d'épissurage, coupleurs).
La pose d'infrastructures de génie civil en conduite se distingue d'un autre mode de déploiement souterrain : la pose en pleine terre. Dans ce cas, les câbles sont simplement posés au fond de la tranchée et recouverts. Ce mode de pose, plus économique, est utilisé lorsque le réseau nécessite peu d'interventions. C'est souvent le cas du réseau de transmission des opérateurs (réseau dorsal national, réseau de collecte régional).
En revanche, les réseaux de boucle locale sont plus rarement posés en pleine terre, en raison des interventions plus nombreuses. Ainsi des fourreaux sont généralement posés en surcapacité et, en théorie, un espace de manœuvre reste toujours inoccupé.
En ce qui concerne la structure du réseau de génie civil souterrain en conduite :
― le segment de transport présente un nombre important de fourreaux, avec des chambres de tirage tous les deux à trois cent mètres environ ;
― le segment de distribution présenter un nombre plus limité de fourreaux, avec des chambres de tirage tous les cinquante mètres environ.
1.4.4.2.2. Le génie civil aérien
Les appuis, ou supports, aériens peuvent être définis ici comme l'ensemble des infrastructures non souterraines permettant l'accueil des réseaux de communications électroniques, c'est-à-dire permettant le déploiement de câbles cuivre, de fibre optique ou de câbles coaxiaux. Ils comprennent des éléments hétérogènes : poteaux (en bois ou en béton), potelets, supports d'ancrage, support en façade des immeubles, etc. Ils appartiennent ou sont exploités par différents acteurs : opérateurs de communications électroniques, syndicats intercommunaux d'électricité, Electricité réseau distribution de France (ERDF), etc.
La présence d'appuis aériens utilisés ou mobilisables dans l'emprise de la boucle locale est généralement, pour une zone donnée, exclusive de l'existence d'infrastructures de génie civil souterraines. Cela signifie en pratique qu'un axe desservi en souterrain ne le sera généralement pas en aérien.
Il est également possible que des supports aériens soient mobilisables, dans certains cas limités, dans des zones où existent des infrastructures de génie civil souterraines. C'est notamment le cas quand, pour un même axe, le réseau de boucle locale cuivre est enterré alors que le réseau d'électricité est aérien.
1.4.4.2.3. Les offres de gros d'accès au génie civil
Les opérateurs tiers disposent aujourd'hui de plusieurs offres de gros d'accès aux infrastructures de génie civil, certaines procédant de la précédente décision d'analyse du marché 4, d'autres proposées sur une base commerciale.
En ce qui concerne le génie civil souterrain en boucle locale, outre les offres proposées par certaines collectivités, l'essentiel des offres sont adressées par France Télécom, il s'agit notamment de :
― l'offre de gros d'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom pour le déploiement de réseau FttH (6), disponible depuis le 15 septembre 2008 suite à la mise en place de la régulation de l'accès aux fourreaux de France Télécom ;
― l'offre LGC DPR (location de génie civil en domaine public routier), offre commerciale proposée par France Télécom pour répondre aux dispositions de l'article L. 47 du CPCE ;
― l'offre LGC ZAC (location de génie civil en zone d'aménagement concerté), spécifique aux zones d'aménagement concerté, pour lesquelles les fourreaux sont gérés par France Télécom mais ne lui appartiennent pas ;
― l'offre NRA-SR (7), proposée par France Télécom depuis décembre 2009 pour permettre le déploiement de câbles de fibre optique entre le NRA et le sous-répartiteur dans le cadre de la montée en débit ;
― l'offre GC RCA (raccordement de client d'affaires), proposée par France Télécom aux opérateurs tiers afin de leur permettre le déploiement de fibre optique pour le raccordement spécifique des clients professionnels.
En ce qui concerne les infrastructures aériennes, les seules offres existantes actuellement pour l'accès à des appuis aériens permettant le déploiement de câbles de communications électroniques sont proposées par des collectivités territoriales ou par les gestionnaires des réseaux de distribution électrique.
Par ailleurs, le câblo-opérateur bénéficie aujourd'hui d'un droit d'occupation d'une partie des infrastructures de génie civil souterraines et aériennes de France Télécom pour son câble coaxial au titre des contrats de cession des réseaux du plan câble.
1.4.4.3. L'accès à la fibre passive
Par « accès à la fibre passive », on entend toute offre de mise à disposition de fibre optique passive jusqu'à l'abonné final ou de liaison passive en fibre optique permettant de remplacer ou de se superposer à tout ou partie de la boucle locale sur les réseaux cuivre ou coaxial existants, en vue de proposer des services à très haut débit.
Sur le périmètre de la boucle locale, par analogie avec le dégroupage de la boucle locale cuivre, il est envisageable de considérer des offres passives d'accès à des éléments de réseau. En fonction du choix de technologie de l'opérateur, ces offres peuvent prendre différentes formes.
En FttH, la technologie point-à-point permet, par construction, la mise à disposition d'un accès passif sous la forme d'une fibre en point-à-point du NRO (nœud de raccordement optique, équivalent du NRA pour le FttH) jusqu'à l'abonné. Dans le cas des réseaux point-à-multipoints de type PON, une fibre est dédiée par abonné seulement sur la partie terminale, entre les logements et le point où est situé le dernier niveau de coupleurs. En amont, des offres de fibre noire pourraient être envisageables si l'opérateur a déployé de la fibre en surcapacité entre son NRO et ses coupleurs.
Par ailleurs, dans le cadre des dispositions du CPCE résultant notamment de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, tout opérateur déployant de la fibre à l'intérieur d'un immeuble doit proposer, au niveau d'un point de mutualisation, une offre de mise à disposition d'un accès à la partie terminale des réseaux en fibre optique, qui, sauf exception, doit être passive. Les opérateurs déployant des réseaux très haut débit FttH, notamment France Télécom, proposent ainsi d'ores et déjà, dans les zones où ils ont déployé leurs réseaux, des offres passives de mise à disposition de fibre optique au niveau du point de mutualisation, qui incluent notamment des offres de location passives à la ligne en fibre optique.
Enfin, le câblo-opérateur modernise progressivement son réseau de câble coaxial en déployant un réseau de fibre optique jusqu'aux derniers amplificateurs (FttLA), situés au plus proche des logements, et propose ainsi aujourd'hui une offre commerciale de mise à disposition de fibres noires sur la partie horizontale de son réseau, jusqu'à proximité des immeubles.
2. DÉFINITION DU MARCHÉ PERTINENT
2.1. Délimitation du marché en termes de produits et services
2.1.1. Principes
La délimitation des marchés du point de vue des produits et des services repose sur l'analyse de :
― la substituabilité du côté de la demande : deux produits appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment « interchangeables » (8) pour leurs utilisateurs, notamment du point de vue de l'usage qui est fait des produits et services, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de « migration » d'un produit vers l'autre. Afin d'apprécier cette notion d'interchangeabilité, l'analyse doit entre autres prouver que la substitution entre les deux produits est rapide (9) et doit prendre en compte les « coûts d'adaptation » (10) qui en découlent ;
― la substituabilité du côté de l'offre : la substituabilité du côté de l'offre est caractérisée lorsqu'un opérateur qui n'est pas actuellement présent sur un marché donné est susceptible d'y entrer rapidement en réponse à une augmentation du prix des produits qui y sont vendus.
Pour établir l'existence d'une éventuelle substituabilité du côté de la demande ou de l'offre, l'analyse peut impliquer la mise en œuvre de la méthode dite du « test du monopoleur hypothétique », ainsi que le suggèrent les lignes directrices de la Commission (11). Ce test consiste à étudier les effets qu'aurait sur la demande une augmentation légère mais durable des prix d'un service (5 à 10 %), de manière à déterminer s'il existe des services considérés comme substituables par les demandeurs vers lesquels ils sont susceptibles de s'orienter. Ce test doit être appliqué jusqu'à ce qu'il puisse être établi qu'une augmentation des prix relatifs à l'intérieur des marchés géographiques et de produits définis ne conduira pas les consommateurs à opter pour des substituts directement disponibles ou à s'adresser à des fournisseurs établis sur d'autres territoires. Ainsi que le mentionnent les lignes directrices, l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel, sa mise en œuvre n'impliquant pas une étude économétrique systématique poussée.
Conformément au point 5 des lignes directrices, l'Autorité se référera aux « principes et [aux] méthodes du droit de la concurrence pour définir les marchés qui devront être soumis à une réglementation ex ante ».
Dans ce qui suit, l'Autorité délimite de manière successive, au terme d'une analyse de substituabilité, deux segments de marché : celui des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit, d'une part, et celui des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit, d'autre part.
Dans un second temps, l'Autorité conclut à la substituabilité de ces deux segments de marché à l'horizon de la présente analyse.
2.1.2. Analyse de substituabilité sur le segment des offres d'accès
aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit
Afin de délimiter le contour du marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit, l'Autorité a étudié le degré de substituabilité des offres d'accès à la boucle locale cuivre :
― entre les différents modes de dégroupage ;
― entre l'accès à la boucle locale et l'accès à la sous-boucle ;
― avec les offres d'accès au câble coaxial ;
― avec les offres d'accès haut débit activées.
2.1.2.1. Substituabilité entre les différents modes de dégroupage
Le dégroupage est un terme générique recouvrant plusieurs types d'accès dégroupés à la boucle locale cuivre. On peut ainsi distinguer dégroupage partiel et total, aussi bien au niveau de la boucle locale qu'au niveau de la sous-boucle.
Ces deux modes de dégroupage correspondent à des demandes globalement assez proches. Ils supposent en effet un niveau comparable d'investissements de la part de l'opérateur tiers, en termes de raccordements et d'équipements, et les mêmes savoir-faire technologiques. Ils permettent de plus de proposer au client final les mêmes catégories de services. Du côté de la demande, les deux modes de dégroupage cuivre définis ci-dessus apparaissent donc comme substituables.
Du côté de l'offre, un opérateur proposant l'un de ces modes de dégroupage est nécessairement en mesure de proposer l'autre car ils constituent, en pratique, des déclinaisons d'une seule et même opération physique. Le dégroupage total ou partiel, via un accès à la boucle ou à la sous-boucle est fondé sur la même infrastructure technique.
L'Autorité considère ainsi que le dégroupage total et le dégroupage partiel sont substituables.
2.1.2.2. Substituabilité entre l'accès à la boucle
et l'accès à la sous-boucle
L'accès aux paires de cuivre pour raccorder un abonné donné peut s'opérer techniquement aussi bien au niveau de la boucle locale qu'au niveau de la sous-boucle.
Du côté de l'offre, un opérateur proposant l'accès à la boucle locale est nécessairement en mesure de proposer un accès à la sous-boucle, et réciproquement. L'offre d'accès à la boucle locale ou à la sous-boucle étant fondée sur l'infrastructure de boucle locale cuivre, difficilement duplicable pour un nouvel entrant. Du côté de la demande, ces deux types d'accès sont également substituables, dans la mesure où il s'agit des mêmes équipements et d'investissements comparables.
L'Autorité considère ainsi que le marché pertinent d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire à délimiter est celui, s'agissant de sa composante relative à la boucle locale cuivre, des offres d'accès, que cet accès s'effectue à la boucle locale cuivre ou à la sous-boucle cuivre.
2.1.2.3. Substituabilité avec les offres d'accès au câble coaxial
Les réseaux câblés, sur des infrastructures en câble coaxial, ont été initialement déployés pour la diffusion de contenus télévisuels. Ils furent ensuite adaptés pour offrir aux abonnés un accès haut débit à internet. Aujourd'hui, les réseaux câblés reposent sur une architecture de distribution mixte fibre et coaxiale. Les technologies d'accès utilisées sont désormais fondées sur le standard DOCSIS 3.0 qui permet, au niveau du dernier nœud optique, le multiplexage temporel des accès de chaque abonné.
Du fait de cette architecture, le « dégroupage » du réseau local de câble coaxial ne peut s'envisager dans des conditions techniques et économiques comparables au dégroupage de la boucle locale cuivre.
Il n'existe d'ailleurs pas à ce jour, en France ou à l'étranger, d'offre passive de type « dégroupage » proposée par les câblo-opérateurs, chacun exploitant en propre l'ensemble des accès construits sur son réseau. Au regard des investissements nécessaires aux câblo-opérateurs pour ouvrir leurs réseaux d'accès à d'autres opérateurs, il est peu probable que la situation évolue à l'horizon de cette analyse.
L'Autorité estime ainsi que le dégroupage des réseaux de câble coaxial n'est pas substituable au dégroupage de la boucle locale cuivre. Il convient en conséquence de l'exclure du périmètre du marché objet de la présente analyse.
2.1.2.4. Substituabilité avec les offres de gros d'accès haut débit activées
Une offre d'accès passive comme le dégroupage de la boucle locale cuivre donne aux opérateurs tiers une plus grande liberté dans l'étendue des services proposés à leurs clients et dans leur tarification.
En effet, l'opérateur tiers gère l'ensemble des éléments actifs du réseau permettant de fournir le service au client final, notamment les DSLAM (DSLAM est l'acronyme anglais pour « Digital Subscriber Line Access Multiplexer », et peut se traduire en français par « multiplexeur d'accès DSL »). L'opérateur dispose ainsi d'une grande capacité d'innovation et de différenciation, particulièrement cruciale sur des marchés à évolution technologique rapide comme les marchés du haut débit. Par ailleurs, cela permet une indépendance industrielle et commerciale des opérateurs.
Les offres de gros d'accès haut débit activées sont quant à elles des offres plus intégrées, fondées sur les équipements actifs d'un opérateur. Les opérateurs clients sont ainsi soumis aux choix techniques de l'opérateur qui leur propose ces offres et ont une latitude plus limitée à se différencier. Cette absence de différenciation est caractérisée par la plus faible intensité concurrentielle observée dans les zones non dégroupées pour lesquelles les opérateurs tiers ne sont clients que d'offres activées.
De ce fait, la substitution entre ces deux offres est, du point de vue de la demande, limitée uniquement à une substitution asymétrique des offres de gros d'accès haut débit vers les offres d'accès passives, qui correspond à la recherche d'une plus grande capacité de différenciation et d'innovation. Ces deux types de produits n'apparaissent pas interchangeables.
Par ailleurs, l'Autorité note que pour l'ensemble des autres technologies d'accès (Wi-Fi, WiMAX, satellite, courants porteurs en ligne, etc.), les éventuelles offres passives d'accès se limiteraient à des offres d'hébergement sur des sites d'émission. Toute autre offre de gros fondée sur ces technologies serait donc limitée à une offre d'accès activée. Dès lors, le dégroupage de la boucle locale cuivre et les offres d'accès sur technologies alternatives n'apparaissent pas interchangeables.
En ce qui concerne le raccordement des éléments de réseau tels que les BTS d'un réseau mobile, les opérateurs tiers peuvent aujourd'hui recourir à des offres activées fondées sur des technologies hertziennes. La mise en œuvre de ces technologies requiert des études complexes, la qualité de transmission étant sensible à de nombreux facteurs et notamment aux obstacles entre les deux points de terminaison de la liaison, aux précipitations et perturbations climatiques et aux conditions de réfractivité atmosphérique. En outre, au regard des réseaux et des équipements techniques nécessaires, les coûts de mise en œuvre de liens fondés sur la technologie hertzienne sont significativement plus élevés que dans le cas de liens fondés une offre d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire. Enfin, les raccordements en faisceau hertzien permettent des débits symétriques bien plus élevés que les technologies DSL, typiquement 34 Mbit/s ou 155 Mbit/s contre seulement quelques Mbit/s. A ce titre, les offres de gros d'accès activées fondées des technologies hertziennes ne sont pas substituables aux offres de dégroupage de la boucle locale cuivre pour le raccordement des éléments de réseau.
Au terme de cette analyse, l'Autorité estime que le dégroupage de la boucle locale cuivre n'appartient pas au même marché que les offres de gros d'accès haut débit activées.
2.1.3. Analyse de substituabilité sur le segment des offres d'accès
aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit
Afin de délimiter le contour du segment des offres de gros d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit, l'Autorité a étudié le degré de substituabilité des offres d'accès aux infrastructures de génie civil souterraines :
― avec d'autres supports physiques pouvant accueillir ou supporter des réseaux de communications électroniques très haut débit, c'est-à-dire :
― avec les offres de mise à disposition d'appuis aériens ;
― avec les offres de fourreaux des collectivités ;
― avec l'occupation de galeries visitables des réseaux d'assainissement ;
― avec des offres empruntant d'autres réseaux d'infrastructures ;
― avec les offres passives de mise à disposition de fibre optique, proposées par les opérateurs ou les collectivités territoriales.
2.1.3.1. Substituabilité avec d'autres supports physiques
pouvant accueillir ou supporter des réseaux de communications électroniques
Les opérateurs tiers ont aujourd'hui accès à plusieurs offres de gros d'accès aux infrastructures de génie civil souterraines en conduite pour le déploiement de leurs réseaux très haut débit en fibre optique. Il convient d'apprécier ici la substituabilité de ces offres de gros avec les autres offres de mise à disposition d'infrastructures.
2.1.3.1.1. Substituabilité avec les offres de mise à disposition d'appuis aériens
Le déploiement des câbles de fibre optique pour les nouveaux réseaux très haut débit peut se faire en aérien, comme pour la boucle locale cuivre, en ayant recours à des appuis aériens, notamment sur les poteaux téléphoniques et les poteaux de distribution d'électricité.
Les appuis aériens se rencontrent essentiellement dans les zones rurales et dans les zones périurbaines. Il n'existe néanmoins pas de règle absolue sur la présence d'infrastructures de génie civil souterraines ou d'appuis aériens pour une zone donnée.
Sur une grande partie du territoire, les zones d'emprises respectives des appuis aériens et du génie civil souterrain sont complémentaires. Les opérateurs n'ont alors pas d'alternative pour déployer leurs câbles de fibre optique.
Il existe en revanche des zones pour lesquelles appuis aériens et génie civil souterrain sont à la fois mobilisables le long des mêmes parcours. C'est par exemple le cas lorsque des fourreaux de génie civil de boucle locale coexistent en parallèle de poteaux de distribution d'électricité. Les opérateurs tiers disposent alors de solutions concurrentes pour le déploiement de leurs câbles de fibre optique. Une telle alternative suggère une substituabilité du côté de la demande entre ces deux types d'infrastructures dans les zones concernées.
D'un point de vue plus général, le caractère substituable de ces infrastructures peut être retenu au regard de leur caractère complémentaire pour le déploiement de câbles de fibre optique au sein de la boucle locale. Ainsi, le déploiement d'un nouveau réseau de fibre optique ne pourrait être envisagé à grande échelle pour un opérateur qui choisirait de ne recourir qu'aux seules infrastructures de génie civil souterraines.
L'Autorité estime donc que les offres de mise à disposition d'appuis aériens sont dans le même marché que les offres d'accès aux infrastructures de génie civil souterraines. Ces deux types d'offres sont ainsi définis comme des composantes complémentaires et substituables du marché de l'accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale.
2.1.3.1.2. Substituabilité avec les offres de fourreaux des collectivités
De manière générale, les collectivités sont susceptibles d'investir dans des infrastructures de génie civil et de mettre en place des sujétions de voirie permettant aux opérateurs de financer à moindre coût des fourreaux complémentaires.
Les collectivités sont propriétaires des infrastructures de génie civil construites dans le cadre juridique des zones d'aménagement concertées (ZAC) et dans certains lotissements. Certaines collectivités ont également posé des fourreaux en surcapacité à l'occasion de l'installation d'un réseau interne ou d'autres travaux de voirie (réseau d'éclairage public, etc.). Lorsqu'elles disposent de fourreaux, les collectivités les mettent la plupart du temps à la disposition des opérateurs de communications électroniques. Ceci peut se faire via un délégataire ou bien par la collectivité elle-même.
Sur le plan juridique, cette activité peut revêtir la forme de conventions d'occupation du domaine public non routier. L'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) est également susceptible de s'appliquer : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, deux mois au moins après la publication de leur projet dans un journal d'annonces légales et sa transmission à l'Autorité de régulation des communications électroniques, établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de communications électroniques au sens du 3° et du 15° de l'article L. 32 du code des postes et communications électroniques, acquérir des droits d'usage à cette fin ou acheter des infrastructures ou réseaux existants. Ils peuvent mettre de telles infrastructures ou réseaux à disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs de réseaux indépendants. L'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements se fait en cohérence avec les réseaux d'initiative publique, garantit l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises en application du présent article et respecte le principe d'égalité et de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques. (...) Les interventions des collectivités s'effectuent dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées. »
Tout en étant encadrée par les textes, l'activité de mise à disposition de fourreaux offre une certaine liberté à la collectivité, notamment sur un plan tarifaire. Il semble ainsi que les plafonds prévus à l'article R. 20-52 du CPCE pour les redevances d'occupation du domaine public ne s'appliquent pas aux tarifs de location de fourreaux.
A cet égard, les offres de fourreaux des collectivités apparaissent substituables aux offres d'accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale.
2.1.3.1.3. Substituabilité avec l'occupation de galeries visitables
des réseaux d'assainissement
Certaines communes disposent de réseaux d'assainissement composés de galeries visitables, permettant la pose de câbles de communications électroniques. C'est le cas notamment à Paris et dans certaines communes limitrophes, de l'ancien département de la Seine, telles que Levallois-Perret, ainsi que dans le centre de Lyon et de Marseille.
A Paris, le réseau se termine en outre par un ouvrage appelé « branchement particulier », qui est une galerie visitable pénétrant dans les caves des immeubles. Ceci n'est cependant pas le cas de Lyon et Marseille, où l'adduction des immeubles n'est pas visitable.
Certains opérateurs ont engagé leurs déploiements de réseaux très haut débit en fibre optique dans les égouts de Paris. Ceux-ci ont été installés dans ces infrastructures essentiellement pour des raisons économiques, alors que l'offre régulée d'accès aux fourreaux de France Télécom n'était pas disponible. Par rapport à la réalisation de travaux de génie civil ou au recours aux offres d'accès aux infrastructures de génie civil existantes lorsque ces projets ont été lancés, l'utilisation des égouts visitables permettait de réduire les coûts d'installation, notamment lorsque les adductions d'immeubles sont elles-mêmes équipées d'ovoïde. Il en ressort que, sous certaines conditions, l'utilisation des égouts visitables peut constituer un substitut aux offres de mise à disposition de génie civil.
Cependant, le déploiement et l'exploitation de réseaux de communications électroniques dans les réseaux d'assainissement présente de nombreuses contraintes :
― la saturation de certains tronçons ;
― le caractère dangereux et nocif du réseau d'assainissement : le réseau d'assainissement n'offre pas un confort de travail équivalent au domaine public routier et rend plus difficile les opérations de maintenance ;
― les mesures de sécurité imposées par la société gestionnaire de ces égouts, qui génèrent des surcoûts (accompagnement par le personnel de la section d'assainissement de Paris, obligation de la présence d'une personne en surface pendant les interventions, délais d'informations préalables avant les interventions, délais d'intervention réduits liés aux contraintes du droit du travail, obligation de réaliser les opérations d'épissurage à l'extérieur des égouts, etc.)
Les contraintes d'occupation des galeries visitables introduisent donc une complexité opérationnelle et des surcoûts en conséquence. Certains opérateurs cherchent d'ailleurs à faire évoluer leur stratégie initiale de déploiement dans les réseaux d'assainissement, et envisagent d'utiliser les fourreaux de France Télécom à Paris.
Compte tenu des contraintes d'exploitation susmentionnées, il résulte de ce qui précède que l'occupation de galeries visitables et l'utilisation d'infrastructures de génie civil existantes ne sont pas pleinement substituables du point de vue de la demande et a fortiori du point de vue de l'offre.
L'Autorité estime donc que les offres de mise à disposition de galeries visitables ne sont pas substituables à celles des opérateurs de mise à disposition de leurs fourreaux.
2.1.3.1.4. Substituabilité avec des offres empruntant d'autres réseaux d'infrastructures
A la connaissance de l'Autorité, les exploitants des réseaux autres que de communications électroniques ne proposent pas d'offre permettant à des opérateurs de déployer une boucle locale.
Certaines infrastructures sont néanmoins susceptibles d'accueillir des câbles optiques. De façon prospective, il serait donc envisageable que les exploitants de ces infrastructures formulent des offres à l'attention des opérateurs. Plus généralement, il est possible que des opérateurs utilisent de telles infrastructures en qualité d'occupant du domaine public, à l'instar de ce qui se fait à Paris dans les galeries visitables des réseaux d'assainissement.
S'agissant tout d'abord des réseaux d'assainissement non visitables, plusieurs investigations ont été menées pour étudier la possibilité de pose de fibre par robot, mais se sont révélées impossibles à mettre en œuvre à grande échelle.
S'agissant des réseaux d'électricité, l'Autorité constate que les câbles de puissance sont généralement posés en pleine terre. Les cas où des fourreaux existent concernent principalement le téléreport, qui permet aux agents ERDF de relever les compteurs sans pénétrer dans la propriété privée.
S'agissant des réseaux de chauffage urbain, il semble que leur utilisation soit soumise à d'importantes contraintes de température et d'étanchéité. A ce jour, aucun opérateur n'a engagé de déploiement en ce sens. Les réseaux d'eau et de gaz présentent quant à eux des vannes, ce qui rend quasi-impossible l'installation d'un câble optique.
Au vu de ce qui précède, les réseaux autres que de communications électroniques ne semblent pas offrir de solution de substitution par rapport aux offres de mise à disposition d'infrastructures de génie civil des opérateurs.
2.1.3.2. Substituabilité avec les offres passives de mise à disposition de fibre optique
Comme indiqué plus haut, on entend par « offres passives de mise à disposition de fibre optique », toute offre de mise à disposition de fibre optique jusqu'à l'abonné final ou de liaisons passives en fibre optique permettant de remplacer ou de se superposer à tout ou partie de la boucle locale sur les réseaux cuivre ou coaxial existants, en vue de proposer des services très haut débit. En particulier, cela inclut les offres passives de mise à disposition de fibre optique proposées, dans le cadre de la mutualisation, par les opérateurs déployant des réseaux FttH.
Les offres passives sur fibre apparaissent substituables aux offres d'accès aux infrastructures de génie civil :
― du côté de l'offre, dans la mesure où le génie civil constitue le principal coût de déploiement des réseaux très haut débit, un opérateur qui possède des fourreaux peut relativement facilement déployer un réseau fibre optique ;
― même si elles sont conditionnées à l'existence de surcapacités dans le cas des réseaux PON, des offres passives sur fibre sont techniquement envisageables, notamment dans une phase de démarrage pendant laquelle le réseau est partiellement inoccupé ;
― du côté de la demande, un opérateur ayant recours à d'éventuelles offres passives de mise à disposition de fibre optique (réciproquement une offre de location de fourreaux) pourrait, en cas d'augmentation du prix de ces offres, se mettre à louer des fourreaux pour y déployer sa propre boucle locale optique (réciproquement à recourir à d'éventuelles offres de mise à disposition de fibre optique), dans un contexte de déploiement des réseaux très haut débit. En pratique, il est probable que les opérateurs aient recours à ces deux types d'offres.
Cette même analyse est valable pour les offres passives de mise à disposition de fibre optique par les collectivités territoriales.
En application de l'article L. 1425-1 du CGCT, les collectivités territoriales sont susceptibles d'investir dans des réseaux d'accès de fibre optique et de les mettre à la disposition d'opérateurs de communications électroniques, soit via un opérateur dans le cadre d'une délégation de service public, soit directement en régie :
― dans le premier cas, cette offre constitue une offre passive de mise à disposition de fibre optique par un opérateur ;
― dans le second cas, les offres de gros proposées par les collectivités apparaissent également appartenir au même marché, dans la mesure où il s'agit d'infrastructures passives permettant aux opérateurs de fournir des services à très haut débit sur le marché de détail.
De telles offres de mise à disposition de fibres passives sont déjà proposées par certaines collectivités territoriales et sont utilisées par d'autres opérateurs pour adresser les sites publics, les zones d'activités et les zones résidentielles.
Compte tenu de ce qui précède, l'Autorité estime que les offres passives de mise à disposition de fibre optique des opérateurs et des collectivités territoriales sont substituables aux offres d'accès aux infrastructures de génie civil.
2.1.4. Analyse de substituabilité entre segments du haut débit et du très haut débit
La recommandation du 17 décembre 2007 définissant la liste des marchés pertinents et parmi eux les marchés 4 et 5 n'opère pas de distinction entre les infrastructures permettant la fourniture d'offres haut débit, d'une part, et celles permettant la fourniture d'offres très haut débit, d'autre part. Cette recommandation a été complétée le 20 septembre 2010 par la recommandation NGA précédemment évoquée.
Dans sa recommandation NGA, la Commission européenne rappelle le caractère stratégique du développement des services très haut débit et formule un ensemble de recommandations à destination des ARN qui visent « à favoriser l'innovation et des investissements efficaces dans des infrastructures nouvelles et améliorées, en tenant dûment compte des risques que prennent toutes les entreprises qui investissent et de la nécessité de préserver une concurrence effective, qui est, sur la durée, un facteur important pour l'investissement ».
Pour la Commission, « les marchés pertinents à cet égard sont les marchés de la fourniture en gros d'accès physique à l'infrastructure du réseau (marché 4) et le marché de la fourniture en gros d'accès à haut débit (marché 5) ». Aussi, la Commission note que « le déploiement de réseaux FttH présentera vraisemblablement des risques considérables, compte tenu du niveau élevé des coûts de déploiement par foyer et du nombre, actuellement encore limité, de services de détail exigeant les caractéristiques avancées (telles qu'un débit plus élevé) qui ne peuvent être fournies que par l'intermédiaire de la fibre. L'amortissement des investissements dans la fibre dépend de l'adoption des nouveaux services fournis sur les réseaux NGA à court et à moyen terme ». Aussi, il n'a pas semblé pertinent pour la Commission à court et moyen terme de définir des marchés distincts pour le haut et le très haut débit, en cela que les services appuyés sur ces réseaux demeureront substituables à court et moyen terme.
L'Autorité considère pour sa part que seul le très haut débit sur fibre optique sera en mesure, à terme, de répondre aux attentes des consommateurs pour des usages nécessitant des débits symétriques et significativement supérieurs à ceux que permet de fournir le DSL, typiquement la diffusion simultanée de plusieurs programmes en haute définition.
Toutefois, l'Autorité partage également l'analyse de la Commission européenne selon laquelle, à court et moyen terme, les services proposés par les réseaux cuivre et fibre sont en grande partie substituables, notamment du fait d'une certaine continuité en termes de débit. Aussi, à l'horizon de la présente analyse et au regard des usages actuels des consommateurs sur les marchés concernés, la distinction entre haut débit et très haut débit sur le marché de détail reste limitée.
En outre, l'Autorité considère qu'il existe une substituabilité du côté de la demande entre l'accès à la boucle locale cuivre et l'accès aux infrastructures de génie civil ou aux offres passives sur fibre. Un opérateur achetant du dégroupage pourrait, en cas d'augmentation du prix du dégroupage, se mettre à louer des infrastructures de génie civil pour y déployer sa propre boucle locale, probablement optique, ou à utiliser des offres passives sur fibre, dans un contexte de déploiement des réseaux très haut débit. Inversement, une augmentation du tarif de location des infrastructures de génie civil pourrait conduire un opérateur à recourir préférentiellement au dégroupage, en retardant ses investissements dans le très haut débit.
Enfin, l'accès à la boucle locale cuivre, d'une part, et l'accès aux infrastructures de génie civil ou aux offres passives sur fibre, d'autre part, présentent des contraintes concurrentielles homogènes :
― d'un point de vue économique, le génie civil constitue le principal inducteur de coût de la boucle locale ;
― la boucle locale cuivre et les infrastructures de génie civil de l'opérateur historique peuvent être qualifiées d'infrastructures essentielles, et s'avèrent, à ce titre, impossibles à répliquer dans leur ensemble par un opérateur tiers ;
― les acteurs qui investissent dans des réseaux très haut débit sont déjà présents sur le marché du haut débit soit par l'intermédiaire du dégroupage, soit via leurs réseaux de câble coaxial.
Ces contraintes concurrentielles peuvent distinguer la situation française de celles d'autres Etats membres, dans lesquels il peut, par exemple, exister une quantité importante de fourreaux n'appartenant pas à l'opérateur historique (exemple : réseaux électriques) ou dans lesquels le déploiement de la fibre jusqu'à l'abonné est peu crédible à moyen terme (exemple : projet de l'opérateur historique de déployer la fibre jusqu'aux sous-répartiteurs), alors qu'en France un seul et même acteur détient très majoritairement les infrastructures essentielles au haut débit (la paire de cuivre) et au très haut débit (les fourreaux notamment).
Compte tenu de ces spécificités nationales, il apparaît pertinent de considérer l'inclusion de la boucle locale cuivre et des infrastructures de génie civil qui la constituent dans un même marché. Parmi l'ensemble des infrastructures de génie civil envisageables, il convient, en outre, de noter que seules les infrastructures de génie civil de l'opérateur historique présentent les spécificités techniques permettant le déploiement, à l'échelle nationale, d'une nouvelle boucle locale en fibre optique.
Au vu de ces différents éléments, les offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire apparaissent substituables, à l'horizon de la présente analyse, entre les segments relatifs au haut débit et au très haut débit.
Il n'est cependant pas exclu qu'à terme ces deux segments constituent des marchés distincts, notamment au regard des usages que permettront à terme les réseaux très haut débit et si les contraintes concurrentielles sur les marchés de gros venaient à diverger.
En conclusion, l'Autorité considère qu'en termes de produits et de services, le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire regroupe l'ensemble des offres d'accès fondées sur la boucle locale cuivre, sur les infrastructures de génie civil souterraines et aériennes ainsi que sur la boucle locale en fibre optique.
2.2. Délimitation géographique du marché
2.2.1. Principes
Il est rappelé au point 56 des lignes directrices précitées que, « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services pertinents, où elles sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».
La Commission précise au point 59 des lignes directrices précitées que dans le secteur des communications électroniques, la portée géographique du marché pertinent est traditionnellement déterminée par référence à deux critères principaux qui permettent de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : le territoire couvert par les réseaux, d'une part et l'existence d'instruments de nature juridique conduisant à distinguer telle ou telle zone géographique ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale, d'autre part.
En se référant aux lignes directrices de la Commission, il conviendra de déterminer si des opérateurs qui ne sont pas encore présents sur une zone géographique donnée, mais qui le sont sur une autre zone géographique, feront le choix d'y entrer à court terme en cas d'augmentation des prix relatifs. Dans ce cas, la définition du marché doit être étendue à la zone sur laquelle ces opérateurs ne sont pas encore présents.
2.2.2. Analyse
L'Autorité constate que France Télécom, l'opérateur historique, possède et opère un réseau d'accès cuivre en situation de quasi-monopole, détenant plus de 99,99 % des paires de cuivre en France, en prenant en compte l'intégralité des territoires de la métropole, des départements d'outre-mer et des collectivités d'outre-mer. Ainsi, les conditions de concurrence apparaissent comme homogènes sur ce marché à l'échelle nationale.
Concernant les offres d'accès aux infrastructures pour le très haut débit, la demande des opérateurs pour une offre de gros est nationale. Les opérateurs déploient leurs réseaux très haut débit en propre là où il existe des offres d'accès aux infrastructures de génie civil satisfaisantes d'un point de vue économique et technique, sans restriction particulière en termes géographiques de modes de pose.
En outre, la Commission retient dans ses lignes directrices sur la définition des marchés et la puissance que « le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ». Or les infrastructures de France Télécom sont nationales et les offres d'accès à son génie civil présentent des conditions identiques à l'échelle nationale.
Aussi, à l'horizon du présent cycle d'analyse de marché, les réseaux FttH en cours de déploiement ne permettront pas, même dans les zones très denses, d'offrir des offres alternatives aux opérateurs tiers leur permettant de ne plus souscrire à des offres de gros fondées sur les infrastructures physiques constitutives de la boucle locale cuivre de France Télécom.
L'Autorité retient donc comme pertinent, pour le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, le territoire composé de la métropole, des départements d'outre-mer et des collectivités d'outre-mer.
2.3. Pertinence du marché au regard de la régulation sectorielle
L'article L. 37-1 du CPCE dispose que l'Autorité doit définir les marchés « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ».
Ainsi, pour qualifier un marché de pertinent au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.
Le marché de gros d'accès aux infrastructures physiques pour les services fixes de communications électroniques a fait l'objet d'une analyse par la Commission européenne, dans sa recommandation sur les marchés pertinents. Elle a estimé que ce marché remplissait les trois critères (présence de barrières à l'entrée, absence de perspective de développement de la concurrence, insuffisance du droit de la concurrence à régler les problèmes concurrentiels constatés) et que, de ce fait, ce marché était pertinent pour la régulation ex ante.
La nécessité de réguler ex ante ce marché est justifiée au regard des caractéristiques structurelles du marché évoquées ci-dessous.
Ce marché repose :
― d'une part, sur la boucle locale cuivre, qualifiée d'« infrastructure essentielle » par le Conseil de la concurrence (12), qui appartient à un unique opérateur, et à laquelle tout opérateur alternatif doit avoir accès pour pouvoir proposer des offres haut débit sur les marchés de détail ou de gros ; et
― d'autre part, sur l'accès aux infrastructures de génie civil constituées notamment des fourreaux, des chambres et des appuis aériens, majoritairement détenues, maîtrisées ou exploitées par l'opérateur historique et pour lesquelles l'accès est indispensable aux opérateurs souhaitant proposer des offres très haut débit sur le marchés de détail ou de gros.
La boucle locale cuivre et les infrastructures de génie civil de la boucle locale n'étant pas duplicables sur l'ensemble du territoire par un opérateur nouvel entrant, il apparaît que les barrières à l'entrée sur ce marché sont extrêmement élevées et que les perspectives de développement de la concurrence sont quasi nulles en l'absence de régulation ex ante.
Dans ces conditions, l'ouverture de ce marché n'est possible que par l'intervention d'une régulation ex ante, qui dispose d'outils adaptés pour réguler l'accès, y compris au plan tarifaire, sur un terme suffisamment long pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer. Ces outils spécifiques à la régulation ex ante sont notamment l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, la publication d'une offre de référence, l'obligation pour les tarifs de refléter les coûts ou encore la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptables et d'audit des coûts. Le seul droit de la concurrence, ne pouvant sanctionner qu'ex post, apparaît donc comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché.
L'Autorité estime donc que le marché tel que défini dans l'analyse ci-dessus doit être déclaré pertinent au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques, à ce stade indispensable pour favoriser le développement de la concurrence et l'investissement des opérateurs dans les infrastructures.
2.4. Conclusion
Au vu de l'analyse qui précède, l'Autorité propose d'exclure du périmètre du marché des offres de gros d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire les offres suivantes :
― les offres d'accès proposées via le câble, le WiMAX ou les autres technologies alternatives ;
― les offres d'accès haut débit activées ;
― l'occupation de galeries visitables des réseaux d'assainissement ;
― les offres empruntant des réseaux autres que des réseaux de communications électroniques.
Par ailleurs, l'Autorité considère que :
― les offres de dégroupages partiel et total, via l'accès à la boucle locale cuivre ou la sous-boucle cuivre ;
― les offres d'accès aux infrastructures de génie civil, que ces infrastructures soient souterraines ou aériennes, qu'elles soient proposées par des opérateurs de communications électroniques ou des collectivités territoriales ;
― les offres passives de mise à disposition de fibre optique des opérateurs de communications électroniques ou des collectivités territoriales,
appartiennent au même marché, dès lors qu'elles se situent sur le périmètre de la boucle locale.
Enfin, l'Autorité conclut à la dimension nationale du marché.
Le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire ainsi défini est un marché pertinent. Le périmètre du marché correspond à la métropole, aux départements d'outre-mer et aux collectivités d'outre-mer.
Ce marché est cohérent avec le marché 4 de la recommandation de la Commission européenne du 17 décembre 2007 sur les marchés pertinents.
3. DÉSIGNATION D'UN OPÉRATEUR EXERÇANT UNE INFLUENCE SIGNIFICATIVE
3.1. Principes généraux relatifs à la détermination des conditions
caractérisant une situation d'influence significative sur un marché
Il découle de l'article 14 de la directive « cadre » modifiée et du point 5 des lignes directrices publiées par la Commission européenne que les autorités réglementaires nationales ne doivent intervenir pour imposer des obligations aux entreprises que dans la mesure où elles considèrent que les marchés envisagés ne sont pas en situation de concurrence réelle, essentiellement en raison du fait que ces entreprises ont acquis « une position équivalente à une position dominante » au sens de l'article 82 du traité CE.
En droit interne, l'article L. 37-1 du CPCE dispose qu'« est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ».
Il est précisé au point 5 des lignes directrices susvisées que la Commission européenne et les autorités réglementaires nationales doivent « se fonder sur les principes et les méthodes du droit de la concurrence pour définir les marchés qui devront être soumis à une réglementation ex ante et apprécier la puissance des entreprises sur ces marchés ».
Ainsi, l'Autorité relève que la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif, de l'évaluation de la puissance d'un acteur. Notamment, d'après une jurisprudence constante (13), la présence de parts de marchés très élevées ― supérieures à 50 % ― suffit, sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marchés de l'entreprise et de ses concurrents sur une période de temps appropriée constitue un critère supplémentaire en vue d'établir l'influence significative d'un opérateur donné.
En outre, il est rappelé au point 78 des lignes directrices susmentionnées que « l'existence d'une position dominante ne saurait être établie sur le seul fait qu'une entreprise détient d'importantes parts de marché ». L'Autorité pourra ainsi tenir compte dans son analyse de plusieurs critères complémentaires d'ordre qualitatif, comme :
― la taille de l'entreprise ;
― le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;
― les avancées ou la supériorité technologiques ;
― l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;
― la diversification des produits ou des services ;
― l'intégration verticale de l'entreprise ;
― la présence d'économies de gamme ou d'échelle ;
― l'absence de concurrence potentielle ;
― l'existence d'une concurrence par les prix ;
― d'autres critères tels que l'accès privilégié aux marchés des capitaux.
3.2. Analyse de l'Autorité
3.2.1. Indicateurs quantitatifs
France Télécom possède la quasi-intégralité du réseau national de la boucle locale cuivre et contrôle ainsi plus de 99,99 % des accès cuivre en France. Seuls quelques acteurs locaux opèrent aussi une boucle locale cuivre, notamment dans les zones aéroportuaires de Paris. Ainsi, France Télécom bénéficie d'un quasi-monopole sur les offres d'accès à la boucle locale cuivre.
Concernant les infrastructures de génie civil souterraines, France Télécom dispose d'une infrastructure prépondérante, avec plus de 350 000 km d'artères de génie civil souterrain en conduite. Le câblo-opérateur ne dispose a priori que de quelques dizaines de milliers de kilomètres d'infrastructures de génie civil souterraines en propre, et les infrastructures de génie civil des collectivités territoriales ne concernent qu'un nombre limité de communes.
Concernant les infrastructures de génie civil aériennes, France Télécom possède de l'ordre de 13 millions de supports aériens en propre sur poteaux, et dispose a priori d'un nombre un peu plus importants de supports communs pour sa boucle locale cuivre au niveau de poteaux utilisés pour la distribution d'électricité, généralement gérés par ERDF. Il convient, en outre, de noter que, dans certaines situations, France Télécom a été amenée à poser un poteau en propre entre deux poteaux de distribution d'électricité pour supporter ses câbles de boucle locale cuivre.
Pour une grande majorité de zones, France Télécom apparaît ainsi comme le seul opérateur à détenir des infrastructures de génie civil permettant de déployer, de façon continue, une boucle locale optique. Les infrastructures de génie civil de France Télécom apparaissent donc prépondérantes au niveau national.
En ce qui concerne les offres passives de mise à disposition de fibre optique, les opérateurs déployant des réseaux très haut débit FttH, en particulier France Télécom, proposent aujourd'hui leurs offres de mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre optique pour les communes de zones très denses et finalisent leurs offres en dehors des zones très denses.
Dans le cadre des quelques projets d'initiative publique portant sur le déploiement de réseaux FttH, les opérateurs de ces réseaux proposent également des offres de mise à disposition de fibre optique. Enfin, le câblo-opérateur propose aujourd'hui une offre, sur des bases commerciales, de mise à disposition de fibre optique sur la partie horizontale de ses réseaux jusqu'aux pieds des immeubles, au niveau des zones dans lesquelles il a déployé de la fibre optique pour moderniser son réseau coaxial.
3.2.2. Critères qualitatifs
Il convient d'examiner la puissance de marché de France Télécom dans une approche prospective. Il apparaît que France Télécom contrôle totalement la boucle locale cuivre qui est une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer pour un opérateur concurrent. L'Autorité de la concurrence a d'ailleurs eu l'occasion, à plusieurs reprises (14), de souligner le caractère d'« infrastructure essentielle » que revêt la boucle locale cuivre, position qu'elle a rappelée à l'occasion de son avis n° 08-A-09 du 5 juin 2008 relatif au précédent projet d'analyse du marché 4.
Dans ce même avis n° 08-A-09, l'Autorité de la concurrence soulignait le caractère non duplicable des fourreaux maîtrisés par l'opérateur historique et concluait sur la nécessité d'une régulation ex ante pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur le marché 4.
Dans un avis plus récent (15), en date du 22 décembre 2009, portant sur la mise en œuvre de la montée en débit via l'accès à la sous-boucle, l'Autorité de la concurrence estimait que France Télécom disposait d'un « accès privilégié » à un certain nombre d'infrastructures passives de la boucle locale, utiles au cas d'espèce au déploiement de fibre optique de collecte dans le cadre de l'accès à la sous-boucle. L'Autorité de la concurrence citait notamment en exemple les fourreaux, mais également les poteaux, et estimait que France Télécom disposait ainsi d'un avantage face à ses concurrents.
L'Autorité considère que la taille et la capillarité du réseau de boucle locale cuivre de France Télécom ainsi que les infrastructures de génie civil sous-jacentes, qu'il s'agisse d'infrastructures souterraines ou aériennes, correspondent à des niveaux d'investissement extrêmement élevés, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros, dont la rentabilité ne peut s'envisager que sur une échelle de temps de plusieurs décennies.
France Télécom a bénéficié lors du déploiement du réseau de boucle locale d'un niveau important de souscription, quasiment 100 % des clients potentiellement raccordés au réseau s'abonnant au service téléphonique. Une nouvelle boucle locale ne rencontrerait vraisemblablement pas le même taux d'adhésion, ce qui induirait une mutualisation moindre des coûts de génie civil entre les différents abonnés. Un nouvel entrant souhaitant répliquer l'infrastructure de boucle locale cuivre ou déployer une boucle locale optique de façon progressive ne bénéficierait donc pas d'une structure de coûts aussi favorable que celle que France Télécom a connue lors du déploiement de sa boucle locale.
Par ailleurs, le réseau de boucle locale est caractérisé par des coûts irréversibles, notamment, ceux dus aux travaux de génie civil. Ces conditions tendent à accroître l'avantage du premier entrant sur le marché, et limitent donc l'incitation pour un nouvel entrant à y investir. De plus, dans le cas d'un déploiement d'une nouvelle boucle locale, la réutilisation des infrastructures de génie civil de la boucle locale cuivre, ne nécessitant pas de nouveaux investissements dès lors qu'elles ne sont pas saturées, donne un avantage conséquent à France Télécom dans le domaine du très haut débit.
Du fait de cette ressource, France Télécom est susceptible de ne pas prendre en compte les conditions de marché et d'agir sans se soucier du comportement et de la réaction de ses concurrents et de ses clients.
En effet, il apparaît que France Télécom, du fait de la maîtrise des infrastructures de génie civil et de ses avantages matériels et immatériels, bénéficie d'un pouvoir de marché sur l'ensemble des marchés situés en aval et dépendant de l'accès à ces infrastructures. France Télécom pourrait utiliser les infrastructures de génie civil dont il dispose à son seul avantage et ainsi fausser le jeu de la concurrence sur le marché aval.
Au niveau local, il s'agit dans de nombreux cas d'une infrastructure unique. Au surplus, lorsque des offres alternatives sont ponctuellement disponibles (offres émanant de collectivités territoriales, ou de gestionnaire de réseaux de distribution d'électricité), elles présentent en règle générale un niveau de capillarité très inférieur à celui du réseau de France Télécom au sein d'une zone donnée et paraissent, à ce titre, difficilement comparables dans l'objectif d'un déploiement d'une boucle locale en fibre optique.
Par ailleurs, France Télécom est une entreprise verticalement intégrée, qui dispose donc de débouchés immédiats pour ses produits de gros. Un nouvel entrant déployant une boucle locale ou reconstruisant des infrastructures de génie civil pour le déploiement d'une boucle locale optique ne bénéficierait pas nécessairement du même phénomène, ni d'une force commerciale comparable au niveau des marchés de détail.
Dans la mesure où France Télécom contrôle la quasi-totalité des accès cuivre ainsi que la très grande majorité des infrastructures de génie civil permettant le déploiement d'une boucle locale optique, la situation et les parts de marché observées aujourd'hui ne semblent pas susceptibles d'évoluer vers une situation de concurrence à l'horizon de l'analyse.
Enfin, la puissance de marché de France Télécom sur le marché du dégroupage et de l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale s'évalue en tenant compte de l'éventuel contre-pouvoir des acteurs sur ce marché. Or, l'Autorité constate que les opérateurs ayant recours au dégroupage, quelle que soit leur taille, auraient un pouvoir de négociation très faible face à France Télécom en l'absence de régulation ex ante.
Plusieurs contre-pouvoirs d'acheteurs sont néanmoins à examiner :
― en ce qui concerne l'accès aux infrastructures de génie civil souterraines :
― l'occupation du domaine public routier ;
― l'utilisation de techniques de génie civil allégé ;
― l'occupation du domaine public non routier ;
― en ce qui concerne l'accès aux infrastructures de génie civil aériennes :
― l'accès aux poteaux de distribution d'électricité ;
― en ce qui concerne les offres de mise à disposition de fibre optique :
― l'offre de fibre optique du câblo-opérateur.
3.2.2.1. L'occupation du domaine public routier
Face à un refus d'accès ou à un tarif d'accès trop élevé pratiqué par le détenteur d'infrastructures de génie civil, un opérateur souhaitant déployer une boucle locale pourrait choisir d'établir ses propres infrastructures de génie civil. Une telle alternative présente cependant trois limites.
Tout d'abord sur un plan opérationnel, la mise en œuvre de travaux de génie civil suppose de réaliser des études terrain pour déterminer les tracés, puis d'élaborer un dossier de demande de permission de voirie. L'autorité compétente dispose ensuite d'un délai de deux mois pour répondre. Comme expliqué précédemment, les hypothèses de déploiement de nouveaux réseaux aériens seront confrontées à des règles d'urbanisme de plus en plus limitatives, les collectivités territoriales optant désormais le plus souvent pour des déploiements souterrains. Pour le reste, l'autorité compétente peut choisir d'inviter au partage, ce qui entraîne des délais supplémentaires. Dans les cas où la permission est accordée, il faut encore à l'opérateur réaliser les travaux, ce qui nécessite encore des délais. Au bilan, la réalisation de génie civil est longue et complexe, dans la mesure où elle fait intervenir des acteurs locaux.
Ensuite sur un plan économique, la réalisation de travaux de génie civil en zone urbaine dense, en ce qu'elle fera dans la majorité des cas appel à des solutions souterraines, est coûteuse. Le creusement d'une tranchée et la pose de fourreaux et de chambres revient ainsi jusqu'à 100 euros par mètre linéaire. En comparaison, les offres de fourreaux des collectivités se situent généralement autour d'un tarif de location de 1 euro par mètre linéaire et par an. Quelle que soit la durée d'amortissement, il s'agit d'un écart de coût considérable pour l'opérateur concerné.
Enfin, la réalisation des adductions des bâtiments suppose généralement l'accord des propriétaires ou des copropriétaires ou du bailleur pour la réalisation des travaux. Compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs, ceci génère des coûts administratifs importants. En outre, en cas de refus, l'opérateur se doit de recourir à la procédure d'octroi de servitude, qui apparaît peu opérante en pratique. Ainsi, la réalisation des travaux de génie civil sur le seul domaine public peut s'avérer insuffisante pour déployer un réseau de boucle locale.
Il résulte de ce qui précède que l'alternative consistant pour un opérateur à réaliser son propre génie civil est de portée limitée, alors que l'utilisation du génie civil de France Télécom semble permettre au contraire de s'affranchir de toutes ces contraintes administratives pour un coût raisonnable.
3.2.2.2. L'utilisation de techniques de génie civil allégé
L'utilisation des techniques de génie civil allégé dites à faible profondeur, à savoir la micro-tranchée sous chaussée et la saignée sous trottoir, semble a priori constituer une opportunité importante pour le déploiement de réseaux très haut débit. En premier lieu, elles induisent des économies significatives voire décisives dans le déploiement d'une infrastructure à très haut débit, leur utilisation étant deux à trois fois moins coûteuse que la reconstruction du génie civil traditionnel. En second lieu, elles permettent d'assurer, grâce aux dispositifs de pose automatisée, un déploiement rapide tout en préservant l'intégrité du domaine public et minimisant la gêne occasionnée pour les riverains.
Ces techniques de génie civil allégé sont aujourd'hui normalisées et utilisées notamment pour le déploiement de réseaux de collecte. Elles semblent néanmoins se heurter à quelques obstacles importants :
― difficultés de mise en œuvre au regard des techniques autorisées par les règlements de voirie ;
― réticence de certaines collectivités territoriales qui en retardent l'utilisation sur leurs territoires, craignant que ces infrastructures de génie civil allégé ne bénéficient pas de la même protection que le génie civil normal en cas de dommage ;
― manque de recul nécessaire pour apprécier les conditions et les coûts d'exploitation des infrastructures ainsi établies.
L'Autorité conclut à ce stade que l'utilisation des techniques de génie civil allégé ne constitue pas une alternative satisfaisante à une offre d'accès aux infrastructures de génie civil existantes.
3.2.2.3. L'occupation du domaine public non routier
Comme cela a été indiqué précédemment, les opérateurs sont susceptibles d'utiliser le domaine public non routier pour poser leurs câbles. C'est notamment le cas à Paris, compte tenu de la présence d'égouts visitables.
Même si l'Autorité a estimé que la mise à disposition des égouts visitables n'appartenait pas au marché pertinent, cette option est, en tout état de cause, susceptible d'exercer une certaine forme de pression concurrentielle sur les offres de fourreaux.
Pour autant, cet effet semble cependant limité en pratique. L'étendue des zones où sont présentes des galeries visitables n'est pas significative et ne permet pas de créer un contre-pouvoir d'acheteur au niveau national. Le linéaire d'égouts visitables de la ville de Paris s'établit par exemple à 2 400 km, ne desservant qu'1,1 million de foyers, ce qui est considérablement inférieur au linéaire des infrastructures de génie civil de France Télécom à l'échelle nationale.
Il ressort de ce qui précède que les acheteurs ne disposent que d'un contre-pouvoir limité, consistant à recreuser du génie civil (en dehors du cas particulier de Paris qui n'est en aucun cas généralisable à l'échelle nationale). Etant donné le coût des travaux y afférents, cela laisse une marge de manœuvre importante à France Télécom.
3.2.2.4. L'accès aux poteaux de distribution d'électricité
France Télécom dispose, pour une portion significative de la partie de son réseau de boucle locale cuivre déployé en aérien, de supports de câbles installés sur les poteaux de distribution d'électricité gérés par ERDF, dits aussi « appuis communs ». Ces supports et nappes de câbles sont généralement installés à une hauteur spécifique, en dessous des traverses supportant les réseaux d'électricité.
Pour son déploiement de réseau très haut débit en fibre optique, il semble raisonnable de considérer que France Télécom serait amenée à avoir recours à ces mêmes appuis communs, en complément de ses propres supports aériens et poteaux, pour faire passer ses câbles de fibre optique.
Il est dès lors envisageable, en première analyse, que les opérateurs tiers soient amenés à contractualiser également avec ERDF pour le déploiement de leurs propres réseaux fibre optique. Si l'accès aux poteaux de distribution d'électricité gérés par ERDF apparaît nécessaire sur certains tronçons, là où France Télécom elle-même y a recours, il apparaît néanmoins que, ainsi que cela a été évoqué précédemment, les zones d'emprise de ces poteaux ne sont pas continues.
Il ressort de ce qui précède que le recours aux poteaux de distribution d'électricité gérés par ERDF ne représente qu'un contre-pouvoir limité, dans la mesure où l'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom restera inéluctable pour la desserte d'un nombre important de zones.
3.2.2.5. L'offre de fibre optique du câblo-opérateur
Comme évoqué précédemment, le câblo-opérateur semble aujourd'hui proposer une offre, sur des bases commerciales, de mise à disposition de fibre optique sur la partie horizontale de ses réseaux, jusqu'aux pieds des immeubles.
Cette offre est fondée sur les fibres optiques surnuméraires disponibles dans les câbles de fibre optique déployés par le câblo-opérateur pour faire évoluer son réseau coaxial. A ce titre, cette offre n'a donc qu'une couverture limitée aux zones où le câblo-opérateur a fait évoluer son réseau et n'est donc pas disponible sur l'ensemble du territoire national.
Par ailleurs, cette offre ne concerne que la partie horizontale des réseaux et suppose donc que l'opérateur qui y souscrit gère lui-même le déploiement de fibre au niveau des immeubles, ce qui représente une contrainte particulière dans le déploiement des réseaux FttH.
Il ressort de ce qui précède que le recours à l'offre de fibre optique du câblo-opérateur ne représente qu'un contre-pouvoir limité.
3.3. Conclusion
A l'issue de l'analyse qui précède, l'Autorité estime que la société France Télécom exerce une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.
4. OBLIGATIONS IMPOSÉES À L'OPÉRATEUR
EXERÇANT UNE INFLUENCE SIGNIFICATIVE
Dans cette partie, l'Autorité présente les obligations qu'il paraît nécessaire et proportionné d'imposer à France Télécom sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.
4.1. Principes généraux relatifs à la détermination des obligations imposées
à l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché
Conformément à l'article 16 de la directive « cadre », lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :
― obligations de transparence ;
― obligations de non discrimination ;
― obligations relatives à la séparation comptable ;
― obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;
― contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.
Conformément au considérant 14 de la même directive, il s'agit d'un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées aux entreprises.
L'article 8 de la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « cadre ».
Par ailleurs, le paragraphe 118 des lignes directrices indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.
Le I de l'article L. 38 du CPCE prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».
Il s'agit des obligations suivantes :
― rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non discrimination ;
― fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non-discriminatoires ;
― faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
― ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
― isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.
S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables, notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finals.
Dans ce cadre, l'Autorité peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du CPCE.
En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés au V de l'article L. 38 du CPCE :
a) La viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné ;
b) Le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible ;
c) L'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement ;
d) La nécessité de préserver la concurrence à long terme ;
e) Le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents ;
f) La fourniture de services paneuropéens.
Enfin, en ce qui concerne le dégroupage, en conformité avec l'article 9.4. de la directive « accès » susvisée, l'article D. 308 du CPCE dispose que lorsqu'un opérateur est « tenu de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale à paire torsadée métallique en application de l'article D. 310, il publie une offre technique et tarifaire pour l'accès à la boucle locale ». Ce même article précise ensuite les éléments minimum qui doivent se retrouver dans cette offre.
En toute hypothèse et quelles que soient les obligations qui peuvent être imposées, celles-ci doivent être proportionnées aux objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1 du CPCE, à savoir :
1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;
2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;
6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;
7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;
8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;
9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;
11° A l'utilisation et à la gestion efficace des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;
12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;
13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;
14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public.
Compte tenu de la situation concurrentielle observée pour les offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, l'Autorité est amenée à imposer plusieurs obligations à France Télécom, établies au terme de l'analyse suivante.
4.2. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
Le 3° du I de l'article L. 38 du CPCE prévoit que l'Autorité peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Conformément à l'article D. 310 du CPCE, elles peuvent notamment prendre la forme d'une obligation d'accorder à des tiers l'accès à des éléments ou ressources de réseau spécifiques, de négocier de bonne foi avec les opérateurs ou encore de ne pas retirer un accès déjà accordé.
4.2.1. Obligation générique
4.2.1.1. Obligation générique de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
Comme cela a été montré précédemment, la réplication par un opérateur nouvel entrant des infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire à grande échelle est très peu probable à l'horizon de l'analyse. Dans ces conditions, l'Autorité constate que les offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire de France Télécom sont indispensables pour les opérateurs qui souhaitent augmenter leur capacité de différenciation et d'innovation en utilisant le plus possible leur propre réseau. Seul un accès direct aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire de France Télécom permet en effet le développement d'une concurrence pérenne par le déploiement d'infrastructures alternatives sur l'intégralité du territoire.
En outre, au plan technique, les prestations d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire sont très proches des opérations techniques que France Télécom réalise pour ses propres besoins pour raccorder des nouveaux abonnés sur les marchés de détail aval, ce qui démontre la faisabilité de cet accès.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a, b et d du V de l'article L. 38 du CPCE sont ainsi vérifiés.
L'Autorité estime ainsi qu'il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès aux infrastructures physiques constitutives de sa boucle locale filaire.
Il convient dès lors d'apprécier le caractère raisonnable de telles demandes d'accès, d'une part, sur le segment de marché du haut débit et, d'autre part, sur le segment de marché du très haut débit.
4.2.1.2. Obligation de faire droit
aux demandes raisonnables d'accès pour le haut débit
Sur le segment de marché du haut débit, France Télécom possède ou maîtrise la quasi-totalité du réseau de boucle locale cuivre, support des services haut débit en DSL. Cette infrastructure ne peut être raisonnablement dupliquée par un opérateur tiers. France Télécom contrôle ainsi un maillon essentiel à la construction technique par les opérateurs tiers de produits haut débit en DSL innovants et différenciés. L'accès dégroupé à la boucle locale cuivre de France Télécom est donc indispensable à l'établissement d'une concurrence pérenne sur les marchés aval du haut débit.
L'Autorité considère à ce titre comme raisonnable la demande d'un opérateur tiers de disposer d'un accès dégroupé à la boucle locale cuivre de France Télécom.
4.2.1.3. Obligation de faire droit
aux demandes raisonnables d'accès pour le très haut débit
Sur le segment de marché du très haut débit, il convient d'analyser, comme le propose la Commission européenne dans son document de recommandation NGA, l'opportunité d'imposer à l'opérateur puissant un ensemble approprié d'obligations : l'accès aux infrastructures de génie civil, l'accès au segment terminal en cas de FttH et l'accès dégroupé à la boucle optique en cas de FttH.
Pour ce faire, l'Autorité considère que l'analyse du caractère justifié et proportionné de chaque obligation d'accès doit être menée notamment au regard des obligations existantes imposées par le cadre réglementaire en vigueur (principe de la « greenfield modified approach » (16)). L'Autorité tient ainsi compte dans son analyse des obligations déjà imposées à France Télécom, notamment au titre de la régulation de l'accès à la partie terminale des réseaux de fibre optique, et de leurs effets constatés.
4.2.1.3.1. S'agissant de l'accès aux infrastructures de génie civil
France Télécom possède ou maîtrise la quasi-totalité des infrastructures de génie civil souterraines et une partie significative des appuis aériens de la boucle locale. Ces infrastructures ne peuvent être raisonnablement dupliquées par un opérateur tiers pour le déploiement de son réseau de fibre optique. France Télécom contrôle un maillon essentiel à la construction technique par les opérateurs tiers de produits très haut débit. L'accès aux infrastructures de génie civil constitue ainsi un levier important pour abaisser les barrières à l'entrée pour un opérateur souhaitant déployer un réseau très haut débit.
L'Autorité considère à ce titre comme raisonnable la demande d'un opérateur tiers de disposer d'un accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale de France Télécom.
4.2.1.3.2. S'agissant de l'accès au segment terminal en cas de FttH
Dans le cadre des dispositions du CPCE résultant notamment de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, tout opérateur déployant de la fibre à l'intérieur d'un immeuble doit proposer, au niveau d'un point de mutualisation, une offre de mise à disposition d'un accès à la partie terminale des réseaux en fibre optique, qui, sauf exception, doit être passive. Cette offre doit permettre à un opérateur tiers de se raccorder au point de mutualisation dans des conditions techniques et économiques raisonnables afin de pouvoir proposer ses propres services très haut débit.
L'Autorité a été amenée à préciser le cadre de régulation concernant l'accès à la partie terminale des réseaux en fibre optique. La décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009, fixe pour l'ensemble des opérateurs de réseaux FttH les règles générales de l'accès à la partie terminale des réseaux en fibre optique sur l'ensemble du territoire, et précise les conditions de mutualisation pour un ensemble de 148 communes situées en « zones très denses » pour lesquelles le point de mutualisation peut dans certains cas se situer dans les limites de la propriété privée. France Télécom est ainsi, au même titre que tout autre opérateur déployant un réseau de fibre optique sur la propriété privée, tenue de donner accès au segment terminal de ses réseaux de fibre optique, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, à un niveau tarifaire raisonnable respectant les principes d'objectivité, de pertinence et d'efficacité, et doit publier une offre de gros de mutualisation.
L'Autorité note que les principaux opérateurs alternatifs ont souscrit à l'offre d'accès à la partie terminale des réseaux de fibre optique de France Télécom dans la grande majorité des communes situées en zones très denses et peuvent ainsi proposer leurs services très haut débit dans les immeubles équipés en fibre optique par France Télécom dès lors qu'ils raccordent le point de mutualisation.
Compte tenu des dispositions en vigueur et des effets à ce jour observés de leur mise en œuvre, l'Autorité estime ni justifié ni proportionné d'imposer spécifiquement à France Télécom, au titre de sa puissance sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, de faire droit aux demandes d'accès au segment terminal de ses réseaux de fibre optique.
4.2.1.3.3. S'agissant de l'accès dégroupé à la boucle optique en cas de FttH
En complément de la décision n° 2009-1106 susmentionnée, l'Autorité a adopté le 14 décembre 2010 la décision n° 2010-1312 qui fixe le cadre de l'accès à la partie terminale des réseaux en fibre optique en dehors des zones très denses pour l'ensemble des opérateurs de réseaux FttH. Cette décision précise, notamment, d'une part, que le point de mutualisation doit regrouper au moins un millier de lignes d'abonnés et, d'autre part, que les opérateurs doivent proposer au niveau du point de mutualisation, en plus d'une modalité de co-investissement, une offre de location passive à la ligne en fibre optique.
France Télécom est ainsi, au même titre que tout autre opérateur déployant un réseau de fibre optique sur la propriété privée, tenue de proposer une offre de location passive à la ligne en fibre optique, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, à un niveau tarifaire raisonnable respectant les principes d'objectivité, de pertinence et d'efficacité, et doit publier une offre de gros de mutualisation. Par ailleurs, l'Autorité observe que, compte tenu de la topologie des réseaux, dans une majorité des cas sur l'essentiel du territoire, la contrainte imposée en termes de nombre minimum de lignes d'abonnés par point de mutualisation conduira vraisemblablement les opérateurs à mettre en place des points de mutualisation situés à des niveaux équivalents à ce que pourrait être celui des NRO. Ainsi, une telle obligation de location passive à la ligne en fibre optique devrait conduire, en dehors des zones très denses, exactement aux mêmes offres de la part des opérateurs (et notamment de France Télécom) qu'une obligation de « dégroupage » à la ligne.
Néanmoins, l'Autorité entend rester vigilante sur les effets des obligations imposées à l'ensemble des opérateurs en dehors des zones très denses concernant la fourniture d'offres de location passive à la ligne en fibre optique. Ainsi, si le cadre réglementaire en vigueur en dehors des zones très denses ne conduisait pas à l'établissement d'une concurrence effective sur la fourniture de services très haut débit dans les zones considérées à l'horizon de la présente analyse, l'Autorité pourrait être amenée à réévaluer la possibilité d'imposer des obligations asymétriques sur le réseau de fibre optique de l'opérateur puissant.
Compte tenu de ces dispositions en vigueur, l'Autorité estime à ce stade ni justifié ni proportionné d'imposer, spécifiquement, à France Télécom, au titre de sa puissance sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, de faire droit aux demandes d'accès dégroupé à la boucle optique.
4.2.1.4. Obligation générique de faire droit
aux demandes raisonnables d'accès aux prestations connexes
Un certain nombre de prestations complémentaires et de moyens associés à l'accès (cohabitation des équipements, raccordements aux sites de France Télécom, mise à disposition d'une information préalable pertinente, etc.) sont nécessaires pour rendre effectif l'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, dans des conditions économiquement viables.
Ces prestations sont des moyens associés à l'accès aux infrastructures, en ce qu'elles sont nécessaires pour rendre effectif l'accès des opérateurs alternatifs aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, et poursuivent le même but.
Ces prestations incluent en outre l'ensemble des solutions visant à remédier aux cas de désaturation des infrastructures mises à la disposition des opérateurs (paire de cuivre, fourreaux, chambres, répartiteur général, emplacement de cohabitation, génie civil pour les pénétrations en localisation distante, etc.).
S'agissant de l'accès à ces prestations connexes, les critères cités aux alinéas a et d du V de l'article L. 38 du CPCE sont ainsi vérifiés.
L'Autorité estime ainsi qu'il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de faire droit aux demandes de prestations connexes associées à l'accès dégroupé à sa boucle locale cuivre et à l'accès à ses infrastructures de génie civil de boucle locale.
4.2.1.5. Cas des infrastructures dont France Télécom n'est pas propriétaire
L'obligation générique d'accès concerne les infrastructures détenues par France Télécom mais également les infrastructures mises à sa disposition et exploitées par France Télécom dès lors que celles-ci sont constitutives de la boucle locale permettant de raccorder les abonnés. Il s'agit donc d'infrastructures complémentaires de celles possédées en propre par France Télécom et totalement indissociables de la boucle locale. Il s'agit par exemple des NRA pour lesquels France Télécom n'est plus propriétaire des bâtiments mais bénéficie de droits d'usage pérennes, des infrastructures d'hébergement et de collecte construites dans le cas de l'accès à la sous-boucle en mono-injection, de certaines infrastructures de génie civil souterraines (chambres, fourreaux) mises à la disposition de France Télécom dans certaines zones d'activités concertées (ZAC), de certaines infrastructures verticales dans les immeubles (conduites, goulottes etc.), mais également de certains appuis aériens.
Dans les zones où France Télécom n'est ni propriétaire ni gestionnaire de la boucle locale, d'une part (zones aéroportuaires de Paris, par exemple), ou des infrastructures de génie civil de la boucle locale, d'autre part, une demande d'accès à ces réseaux formulée auprès de France Télécom ne saurait être considérée comme raisonnable. France Télécom n'est donc pas soumise sur ces zones à l'obligation de fournir une offre d'accès dégroupé ou une offre d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale.
En pratique, si les propriétaires ou gestionnaires de la boucle locale ou des infrastructures de génie civil de la boucle locale dans ces zones ne proposaient pas d'offre d'accès dégroupé ou d'offre d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale dans des conditions équivalentes à celles fournies par France Télécom sur le reste du territoire, l'Autorité pourrait traiter cette situation en règlement de différend déposé par des opérateurs tiers.
4.2.1.6. Conclusion
Au vu des éléments d'analyse qui précèdent, l'Autorité estime qu'il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès dégroupé à sa boucle locale cuivre, d'accès aux infrastructures de génie civil de sa boucle locale, ainsi qu'aux prestations connexes qui y sont associées.
Dans ce cadre, France Télécom est invitée à négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent l'accès sur ce marché, afin de minimiser les cas de litiges.
En l'absence de mesure moins contraignante pour France Télécom qui permettrait d'atteindre le même but, les prescriptions sont proportionnées tant aux critères énoncés au V de l'article L. 38 du CPCE qu'aux objectifs de l'article L. 32-1 du CPCE précité, en particulier les 3° et 4°.
4.2.2. Précision de l'obligation pour le dégroupage de la boucle locale cuivre
Le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom, et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement des offres de dégroupage.
A cette fin, il devra être tenu le plus grand compte des éléments d'appréciation retenus dans le CPCE dans son article L. 38-V.
En particulier, l'Autorité observe que l'une des caractéristiques structurantes du dégroupage est d'assurer aux opérateurs une forte indépendance aux choix technologiques de France Télécom, et de leur permettre, ainsi, de préserver leur capacité d'innovation. Les modalités de l'accès dégroupé ne doivent pas venir limiter artificiellement la possibilité pour les opérateurs de proposer des offres innovantes par rapport aux offres du groupe France Télécom.
Compte tenu du développement actuel du marché et des offres, il apparaît d'ores et déjà que certaines demandes d'accès doivent être considérées comme raisonnables ; il convient donc, conformément à l'article D. 310 du CPCE, de préciser plusieurs obligations qu'il apparaît nécessaire d'imposer à France Télécom pour les offres de dégroupage.
4.2.2.1. Prestations existantes
Les prestations qui étaient fournies par France Télécom avant la mise en œuvre du précédent cycle d'analyse de marché, et qui relèvent du marché pertinent considéré au titre du dégroupage, sont le fruit de demandes auxquelles France Télécom avait accédé car elle les estimait raisonnables, ou qui lui avaient été imposées par les autorités de régulation en tant qu'elles étaient justifiées et proportionnées aux problèmes de concurrence rencontrés.
Ces offres de dégroupage représentaient à la date du 31 décembre 2010 plus de 85 % des accès que France Télécom vend sur le marché de gros aux opérateurs alternatifs. Elles apparaissent donc comme structurantes pour le marché. Toute remise en cause ou évolution artificielle à court terme de ces prestations serait une source de déstabilisation technique, économique et commerciale des opérateurs et serait finalement nuisible au marché.
Le maintien des prestations existantes, dès lors qu'elles sont susceptibles de répondre aux obligations imposées au titre de la présente analyse de marché, est donc un élément indispensable pour assurer la pérennité des plans de développement des opérateurs. Ce maintien doit être assuré sans coûts supplémentaires ou frais de migration.
En particulier, les principales évolutions apportées par France Télécom aux processus et prestations existantes depuis la décision d'analyse de marché n° 2008-0835 devront être maintenues et intégrées dans l'offre de référence d'« accès à la boucle locale » de France Télécom.
Toutefois, les évolutions technologiques peuvent rendre obsolètes, à l'horizon de la présente analyse, certaines prestations existantes. Sous certaines conditions qui devront être précisées le cas échéant, l'obligation de maintenir de telles prestations, qui ne paraîtrait pas proportionnée, pourrait être levée.
Le maintien des prestations déjà proposées aux opérateurs, dès lors qu'elles sont susceptibles de répondre aux obligations imposées au titre de la présente analyse de marché, se fonde sur les dispositions des 1° et 3° de l'article D. 310 du CPCE. En l'absence de moyens moins contraignants permettant de rendre possible l'exercice d'une concurrence effective entre les opérateurs sur les marchés de détail à l'échelle du territoire national, dans l'intérêt des utilisateurs, conformément aux objectifs mentionnés au 2° du II de l'article L. 32-1 et D. 310 du CPCE, et compte tenu du b du V de l'article 38 relatif au degré de faisabilité de la fourniture des accès concernés, la mesure est proportionnée au but poursuivi.
4.2.2.2. Dégroupage total/dégroupage partiel
Conformément à la définition du marché pertinent sur lequel portent les obligations imposées dans la présente décision, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès concerne deux modalités de dégroupage :
― le dégroupage total ;
― le dégroupage partiel.
L'accès à ces deux modalités de dégroupage doit être proposé par France Télécom. Ces obligations sont par ailleurs déjà imposées à France Télécom en vertu du règlement européen précité et la précédente analyse de marché du dégroupage. Enfin, elles le sont également en vertu de l'article D. 308 du CPCE.
Ces deux modalités de dégroupage présentent des spécificités fortes en termes opérationnels, à la fois pour la commande des accès et pour le rétablissement des dérangements.
Pour le dégroupage partiel, la commande d'un accès se fait nécessairement sur la base d'une ligne supportant déjà un accès téléphonique. L'identification de la ligne pour la commande est dès lors facilitée. De même, les cas de coupure d'accès sont simples à diagnostiquer en dégroupage partiel, dans la mesure où l'accès téléphonique reste opéré par France Télécom, ce qui permet l'utilisation par France Télécom de ses propres outils de test.
Pour le dégroupage total, la commande d'un accès peut se faire soit pour un abonné dont la ligne supporte déjà un service, soit pour un abonné n'ayant aucun service. On distingue en fait trois cas de commande en dégroupage total, selon la situation de la paire de cuivre de l'abonné :
― la commande de dégroupage total sur paire active, c'est-à-dire pour une paire de cuivre supportant déjà un service ;
― la commande de dégroupage total sur paire inactive, c'est-à-dire pour une paire de cuivre construite de bout en bout, mais ne supportant pas de service ;
― la commande de dégroupage total par construction, c'est-à-dire pour une paire de cuivre n'étant pas construite de bout en bout jusqu'au local de l'abonné. France Télécom réalise alors une prestation d'aboutement de tronçons, et peut, le cas échéant, intervenir jusque dans le local de l'abonné pour réaliser le branchement.
Il convient que les opérateurs soient en mesure de commander la livraison d'accès en dégroupage partiel et en dégroupage total, quel que soit l'état initial de la ligne de l'abonné, et de demander le rétablissement des dérangements pour ces deux modalités de dégroupage. En particulier, la possibilité de commander le dégroupage total pour une ligne ne supportant aucun service est indispensable pour garantir l'égalité des conditions de concurrence entre France Télécom et les opérateurs tiers dans le cas où un client emménage dans un nouveau local et souhaite s'abonner directement à une offre de haut débit sans abonnement téléphonique.
4.2.2.3. Accès résidentiel/professionnel
Les opérateurs alternatifs clients du dégroupage de France Télécom proposent leurs propres offres haut débit sur les marchés de détail aval, à la fois pour la clientèle résidentielle et pour la clientèle professionnelle. France Télécom propose, elle aussi, ses propres offres, à travers ses marques Orange pour la clientèle résidentielle et Orange Business Services pour la clientèle professionnelle. Ces deux types d'offres, si elles correspondent à des prestations techniques voisines, se distinguent nettement au niveau des options ou des caractéristiques additionnelles, notamment en termes de qualité de service et de garantie du débit.
La qualité de service doit être présente à chaque étape de la chaîne technique : pour un opérateur alternatif, elle dépend à la fois des services et des paramètres qu'il contrôle lui-même, et de la qualité de service propre de l'offre de dégroupage de France Télécom.
Ainsi, afin de pouvoir commercialiser leurs produits auprès de clients résidentiels et professionnels, et concurrencer les offres aval de France Télécom, les opérateurs alternatifs doivent bénéficier d'offres de dégroupage répondant aux besoins de ces deux types de clientèle, y compris à certains besoins spécifiques de la clientèle professionnelle dont la grande variété de typologies de raccordement peut nécessiter des processus adaptés. De plus, au vu du degré de maturité désormais élevé des marchés aval, les conditions de fourniture de ces offres doivent permettre aux opérateurs tiers de répondre aux attentes fortes des clients en termes de qualité de service, notamment sur la livraison des accès, sur les débits effectifs et sur les relèves de dérangement.
Pour France Télécom, la fourniture d'offres de dégroupage pour ces deux segments de marché ne constitue pas une obligation disproportionnée. En effet, le réseau sous-jacent est le même ; seules diffèrent les prestations de construction des accès et de rétablissement des dérangements. Or, France Télécom bénéficie de ces options de qualité de service renforcées pour ses propres produits de détail.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a et b de l'article L. 38 V du CPCE sont ainsi vérifiés. En tenant compte de ces éléments, l'Autorité estime que cette obligation n'est pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis en particulier ceux d'égalité des conditions de concurrence et de développement de la compétitivité, et des contraintes qu'elle fait peser sur France Télécom.
Par suite, conformément aux dispositions des 1° et 3° de l'article D. 310 du CPCE, l'Autorité estime qu'il est nécessaire que la société France Télécom propose des prestations permettant aux opérateurs alternatifs de présenter des offres à la clientèle résidentielle, d'une part, et à la clientèle professionnelle, d'autre part, avec des processus de production et des engagements de qualité de service adaptés aux besoins de ces deux segments de marché.
4.2.2.3.1. Précisions pour le marché résidentiel
Avec près de deux tiers des ménages disposant d'un accès haut débit, le marché résidentiel a désormais atteint un degré de maturité très élevé, caractérisé non plus tant par la conquête des nouveaux abonnés n'ayant pas encore d'accès haut débit, mais par la conquête d'abonnés entre opérateurs. A ce titre, la qualité de service est de plus en plus déterminante pour les opérateurs sur le marché de détail résidentiel, en particulier à l'occasion de l'emménagement dans un nouveau logement, moment propice au changement d'opérateur. Il convient ainsi que France Télécom mette à disposition des opérateurs tiers des outils et des processus adaptés pour la construction de ligne en dégroupage total afin de leur permettre de proposer des offres en phase avec les attentes des abonnés en termes de délai de livraison.
Aussi, chaque abonné est de plus en plus soucieux, au regard de la multiplicité des services possibles sur un accès haut débit, à la qualité de sa ligne, en particulier au niveau de débit réellement disponible. Il est possible que l'accès d'un abonné fonctionne mais présente des problèmes limitant les services disponibles, tels que des désynchronisations répétées ou un débit réel très inférieur au débit théorique attendu. Ces problèmes, dits « non francs », sont difficiles à diagnostiquer. Ils peuvent notamment trouver leur origine soit dans le réseau de boucle locale cuivre de France Télécom, soit dans des perturbateurs électromagnétiques extérieurs (enseigne lumineuse, ascenseur, etc.), soit dans l'environnement du client.
Le critère de continuité métallique retenu à ce jour par France Télécom ne permet que de garantir la qualité de service de la voix commutée. Au-delà de ce seul critère, pour les défauts non francs, il convient que l'opérateur dégroupeur soit en mesure d'identifier le plus précisément possible l'origine du problème et si ce défaut se situe chez le client final ou plus en amont dans le réseau de boucle locale de France Télécom. Il apparaît donc nécessaire que soit défini, conjointement par les équipes des opérateurs tiers et celles de France Télécom, un diagnostic pour les défauts non francs. Ce diagnostic sera effectué par les opérateurs tiers et ses résultats seront communiqués aux équipes de France Télécom. Il convient dans ce cas que France Télécom mette en œuvre un processus de rétablissement pour assurer les services des abonnés finals et des opérateurs. Le processus de résolution des défauts non francs fera l'objet d'un suivi opérationnel.
4.2.2.3.2. Précisions pour le marché professionnel
Du fait de ses spécificités et de sa sensibilité, le segment de marché professionnel requiert une attention particulière dans le traitement de la commande des accès et de la relève des dérangements.
France Télécom propose d'ores et déjà des prestations adaptées et utilisées in fine pour adresser spécifiquement la clientèle professionnelle, tant au niveau de la construction des accès (la mise en service « hotline », accès multipaires pour les besoins des technologies SDSL, etc.) qu'au niveau de la qualité de service (garantie de temps de rétablissement, protection des accès sensibles contre les écrasements à tort, etc.).
Il convient que France Télécom maintienne les prestations existantes, et poursuive l'adaptation de ses processus de commande, ainsi que des outils mis à disposition des opérateurs tiers, compte tenu de l'évolution des attentes sur le marché de détail professionnel.
En particulier, afin de pouvoir répondre à des besoins spécifiques de raccordement formulés par la clientèle professionnelle, et concurrencer les offres aval d'Orange Business Services, il apparaît raisonnable que les opérateurs tiers disposent d'offres de gros leur permettant d'accéder aux informations pertinentes existantes concernant la boucle locale cuivre de France Télécom permettant une meilleure anticipation des conditions de raccordement et, le cas échéant, de commander la réalisation d'un ensemble d'opérations élémentaires concernant cette boucle locale.
Ainsi, les opérateurs alternatifs ont exprimé le besoin, d'une part, d'anticiper les opérations éventuellement nécessaires préalablement au raccordement (désaturation, création de têtes de câble, réalisation de la desserte interne, etc.) et, d'autre part, de créer leurs accès sur la tête de câble de leur choix afin d'optimiser leurs déploiements et l'utilisation des ressources disponibles sur le réseau cuivre (sécurisation, limitation des désaturations, réutilisation de dessertes internes existantes, etc.). En conséquence, les opérateurs alternatifs souhaitent pouvoir s'informer sur les têtes de câbles présentes sur les sites de leurs clients finals et la disponibilité de paires de cuivre sur ces têtes de câbles.
Par ailleurs, les opérateurs alternatifs ont spécifié plusieurs besoins concernant la réalisation d'opérations sur la boucle locale cuivre de France Télécom et en particulier :
― la création et l'extension des terminaisons cuivre du réseau sur les sites clients, appelées communément « têtes de câble », ainsi que leur déplacement ;
― le raccordement de sites sans adresse postale normalisée, de sites non desservis préalablement ou nécessitant une coordination entre France Télécom et l'opérateur tiers lors de la livraison, ou a minima la possibilité de s'appuyer sur la boucle locale cuivre de France Télécom pour procéder à de tels raccordements.
Pour qu'elles soient utilisables de manière efficace dans le cadre du marché professionnel, ces différentes opérations doivent pouvoir être coordonnées avec la livraison de produits de gros basés sur la boucle locale cuivre de France Télécom, dont les offres de dégroupage.
Ces besoins, dans leur principe, apparaissent pertinents et il convient que les offres de gros permettent d'y répondre. Ils font d'ores et déjà l'objet d'échanges entre France Télécom, l'Autorité et les opérateurs alternatifs, et des travaux et expérimentations sont en cours pour permettre de préciser le caractère raisonnable du périmètre et des modalités de telles offres.
Par ailleurs, la capacité de l'opérateur à respecter les délais convenus et, à défaut, à informer son client sur les causes des décalages et les délais ainsi introduits étant un facteur particulièrement important dans la relation entre l'opérateur et le client final sur le marché professionnel, il apparaît raisonnable de demander que France Télécom transmette aux opérateurs tiers une information adaptée tout au long du traitement de la commande des accès et de la relève des dérangements. Cela concerne en particulier les cas de commande générant des désaturations ou des petites opérations d'infrastructure, pour lequel l'opérateur tiers doit systématiquement être informé dans un délai adapté, avec fourniture du type de travaux engendré et du délai estimatif modifié de livraison.
Enfin, afin de refléter l'importance particulière de la qualité de service comme facteur de compétitivité sur le marché professionnel, et permettre la réplication des engagements de qualité de service (« service level agreement ») couramment pratiqués sur le marché de détail, y compris par Orange Business Services, il est raisonnable de demander que les offres de dégroupage destinées à produire des accès pour les entreprises soient assorties d'engagements contractuels renforcés de la part de France Télécom, incluant des mécanismes de pénalités suffisamment incitatifs.
L'Autorité sera particulièrement vigilante sur les résultats en matière de qualité de service sur les produits à destination du marché professionnel. L'absence de discrimination entre Orange Business Services et les opérateurs alternatifs sera en particulier appréciée au travers des indicateurs portant sur la qualité de service, qui pourront être complétés en tant que de besoin pour mieux évaluer les différents processus.
4.2.2.4. Technologies autorisées
L'introduction de nouvelles technologies à la boucle locale ou à la sous-boucle peut venir perturber le fonctionnement des systèmes déjà en place, voire restreindre le développement de futures technologies en cours de normalisation.
A la suite de la décision n° 2002-0752 de l'Autorité du 19 septembre 2002 modifiée par la décision n° 2009-0446 en date du 7 mai 2009 portant constitution d'un comité d'experts pour l'introduction de nouvelles techniques sur la boucle locale, un comité d'experts composé de représentants de France Télécom, des opérateurs alternatifs ayant signé la convention de dégroupage et d'industriels du secteur est chargé d'émettre un avis sur les questions techniques relatives à l'introduction de nouvelles technologies à la boucle locale et à la sous-boucle. Il procède successivement à des simulations théoriques, à des tests en réseau captif, puis, éventuellement, à des expérimentations sur le terrain.
France Télécom est tenue de préciser, dans son offre de référence, les technologies autorisées à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle cuivre, au regard des avis rendus par le comité d'experts. France Télécom doit le faire dans un délai maximum de six mois après la publication de l'avis par le comité d'experts pour tenir compte le cas échéant des délais de prévenance liés aux offres de gros d'accès haut débit en DSL.
4.2.2.5. Processus de commande/livraison/SAV
La mise à disposition par France Télécom de l'accès dégroupé à la boucle locale et à la sous-boucle suppose que France Télécom mette en place des processus opérationnels pour la commande, la livraison des accès et le rétablissement des dérangements, adaptés aux besoins des opérateurs sur les marchés aval concernés.
Le bon fonctionnement et l'efficacité de ces processus opérationnels conditionnent la capacité des opérateurs tiers à livrer leurs propres offres haut débit sur les marchés aval. Les processus mis en place et les outils mis à disposition par France Télécom doivent notamment permettre aux opérateurs tiers :
― de commander des accès en dégroupage total pour des lignes non actives, dans des conditions appropriées compte tenu des besoins identifiés sur les marchés résidentiel et professionnel ;
― de disposer, pour toute commande ou tout rétablissement de dérangement, de suffisamment de visibilité, afin d'être en mesure d'informer l'abonné concerné de l'avancement et des délais prévus.
4.2.2.5.1. Commande de lignes inactives/construction de lignes
Pour une commande de dégroupage total pour un abonné n'ayant pas encore d'accès, les processus de commande sont différents selon qu'il existe une ligne inactive déjà construite de bout en bout, qu'il suffit juste de récupérer au niveau du répartiteur général, ou que la ligne n'est pas construite de bout en bout, ce qui nécessite le déplacement systématique d'un technicien mandaté par France Télécom pour construire la ligne, et donc suppose un délai de production plus long et la mobilisation de ressources supplémentaires.
A ce titre, il importe que les opérateurs tiers soient en mesure de bien vérifier, avant de commander une construction de ligne, s'il n'existe pas une ligne inactive déjà construite de bout en bout jusqu'au logement de l'abonné. France Télécom a ainsi mis en place un outil, nommé SETIAR, listant, à une adresse donnée, l'ensemble des paires de cuivre inactives construites ou non de bout en bout. L'outil SETIAR doit permettre aux opérateurs tiers de disposer d'une information fiable sur l'état d'une ligne de façon à effectuer la commande appropriée, reprise de ligne inactive ou construction.
Aussi, dans la mesure où une opération de construction de ligne nécessite que le technicien de France Télécom intervienne chez l'abonné, il convient que l'opérateur tiers soit en mesure de planifier cette intervention avec son abonné. France Télécom a ainsi développé un outil, nommé e-RdV (e-rendez-vous), permettant aux opérateurs tiers d'avoir accès aux plannings de charge des techniciens de France Télécom.
Par ailleurs, il est possible qu'il n'y ait plus de ressources sur la boucle locale cuivre pour construire la ligne d'un nouvel abonné en dégroupage total. Dans le cas d'un accès monopaire, il convient que France Télécom mette tout en œuvre pour trouver une solution permettant la desserte du local de l'abonné, sans avoir recours à un équipement de multiplexage, incompatible avec les signaux DSL. Dans le cas d'un accès multipaires, pour les besoins d'un client professionnel, il convient que France Télécom propose des solutions de désaturation multipaires, qui peuvent nécessiter le déploiement de nouvelles ressources sur la boucle locale cuivre.
Au regard des objectifs poursuivis, et compte tenu des éléments mentionnées au a, b et d du V de l'article 38, il apparaît justifié et proportionné que France Télécom mette en œuvre les mesures présentées ci-dessus.
4.2.2.5.2. Rétablissement des dérangements
France Télécom propose aujourd'hui des processus de relève des dérangements permettant aux opérateurs de demander le rétablissement des accès dégroupés, total ou partiel.
L'opérateur tiers constatant un problème relevant de la responsabilité de France Télécom émet ainsi une signalisation, que France Télécom doit traiter dans un délai défini, en intervenant au NRA ou en ligne ou chez le client final si l'opérateur en fait la demande. Si le problème n'est pas traité lors de la première intervention, l'opérateur tiers peut alors émettre une deuxième signalisation, ou demander la conduite d'une expertise blanche si le défaut est intermittent pour vérifier la qualité de la ligne. Après la clôture de la deuxième signalisation, il peut demander une expertise contradictoire entre un technicien de France Télécom et son propre technicien.
En premier lieu, il convient d'éviter d'engorger le système mis en place par France Télécom, avec des signalisations qui ne relèveraient pas de sa responsabilité. Ainsi, quand un accès haut débit DSL établi en dégroupage est en dérangement, le problème peut relever soit des équipements de l'opérateur tiers, soit de la boucle locale cuivre de France Télécom, soit de l'installation chez l'abonné. Ainsi, avant de solliciter France Télécom, l'opérateur tiers doit s'assurer que le problème concerne bien la prestation fournie par France Télécom, en menant des vérifications préliminaires à la fois au niveau de ses propres équipements actifs et chez son client.
En deuxième lieu, dans le cas particulier d'un défaut non franc constaté sur une ligne, tel que des désynchronisations répétées ou un débit disponible très inférieur au débit théorique attendu, l'opérateur tiers doit effectuer, dans un premier temps et sur place, toutes les vérifications afin de s'assurer que la perturbation ne trouve pas son origine chez le client final. Suite à ces vérifications, si l'opérateur tiers fait le constat, par un diagnostic et des mesures définies conjointement par les équipes des opérateurs tiers et les équipes de France Télécom, que le dérangement porte avec une probabilité raisonnable sur la partie de la boucle locale cuivre en amont de sa zone d'intervention possible, il est nécessaire que France Télécom propose une prestation visant à traiter le problème, lorsque celui-ci relève de sa responsabilité, et informe alors l'opérateur des modalités et délais de résolution.
En troisième lieu, afin de traiter un accès écrasé à tort, c'est-à-dire ayant été l'objet de la livraison par erreur d'un dégroupage total mal renseigné, France Télécom propose aujourd'hui un processus spécifique de rétablissement rapide, à la fois sur les segments résidentiel et professionnel. Il convient que France Télécom maintienne de tels processus, même si les outils disponibles pour la construction des accès tendent à limiter les cas d'erreur lors des commandes de dégroupage.
4.2.2.5.3. Migrations vers le dégroupage
Les évolutions technologiques, les choix d'architecture de réseaux, les besoins spécifiques de leurs parcs d'abonnés ainsi que le développement de la concurrence sur les marchés de gros du haut débit peuvent amener opérateurs et FAI à se reporter vers de nouvelles offres de gros.
L'existence d'offres de migration permettant à un opérateur de faire évoluer efficacement un ensemble d'accès d'une offre de gros de France Télécom, en particulier de l'offre de bitstream, vers le dégroupage est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement d'une réelle dynamique de la concurrence. Elle étend en effet la concurrence au parc existant, au-delà du flux de nouveaux abonnés. Elle est stratégique pour l'extension de la couverture du dégroupage, puisqu'elle permet aux opérateurs d'attendre d'avoir atteint une masse critique d'abonnés en bitstream au niveau d'un répartiteur donné avant d'investir en dégroupage sur ce répartiteur.
La migration de l'accès doit être la plus transparente possible pour l'abonné final, afin de préserver les intérêts des consommateurs tout en permettant à la concurrence de se développer. Le processus de migration mis en place doit donc viser à synchroniser les différentes opérations techniques et logicielles afin de garantir des délais de coupure les plus courts possibles.
L'offre de migration telle qu'elle existe déjà dans l'offre de référence pour l'accès à la boucle locale de France Télécom est très proche techniquement de l'opération de dégroupage elle-même ; sa spécificité est de devoir être faite dans un temps court pour minimiser la coupure de service haut débit du client. Imposer à France Télécom de proposer une telle offre de migration pour le dégroupage ne représente donc pas de contrainte technique disproportionnée.
Ainsi, en application des dispositions du 1° de l'article D. 310 du CPCE, l'Autorité considère que la société France Télécom doit proposer aux opérateurs des offres de migration des offres de gros d'accès haut débit vers le dégroupage.
A minima, France Télécom devra proposer des offres de migration :
― de l'offre d'accès haut débit « avec RTC » (offre DSL Access) vers le dégroupage partiel ;
― de l'offre d'accès haut débit « sans RTC » (offre DSL Access Only) vers le dégroupage total ;
― de l'offre d'accès haut débit destinée à la clientèle professionnelle (offre « DSL Entreprises ») vers le dégroupage total avec garantie de temps de rétablissement (GTR).
Il résulte de ce qui précède que cette obligation est proportionnée, compte tenu des éléments mentionnés aux a, b et d du V de l'article L. 38 du CPCE et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre les objectifs poursuivis, en particulier ceux visés au II de l'article L. 32-1 du CPCE, de promotion des investissements efficaces dans les infrastructures, de compétitivité ainsi que de protection des consommateurs.
4.2.2.5.4. Dégroupage total par transfert de ligne
avec portabilité du numéro
La portabilité des numéros en cas de changement d'opérateur est un droit reconnu aux abonnés par l'article L. 44 du CPCE. La capacité pour un opérateur alternatif à demander, lors du dégroupage total d'une ligne active qui supporte un service téléphonique, la portabilité du numéro de téléphone, est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement du jeu de la concurrence. Un changement de numéro peut en effet constituer un frein important au changement d'opérateur.
Cette portabilité doit donc se faire dans les conditions les plus transparentes possibles pour l'abonné final changeant d'opérateur : les processus de dégroupage total et de portabilité doivent donc être synchronisés, afin que le délai de coupure du service téléphonique soit le plus court possible.
Dans sa décision n° 2009-0637 relative aux modalités d'application de la portabilité des numéros, l'Autorité précise ainsi que « le jour du portage effectif du numéro, les opérateurs fixes prennent toutes les dispositions nécessaires pour que l'interruption de service en émission ou en réception soit la plus courte possible pour l'abonné fixe. En tout état de cause, l'interruption de service en émission ou en réception ne peut être supérieure à six heures à compter du 1er janvier 2011, puis à quatre heures à compter du 1er janvier 2012. »
L'Autorité note que le respect des délais règlementaires peut s'avérer complexe compte tenu de la mise en œuvre de certains processus opérationnels de gros. Néanmoins, il convient que France Télécom poursuive l'amélioration de ses processus afin de répondre aux exigences posées en termes de qualité de service concernant le délai de coupure du service.
Au regard des critères énumérés au V de l'article L. 38 du CPCE, notamment aux a et d, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné, eu égard aux objectifs précités du II de l'article L. 32-1 du CPCE et notamment celui de protection des consommateurs, que France Télécom propose aux opérateurs un processus effectif de synchronisation du dégroupage total et de la portabilité du numéro, et s'engage à garantir un délai de coupure maximum, dans le respect de la décision de l'Autorité n° 2009-0637 précitée.
4.2.2.6. Prestations connexes liées à la cohabitation
Afin que les opérateurs tiers soient en mesure de pouvoir commander effectivement des accès dégroupés à la boucle locale ou à la sous-boucle, il est nécessaire qu'ils puissent installer leurs équipements actifs en bout de ligne, c'est-à-dire à dire au niveau des répartiteurs et sous-répartiteurs de France Télécom.
En particulier, pour l'accès à la boucle locale, l'hébergement directement au sein du NRA (nœud de raccordement d'abonnés) de France Télécom, siège du répartiteur général, constitue généralement pour un opérateur tiers une alternative plus efficace sur les plans opérationnel et économique que la reconstruction, à proximité immédiate du NRA, d'un bâtiment dédié tel qu'un préfabriqué.
A ce titre, il convient que France Télécom propose, pour l'accès à la boucle locale, un certain nombre de prestations connexes, pour permettre, d'une part, l'hébergement des équipements actifs des opérateurs tiers au sein des NRA, sous forme d'une offre de cohabitation physique, et, d'autre part, la possibilité pour un opérateur tiers disposant de son propre hébergement à proximité du NRA de se raccorder au répartiteur général, sous forme d'une offre de localisation distante. En l'absence de telles prestations, l'obligation de fournir un accès à la boucle locale serait vidée de son sens puisqu'aucun opérateur ne serait en mesure d'accéder à l'extrémité de cette boucle locale pour y raccorder ses équipements de réseau.
Concernant l'accès à la sous-boucle, les obligations pesant sur France Télécom sont précisées ci-après.
4.2.2.6.1. Offre de cohabitation physique
France Télécom propose aujourd'hui les prestations connexes suivantes dans son offre de référence d'accès à la boucle locale :
― fourniture d'emplacements de dégroupage pour l'installation des équipements actifs ;
― fourniture de câbles de renvoi entre le répartiteur général et le répartiteur cuivre opérateur (RCO) installé au niveau des emplacements de dégroupage ;
― fourniture de lien intra-bâtiment (LIB) entre répartiteur optique et le répartiteur numérique opérateur (RNO) installé au niveau des emplacements de dégroupage ;
― fourniture d'énergie ;
― fourniture de climatisation ou de ventilation ;
― fourniture d'un système d'accès sécurisé aux sites.
Sauf cas spécifiques, l'ensemble de ces prestations est indispensable pour permettre l'hébergement des équipements actifs au sein des NRA de France Télécom, leur alimentation électrique et leur raccordement. Il convient à ce titre que France Télécom maintienne ces prestations connexes.
Les possibilités et conditions de cohabitation dans les NRA de France Télécom diffèrent fortement d'un site à l'autre, essentiellement en fonction de la taille du NRA, c'est-à-dire du nombre de lignes principales qui lui sont rattachées. L'obligation pour France Télécom de fournir ces prestations connexes ne peut donc être uniforme, et doit tenir compte des réalités techniques et opérationnelles des différents NRA sur lesquels ces emplacements peuvent être proposés.
Dans ces conditions, il apparaît nécessaire pour assurer la proportionnalité de l'obligation que l'offre de référence prévoit plusieurs types de prestations connexes de cohabitation physique, adaptés aux différents types de NRA. Ces prestations doivent également prendre en compte les évolutions technologiques, notamment la diminution de la taille des DSLAM (équipements actifs permettant la fourniture d'accès haut débit en DSL) qui a pour conséquence d'augmenter la densité de ports DSL par équipement, et donc le nombre de câbles de renvoi nécessaires par emplacement. En conséquence, France Télécom étudiera les conditions d'accroissement des ressources affectées à chaque emplacement afin d'éviter à un opérateur tiers de commander un emplacement inutilisé pour avoir accès à plus de ressources affectées.
France Télécom décline ainsi ses prestations selon plusieurs types d'emplacements, dans son offre de référence d'accès à la boucle locale :
― emplacement en salle de cohabitation : il s'agit de la prestation historique d'hébergement mise en place sur les premiers NRA dégroupés ;
― emplacement en espace dédié : il s'agit de la prestation générique de colocalisation, qui concerne aujourd'hui une grande partie des NRA dégroupés ;
― emplacement en espace restreint : il s'agit d'une prestation similaire à l'espace dédié, mais nécessitant moins d'espace au sol ;
― emplacement « très petit site » : il s'agit d'une prestation dédiée à l'hébergement au sein des NRA constitués d'une pièce unique, en particulier les NRA-HD (« NRA haut débit »), dans lesquels notamment France Télécom n'installe ni RCO ni RNO.
Hormis la salle de cohabitation, qui n'est plus une solution adaptée à l'hébergement au sein des nouveaux NRA dégroupés, il est nécessaire que France Télécom maintienne la possibilité pour les opérateurs tiers de commander l'ensemble des autres prestations d'emplacements, et adapte ces dernières en fonction des évolutions technologiques et de la taille de plus en plus petite des nouveaux NRA dégroupés. En particulier, compte tenu de la diminution de taille des DSLAM, il convient que France Télécom réévalue les conditions d'aménagement de l'espace disponible au sein des petits NRA, dans un souci de mutualisation entre tous les opérateurs présents, et propose des prestations d'hébergement adaptées aux contraintes opérationnelles et physiques de ces sites. A titre d'illustration, pour les NRA de moins de 1 500 lignes, la prestation d'emplacement dans le NRA pour « très petit site » (c'est-à-dire sans installation de RCO et de RNO) semble, dans son principe, en mesure de répondre à l'objectif visé. Par ailleurs, concernant la prestation de fourniture d'énergie, il convient que France Télécom adapte le seuil minimum de puissance qu'un opérateur peut commander par emplacement dans le cas des petits NRA, notamment en vue d'éviter la saturation de l'atelier d'énergie.
Par ailleurs, pour les NRA non encore dégroupés, France Télécom permet aujourd'hui à un opérateur tiers de souscrire un contrat de fourniture d'énergie auprès d'un prestataire extérieur au moment de son arrivée en dégroupage au niveau d'un NRA. Dans ce cas, France Télécom n'installe pas d'infrastructures particulières pour la fourniture d'énergie. A ce titre, il est raisonnable de considérer que France Télécom n'a plus d'obligation de fourniture d'énergie pour les NRA dégroupés ayant fait l'objet d'un contrat de fourniture d'énergie auprès d'un prestataire extérieur.
Enfin, afin d'améliorer la phase d'étude de faisabilité, préalable à toute commande d'hébergement au sein d'un nouveau NRA dégroupé, et d'éviter l'allongement des délais, il convient que France Télécom étudie, en une seule fois, la faisabilité des différentes solutions d'hébergement et de localisation distante, en tenant compte des contraintes et des spécificités techniques du site, afin de proposer toutes les solutions susceptibles de répondre à la demande des opérateurs.
Au regard des éléments mentionnés au V de l'article L. 38 du CPCE, notamment aux a, b, c et d, et conformément aux objectifs imposés par le II de l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose des prestations de cohabitation physique adaptées pour les différents types de NRA.
4.2.2.6.2. Equipements et fonctions autorisés
France Télécom est tenue de préciser, dans son offre de référence, quels équipements et fonctionnalités sont autorisés pour un opérateur ayant opté pour la cohabitation physique au sein d'un NRA.
Du fait de l'obligation de non-discrimination à laquelle France Télécom est soumise par ailleurs (cf. infra), elle devra notamment autoriser l'installation des équipements et fonctionnalités indispensables aux opérateurs alternatifs pour pouvoir répliquer, dans des conditions non discriminatoires, les offres que France Télécom propose sur les marchés aval.
De façon plus générale, les demandes d'autorisation d'équipements ou fonctionnalités dans les différentes solutions de cohabitation devront être évaluées au regard des critères de l'article L. 38 V et des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1 II du CPCE, en veillant notamment au respect de l'obligation de non-discrimination, à la recherche de l'efficacité économique et au développement de l'innovation.
Notamment, dans une perspective d'efficacité, la mutualisation des ressources déployées sur un site, au titre du dégroupage, des offres de gros d'accès haut débit et des prestations d'interconnexion ou de dégroupage, doit être favorisée, afin de ne pas dupliquer inutilement les ressources. La mutualisation permet en effet d'économiser les ressources disponibles et améliore l'efficacité économique du dispositif mis en place pour l'ensemble des opérateurs.
De même, il est souhaitable pour favoriser l'efficacité des investissements dans les infrastructures de permettre la mutualisation d'équipements entre différents opérateurs. Cette mutualisation minimise les ressources mobilisées par France Télécom pour le compte des opérateurs alternatifs et permet une réduction des coûts au bénéfice de l'ensemble des acteurs, y compris France Télécom.
Au regard tant des critères énumérés au V de l'article L. 38 du CPCE, notamment aux b et d, que des objectifs de régulation imposés par le II de l'article L. 32-1 du CPCE et en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom fasse droit aux demandes raisonnables des opérateurs d'hébergement des équipements et des fonctionnalités, dans le respect notamment de l'obligation de non-discrimination. Elle constitue, au regard de la contrainte imposée à France Télécom et des objectifs poursuivis, le minimum nécessaire pour rendre effective l'obligation de fournir une prestation connexe au dégroupage de colocalisation des équipements.
4.2.2.6.3. Offre de localisation distante
L'offre de localisation distante répond à la demande d'un opérateur tiers qui souhaite disposer de son propre local, à proximité du NRA, pour gérer l'hébergement de ses équipements actifs en toute indépendance. Elle consiste ainsi au raccordement des câbles de renvoi de l'opérateur tiers, depuis l'extérieur jusqu'au répartiteur général, en passant par les infrastructures de génie civil de France Télécom pour pénétrer dans le NRA.
L'offre de localisation distante minimise les contraintes pesant sur France Télécom, puisque l'opérateur tiers est alors indépendant pour la gestion de son hébergement, de l'alimentation électrique et de la climatisation. Elle constitue une alternative aux offres de cohabitation physique, en particulier quand celles-ci ne sont pas techniquement ou économiquement envisageables, notamment dans les NRA particulièrement petits.
Au regard tant des critères énumérés au V de l'article L. 38 du CPCE, notamment aux b, c et d, que des objectifs de régulation imposés par le II de l'article L. 32-1 du CPCE et en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose aux opérateurs tiers une offre de localisation distante dans des conditions techniques et économiques leur permettant la formulation d'offres de détail viables.
4.2.2.6.4. Désaturation
Il est possible que les ressources disponibles au niveau des NRA de France Télécom soient limitées pour permettre l'hébergement, la localisation distante, la fourniture d'énergie ou la commande de câbles de renvoi par les opérateurs tiers. Il convient à ce titre que France Télécom propose des solutions de désaturation adaptées aux différentes situations.
En ce qui concerne l'hébergement des équipements, il est possible que l'espace nécessaire pour l'installation d'emplacements de dégroupage en colocalisation ne soit pas disponible. Les opérateurs tiers peuvent alors avoir recours à la localisation distante pour dégrouper les NRA concernés.
Lorsque le répartiteur général est saturé et qu'il n'y a plus de place pour l'installation de nouvelles têtes de câbles de renvoi, la commande de nouveaux accès en dégroupage par les opérateurs tiers présents peut assez vite être bloquée. Des travaux de désaturation du répartiteur général sont alors nécessaires pour permettre l'installation de nouveaux câbles de renvoi.
La modalité de désaturation la plus simple est le réaménagement des câbles existants par regroupement de têtes, afin de libérer des emplacements pour de nouveaux câbles, en nombre limité toutefois. Quand le réaménagement des câbles n'est plus possible, des travaux d'extension du répartiteur général sont alors nécessaires : il s'agit de travaux lourds, sur devis, et, pour le moment, relativement rares. Dans ce cas, un mécanisme de partage des coûts entre les différents opérateurs présents doit être mis en œuvre.
La saturation peut en outre concerner, dans le cas de la localisation distante, la disponibilité des fourreaux pour pénétrer dans le NRA. Un réaménagement des câbles existants peut être envisagé pour libérer de l'espace disponible au niveau des fourreaux et ainsi permettre le tirage des câbles de renvoi de l'opérateur tiers. En outre, des travaux plus lourds de reconstruction peuvent s'avérer nécessaires.
Compte tenu de l'évolution de la pénétration du haut débit, il est envisageable que les cas de saturation soient de plus en plus fréquents. Pour permettre aux opérateurs tiers de continuer à dégrouper de nouveaux NRA et à commander des accès en dégroupage, il convient que France Télécom maintienne les prestations de désaturation décrites ci-dessus.
De même, il apparaît nécessaire de permettre à l'ensemble des opérateurs tiers de disposer d'un suivi détaillé dans le temps de toutes les opérations de désaturation résultant des commandes d'accès. La liste des NRA saturés ou présentant un risque de saturation, quel que soit le type de saturation, doit être tenue à jour par France Télécom et accessible par tous les opérateurs de dégroupage. Cette liste doit contenir notamment toutes les informations permettant le suivi, pour chaque NRA, des opérations de désaturation, ainsi que l'historique complet des opérations achevées.
4.2.2.7. Offres de raccordement des répartiteurs distants
France Télécom propose aujourd'hui l'offre de gros de « de lien fibre optique NRA-NRA et NRA-POP », dite LFO, pour permettre aux opérateurs tiers d'étendre leur couverture en dégroupage vers de nouveaux NRA. Cette offre consiste actuellement à la fourniture sous forme d'une location de longue durée d'une paire de fibres optiques de collecte entre deux NRA ou entre un NRA et un POP (17).
L'Autorité avait imposé à France Télécom la fourniture de l'offre LFO lors du premier cycle d'analyse des marchés en 2005, constatant l'essoufflement à l'époque de l'extension géographique du dégroupage par les opérateurs tiers privés. Les NRA non encore dégroupés étant alors globalement de plus petites tailles et plus éloignés que les NRA déjà dégroupés, leur rentabilité en dégroupage s'avérait plus faible et l'incitation à l'investissement moindre, notamment au regard des coûts importants relatifs au déploiement de collecte en fibre optique, amortis sur un nombre réduit de lignes.
Depuis lors, l'extension du dégroupage s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui à un rythme soutenu, de l'ordre de 200 nouveaux NRA dégroupés par trimestre, portée pour moitié par les opérateurs tiers privés avec l'offre LFO, l'autre moitié étant liée aux réseaux d'initiative publique des collectivités territoriales. 5 351 NRA sont aujourd'hui dégroupés par au moins un opérateur alternatif, portant la couverture du dégroupage à 82,8 % de la population.
L'Autorité estime que l'extension du dégroupage par les opérateurs tiers privés peut se poursuivre au même rythme au cours du prochain cycle d'analyse des marchés, pour une partie des 9 000 NRA restant à dégrouper, compte tenu notamment de l'évolution des prestations connexes de colocalisation proposées par France Télécom pour mieux répondre à la situation des petits NRA, de la baisse des coûts des équipements actifs, et de l'augmentation sensible de la pénétration du haut débit et de la part de marché des opérateurs tiers.
Aussi, la fourniture de l'offre LFO ne contraint pas France Télécom à investir spécifiquement et de façon risquée pour les opérateurs, puisqu'il s'agit de leur donner accès aux ressources existantes. En outre, sur une grande partie des NRA, la mise en place de ressources concurrentes au réseau de collecte de France Télécom n'est pas viable économiquement. Si l'intervention des collectivités territoriales contribue au dégroupage sur certaines zones du territoire, elle reste à ce jour circonscrite à certains territoires et le réseau de collecte France Télécom reste, dans la majorité des cas, incontournable. Enfin, le dégroupage de la boucle locale permet aux opérateurs tiers de se différencier et d'innover par rapport à France Télécom ; l'extension géographique du dégroupage est ainsi nécessaire au maintien de la concurrence sur le long terme.
L'Autorité estime ainsi justifié de maintenir l'imposition de l'obligation de fourniture de l'offre LFO, sous forme d'une offre de location de longue durée de fibre, en tant que ressource associée à la fourniture du dégroupage de la boucle locale. Cette offre répond aux objectifs d'exercice d'une concurrence effective et loyale entre opérateurs, tout en prenant en compte l'intérêt des territoires, objectifs cités dans l'article L. 32-1 du CPCE. En outre, en l'absence de mesures moins contraignantes permettant d'atteindre le même objectif, l'obligation imposée à France Télécom n'est pas disproportionnée.
A l'occasion du nouveau cycle d'analyse des marchés, l'Autorité demande à France Télécom de faire évoluer son offre LFO, en vue de permettre aux opérateurs tiers privés de continuer à dégrouper de nouveaux NRA.
En premier lieu, plusieurs opérateurs tiers ont indiqué être en mesure techniquement de gérer leur lien de collecte en n'utilisant qu'une seule fibre optique au lieu d'une paire. Compte tenu de cette optimisation, il est raisonnable que France Télécom permette la location d'une seule fibre au lieu de deux, ce qui serait de nature à augmenter l'éligibilité de LFO et à diminuer le coût supporté par l'opérateur tiers.
En deuxième lieu, afin de permettre à un opérateur tiers de sécuriser, en le bouclant, son réseau de collecte, il est raisonnable que France Télécom permette la location d'un lien LFO entre deux NRA déjà dégroupés par l'opérateur tiers, voire par un autre opérateur dans le cas des réseaux d'initiative publique.
En troisième lieu, afin que les opérateurs tiers puissent planifier leurs extensions de dégroupage et réévaluer éventuellement leurs programmes de déploiement à la suite des modifications intervenues sur le réseau de collecte de France Télécom, il est raisonnable, d'une part, que France Télécom informe les opérateurs sur les tracés de fibre de collecte existants et, d'autre part, dans le cas où un lien LFO qui avait été précédemment refusé serait rendu de nouveau éligible, communique cette information à l'opérateur concerné.
En quatrième lieu, il n'existe pas à ce stade d'offre de gros d'accès haut débit activée de France Télécom permettant aux opérateurs alternatifs de proposer sur le marché de détail une offre de télévision sur ADSL en dehors des zones dégroupées. En conséquence, afin de permettre la réplicabilité des offres de détail proposées par Orange et intégrant un service de télévision par ADSL, il convient que France Télécom s'assure de la possibilité effective pour les opérateurs tiers de disposer d'un lien LFO pour raccorder tout NRA sur lequel Orange proposerait des offres incluant un service de télévision par ADSL et qui ne serait pas desservi par un réseau alternatif de collecte en fibre optique.
Enfin, afin de continuer à contribuer à l'extension du dégroupage vers des NRA de plus en plus petits, il convient que les tarifs proposés par France Télécom ne soient pas dissuasifs pour les NRA de petite taille. A ce titre, la tarification actuellement proposée par France Télécom, consistant en un tarif par mètre linéaire plus élevé quand le NRA raccordé est de petite taille, n'apparaît pas la plus adaptée. Il convient donc que France Télécom mette en œuvre une tarification satisfaisante, qui sera appréciée par l'Autorité au regard de sa pertinence à maintenir la dynamique du dégroupage observée jusqu'à présent.
Par ailleurs, afin que les collectivités territoriales puissent planifier leurs déploiements de réseaux de collecte en fibre optique sur leurs territoires dans les meilleures conditions, il apparaît souhaitable que France Télécom puisse proposer une prestation d'étude qui serait accessible aux opérateurs ou collectivités territoriales, consistant à informer, à date, sur l'existence et la disponibilité de liens de fibre optique sur son réseau de collecte. Il convient néanmoins de noter qu'une telle étude ne saurait préjuger de la disponibilité effective de l'offre LFO, et qu'une étude d'éligibilité sera toujours nécessaire lors de toute commande effective de LFO par un opérateur.
4.2.2.8. Réaménagement de la boucle locale
4.2.2.8.1. Obligation générale
France Télécom peut souhaiter faire évoluer la topologie de son réseau de boucle locale cuivre, notamment pour les besoins du haut débit (couverture d'une zone d'ombre en DSL, montée en débit, etc.). Les opérations de réaménagement de la boucle locale cuivre, qui peuvent notamment résulter d'optimisations locales, liées à l'évolution de la répartition de la population, ou de la mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle en mono-injection, modifient la zone de répartition concernée, c'est-à-dire la zone arrière du NRA ci-après nommé NRA d'origine.
Lors de la création de nouveaux points d'injection en DSL, comme par exemple les NRA-HD ou les NRA-ZO (« NRA zone d'ombre »), au sein de la zone arrière d'un NRA d'origine, tous les opérateurs souhaitant activer en propre, c'est-à-dire dégrouper, l'ensemble des accès de la zone concernée doivent ainsi venir installer leurs équipements actifs au niveau des nouveaux points, en plus du NRA d'origine.
En particulier, si le NRA d'origine est dégroupé, les opérateurs présents en dégroupage sont contraints, s'ils souhaitent conserver en dégroupage les accès concernés par l'opération de réaménagement, de venir dégrouper le nouveau point d'injection. S'ils ne procèdent pas de la sorte, ils doivent alors migrer vers une offre d'accès activée de type bitstream leurs accès dégroupés jusqu'alors, ce qui constitue, le cas échéant, une dégradation de l'intensité concurrentielle.
Lors d'un réaménagement, le fait de devoir équiper plusieurs points d'injection pour desservir en dégroupage la même zone arrière constitue pour un opérateur dégroupeur, en l'absence de mesures particulières, un coût supplémentaire par rapport au seul dégroupage du NRA d'origine, tout particulièrement dans l'hypothèse où l'opérateur dégroupeur aurait à reconstruire en propre les infrastructures nécessaires pour l'hébergement de ses équipements actifs au niveau des nouveaux points d'injection et leur raccordement au NRA d'origine.
Par ailleurs, une opération de réaménagement se traduit également par une augmentation du coût moyen par accès dégroupé supporté par un opérateur qui était déjà présent en dégroupage au NRA d'origine, compte tenu des investissements consentis jusqu'alors, dans la mesure où le nombre de lignes adressables depuis le NRA d'origine diminue généralement.
En revanche, les revenus supplémentaires générés sur l'ensemble de la zone arrière du NRA d'origine à la suite d'un réaménagement restent incertains, en particulier lors d'une opération d'accès à la sous-boucle pour une zone déjà éligible au haut débit.
Ainsi, toute opération de réaménagement de la zone arrière d'un NRA conduisant à la multiplication des points d'injection est potentiellement préjudiciable, au regard de l'importance des coûts fixes encourus, à l'équation économique du dégroupage, qui conditionne l'animation concurrentielle des marchés aval. De plus, dans les zones au niveau desquelles la part de marché des opérateurs dégroupeurs serait significativement inférieure à celle d'Orange, par exemple dans le cas des NRA dégroupés depuis peu de temps, une opération de réaménagement, sans disposition particulière, pourrait avoir pour effet de privilégier Orange sur le marché de détail et de restreindre ainsi l'intensité concurrentielle.
Dans son avis n° 09-A-57 en date du 22 décembre 2009, l'Autorité de la concurrence notait à ce titre, dans le cas de l'accès à la sous-boucle qui constitue le cas le plus répandu de réaménagement de la boucle locale, que « la mise en œuvre des solutions d'accès à la sous-boucle de France Télécom, dans le cadre de projets de montée en débit, est en effet susceptible de renforcer la position de France Télécom sur le marché du haut débit. Ainsi, tant la multiplication des points de présence (31 000 sous-répartiteurs potentiellement concernés par des projets de montée en débit, à comparer aux « seulement » 4 000 répartiteurs dégroupés par les opérateurs alternatifs), qu'une forte réduction de la mutualisation des équipements induite par la taille plus limitée des sous-répartiteurs est de nature à avantager l'opérateur disposant de la plus grande part de marché et, compte tenu de l'ampleur des opérations à réaliser, le plus solide financièrement et disposant d'une plus grande capacité de mobilisation ».
L'Autorité de la concurrence soulignait également dans le même avis que « les opérateurs alternatifs ayant déjà investi dans le dégroupage du répartiteur d'origine ne pourront que rarement réinvestir au niveau, cette fois-ci, du sous-répartiteur. Ils seraient alors contraints d'acheter des offres de bitstream à France Télécom pour conserver leurs clients. Or, ces offres sont plus coûteuses et ne permettent pas à ce jour de fournir des services de télévision. Le recul du dégroupage constituerait donc une régression à la fois dans l'intensité concurrentielle et dans la capacité des acteurs à innover. Au final, les consommateurs ne seraient pas assurés de bénéficier des services et des niveaux de prix attendus du fait de la montée en débit. »
Compte tenu de ces éléments, il est nécessaire que toutes les opérations de réaménagement du réseau de boucle locale cuivre de France Télécom consistant en la création de nouveaux points d'injection soient suffisamment encadrées, de manière à ce qu'elles ne conduisent pas à limiter la venue en dégroupage des opérateurs tiers et de facto à restreindre l'intensité concurrentielle au niveau de l'ensemble de la zone arrière du NRA d'origine.
Or, au regard des coûts correspondants, il s'avère que la venue des opérateurs tiers en dégroupage au niveau des nouveaux points d'injection serait fortement limitée dans l'hypothèse où ils auraient à reconstruire leurs propres infrastructures d'hébergement et de raccordement. L'accès à des infrastructures existantes d'hébergement et de raccordement constitue dès lors une condition sine qua non à la venue en dégroupage des opérateurs tiers aux nouveaux points d'injection. Il convient à ce titre que les opérateurs tiers en mesure de dégrouper le NRA d'origine considéré puissent disposer d'offres d'hébergement et de raccordement adaptées pour leur permettre de dégrouper les nouveaux points d'injection, et de desservir in fine l'ensemble de la zone arrière du NRA d'origine en dégroupage.
Dans le considérant 29 de sa recommandation NGA, la Commission européenne préconise que « [...] toute mesure de dégroupage de la sous-boucle en cuivre devrait être complétée par des mesures relatives au réseau de collecte, y compris en fibre optique et Ethernet le cas échéant, et par des mesures correctrices associées garantissant son efficacité et sa viabilité, telles qu'un accès non-discriminatoire aux installations de colocalisation ou, en leur absence, une colocalisation équivalente [...]. »
A ce titre, il convient que, pour toute opération de réaménagement de la boucle locale cuivre, France Télécom propose, d'une part, une offre d'hébergement des équipements actifs des opérateurs tiers au niveau des nouveaux points d'injection et, d'autre part, une offre de raccordement de ces points au NRA d'origine, sous forme de mise à disposition d'une paire de fibres optiques entre le répartiteur optique du NRA d'origine et le nouveau point d'injection. L'obligation pour France Télécom de fournir ces deux offres doit notamment être appréciée au titre de la continuité contractuelle des prestations connexes au dégroupage déjà fournies par France Télécom au niveau du NRA d'origine.
Pour l'ensemble des opérations de réaménagement de la boucle locale cuivre, aussi bien celles réalisées en propre par France Télécom que celles mises en œuvre dans le cadre de réseaux d'initiative publique, France Télécom ne devra pas pratiquer, pour ses offres d'hébergement et de raccordement, de tarifs conduisant un opérateur dégroupeur efficace à renoncer à venir en dégroupage au niveau des nouveaux points d'injection. A ce titre, un tarif des prestations d'hébergement et de raccordement visant à ce que l'opérateur dégroupeur efficace supporte, au niveau du nouveau point d'injection, un coût moyen de l'accès dégroupé du même ordre que celui constaté pour un NRA dont la taille correspond en moyenne aux NRA récemment dégroupés, semble répondre à l'objectif de tarification souhaité par l'Autorité.
Néanmoins, dans les cas exceptionnels et strictement limités des réaménagements liés à la mise en œuvre par France Télécom de son programme de desserte en haut débit des abonnés situés derrière des multiplexeurs de transport ou liés à la création d'une nouvelle zone de desserte téléphonique au titre du service universel, des dérogations au principe évoqué ci-dessus pourront être envisagées compte tenu de la spécificité de ces types de réaménagements et des risques concurrentiels potentiellement plus limités.
Les obligations précédemment exposées sont justifiées et proportionnées dans la mesure où elle vise à préserver l'intensité concurrentielle au niveau de la zone arrière du NRA concerné, et ainsi à limiter l'impact de l'opération de réaménagement pour les opérateurs tiers.
En particulier, dans le cas d'une opération de réaménagement consécutive à la demande par un opérateur tiers d'un accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection (cf. infra), il n'est pas disproportionné d'imposer à France Télécom la fourniture de telles offres d'hébergement et de raccordement, dès lors que France Télécom est en mesure d'exiger de l'opérateur qui demande le réaménagement, la mise à disposition d'un droit d'usage pérenne sur les infrastructures correspondantes, c'est-à-dire sur l'armoire où sont installés les équipements des opérateurs et, le cas échéant, sur un ensemble de fibres au sein du câble de fibre optique installé par l'opérateur tiers pour raccorder le nouveau point d'injection au NRA d'origine.
4.2.2.8.2. Gestion des migrations dans le cas des NRA dégroupés
Dans le cas d'une opération de réaménagement concernant un NRA dégroupé, il convient que France Télécom mette en œuvre tous les moyens pour que les opérateurs présents en dégroupage puissent migrer leurs accès dans les meilleures conditions, qu'ils aient fait le choix de dégrouper les nouveaux points d'injection ou de basculer vers une offre activée de type bitstream, sans avoir à supporter site par site les coûts liés aux opérations de reprise d'accès.
Comme le note la Commission européenne dans le considérant 40 de sa recommandation NGA, « les opérateurs qui bénéficient actuellement de l'accès peuvent légitimement prétendre à un délai approprié pour se préparer aux changements qui ont une incidence notable sur leurs investissements et leur modèle d'activité. En l'absence d'accord commercial, les ARN devraient veiller à ce qu'un processus approprié de migration soit mis en place. Ce processus devrait être transparent et suffisamment détaillé pour que les opérateurs qui bénéficient actuellement de l'accès puissent se préparer à ces changements, et couvrir notamment les règles relatives aux éventuels travaux devant être exécutés en commun par les demandeurs d'accès et l'opérateur PSM ainsi que les modalités exactes de toute suppression de points d'interconnexion [...] »
En premier lieu, il convient que France Télécom assure, pour tout réaménagement de la boucle locale cuivre, un encadrement opérationnel transparent et efficace pour la venue au niveau des nouveaux points d'injection des opérateurs tiers ayant choisi de rester en dégroupage ainsi que pour la reprise des accès lors de l'opération de migration. Cela passe notamment par la communication de l'ensemble des informations nécessaires aux opérateurs tiers dès le début du projet de réaménagement et par la mise en place de processus opérationnels automatisés afin d'éviter les traitements au cas par cas et de limiter les durées de coupure des accès migrés.
En deuxième lieu, il convient que les opérateurs dégroupeurs n'aient pas à supporter une augmentation de leurs coûts au NRA d'origine liée, toutes choses égales par ailleurs, à la diminution du nombre d'accès activés depuis leurs équipements installés au niveau du NRA d'origine, qu'ils aient fait le choix de venir en dégroupage au niveau des nouveaux points d'injection ou de migrer vers une offre activée de type bitstream. A ce titre, il convient que France Télécom mette en place une mesure visant à neutraliser, pour chaque opérateur présent au NRA d'origine, l'impact économique d'une opération de réaménagement consécutive à la mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle en mono-injection. Cette mesure de compensation pourra prendre la forme d'une compensation forfaitaire par accès activé concerné par l'opération de réaménagement.
Enfin, afin de permettre aux opérateurs dégroupeurs d'anticiper et de planifier correctement leur venue éventuelle en dégroupage au niveau des nouveaux points d'injection, il convient que France Télécom prévoit un délai de prévenance suffisant pour tout réaménagement de la boucle locale cuivre. Compte tenu des obligations imposées à France Télécom en termes de gestion des migrations et de fourniture d'offres d'hébergement et de raccordement, un délai de prévenance de six mois semble a priori pertinent.
4.2.2.9. Mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle
L'accès à la sous-boucle cuivre consiste en la mise à disposition au bénéfice d'un opérateur tiers d'un accès direct à la sous-boucle, au niveau du sous-répartiteur.
Deux scénarios de mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle, exclusifs l'un de l'autre, ont été précédemment définis, la bi-injection et la mono-injection. Il convient donc d'analyser séparément ces deux scénarios au regard de l'obligation pour France Télécom de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à sa sous-boucle.
4.2.2.9.1. Accès à la sous-boucle en bi-injection
La bi-injection permet de répondre aux besoins spécifiques d'un opérateur souhaitant accéder à la sous-boucle indépendamment des autres opérateurs, en vue d'apporter des services particuliers dans la zone de sous-répartition concernée. L'opérateur demandeur se charge alors en propre de l'hébergement de ses équipements actifs à proximité immédiate du sous-répartiteur concerné, ainsi que du raccordement de ces équipements.
Dans le cas de la bi-injection, les autres opérateurs peuvent continuer de desservir leurs abonnés depuis le NRA d'origine. La mise en œuvre de la bi-injection n'entraîne donc pas le réaménagement de la zone arrière du NRA d'origine considéré. Néanmoins, il convient que les opérateurs alternatifs puissent être informés de la mise en œuvre à venir d'un nouveau point d'accès du réseau de boucle locale cuivre de France Télécom suffisamment en avance. A ce titre, France Télécom devra informer a minima six mois à l'avance les opérateurs alternatifs de l'ouverture d'un point d'accès en bi-injection.
L'accès à la sous-boucle en bi-injection suppose la mise en œuvre de techniques adaptées pour l'injection des signaux DSL, garantissant l'absence de perturbation des accès émis à la boucle locale par les autres opérateurs restés au niveau du NRA d'origine. France Télécom liste ainsi dans son offre de référence les techniques autorisées pour l'injection à la sous-boucle en bi-injection conformément aux avis rendus par le comité d'experts pour l'introduction de nouvelles techniques sur la boucle locale cuivre.
4.2.2.9.2. Accès à la sous-boucle en mono-injection
L'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection consiste en la création d'un nouveau point d'injection unique au niveau du sous-répartiteur considéré. Dans un souci d'optimisation, une armoire mutualisée permettant d'héberger d'un côté, le répartiteur cuivre et de l'autre, les équipements actifs de tous les opérateurs souhaitant venir à la sous-boucle, est alors installée.
Il est justifié et proportionné d'imposer à France Télécom de répondre aux demandes d'accès à la sous-boucle en mono-injection. Il convient à ce titre de noter que France Télécom était déjà tenue, au titre du précédent cycle d'analyse des marchés, de proposer une offre de gros permettant aux opérateurs tiers de demander le réaménagement de la boucle locale pour la mise en œuvre des NRA-ZO, et de répliquer ainsi l'offre proposée par France Télécom directement aux collectivités territoriales.
Cet accès à la sous-boucle en mono-injection conduit au réaménagement de la boucle locale de France Télécom pour la zone arrière du NRA d'origine concerné. Les opérateurs présents en dégroupage sont ainsi contraints de venir en dégroupage à la sous-boucle s'ils souhaitent conserver l'activation en propre des accès de la zone de sous-répartition concernée.
L'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection ne peut être envisagé que dans des conditions strictes permettant à France Télécom de respecter les obligations qui pèsent sur elle au titre du réaménagement, c'est-à-dire la fourniture d'offres d'hébergement et de raccordement aux opérateurs de dégroupage dans les conditions précisées précédemment.
La fourniture d'une offre d'hébergement par France Télécom nécessite que celle-ci ait la maîtrise pérenne de l'ensemble de l'armoire mutualisée, pour en assurer correctement la gestion et l'exploitation, et puisse être responsable de son installation et de son pré-équipement. L'installation de l'armoire mutualisée suppose en effet une grande coordination entre France Télécom et les opérateurs dégroupeurs sur le plan opérationnel lors des phases de mise en place des équipements actifs, de dérivation de la boucle locale cuivre et de migration des accès. A ce titre, les prestations d'installation et de pré-équipement de l'armoire mutualisée seront donc intégrées par France Télécom à son offre de gros de raccordement à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection.
La fourniture d'une offre de raccordement par France Télécom nécessite que celle-ci ait la maîtrise pérenne d'un faisceau de fibres optiques sur le câble de fibre optique installé par l'opérateur demandeur pour raccorder le nouveau point d'injection au NRA d'origine. La mise à disposition à France Télécom par l'opérateur demandeur d'un faisceau de 6 paires de fibres optiques entre le NRA d'origine et le nouveau point d'injection semble suffisante pour permettre à France Télécom de remplir ses obligations au titre du réaménagement.
Le caractère raisonnable d'une demande d'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection doit dès lors s'apprécier notamment au regard de la capacité pour France Télécom de répondre à ses obligations imposées au titre du réaménagement, compte tenu des conditions, notamment financières, de mise à disposition des infrastructures d'hébergement et de raccordement.
A ce titre, une demande, formulée par un opérateur tiers, d'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection ne pourra être qualifiée de raisonnable que si l'opérateur tiers propose à France Télécom un droit d'usage pérenne, d'une part, sur l'armoire mutualisée et, d'autre part, sur un faisceau de fibres optiques entre le NRA d'origine et le nouveau point d'injection, dans des conditions permettant à France Télécom, d'une part, de proposer effectivement aux opérateurs tiers des offres d'hébergement et de raccordement répondant aux objectifs présentés précédemment et, d'autre part, d'être elle-même présente au point d'injection.
L'armoire mutualisée et le faisceau de fibres optiques ainsi mis à la disposition de France Télécom doivent être destinés à l'usage exclusif de l'accès à la sous-boucle en mono-injection. A ce titre, il convient que France Télécom puisse présenter tous les éléments permettant de vérifier le bon usage de ces infrastructures.
France Télécom est en mesure de refuser une demande d'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection, notamment si elle estime que les conditions de mise à disposition des infrastructures d'hébergement et de raccordement ne lui permettent pas d'assurer la fourniture aux opérateurs tiers d'offres d'hébergement et de raccordement adaptées, compte tenu des obligations qui lui sont imposées au titre du réaménagement, ou ne lui permettent pas d'être elle-même présente au niveau du point d'injection. Tout refus de France Télécom devra en tout état de cause être motivé et France Télécom devra en tenir informée l'ARCEP.
Afin d'aider les collectivités territoriales à mener à bien leurs projets de montée en débit, l'Autorité liste dans un document ad hoc (18) les principes d'une demande raisonnable d'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection.
Enfin, au vu des contraintes causées par le réaménagement, il apparaît raisonnable que l'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection puisse être réservé aux situations les plus pertinentes, c'est-à-dire aux zones de sous-répartition pour lesquelles les gains attendus en termes d'augmentation de l'éligibilité, des débits et des services sont réels. Ainsi, France Télécom n'est pas tenue de faire droit à une demande d'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection au niveau d'un sous-répartiteur qui ne serait pas suffisamment éloigné du NRA d'origine. A titre d'illustration, l'accès à la sous-boucle en mono-injection au niveau d'un sous-répartiteur pour lequel l'atténuation à 300 kHz depuis le NRA d'origine est inférieure à 30 dB n'apporte pas de gain significatif en termes de services. Néanmoins, les sous-répartiteurs ne rentrant pas dans cette catégorie, mais possédant au moins dix lignes inéligibles au haut débit DSL depuis le NRA d'origine, pourraient s'avérer pertinents pour un projet d'accès à la sous-boucle en mono-injection à la condition que cette opération permette de rendre éligible au haut débit DSL la totalité des lignes qui ne l'étaient pas avant le projet.
4.2.2.9.3. Offre de gros de raccordement à la sous-boucle
Quel que soit le scénario d'injection considéré pour l'accès à la sous-boucle, il convient que France Télécom propose une prestation pour permettre à tout opérateur de venir raccorder ses propres équipements actifs au niveau du sous-répartiteur.
Pour des raisons techniques, France Télécom n'a pas souhaité retenir à ce stade la possibilité d'un raccordement direct de câbles de renvoi et l'installation des filtres dans l'armoire du sous-répartiteur. Dès lors, cela suppose la mise en place, à proximité immédiate du sous-répartiteur, d'un nœud de réseau dédié au niveau duquel viennent se raccorder les opérateurs. La mise en place de ce nœud de réseau dédié consiste pour France Télécom à dériver les câbles cuivre de transport juste en amont du sous-répartiteur et à installer de nouvelles têtes de câble cuivre, devant être hébergées dans une armoire.
Pour la mise en œuvre de la bi-injection, France Télécom propose dans son offre de dégroupage depuis le 1er juillet 2010 une prestation de « point de raccordement passif » (PRP) consistant en l'installation par France Télécom d'une armoire dédiée à l'hébergement des nouvelles têtes de câble cuivre créées juste en amont du sous-répartiteur. Une fois l'armoire installée, l'opérateur qui souhaite venir en bi-injection se raccorde alors au moyen d'un câble de renvoi distant à l'armoire PRP de France Télécom.
Pour la mise en œuvre de la mono-injection, France Télécom s'est engagée à proposer, à compter de la date d'application de la présente décision, une offre de gros de « point de raccordement mutualisé » (PRM). Au regard de ce qui précède, il convient que France Télécom puisse, chaque fois qu'elle procède à une opération de réaménagement afin de permettre l'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection, gérer l'installation des équipements actifs des opérateurs dégroupeurs souhaitant venir à la sous-boucle. A ce titre, l'Autorité considère que France Télécom doit inclure la prestation d'installation de l'armoire mutualisée dans son offre de gros de PRM, ainsi que la prestation de migration de l'ensemble des accès haut débit au nouveau point d'injection. Par ailleurs, France Télécom est tenue de mettre en place une mesure visant à neutraliser, pour chaque opérateur présent au NRA d'origine, l'impact économique d'une opération de réaménagement consécutive à la mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle en mono-injection. A ce titre, l'Autorité considère que France Télécom devrait intégrer la prise en compte de ce versement dans son offre de gros de PRM.
4.2.2.9.4. Encadrement de la volumétrie des opérations d'accès
à la sous-boucle en mono-injection
Les opérateurs, c'est-à-dire tant France Télécom que les opérateurs dégroupeurs, disposeront au cours du nouveau cycle d'analyse de marché de capacités de production limitées s'agissant de l'équipement de nouveaux points d'injection à l'occasion d'opérations d'accès à la sous-boucle en mono-injection :
― pour France Télécom, ce sont des ressources à mobiliser pour faire les études préalables et mener les travaux nécessaires de dérivation cuivre et de migrations ;
― pour tous les opérateurs présents sur le marché de détail du haut débit, y compris Orange, c'est pour chaque opération de réaménagement un nouveau point d'injection à gérer (installation des équipements actifs, évolution des réseaux de collecte, gestion des reprises d'accès).
L'encadrement de la volumétrie des opérations d'accès à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection semble dès lors nécessaire, ce qui pose la question de la gestion par France Télécom des flux de commandes de PRM et leur éventuelle priorisation, que France Télécom doit pouvoir justifier vis-à-vis des porteurs de projet, et en particulier vis-à-vis des collectivités territoriales.
A ce titre, il apparaît nécessaire que France Télécom établisse, au regard de ses capacités de production des seuils pertinents pour les commandes de PRM, par exemple par zone d'unité de production réseau, et définisse un ensemble de règles objectives et transparentes pour la gestion des files de commandes de PRM, de sorte que tout opérateur puisse être en mesure de s'engager, notamment lors de la réponse à un appel d'offre d'une collectivité territoriale, sur un calendrier de production.
4.2.2.10. Informations préalables
Afin de réaliser des choix pertinents en matière de déploiement et d'offres commerciales, les opérateurs clients des offres de dégroupage doivent avoir accès à différentes informations préalables. L'accès à ces informations est primordial, puisqu'il est nécessaire pour garantir l'effectivité des différentes prestations d'accès proposées par France Télécom au titre du dégroupage ; c'est un moyen associé à l'accès dégroupé au réseau proprement dit.
Ces informations peuvent être regroupées en deux catégories.
Une première catégorie d'informations permet aux acteurs intéressés par l'offre de dégroupage de France Télécom d'identifier les investissements qu'ils devront consentir pour pouvoir utiliser l'offre de France Télécom ainsi que la clientèle à laquelle ils auront accès selon leur architecture de raccordement. Cette catégorie d'informations doit être mentionnée à l'offre de référence publique, sauf si la publicité de ces données porte atteinte à la sécurité du réseau ; ce point sera traité dans la suite de la décision sous la rubrique « publication d'informations préalables ».
Dans un deuxième temps, les opérateurs déjà clients de l'offre de dégroupage ont besoin d'informations plus fines, notamment pour adapter, en fonction des caractéristiques de la ligne du client final, l'offre technique et tarifaire qu'ils peuvent lui proposer. A ce titre, la fourniture, à tout opérateur ayant signé la convention d'accès à la boucle locale de France Télécom, a minima des informations suivantes, par accès unitaire, apparaît nécessaire :
― les codes du répartiteur et du sous-répartiteur ;
― les caractéristiques techniques de la ligne (longueur et calibre des tronçons, du répartiteur jusqu'au point de concentration) ;
― l'éligibilité au dégroupage en cas de demande d'activation d'un accès préexistant par tronçons.
A ce titre, France Télécom a mis en œuvre un serveur d'éligibilité, commun avec ses propres offres de gros d'accès haut débit.
Par ailleurs, les opérateurs ont aussi besoin d'informations liées à la cohabitation physique des équipements sur les différents sites (disponibilité de solutions de cohabitation sur un site donné, saturation d'un équipement sur un site donné, etc.).
Une obligation de fourniture des informations préalables, notamment celles citées ci-dessus, apparaît comme proportionnée aux objectifs du CPCE ; notamment, elle est une condition sine qua non de l'effectivité des offres d'accès, et apparaît donc comme nécessaire pour préserver la concurrence à long terme, répondant ainsi notamment au critère c du V de l'article L. 38 du CPCE, et représente un investissement spécifique faible pour France Télécom. Elle est également proportionnée aux objectifs fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE, en particulier les 2°, 3° et 4°. Enfin, elle constitue, au regard de la contrainte imposée à France Télécom au regard des objectifs poursuivis, le minimum nécessaire.
Au regard de ce qui précède, et sur le fondement du 3° du I de l'article L. 38 du CPCE qui permet à l'Autorité d'imposer à l'opérateur puissant l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des moyens associés, France Télécom devra donner accès pour les offres d'accès dégroupé aux informations préalables nécessaires à la mise en œuvre effective de l'offre, en tant que ressource associée au dégroupage.
4.2.2.11. Raccordement des éléments de réseau distants
Au cours de la période couverte par la présente analyse de marché, il semble probable que les opérateurs mobiles, qui achètent actuellement l'offre de gros AIRCOM de France Télécom, viennent à demander à France Télécom d'utiliser les offres de gros de dégroupage pour raccorder leurs éléments de réseau.
En effet, au cours de la période couverte par la précédente analyse, SFR, par le rachat de Neuf-Cegetel, et Bouygues Telecom sont entrés sur les marchés de gros d'accès fixe afin de proposer des offres fixes de détail destinées à la clientèle résidentielle et professionnelle à laquelle ils fournissaient déjà des services mobiles. Le groupe Iliad est, lui, entré sur le marché mobile à la suite de l'attribution de fréquences à Free mobile.
La plupart de ces opérateurs sont présents sur de nombreux NRA et disposent d'un réseau de collecte adapté pour l'acheminement des données de leurs stations BTS vers leurs éléments de réseaux situés en amont, notamment les BSC et MSC mobiles.
Les nouvelles normes de transmission des réseaux mobiles, telles que la 3G+ et la 4G, permettent un transport de données à des débits élevés. Cette montée en débit et le taux élevé d'utilisation des BTS nécessitent des opérateurs mobiles un réseau de collecte suffisamment dimensionné pour permettre une utilisation satisfaisante pour le consommateur des offres de données mobiles.
L'offre de gros AIRCOM ne permet pas à ces acteurs de valoriser leurs infrastructures de réseaux fixes capillaires et leurs investissements dans le dégroupage, contrairement au groupe France Télécom/Orange. L'offre AIRCOM est en effet livrée par France Télécom au niveau des nœuds de son réseau de collecte situés significativement plus en amont des NRA et fournie sous forme de liaisons complètes, et donc tarifées en tant que telles.
Il apparaît pourtant que l'offre de gros AIRCOM, basée sur les technologies DSL, repose techniquement sur des offres de gros disponibles. Il semble ainsi légitime que les opérateurs mobile tiers puissent avoir accès sur le marché de gros à ces mêmes briques élémentaires afin de raccorder leurs BTS. L'accès à ces offres de gros élémentaires pourrait en particulier leur permettre de bénéficier des mêmes processus que les offres de gros régulées lorsque les caractéristiques des raccordements le permettent. Toutefois, des processus adaptés à certaines typologies de raccordement peuvent également s'avérer nécessaires. Les spécificités de ces raccordements peuvent être liées, d'une part, aux sites desservis (raccordement sur sites ne disposant pas d'adresses postales, coordination nécessaire entre les opérateurs lors de l'installation) et, d'autre part, à l'absence de raccordement préalable sur les sites.
Au vu des éléments présentés, la demande des opérateurs d'utiliser des prestations de l'offre de gros de dégroupage pour le raccordement d'éléments de réseaux, et notamment les stations de base mobiles, semble, prima facie, constituer une demande raisonnable d'accès. France Télécom est invitée à répondre favorablement à cette demande notamment au vu du 9° de l'article D. 310 du CPCE. En particulier, l'utilisation de l'offre existante, livrée suivant les processus et dans les conditions inscrites à l'offre de référence, ne saurait être fermée a priori au raccordement d'éléments de réseau.
Il résulte de ce qui précède que cette obligation est proportionnée, compte tenu des éléments mentionnés aux a à d du V de l'article 38 du CPCE et des objectifs fixés par l'article L. 32-1 du CPCE précité, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but.
4.2.2.12. Anticipation sur la fermeture des NRA
Les réseaux de fibre optique jusqu'à l'abonné seront déployés, à moyen et long terme, en parallèle du réseau de boucle locale cuivre de France Télécom. Il est ainsi anticipé que, lorsqu'une zone est fibrée, c'est-à-dire lorsqu'une majorité des immeubles d'habitation de la zone sont raccordés en fibre optique, les opérateurs tiers vont progressivement migrer leurs accès en dégroupage vers la fibre optique. France Télécom tient dès lors à ce que, lorsqu'un tel processus de migration est amplement engagé au niveau de la zone arrière d'un NRA donné, elle puisse être en mesure d'annoncer la fermeture à terme de ce NRA. Il convient alors que les opérateurs tiers puissent disposer le cas échéant d'une visibilité suffisante pour anticiper la fermeture du NRA concerné.
Etant donné la vitesse de déploiement des réseaux de fibre optique, en particulier sur la zone très dense, il n'est pas exclu que certains quartiers, voire certaines communes, soient fibrés à l'horizon de la présente analyse de marché. Dès lors, il convient de définir les conditions sous lesquelles France Télécom peut annoncer la date prévue de fermeture d'un NRA donné, ce qui suppose de définir éventuellement une date intermédiaire à partir de laquelle plus aucun accès ne peut être commandé en dégroupage.
Comme le recommande la Commission européenne à l'article 39 de sa recommandation NGA, « les obligations actuelles en matière de PSM devraient être maintenues et ne devraient pas être annulées par des changements apportés à l'architecture et aux technologies de réseau existantes, à moins qu'un accord ne soit conclu concernant un processus approprié de migration entre l'opérateur PSM et les opérateurs bénéficiant actuellement d'un accès au réseau de l'opérateur PSM. Faute d'accord, les ARN devraient veiller à ce que les autres opérateurs soient informés au moins cinq ans à l'avance, compte tenu éventuellement de la situation nationale, de toute suppression de points d'interconnexion tels qu'un répartiteur de la boucle locale. Cette période peut être inférieure à cinq ans si un accès totalement équivalent est fourni au point d'interconnexion. »
Il apparaît raisonnable de convenir à ce stade d'un délai de prévenance minimal de cinq ans pour la fermeture d'un NRA ou d'un sous-répartiteur, à compter du moment où au moins un réseau de fibre optique a été intégralement déployé sur la partie horizontale pour couvrir l'ensemble de la zone arrière du NRA ou du sous-répartiteur concerné. Ce délai devra s'apprécier au regard de la disponibilité pour les opérateurs tiers d'offres de gros fondées sur les réseaux de fibre optique déployés sans préjudice des prochaines décisions d'analyse de marché.
4.2.3. Précision de l'obligation pour l'accès aux infrastructures
de génie civil souterraines et aériennes
Le caractère raisonnable et proportionné d'une demande d'accès formulée par un opérateur doit être apprécié au regard des contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom, du bénéfice attendu pour les acteurs concernés ou plus généralement du fonctionnement des offres d'accès aux infrastructures de génie civil souterraines et aériennes (il est entendu dans les développements qui suivent que les « infrastructures de génie civil » désignent à la fois les infrastructures souterraines et aériennes).
A cette fin, il devra être tenu le plus grand compte des éléments d'appréciation retenus dans le CPCE dans son article L. 38 V.
En particulier, l'Autorité observe qu'une caractéristique structurante de l'accès aux infrastructures de génie civil et aux ressources associées est d'assurer aux opérateurs une forte indépendance en matière de déploiement de réseaux d'accès en fibre optique. Les modalités de l'accès aux infrastructures de génie civil ne doivent pas venir limiter artificiellement la possibilité pour les opérateurs de déployer leurs propres réseaux de boucle locale optique, quels que soient leurs choix technologiques conformément au principe de neutralité technologique, éventuellement en parallèle du déploiement de France Télécom.
L'objectif qui justifie l'accès au génie civil est de permettre à l'ensemble des opérateurs de déployer de nouvelles boucles locales optiques dans les mêmes conditions que France Télécom.
4.2.3.1. Prise en compte de la mutualisation
de la partie terminale des réseaux en fibre optique
Les principes devant guider la mise en œuvre de l'obligation d'accès aux infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale doivent nécessairement être cohérents avec le cadre réglementaire imposant la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique.
La loi de modernisation de l'économie (LME) adoptée le 4 août 2008 instaure le principe de la mutualisation de la partie terminale des réseaux fibre, ce qui implique que tout opérateur ayant équipé un immeuble en fibre doit donner accès à son réseau aux autres opérateurs au niveau d'un « point de mutualisation ». Cette même loi a prévu qu'il appartienne ensuite à l'Autorité de déterminer les conditions techniques et tarifaires permettant effectivement de répondre à cette obligation.
Ainsi, l'Autorité, par les décisions n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 et n° 2010-1312 du 14 décembre 2010, a défini le cadre réglementaire en application de la LME en précisant les conditions de la mutualisation sur l'ensemble du territoire.
Afin d'enclencher le déploiement du très haut débit fixe et compte-tenu des expérimentations menées au cours de l'année 2009, le cadre réglementaire mis en place par l'Autorité dans sa décision n° 2009-1106 fixe certaines règles de mutualisation applicables sur l'ensemble du territoire. Il prévoit en particulier la fourniture d'une offre d'accès passive au point de mutualisation par l'opérateur qui a déployé des lignes à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH), appelé l'opérateur d'immeuble, dans des conditions techniques et économiques raisonnables.
Le schéma défini par l'Autorité est neutre à l'égard des choix technico-économiques des opérateurs et permet de favoriser le développement de services innovants et différenciés, et ainsi d'une concurrence effective. Ce schéma vise également à inciter et à libérer l'investissement des opérateurs via un partage des coûts dans une logique de co-investissement.
Par ailleurs, certaines dispositions de la décision n° 2009-1106 ne concernent que les zones très denses du territoire, qui sont les zones où l'économie de ces nouveaux réseaux est structurellement la plus favorable et permet le déploiement en parallèle de plusieurs réseaux de fibre optique jusqu'au pied des immeubles. Une liste qui détaille les communes appartenant à cet ensemble est définie dans la décision n° 2009-1106, basée sur l'analyse de l'Autorité des agglomérations françaises dont la population est supérieure à 250 000 habitants, au regard d'une part, des critères de densité et de population et, d'autre part, des projets de déploiement des opérateurs.
Dans ces zones très denses, la décision n° 2009-1106 dispose que l'opérateur d'immeuble est tenu de faire droit aux demandes raisonnables de disposer d'une fibre supplémentaire dédiée entre le point de mutualisation et chaque logement, si elle est formulée antérieurement à l'équipement de l'immeuble, moyennant un préfinancement des coûts de son installation, ou d'installer un dispositif de brassage à proximité du point de mutualisation. La décision n° 2009-1106 dispose enfin que, par dérogation au principe posé par l'article L. 34-8-3 du CPCE, le point de mutualisation peut être placé dans les limites de la propriété privée (en pied d'immeuble, par exemple) dans le cas des immeubles des zones très denses de plus de douze logements ou locaux à usage professionnel, ou dans le cas des immeubles reliés à un réseau public d'assainissement visitable par une galerie elle-même visitable. Deux situations peuvent alors être distinguées :
― le cas où le point de mutualisation se trouve en pied d'immeuble, la mutualisation du réseau est alors effective en aval du point de mutualisation, mais pas en amont dans les fourreaux de France Télécom dans lesquels les opérateurs déploient plusieurs réseaux en parallèle ;
― le cas où le point de mutualisation est situé à l'extérieur des immeubles et sera, en pratique, amené à être situé plus en amont dans le réseau. En particulier, dans les poches de moindre densité des zones très denses, une mutualisation accrue sera nécessaire pour permettre le raccordement d'opérateurs tiers au point de mutualisation dans des conditions économiques et techniques raisonnables.
En dehors des zones très denses, le déploiement de réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné doit répondre à certaines contraintes économiques et techniques spécifiques appelant à davantage de mutualisation des réseaux. La décision n° 2010-1312, adoptée le 14 décembre 2010, précise les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur tout le territoire, en dehors des zones très denses.
En particulier, la décision n° 2010-1312 dispose que l'opérateur d'immeuble déploie un point de mutualisation dimensionné et localisé de manière à permettre le raccordement des réseaux de plusieurs opérateurs tiers dans des conditions économiques et techniques raisonnables, et que celui-ci dessert une zone arrière qui compte a minima 1 000 logements ou locaux à usage professionnel existants au jour de son installation. Dans le cas où une offre de raccordement distant mutualisé est proposée, il est alors permis d'établir des points de mutualisation de 300 logements ou locaux à usage professionnel. La décision n° 2010-1312 prévoit également que le point de mutualisation doit être situé à proximité immédiate du segment de transport du réseau d'infrastructures de génie civil de France Télécom, ou d'une infrastructure de génie civil alternative offrant des conditions d'accès équivalentes. Enfin, l'opérateur d'immeuble est tenu de faire droit à toute demande d'hébergement des équipements passifs et actifs au point de mutualisation, dès lors qu'elle est raisonnable et justifiée, tant au regard des besoins de l'opérateur demandeur que des capacités de l'opérateur d'immeuble à la satisfaire.
Ainsi, sur l'ensemble du territoire à l'exclusion des zones très denses, un unique réseau de fibre optique mutualisé pourra être déployé en aval des points de mutualisation et plusieurs réseaux de fibre optique, (pouvant être mutualisés mais, en principe, non mutualisés) seront déployés en amont des points de mutualisation.
A la lumière des développements précédents sur la mise en œuvre des obligations de mutualisation, il ressort que l'accès aux infrastructures de génie civil se déclinera donc à terme entre une zone mutualisée en aval des points de mutualisation et une zone non mutualisée en amont des points de mutualisation. Compte tenu des contraintes différentes sur les réseaux devant être installés sur ces deux zones, les principes régissant l'accès aux infrastructures seront nécessairement différents :
― sur la partie mutualisée, l'objectif sera de mettre en œuvre des règles permettant un déploiement du réseau de fibres mutualisé avec un minimum de contraintes ;
― sur la partie non mutualisée, l'objectif demeurera de permettre aux opérateurs qui offrent des services à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) via des offres de mutualisation de se raccorder aux points de mutualisation.
4.2.3.2. Prestations existantes
L'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom est actuellement matérialisé au travers de plusieurs offres ou conventions, limitées aux infrastructures souterraines, qui n'ont pas les mêmes périmètres et ne procèdent pas nécessairement de la mise en œuvre d'obligations prescrites à l'issue du précédent cycle d'analyse de marché :
― l'offre GC Fttx, « offre d'accès aux installations de génie civil de France Télécom pour les réseaux Fttx », publiée par France Télécom depuis le 15 septembre 2008 en application de la décision n° 2008-0835 de l'Autorité ;
― l'offre LGC ZAC, « location de génie civil en zones d'aménagement concerté », dans lesquelles des fourreaux n'appartiennent pas à France Télécom ;
― l'offre LGC DPR, « location de génie civil en domaine public routier », qui vise à répondre aux dispositions de l'article L. 47 du CPCE ;
― l'offre NRA ― SR, « offre d'accès aux installations de génie civil de France Télécom pour les liens NRA ― SR », publiée par France Télécom depuis le 1er décembre 2009 et qui vise le déploiement de câbles de fibre optique dans les infrastructures de génie civil de France Télécom sur le segment de transport entre NRA et sous-répartiteur ;
― l'offre GC RCA, « offre d'accès au génie civil pour le raccordement des clients d'affaires », non publiée à ce jour, qui vise exclusivement le déploiement de boucles locales optiques en vue du raccordement de clients professionnels ;
― le droit d'usage des fourreaux de France Télécom dont bénéficie le câblo-opérateur au titre des contrats de cession des réseaux du plan câble et qui lui permet, sous conditions, de déployer des câbles de fibre optique.
De manière générale, le maintien des prestations existantes proposées aux opérateurs, dès lors qu'elles sont susceptibles de répondre aux obligations imposées au titre de la présente analyse de marché, se fonde sur les dispositions du 3° de l'article D. 310 du CPCE.
L'Autorité estime néanmoins que l'existence de plusieurs offres distinctes d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale pour le déploiement de câbles de fibre optique peut poser des difficultés quant à leurs périmètres et usages respectifs. Il convient en effet que les opérateurs alternatifs puissent disposer d'offres d'accès transparentes, lisibles et interopérables pour déployer efficacement leurs réseaux. A ce titre, l'Autorité invite France Télécom, au titre des différentes obligations décrites ci-après, à proposer une unique offre de gros d'accès à ses infrastructures de génie civil pour le raccordement des clientèles résidentielle et entreprise et le raccordement des éléments de réseaux. Outre le fait que l'existence de plusieurs offres ne peut se justifier que lorsque cette distinction est rendue strictement nécessaire, il convient par ailleurs que France Télécom uniformise dans la mesure du possible les processus opérationnels et les règles d'intervention de ses différentes offres actuelles.
4.2.3.3. Modalités de l'accès aux infrastructures de génie civil
France Télécom doit faire droit aux demandes raisonnables d'accès à ses infrastructures de génie civil souterraines et aériennes afin de permettre aux opérateurs tiers de déployer leurs propres réseaux de boucle locale en fibre optique.
Constitue une demande raisonnable celle de déployer un réseau de boucle locale en fibre optique sans préjuger d'une technologie ou architecture particulière, tout en tenant compte de la rareté de la ressource et du respect de l'intégrité des infrastructures de génie civil de France Télécom et des réseaux existants. En revanche, le déploiement d'un réseau de boucle locale en cuivre ne constitue pas une demande raisonnable dans la mesure où France Télécom propose aujourd'hui une offre de dégroupage de sa boucle locale cuivre orientée vers les coûts.
Il convient, en premier lieu, que France Télécom définisse les conditions de l'accès à ses infrastructures de génie civil en vue d'optimiser l'utilisation des ressources existantes pour permettre les déploiements des réseaux Fttx sans mettre en péril l'intégrité des réseaux existants. C'est l'objet des règles d'ingénierie, qui décrivent les prescriptions techniques devant être respectées lors de l'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom.
Il convient, en deuxième lieu, que France Télécom permette aux opérateurs de conduire leurs déploiements de réseaux Fttx en bénéficiant d'une grande autonomie et fasse en sorte que plusieurs déploiements puissent être menés simultanément sur une même zone, ce qui requiert en contrepartie une responsabilisation accrue des opérateurs à chaque étape des processus opérationnels de l'offre et une limitation des interventions de France Télécom à de simples étapes de validation. C'est l'objet des modalités opérationnelles définies par France Télécom.
Il convient enfin que, compte tenu de la disponibilité limitée des ressources de génie civil laissées disponibles par les réseaux préexistants et du risque de saturation de ces ressources, les règles d'ingénierie étant respectées, France Télécom propose, sous conditions, des solutions de désaturation visant à libérer de l'espace disponible ou créer de nouveaux espaces pour les déploiements des réseaux de boucle locale en fibre optique.
4.2.3.3.1. Infrastructures concernées
Conformément à la définition du marché pertinent sur lequel portent les obligations imposées dans la présente décision, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès concerne l'ensemble des infrastructures de génie civil de France Télécom constitutives de la boucle locale. Ces infrastructures comprennent donc à la fois le génie civil souterrain, les appuis aériens et l'ensemble des ressources qui leurs sont associées.
4.2.3.3.1.1. Précision sur le génie civil souterrain
Pour le génie civil souterrain, le périmètre de l'obligation d'accès comprend les fourreaux, c'est-à-dire toute gaine ou tube souterrain permettant d'accueillir un ou plusieurs câbles de communications électroniques, des galeries souterraines et des chambres de tirage, autrement dit toute installation souterraine permettant d'accéder aux fourreaux afin d'y déployer des câbles de communications électroniques dans la boucle locale.
Pour les fourreaux et assimilés, le périmètre de l'obligation d'accès concerne :
― les fourreaux installés sur la partie transport, entre le répartiteur cuivre et le sous-répartiteur ;
― les fourreaux installés sur la partie distribution, en aval du sous-répartiteur ;
― les fourreaux installés sur la partie adduction, qui pénètrent dans le domaine privé ou en limite de domaine privé ;
― d'autres infrastructures de génie civil, c'est-à-dire les conduites unitaires et les galeries visitables dans lesquelles est également déployée la boucle locale de France Télécom.
Pour les chambres de tirage, le périmètre de l'obligation d'accès concerne l'ensemble des chambres installées sur le domaine public ou en limite de domaine privé, qui permettent d'accéder aux fourreaux de transport, de distribution, d'adduction ainsi qu'aux appuis aériens.
L'Autorité considère que l'obligation d'accès aux infrastructures ci-avant est proportionnée au titre des a et d du V de l'article 38 du CPCE dans la mesure où France Télécom utilise aujourd'hui ces mêmes infrastructures pour ses propres déploiements sur fibre optique, et qu'il n'est pas économiquement et opérationnellement envisageable pour un opérateur tiers de reconstruire de telles infrastructures de génie civil pour son propre déploiement sur fibre optique.
4.2.3.3.1.2. Précision sur les appuis aériens
Pour les appuis aériens, il convient de distinguer, d'une part, les poteaux et assimilés (potelets, supports en façade d'immeuble, etc.) dont France Télécom est propriétaire et, d'autre part, les appuis communs qui sont la propriété des collectivités territoriales ou de leurs groupements, autorités concédantes du service de distribution d'électricité. Sur ces appuis communs, France Télécom n'est propriétaire que des traverses accueillant ses câbles de boucle locale cuivre.
En premier lieu, le périmètre de l'obligation d'accès comprend ainsi les appuis propres, c'est-à-dire les poteaux et assimilés (potelets, supports en façade d'immeuble, etc.) dont France Télécom est propriétaire.
En second lieu, concernant les appuis communs, tels que les poteaux des réseaux de distribution d'électricité, il n'est pas envisageable d'imposer à France Télécom de proposer une offre d'accès, dont l'initiative revient au propriétaire de l'infrastructure support. Les opérateurs alternatifs sont donc amenés à contractualiser directement auprès des entreprises concernées pour disposer de la possibilité de déployer leurs câbles de fibre optique.
Il apparaît néanmoins que, pour les appuis communs, France Télécom est généralement propriétaire de l'armement (traverse ou point d'ancrage) fixé sur l'infrastructure support, au moyen duquel est aujourd'hui déployée la boucle locale cuivre. C'est le cas notamment pour les appuis communs sur poteaux ERDF, qui représentent une portion très significative des appuis aériens utilisés aujourd'hui par France Télécom.
France Télécom pourrait dès lors disposer d'un avantage concurrentiel par rapport aux autres opérateurs, dans la mesure où elle serait en mesure, pour ces appuis communs, d'utiliser son propre armement (traverse ou point d'ancrage) pour le déploiement de ses propres câbles de fibre optique, et ne serait alors pas contrainte, comme les autres opérateurs, d'installer systématiquement un nouvel armement.
Par ailleurs, il apparaît que les entreprises concernées, et en premier lieu ERDF, souhaitent aujourd'hui limiter le nombre d'interlocuteurs pour les déploiements de réseaux de communications électroniques sur leurs appuis communs, et sont favorables au partage entre opérateurs des traverses ou points d'ancrage.
A ce titre, l'Autorité estime proportionné que, pour les appuis communs dont elle n'est pas propriétaire, France Télécom offre, à tout opérateur ayant contractualisé au préalable avec l'entreprise propriétaire ou concessionnaire de l'infrastructure support, un accès partagé à ses armements (traverses ou points d'ancrage) pour le déploiement de câbles de fibre optique.
Cette obligation est justifiée au titre du f de l'article 12 de la directive « accès », qui prévoit que les opérateurs peuvent se voir imposer de fournir une possibilité de colocalisation ou d'autres formes de partage de ressources associées. Les armements constituent en effet une ressource associée au sens du e de l'article 2 de la directive « cadre », tel que rappelé par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009.
4.2.3.3.1.3. Précision sur les transitions souterro-aériennes
Au sein du réseau de boucle locale de France Télécom, des infrastructures aériennes sont utilisées dans le cadre des transitions souterro-aériennes, aux fins d'adduction et de raccordement des abonnés. L'Autorité estime dès lors que l'obligation d'accès s'étend à ces infrastructures, dans la mesure où elles font partie intégrantes des infrastructures de génie civil aériennes.
L'Autorité note cependant des contraintes juridiques liées à la propriété privée, susceptibles de limiter les possibilités de partage de ces appuis par France Télécom. Il appartient dès lors à France Télécom d'examiner la faisabilité d'un tel partage et de mettre en œuvre les conditions nécessaires pour garantir le déploiement de la fibre dans des conditions non-discriminatoires.
4.2.3.3.2. Règles d'ingénierie
France Télécom doit définir des règles d'ingénierie visant à préciser les conditions techniques de l'accès à ses infrastructures de génie civil souterraines et aériennes en vue de permettre les déploiements effectifs du ou des réseaux de boucle locale en fibre optique sans mettre en péril l'intégrité des réseaux existants, notamment le réseau cuivre de France Télécom sur lequel pèsent des contraintes particulières dans le cadre du service universel.
Dans leur principe, les règles d'ingénierie doivent veiller à éviter la préemption par un opérateur des ressources disponibles ce qui aurait pour effet de bloquer les déploiements subséquents des opérateurs amenés à déployer leurs réseaux dans la même zone. Les règles d'ingénierie doivent parallèlement être adaptées pour prendre en compte les modalités de mise en œuvre de la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique, comme présenté précédemment.
Il en résulte en pratique deux types de situation :
― sur la partie mutualisée, la desserte des immeubles en aval du point de mutualisation implique le déploiement d'un seul réseau de fibre optique point-à-point : les règles d'ingénierie ne doivent dans ce cas pas faire peser de contrainte autre que celle de préserver les réseaux cuivre existants ;
― sur la partie non mutualisée, le raccordement des points de mutualisation implique les déploiements en parallèle par plusieurs opérateurs de câbles de fibre optique : les règles d'ingénierie doivent dans ce cas en priorité viser à garantir un accès aux infrastructures de génie civil à l'ensemble des opérateurs s'étant déclarés partie prenante de la mutualisation et ayant manifesté leur intention de déployer des câbles de fibre optique pour raccorder les points de mutualisation.
Ces mêmes règles d'ingénierie doivent également viser à gérer les déploiements d'autres opérateurs n'ayant pas pour objectif de déployer des réseaux FttH résidentiels. C'est le cas des opérateurs déployant des réseaux de fibre optique pour la desserte des clients professionnels ou des opérateurs déployant des câbles de fibre optique pour raccorder des sous-répartiteurs dans le cadre des projets de montée en débit.
Les règles d'ingénierie doivent gérer les cas de priorité entre les réseaux de fibre optique amenés à être déployés dans les infrastructures de génie civil de France Télécom. L'Autorité estime à ce titre légitime que la priorité soit accordée au déploiement des réseaux FttH résidentiels mutualisés. Cela suppose que les règles d'ingénierie prévoient explicitement que, dans une zone susceptible d'être concernée à terme par le déploiement d'un réseau FttH mutualisé, l'opérateur souhaitant déployer un réseau de fibre optique visant à d'autres usages ait à laisser un espace disponible permettant le déploiement du futur réseau FttH mutualisé.
4.2.3.3.2.1. Pour le génie civil souterrain
Les règles d'ingénierie pour l'accès au génie civil souterrain rassemblent l'ensemble des prescriptions techniques qui doivent être respectées par les opérateurs déployant des câbles de fibre optique dans les fourreaux de France Télécom.
En vue de permettre l'accès partagé à ses infrastructures de génie civil souterraines, France Télécom a intégré dans ses règles d'ingénierie le principe de séparation physique des réseaux, qui suppose que chaque opérateur déploie ses câbles, au sein des fourreaux de génie civil de France Télécom, dans un espace qui lui est propre, ce qui évite toute cohabitation directe au sein d'un même fourreau entre des câbles appartenant à différents opérateurs, et ainsi facilite les opérations de maintenance et limite les risques de dommages lors des opérations de retraits des câbles.
La mise en œuvre du principe de séparation physique des réseaux peut nécessiter la pose de sous-tubes dans les fourreaux de France Télécom, permettant concrètement de partager l'espace au sein des fourreaux. En particulier, un opérateur peut être amené, le cas échéant, à poser un sous-tube dans un fourreau déjà occupé par le câble d'un autre opérateur (câble cuivre, câble coaxial, câble optique), afin de disposer d'un espace dédié. Les sous-tubes rigides posés par les opérateurs ont vocation à être intégrés par France Télécom dans son patrimoine de génie civil.
France Télécom a aujourd'hui intégré dans ses règles d'ingénierie la règle dite du « 1 + 1 » qui pose le principe qu'un opérateur ne peut déployer un câble de fibre optique au niveau d'un tronçon de génie civil qu'à condition qu'il laisse disponible au niveau de ce tronçon après son déploiement un espace disponible permettant à un autre opérateur de déployer un câble de fibre optique de même capacité. Cette règle n'est pas adaptée à la zone mutualisée, pour laquelle il n'y aura a priori, le plus souvent, qu'un seul réseau de fibre optique déployé. Cette règle ne répond en outre pas à l'objectif de permettre les déploiements effectifs de plusieurs opérateurs, dans la mesure où elle ne garantit aucunement, après de premiers déploiements, que les déploiements suivants pourront se faire. Cette règle fait enfin peser un risque de discrimination entre les opérateurs, dans la mesure où elle conduit à imposer une contrainte moins forte sur les premiers opérateurs que sur les opérateurs suivants.
Il convient dès lors que France Télécom fasse évoluer cette règle en tenant mieux compte des dispositions de la mutualisation de la partie terminale des réseaux fibre :
― pour la zone mutualisée, il convient que, dans le cas où il déploie un réseau FttH mutualisé, l'opérateur n'ait pas à laisser au niveau d'un tronçon donné d'espace disponible pour un hypothétique second réseau de fibre optique ;
― pour la zone non mutualisée, le nombre d'opérateurs s'étant déclarés partie prenante de la mutualisation et ayant manifesté leur intention de déployer des câbles de fibre optique dans les fourreaux de France Télécom pour raccorder les points de mutualisation, peut être connu lors de l'établissement des points de mutualisation, ce qui permet d'estimer les ressources de génie civil qui seront utilisés par ces opérateurs au fil des déploiements. Il convient ainsi qu'un opérateur déployant son câble de fibre optique au niveau d'un tronçon donné laisse de la place pour l'ensemble des autres opérateurs concernés n'ayant pas encore déployé leurs propres câbles.
En ce qui concerne l'adduction des immeubles d'habitation, correspondant au fourreau entre l'immeuble d'habitation et la dernière chambre de génie civil de France Télécom, les obligations liées à la mutualisation de la partie terminale posent le principe que, dans le cas particulier où le point de mutualisation est situé sur le domaine privé au niveau du pied d'immeuble, l'opérateur d'immeuble doit s'assurer de la possibilité pour les autres opérateurs de déployer leurs câbles de fibre optique pour raccorder le point de mutualisation. A ce titre, les règles d'ingénierie encadrant l'utilisation des fourreaux d'adduction, qui posent le principe que l'opérateur qui déploie son câble doit laisser une aiguille pour faciliter le déploiement de l'opérateur suivant, semblent en première analyse satisfaisante.
4.2.3.3.2.2. Précisions sur l'occupation des chambres de génie civil
Pour ses propres déploiements de réseaux de fibre optique, France Télécom utilise ses chambres de génie civil d'une part pour le passage de ses câbles de fibre optique, d'autre part pour l'hébergement d'équipements passifs tels que les coupleurs ou les boîtes et manchons de protection d'épissurage.
Un opérateur alternatif qui déploie son propre réseau de fibre optique dans les infrastructures de génie civil de France Télécom est également amené à devoir héberger ses propres équipements passifs. Il convient à ce titre que l'hébergement de tels équipements passifs puisse être assuré dans les chambres de génie civil de France Télécom dans le respect de l'intégrité des équipements déjà en place.
Les règles d'occupation des chambres de génie civil doivent tenir compte de la mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre optique, selon le même principe que présenté précédemment. En particulier, pour la zone non mutualisée, il convient que les capacités d'hébergement dans les chambres de génie civil puissent être convenablement partagées entre l'ensemble des opérateurs amenés à déployer leurs réseaux en parallèle pour raccorder les points de mutualisation.
Par ailleurs, lorsqu'un opérateur déploie son réseau de boucle locale en fibre optique dans une zone d'immeubles d'habitation, il peut ne pas avoir obtenu à temps, auprès des gestionnaires d'immeubles ou des bailleurs concernés, les autorisations de déploiement nécessaires pour être en mesure de faire pénétrer ses câbles de fibre optique dans les immeubles. Dans l'attente d'un tel déploiement dans un immeuble donné, et uniquement dans ce cas, France Télécom doit autoriser l'opérateur à laisser, pour une période raisonnable, un love de câble de fibre optique en attente dans la chambre de génie civil d'adduction de l'immeuble. Toutefois, ce love de câble pourrait être légitimement refusé par France Télécom dès lors qu'il présenterait des risques avérés pour l'exploitation des réseaux existants, notamment dans le cadre des obligations de service universel.
Enfin, dans le cadre de la mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre optique dans les zones très denses telles que définies par l'Autorité, il est possible qu'un ensemble de petits immeubles d'habitation soient raccordés en multifibres depuis un point de mutualisation situé sur le domaine public. Dans l'hypothèse où ce point de mutualisation ne permettrait pas de brassage optique, il est dès lors envisageable qu'il puisse être installé dans une chambre de génie civil, les interventions au niveau de ce point de mutualisation restant exceptionnelles. A ce titre, il convient que France Télécom autorise l'hébergement de tels points de mutualisation multifibres sans brassage optique dans ses chambres de génie civil.
4.2.3.3.2.3. Précisions pour les supports aériens
L'accès aux infrastructures aériennes est soumis à des règles d'ingénierie particulières, liées aux contraintes mécaniques exercées par les réseaux en place et aux efforts acceptables par support pour le déploiement de nouveaux câbles de fibre optique. Il apparaît ainsi que les supports aériens en place ne pourraient être systématiquement en mesure d'accueillir en l'état plusieurs réseaux de fibre optique.
A ce titre, il apparait raisonnable que France Télécom donne accès à ses supports aériens, et à ses armements installés sur des appuis communs, en réservant prioritairement cet accès pour le déploiement des réseaux FttH mutualisés.
Ainsi le refus d'accès pour le déploiement d'un réseau non mutualisé risquant de préempter les ressources disponibles pour le déploiement d'un réseau mutualisé serait légitime, sauf à ce que l'opérateur en faisant la demande prévoit, en parallèle de son déploiement, les travaux de désaturation ― renforcement ou remplacement des appuis ― rendant possible le déploiement ultérieur d'un tel réseau mutualisé.
Il convient par ailleurs que France Télécom mette à la disposition de chaque opérateur les outils nécessaires pour lui permettre d'évaluer les efforts supportés pour un tronçon aérien donné, compte tenu des câbles de fibre optique qu'il souhaite déployer.
4.2.3.3.3. Désaturation du génie civil
L'espace laissé disponible dans ou sur les infrastructures de génie civil de France Télécom par les réseaux préexistants ne permet pas toujours, en l'état, les déploiements des réseaux de fibre optique amenés à être déployés, dans le respect des règles d'ingénierie. Certains tronçons de génie civil, tant souterrains qu'aériens, peuvent ainsi être considérés comme « saturés », au sens où ils ne permettent pas ou plus de déploiement.
Il convient dès lors que France Télécom définisse des processus de « désaturation » efficaces de ses infrastructures de génie civil visant à libérer ou créer dans des délais raisonnables des ressources disponibles afin de permettre les déploiements effectifs des réseaux de boucle locale optique des opérateurs.
4.2.3.3.3.1. Pour le génie civil souterrain
Plusieurs solutions de désaturation sont possibles pour libérer ou créer des ressources disponibles dans les fourreaux de génie civil de France Télécom :
― le retrait des câbles « morts », c'est-à-dire le retrait des câbles cuivre qui ne sont plus en service ;
― le regroupement des câbles cuivre, consistant à déployer un nouveau câble cuivre afin de regrouper les paires de deux petits câbles cuivre existants, qui sont ensuite retirés ;
― le déploiement de sous-tubes textiles à la place de sous-tubes rigides ;
― la construction de nouveaux fourreaux sur l'emprise des artères de génie civil existantes de France Télécom.
A l'horizon du présent cycle d'analyse de marché, il est possible que les cas de saturation du génie civil souterrain de France Télécom soient plus fréquents, en particulier dans les zones non mutualisées, au regard de l'augmentation des déploiements. A ce titre, il convient que France Télécom propose aux opérateurs ces solutions de désaturation, et en précise les conditions au regard des règles d'ingénierie et des conditions de mise en œuvre de la mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre optique.
A ce titre, il convient également que, dans l'objectif décrit précédemment de permettre aux opérateurs de conduire leurs déploiements de réseaux Fttx en bénéficiant d'une grande autonomie, France Télécom propose des solutions de désaturation pouvant être conduites directement par les opérateurs. Cette autonomie des opérateurs dans la mise en œuvre de solutions de désaturation devrait notamment concerner certaines hypothèses de reconstruction de génie civil, notamment lorsqu'elles sont indispensables au déploiement d'un réseau mutualisé.
La saturation « objective » est définie comme l'incapacité réelle, sur un tronçon donné accueillant déjà des réseaux préexistants (cuivre, câbles coaxiaux, fibre, etc.), de répondre aux besoins nominaux des opérateurs amenés à raccorder les points de mutualisation, utilisant des technologies de déploiement peu consommatrices en ressources de génie civil, et identifiés à ce titre comme nécessitant un accès à ce tronçon. A contrario, n'est pas considérée ici comme un cas de saturation « objective » une hypothèse de saturation qui serait due à un cas manifeste d'utilisation par un opérateur d'une technologie fortement consommatrice en ressources de génie civil.
Il est demandé à France Télécom de proposer un ensemble de processus de désaturation. Toutefois, seule l'hypothèse de saturation « objective » légitime un partage des coûts de ces processus de désaturation entre l'ensemble des opérateurs amenés à déployer leurs réseaux de fibre optique au niveau des tronçons considérés.
Il convient par ailleurs que France Télécom puisse assurer, sur la base des éléments remontés par les opérateurs une fois leurs déploiements réalisés, la transmission vers les autres opérateurs amenés à déployer leurs réseaux dans les mêmes zones de toutes les informations concernant les cas de saturation « objective » avérés ou potentiels, de sorte que ces opérateurs puissent anticiper, le cas échéant, la mise en œuvre des travaux nécessaires.
Enfin, lorsque le traitement d'un cas de saturation « objective » suppose la reconstruction d'infrastructures de génie civil, il est légitime que les segments reconstruits soient finalement intégrés au patrimoine de France Télécom, notamment lorsque ceux-ci ne constituent pas un ensemble cohérent et continu de tronçons de génie civil mais des segments épars.
4.2.3.3.3.2. Pour les supports aériens
En ce qui concerne les infrastructures de génie civil aériennes, les cas de « saturation » correspondent aux supports aériens pour lesquels les efforts, au regard des déploiements envisagés de câbles de fibre optique, ne sont pas acceptables compte tenu des limites physiques.
Des solutions sont en fait envisageables pour permettre in fine le déploiement de câbles de fibre optique :
― le renforcement d'un ou de plusieurs poteaux, par exemple par haubanage ;
― la pose d'un ou de plusieurs autres poteaux.
Il convient à ce titre que France Télécom permette aux opérateurs de mettre en œuvre de manière efficace, en tant que de besoin, ces solutions de désaturation afin de permettre les déploiements de fibre optique dans des délais raisonnables. Toutefois, il semble raisonnable au regard des contraintes spécifiques de ces infrastructures, et notamment le fait que celles-ci ne soient pas en mesure d'accueillir en l'état un nombre important de câbles supplémentaires, que les coûts inhérents aux désaturations des supports aériens ne soient partagés que dans l'hypothèse du déploiement d'un réseau mutualisé.
4.2.3.3.4. Processus opérationnels/conditions d'intervention
sur les infrastructures de génie civil
Il convient que France Télécom mette en œuvre les modalités opérationnelles nécessaires pour permettre aux opérateurs de déployer leurs réseaux de fibre optique au niveau de son génie civil souterrain et aérien en bénéficiant d'une grande autonomie. Cela suppose une responsabilisation accrue des opérateurs à chaque étape des processus opérationnels et une limitation des interventions de France Télécom à de simples étapes de validation du respect des règles d'ingénierie.
En pratique, les opérateurs alternatifs opèrent le plus souvent par l'intermédiaire de prestataires extérieurs pour intervenir sur le génie civil de France Télécom. Il convient à cet effet que France Télécom définisse les règles d'intervention sur ses infrastructures de génie civil, tant souterrain qu'aérien, en termes notamment de sécurité et de responsabilité, que devront s'engager à respecter tous les prestataires extérieurs.
Dans l'offre de référence en vigueur de France Télécom, le déroulé opérationnel de l'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom pour le déploiement de câbles de fibre optique nécessite plusieurs phases, ponctuées par des échanges entre France Télécom et l'opérateur alternatif :
― la phase d'étude, consistant pour l'opérateur à définir précisément ses besoins en génie civil pour ses déploiements de fibre optique prévus dans la zone considérée, et nécessitant d'intervenir sur le terrain pour effectuer un relevé de disponibilités ;
― la phase de commande d'accès, consistant à l'envoi par l'opérateur à France Télécom d'un dossier de commande figurant le parcours planifié pour son déploiement de fibre optique ainsi que les ressources de génie civil devant être réservées ;
― la phase de travaux, consistant, une fois validé le dossier de commande d'accès par France Télécom et les ressources de génie civil réservées, au déploiement des câbles de fibre optique, puis à l'envoi à France Télécom, une fois les déploiements terminés, d'un dossier de fin de travaux.
France Télécom a notamment mis en place un guichet unique visant à centraliser l'ensemble des échanges avec les opérateurs pour les déploiements de fibre optique dans ses fourreaux de génie civil.
Il convient que France Télécom maintienne ces processus opérationnels et ce guichet unique tant pour l'accès à son génie civil souterrain que pour l'accès à son génie civil aérien. Il apparaît en effet que ces processus sont adaptés à la mise en œuvre opérationnelle des déploiements de fibre optique sur les supports aériens de France Télécom, qui supposent également une phase d'étude pour en apprécier la faisabilité technique, une phase de validation par France Télécom et une phase de travaux. En outre, l'existence de processus unifiés entre l'accès au génie civil souterrain et l'accès au génie civil aérien vise à simplifier les déploiements dans les zones mixtes.
En outre, il convient que France Télécom fasse en sorte que plusieurs déploiements puissent être menés simultanément sur une même zone, afin d'éviter par exemple que l'étude menée par un opérateur puisse être rendue caduque par celle qu'aurait menée un autre opérateur sur la même zone dans le même laps de temps. Cela suppose que les opérateurs puissent échanger avec France Télécom des informations actualisées sur leurs projets de déploiement. Cela passe notamment par le fait que France Télécom mette à disposition de l'ensemble des opérateurs intervenant sur une même zone une information complète et actualisée sur les interventions prévues leur permettant d'organiser efficacement leurs déploiements.
4.2.3.4. Prestations connexes d'hébergement au sein des locaux de France Télécom
France Télécom mobilise pour ses déploiements de boucles locales en fibre optique des espaces au sein de ses propres locaux pour héberger ses équipements actifs, en particulier au niveau de ses nœuds de raccordement d'abonnés (NRA).
Il convient à ce titre que France Télécom puisse proposer au niveau des NRA dans lesquels elle a effectivement installé ses équipements actifs une prestation connexe d'hébergement consistant à la mise à disposition de facilités équivalentes aux opérateurs alternatifs déployant leurs propres réseaux de boucles locales en fibre optique. Plus généralement, il convient que France Télécom étudie les demandes d'hébergement d'équipements actifs des opérateurs alternatifs pour leurs déploiements de boucles locales en fibre optique au niveau de ses NRA.
Au niveau des NRA pour lesquels France Télécom n'est plus propriétaire des locaux, il convient à tout le moins que France Télécom puisse proposer également une prestation connexe d'hébergement, sans avoir à prendre d'engagement en termes de pérennité de la mise à disposition de l'offre. Cela doit alors être explicitement prévu aux termes du contrat d'hébergement.
4.2.3.5. Informations préalables
Les informations préalables dont dispose France Télécom sur l'état de ses infrastructures de génie civil sont constituées :
― pour le génie civil souterrain, de plans de réseaux (tracés des fourreaux et position des chambres), dits « plans itinéraires », et de fiches d'occupation des alvéoles ;
― pour le génie civil aérien, de plans de réseaux (tracés des parcours aériens) et de données sur les caractéristiques physiques des poteaux.
France Télécom utilise aujourd'hui ces bases de données pour ses propres déploiements en fibre optique. Il est dès lors nécessaire que les opérateurs tiers puissent également disposer de ces mêmes informations préalables pour préparer leurs relevés de disponibilité et leurs déploiements.
Il apparaît ainsi raisonnable et proportionné que France Télécom donne accès à l'ensemble des informations préalables dont elle dispose, en l'état, sur son réseau de génie civil notamment au titre du c du V de l'article 38 du CPCE.
En revanche, il ne semble pas proportionné de demander à France Télécom la mise à jour préalable et systématique de ses bases de données relatives à la disponibilité, dès lors que celle-ci fournit aux opérateurs alternatifs des données identiques à celles qu'elle utilise en interne et que ces derniers sont en mesure de réaliser par eux-mêmes des relevés de disponibilité sur le terrain.
Il apparaît cependant raisonnable et proportionné que France Télécom donne accès à la meilleure information disponible sur l'état effectif, probable ou prévisionnel de ses infrastructures de génie civil.
En particulier, les relevés terrain effectués par les opérateurs en début et en fin de travaux nécessitent des délais et peuvent représenter un poste de coût significatif pour les opérateurs, y compris pour France Télécom. Dans la mesure où plusieurs opérateurs seront amenés à déployer successivement leurs réseaux en fibre optique dans les mêmes zones, il y a lieu d'éviter de répéter inutilement les opérations de relevés de terrain.
Dans cette perspective, il apparaît raisonnable et proportionné que France Télécom conserve les informations de disponibilité constituées par elle-même ou tout autre opérateur et communique aux autres opérateurs les informations nécessaires. Les modalités de mise à jour des informations préalables devront ainsi, en particulier sur l'état d'occupation des fourreaux et leur possible saturation, intégrer la meilleure information disponible lorsqu'un opérateur (France Télécom ou un opérateur tiers) a déjà déployé de la fibre optique dans une zone donnée.
En tout état de cause, dans le cas où l'intégration des informations mises à jour n'aura pas été effectuée sur une zone donnée, il apparaît raisonnable et proportionné que France Télécom anticipe la mise à disposition de ces informations en transmettant à tout opérateur ayant indiqué son intention d'étudier une zone les résultats des études déjà réalisées par d'autres opérateurs sur cette même zone et, notamment, les informations relatives à la possible saturation de certains segments.
4.2.3.6. Raccordement des éléments de réseau distants
Ainsi qu'exposé pour le dégroupage, les différents opérateurs de réseau mobile, qui ont désormais tous une activité sur les marchés de gros et de détail d'accès fixe, vont de plus en plus chercher à développer des synergies entre leurs réseaux fixes et mobiles, et utiliser leurs infrastructures de réseau fixes pour raccorder leurs BTS et collecter le trafic.
En effet, les nouvelles normes de transmission des réseaux mobiles, telles que la 3G+ et la 4G, permettent un transport de données à des débits élevés. Cette montée en débit et le taux élevé d'utilisation des BTS nécessitent des opérateurs mobiles un réseau de collecte suffisamment dimensionné pour permettre une utilisation satisfaisante pour le consommateur des offres de données mobiles. Ainsi, il apparaît que les BTS, et en premier lieu celles situées en zones urbaines ou denses, devront être progressivement raccordées en fibre optique aux réseaux des opérateurs afin d'augmenter la capacité de leurs réseaux de collecte et de supporter les débits futurs. Il est, de plus, nécessaire de souligner que les raccordements par fibre optique permettent aux opérateurs de disposer d'un lien particulièrement évolutif : les liaisons en fibre optique permettent de disposer d'une gamme de débit de quelques Mbit/s à plusieurs centaines de Gbit/s et les augmentations de débit peuvent être réalisées de manière progressive avec des coûts faibles.
Le raccordement des stations de base mobiles par des liaisons en fibre optique empruntant les fourreaux disponibles apparaît donc comme une solution économique et durable pour les opérateurs. L'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale constitue ainsi une facilité essentielle pour effectuer ces travaux de consolidation des réseaux. Il apparaît donc nécessaire que les opérateurs tiers bénéficient d'un accès à ces infrastructures au même titre que France Télécom, alors que l'impossibilité actuelle de raccorder des éléments de réseau par le biais des offres de gros d'accès aux infrastructures de génie civil ne permet pas aux opérateurs déployant des boucles locales optiques de valoriser leurs infrastructures de réseaux fixes capillaires et leurs investissements dans ces réseaux de nouvelle génération, contrairement au groupe France Télécom/Orange.
A la vue des éléments présentés, la demande des opérateurs d'utiliser des prestations de l'offre de gros d'accès au génie civil de boucle locale de France Télécom pour le raccordement d'éléments de réseaux semble, en première analyse, constituer une demande raisonnable d'accès. Notamment, l'utilisation d'une offre existante, livrée selon les processus et dans les conditions inscrits à l'offre de référence, ne saurait être fermée a priori au raccordement d'éléments de réseau, que ce soit à titre principal ou accessoire.
En particulier, les opérateurs devraient à cet effet (i) pouvoir utiliser des fibres surnuméraires de câbles déployés pour la desserte de locaux résidentiels ou professionnels au moyen de l'offre de gros d'accès au génie civil de boucle locale, et (ii) pouvoir déployer un câble de fibre optique dédié au raccordement d'un élément de réseau distant au moyen de l'offre de gros d'accès au génie civil de boucle locale, que ce soit dans le cadre d'un déploiement dédié ou au sein d'un déploiement plus large incluant la desserte de locaux résidentiels ou professionnels.
Il résulte de ce qui précède que cette obligation est proportionnée, compte tenu des éléments mentionnés aux a à d du V de l'article 38 du CPCE et des objectifs fixés par l'article L. 32-1 du CPCE précité, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but.
4.3. Obligation de fournir l'accès dans des conditions non discriminatoires
4.3.1. Obligation générique
Le 2° du I de l'article L. 38 du CPCE prévoit la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination à un opérateur réputé exercer une influence significative.
L'article D. 309 du CPCE précise que les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».
Le principe de non-discrimination s'oppose ainsi notamment à ce que, au plan tarifaire, France Télécom valorise différemment les mêmes éléments de son réseau, ou utilise des règles d'allocation des coûts distincts, pour les prestations utilisées en interne et celles proposées sur les marchés de gros. Il s'oppose en particulier à ce que les offres de gros de France Télécom soient dimensionnées de sorte qu'elles ne soient accessibles aux conditions les plus avantageuses que pour ses propres services. Au plan technique, il porte notamment sur la qualité de service des offres, leur richesse fonctionnelle, ainsi que la fourniture d'informations préalables à l'utilisation de ces offres d'accès.
De la même façon, un traitement discriminatoire d'opérateurs situés dans des situations équivalentes aurait pour conséquence d'affaiblir la dynamique concurrentielle sur les marchés aval, en favorisant artificiellement telle ou telle situation ou choix stratégique.
France Télécom est un opérateur verticalement intégré, actif sur les marchés des infrastructures du génie civil, du dégroupage et sur le marché de gros aval des offres d'accès haut débit et très haut débit livrées à un niveau infranational. Il est aussi présent sur le marché de détail haut et très haut débit à travers la marque Orange sur le segment « grand public » et à travers Orange Business Services, notamment, sur le segment « entreprises ».
La réintégration de Wanadoo, devenu Orange, au sein de France Télécom en 2004 est venue renforcer ce phénomène d'intégration verticale, en changeant notamment son mode d'approvisionnement qui auparavant utilisait les mêmes contrats de gros que les fournisseurs d'accès à internet (FAI) alternatifs et utilise désormais des prestations internes à France Télécom.
Or, en tant qu'opérateur verticalement intégré, France Télécom utilise les mêmes ressources amont pour produire sur les marchés aval, d'une part, ses propres offres de détail et, d'autre part, les offres de gros destinées à ses concurrents pour construire leurs offres de détail.
Dans ces conditions et en l'absence d'une obligation de non-discrimination, France Télécom pourrait être incitée à offrir à ses concurrents des conditions techniques ou tarifaires moins avantageuses que celles qu'elle s'accorde à elle-même ou à ses partenaires, afin de renforcer sa position sur les marchés aval, ce qui aurait pour effet de limiter artificiellement le développement de la concurrence sur ces marchés.
France Télécom est, par ailleurs, susceptible de bénéficier d'un échange d'informations facilité entre ses différentes entités, lui permettant ainsi une plus grande réactivité et une plus grande fluidité dans la réponse aux besoins des entreprises, moins standardisés que ceux du grand public.
Il apparaît en conséquence nécessaire, sur le fondement de l'article D. 309 du CPCE, d'imposer à France Télécom de fournir l'accès aux infrastructures physiques constitutives de sa boucle locale filaire dans des conditions non discriminatoires.
Cette obligation ne saurait être considérée comme disproportionnée dans la mesure où elle constitue le minimum nécessaire permettant d'atteindre les objectifs fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE et, en particulier, à ceux visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques », et « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».
En particulier, l'entité de gros de France Télécom étant amenée à bénéficier, dans le cadre de la fourniture du dégroupage et de la gestion de l'accès à ses infrastructures de génie civil, d'informations stratégiques sur les déploiements des autres opérateurs, il convient qu'elle puisse garantir un cloisonnement strict de cette information en interne vis-à-vis de ses propres services sur les marchés de détail aval.
4.3.2. Précision de l'obligation pour le dégroupage
4.3.2.1. Processus opérationnels liés au dégroupage
Afin de garantir le bon fonctionnement du dégroupage, France Télécom doit veiller à ce que les processus opérationnels mis en place dans le cadre du dégroupage ne fassent pas peser, sur les opérateurs, des charges ou des contraintes indues qui les pénaliseraient par rapport aux autres offres de gros et de détail de France Télécom. Il est également légitime que France Télécom permette aux opérateurs alternatifs, via ses offres de dégroupage, de réaliser les mêmes types de raccordements que ses propres entités de détail.
Au regard de l'article D. 309 du CPCE, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom mutualise au maximum les prestations vendues aux opérateurs dans le cadre du dégroupage avec celles qu'elle utilise pour ses autres offres, de gros et de détail, et proscrive les processus faisant peser des contraintes indues sur les opérateurs, notamment au regard des processus existant pour ses offres aval.
Dans le cas particulier de la construction des accès en dégroupage total, France Télécom met à disposition des opérateurs tiers des outils visant, d'une part, à leur permettre de vérifier l'existence de paires construites de bout en bout jusqu'au local de l'abonné (SETIAR) et, d'autre part, d'avoir accès au planning de charge des techniciens de France Télécom (e-RdV). Orange est amenée également à proposer des accès haut débit en propre, en ayant recours à des processus a priori similaires fondés sur les mêmes informations. Au titre de la non-discrimination, il convient donc que France Télécom puisse garantir que les outils SETIAR et e-RdV permettent aux opérateurs tiers de construire des accès en dégroupage total dans des conditions similaires à Orange, notamment en termes d'informations disponibles, de disponibilité des créneaux dans les plannings de charge et de délais de production.
4.3.2.1.1. Mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle par France Télécom
France Télécom doit proposer une offre de gros de PRM pour permettre la mise en œuvre de l'accès à la sous-boucle en mono-injection. Cette offre est notamment amenée à être utilisée par les opérateurs tiers qui répondent aux appels d'offres des collectivités pour la résorption des zones blanches et la mise en œuvre de la montée en débit.
France Télécom est également amenée à répondre aux mêmes appels d'offres des collectivités. Au titre de la non-discrimination, il convient que les processus opérationnels mis en place dans l'offre de gros de PRM placent les opérateurs alternatifs sur un pied d'égalité, et ne fassent pas peser sur eux des charges ou des contraintes indues qui les pénaliseraient par rapport à France Télécom. Il apparaît ainsi raisonnable que France Télécom ait recours, pour son propre compte, aux mêmes processus que ceux utilisés par les autres opérateurs clients de son offre de PRM, notamment en termes d'accès aux informations préalables et de délais de production.
4.3.2.1.2. Mandat de dégroupage
France Télécom demande aujourd'hui que, pour toute commande de dégroupage total sur une ligne active, l'opérateur tiers soit en mesure de produire un mandat de l'abonné. Le mandat de dégroupage doit adopter une forme aussi peu contraignante que possible tout en assurant la protection du consommateur. Il a d'ailleurs évolué ces dernières années vers des formes dématérialisées et peu contraignantes.
A ce titre, il convient de rappeler que le Conseil de la concurrence, dans un avis n° 04-A-01 du 8 janvier 2004 relatif à une demande d'avis de l'AFORS sur les principes généraux des relations contractuelles entre les utilisateurs et les différents acteurs du dégroupage, avait précisé que ce mandat doit en particulier être rédigé de façon à ne pas comprendre des conditions de transfert d'un abonné de l'opérateur historique à un opérateur concurrent, rendues plus difficile que celles d'un retour à l'opérateur historique, ni imposer d'obligations indues aux abonnés au regard des conditions de la ligne et ne contenir que des dispositions strictement nécessaires à l'information des acteurs concernés (cf. § 47 et suivants de l'avis du Conseil de la concurrence).
4.3.2.2. Introduction de nouvelles technologies
Au regard de l'article D. 309 du CPCE, l'Autorité considère comme justifié et proportionné, au regard de l'objectif d'égalité des conditions de concurrence, de ne pas permettre à France Télécom d'utiliser pour son compte propre, dans un objectif commercial et hors expérimentation, des technologies à la boucle locale ou à la sous-boucle dont elle interdirait l'usage aux opérateurs ayant recours au dégroupage.
A ce titre, il convient de rappeler que le Conseil de la concurrence, dans l'avis n° 04-A-01 du 8 janvier 2004 susmentionné, avait précisé que « toutefois, compte tenu du caractère évolutif des services rendus dans le cadre du dégroupage de la boucle locale et dans l'hypothèse où ces services nécessiteraient la mise en place d'équipements dans des emplacements situés dans une relative proximité des utilisateurs finaux, il est utile de préciser que l'offre de référence ne devrait pas permettre à France Télécom de refuser aux opérateurs l'installation d'équipements qu'il s'autorise à lui-même ou à ses filiales, afin que les utilisateurs finaux puissent disposer du libre choix de leurs prestataires ».
4.3.3. Précision de l'obligation
pour l'accès aux infrastructures de génie civil
4.3.3.1. Respect des mêmes processus
Au titre de la non-discrimination, il convient que l'ensemble des opérateurs, y compris France Télécom, puissent accéder aux infrastructures de génie civil, tant souterrain qu'aérien, de France Télécom dans des conditions équivalentes.
Il convient donc de veiller à ce que les processus opérationnels mis en place au niveau de l'offre de gros d'accès aux infrastructures de génie civil placent les opérateurs alternatifs sur un pied d'égalité, et ne leur fassent pas peser des charges ou des contraintes indues qui les pénaliseraient par rapport aux autres offres de gros et de détail de France Télécom sur les marchés aval.
Dans la mesure où France Télécom utilise, dans le cadre de ses propres déploiements en fibre optique, ses infrastructures de génie civil, fourreaux, chambres de tirage et appuis aériens, pour y tirer ses propres câbles de fibre optique, il apparaît raisonnable que France Télécom ait recours, pour son propre compte, aux mêmes processus que ceux utilisés par les autres opérateurs clients de son offre. Il apparaît également essentiel que France Télécom ne soit pas dans une situation l'amenant à s'affranchir des contraintes que les autres opérateurs ont à respecter au titre de l'offre de gros. Il est en particulier proportionné que France Télécom mutualise au maximum les ressources qu'elle utilise pour vendre des prestations aux opérateurs dans le cadre de l'accès à ses infrastructures de génie civil avec celles qu'elle utilise pour ses autres offres, de gros et de détail.
L'application des mêmes processus par France Télécom doit également pouvoir être vérifiée par l'Autorité. A cette fin, il apparait proportionné d'imposer, sous forme de protocole, l'obligation à France Télécom de rendre transparents les conditions opérationnelles et techniques et les prix de cessions internes pratiqués entre ses différentes entités verticalement intégrée au titre de l'obligation de non-discrimination.
Au titre des obligations de la précédente analyse de marché, France Télécom a transmis à l'Autorité les documents de protocole en vigueur. Il convient que France Télécom maintienne la transmission de ces documents, notamment lors d'évolutions des protocoles.
4.3.3.2. Respect des mêmes règles d'ingénierie
Les règles d'ingénierie définies par France Télécom rassemblent l'ensemble des prescriptions techniques qui doivent être respectées par tout opérateur qui déploie ses câbles de fibre optique dans les infrastructures de génie civil souterraines et aérien de France Télécom. L'utilisation de règles d'ingénierie différentes par un opérateur pourrait en effet conduire à des cas de discriminations et des distorsions de concurrence.
Il est donc indispensable que tous les opérateurs, y compris France Télécom et le câblo-opérateur au titre des contrats de cession lorsqu'il conduit des opérations de modernisation de ses réseaux coaxiaux, déployant des réseaux de fibre optique dans les infrastructures de boucle locale de France Télécom, soient tenus de respecter les mêmes règles d'ingénierie.
4.4. Obligation de transparence
et de publication d'informations concernant l'accès
Conformément au 1° du I de l'article L. 38 du CPCE, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur le marché peuvent se voir imposer l'obligation de « rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ; l'Autorité de régulation des télécommunications peut imposer, à tout moment, des modifications à une telle offre pour la mettre en conformité avec les dispositions du présent code. L'opérateur communique à cette fin à l'Autorité de régulation des télécommunications toute information nécessaire ».
4.4.1. Publication d'informations préalables
Afin de réaliser des choix pertinents en matière de déploiement et d'offre commerciale, les acteurs, notamment les opérateurs ou les investisseurs, intéressés par les offres d'accès aux infrastructures physiques de France Télécom, doivent être informés des investissements qu'ils devront consentir pour pouvoir utiliser ces offres, de la localisation des points de raccordement au réseau ou des infrastructures de France Télécom correspondant et des zones de clientèle auxquelles ils auront accès grâce à ces offres.
Ce type d'informations est notamment nécessaire pour tout acteur souhaitant établir un plan d'affaires et élaborer une stratégie reposant sur l'utilisation d'une offre de gros d'accès haut débit de France Télécom.
Dès lors que ces renseignements ne révèlent pas de données stratégiques et que leur mise à disposition ne porte pas atteinte à la sécurité des réseaux, la publicité de ces informations permet d'améliorer la visibilité de l'offre à l'attention d'un plus grand nombre d'opérateurs et d'investisseurs.
Il apparaît indispensable à ce titre que France Télécom publie dans son offre de référence d'accès à sa boucle locale la liste des répartiteurs avec leur nombre de lignes et leur commune de rattachement, dont la publicité ne porte pas atteinte à la sécurité des réseaux. Il semble aussi justifié au regard de l'évolution des commandes de câbles de renvoi eu égard aux capacités disponibles, que France Télécom informe les opérateurs sur l'état de saturation des répartiteurs généraux.
L'adresse des répartiteurs et sous-répartiteurs, dont la diffusion peut porter atteinte à la sécurité et à l'intégrité du réseau de France Télécom, pourra quant à elle ne pas être publique, et n'être communiquée qu'au cas par cas aux opérateurs intéressés.
Dans le cadre de projets de montée en débit, il apparaît également indispensable que l'ensemble des opérateurs, dégroupeurs ou aménageurs, aient accès aux informations préalables nécessaires afin de prendre leurs décisions d'investir ou non. France Télécom devra proposer une prestation d'informations préalables contenant les informations préalables essentielles pour les projets de montée en débit. Les collectivités territoriales étant en premier lieu intéressées à la conduite des projets de montée en débit, il convient qu'elles puissent également bénéficier d'une telle prestation de France Télécom, conformément aux dispositions de l'article L. 33-7 du CPCE et de ses textes d'application.
Les informations relatives aux infrastructures de génie civil pourraient ne pas être rendues publiques non plus et n'être communiquées qu'au cas par cas aux tiers intéressés.
Dans ces conditions, sur le fondement du I de l'article D. 307 du CPCE et notamment des dispositions qui prévoient la publication des « spécifications techniques des prestations (...) d'accès » et des « caractéristiques du réseau », il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de publier les informations préalables susmentionnées. Au regard des objectifs visant à permettre le développement d'une concurrence effective et loyale, la proportionnalité de cette obligation est vérifiée en ce qu'elle constitue le minimum nécessaire qui doive être imposé à France Télécom pour les atteindre.
4.4.2. Publication des indicateurs de qualité de service
Ce point sera traité dans la partie suivante intitulée « qualité de service ».
4.4.3. Publication d'une offre de référence technique et tarifaire d'accès
4.4.3.1. Obligation générique
Conformément au II de l'article D. 307 du CPCE, « sans préjudice de l'article D. 308, lorsqu'un opérateur exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques est soumis à une obligation de non discrimination en application de l'article D. 309, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut imposer à cet opérateur de publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion ou d'accès ».
L'existence et la publication d'une offre de référence répond à plusieurs objectifs : elle pallie la faiblesse du pouvoir de négociation bilatérale des opérateurs clients de l'offre avec France Télécom, elle permet d'assurer la non discrimination dans le traitement des opérateurs alternatifs, elle apporte de la visibilité et de la stabilité aux opérateurs dans l'élaboration de leurs plans de développement, enfin elle permet de découpler les prestations de sorte qu'un opérateur n'a à payer que ce dont il a besoin.
Pour le génie civil et la paire de cuivre, la conjonction de la puissance de France Télécom, de l'absence de réplicabilité des infrastructures essentielles détenues par France Télécom, de l'intégration verticale de l'opérateur historique et de son rôle sur les marchés aval, rend peu probable le fait que les opérateurs concurrents de France Télécom sur les marchés aval disposent d'un pouvoir de négociation suffisant pour obtenir des offres adaptées sur les marchés du haut et du très haut débit. Dès aujourd'hui sur le dégroupage, et à terme sur l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale, l'existence d'une offre de référence que l'Autorité a le pouvoir de modifier, facilite les négociations bilatérales et limite les litiges entre les opérateurs et France Télécom.
Par ailleurs, pour les opérateurs ayant recours à ces offres, les reversements directs à France Télécom représentent une proportion importante de leur chiffre d'affaires, et apparaissent donc comme déterminants dans leur budget. Les opérateurs alternatifs ont donc besoin, lors de l'élaboration de leurs plans d'affaires et de leurs stratégies techniques et commerciales, de disposer d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par France Télécom.
Enfin, le recours à une offre de référence publique permet d'assurer un traitement non discriminatoire entre les différents opérateurs clients de l'offre.
Ainsi, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom de publier, d'une part, une offre de référence technique et tarifaire détaillant ses offres de gros d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale et, d'autre part, une offre de référence technique et tarifaire détaillant les offres de gros de l'accès dégroupé à la boucle et à la sous-boucle. Au surplus, pour les offres de dégroupage, ceci résulte de l'application des dispositions de l'article D. 308 du CPCE.
En ce qui concerne l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale, il s'avère qu'un opérateur tiers peut être amené à déployer de manière cohérente, dans une zone donnée, un même réseau de fibre optique visant à la fois le raccordement de sites résidentiels, de sites professionnels et d'éléments de réseaux. Il convient à ce titre comme présenté précédemment, dans un souci de simplification et d'harmonisation, que France Télécom publie une offre unique d'accès à ses infrastructures de génie civil souterraines et aériennes pour le déploiement de réseaux en fibre optique visant les clientèles résidentielles ou professionnelles. France Télécom précisera ainsi les différentes prestations de commandes visant à répondre aux besoins spécifiques de raccordement des sites résidentiels ou professionnels.
L'Autorité considère que cette obligation constitue une garantie en vue d'assurer, notamment, l'égalité des conditions de la concurrence sur le marché considéré. Elle est proportionnée aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du code et en particulier aux 3°, 4° et 9°, en ce qu'elle constitue le minimum nécessaire qui doive être imposé à France Télécom pour les atteindre.
4.4.3.2. Eléments des offres de référence
Conformément à l'article D. 308 précité du CPCE, l'offre de référence d'accès à la boucle locale de France Télécom doit contenir « une description des prestations liées à l'accès à la boucle locale ainsi que des modalités, conditions et prix qui y sont associés. Elle inclut en outre les prestations associées à l'accès à la boucle locale, notamment la fourniture des informations nécessaires à sa mise en œuvre, une offre de colocalisation des équipements ». Elle doit notamment comporter au minimum les éléments listés à ce même article.
A la suite de l'analyse menée dans la présente décision, et, dans le cas du dégroupage, conformément à la liste prévue à l'article D. 308 du CPCE, l'annexe à la présente décision recense les éléments que devront comporter a minima les offres de référence. Ces listes recensent les prestations que les offres de référence devront proposer ainsi que les éléments qu'elles devront préciser pour donner aux opérateurs une visibilité suffisante sur les modalités financières, techniques et opérationnelles de recours à l'offre de dégroupage ou à l'offre d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale et, pour chacune d'elles, aux ressources connexes. Outre les conditions contractuelles types relatives aux tarifs, aux conditions de souscription, aux modalités d'accès à l'offre, les offres de référence de France Télécom devront ainsi inclure au minimum les prestations d'accès détaillées ainsi que les informations répondant à l'obligation de transparence et de non discrimination définies dans la présente décision.
Dans sa recommandation NGA, la Commission européenne note, au considérant 31, que « le meilleur moyen de garantir la transparence des conditions d'accès à la sous-boucle consiste à les intégrer à l'offre de référence de dégroupage de la boucle locale existante. Il est important que cette exigence de transparence soit applicable à tous les éléments nécessaires à la fourniture du dégroupage de la sous-boucle, y compris les services de collecte et les services accessoires, pour permettre le maintien des offres concurrentes existantes ». A ce titre, il convient que France Télécom précise, dans son offre de référence d'accès dégroupé à la boucle locale, les prestations d'hébergement et de collecte qu'elle est amenée à proposer aux opérateurs tiers pour toute opération de réaménagement de la boucle locale.
Il incombe ainsi notamment à France Télécom de préciser l'ensemble des tarifs, notamment, en ce qui concerne l'offre de référence d'accès à la boucle locale de France Télécom, en vertu de l'article D. 308 du code. De manière générale, tous les tarifs doivent être effectivement inscrits dans les offres de référence et non uniquement dans la convention de dégroupage ou d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale conclue entre l'opérateur et France Télécom. En outre, il importe que les tarifs « sur devis » ne soient envisagés qu'à titre exceptionnel. Le cas échéant, il reviendra à France Télécom de justifier des contraintes l'empêchant d'établir un tarif fixé à l'avance dans les offres de référence.
4.4.3.3. Evolution des offres de référence
France Télécom pourra être amenée à faire évoluer ses offres de référence dégroupage et accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale. Cependant, toute évolution unilatérale sans information préalable serait préjudiciable pour le secteur. Elle peut en effet remettre en question la politique commerciale d'un opérateur, et donc nécessiter un certain préavis avant de pouvoir être prise en compte. Sur le plan technique, elle peut impacter le plan de déploiement des opérateurs, ou nécessiter des adaptations longues à mettre en œuvre. Il est donc nécessaire que France Télécom publie avec un préavis suffisant toute évolution de l'une des offres de référence.
Ce préavis doit permettre à l'Autorité de s'assurer, le cas échéant, du respect des obligations portant sur les conditions tarifaires et techniques des offres. Il a aussi pour finalité de permettre à l'ensemble du secteur de répercuter ces évolutions sur les prix de détail dès leur application, de mettre en œuvre les solutions techniques correspondantes et, le cas échéant, d'adapter leurs processus opérationnels. De manière générale, au regard des délais de mise en œuvre des politiques de marketing, et des délais de commande et de mise en place d'équipements techniques, un préavis de trois mois paraît adapté pour que les opérateurs soient en mesure d'utiliser effectivement les nouvelles modalités d'une offre de gros.
En pratique, ce délai, déjà imposé dans le cadre du précédent cycle d'analyse de marché, est apparu excessif lorsque la modification conduit à une baisse tarifaire d'une des prestations des offres de référence ou à une amélioration des processus opérationnels ayant recueilli l'accord de l'ensemble des opérateurs clients de l'offre. Dans ces cas précis, un préavis plus court, d'un mois, paraît davantage adapté, un préavis de trois mois n'apparaissant pas alors nécessaire aux objectifs poursuivis.
Dans le cadre de l'accès aux infrastructures de génie civil, la décision n° 2010-1211 de l'Autorité pose le principe d'une tarification revue annuellement au cours du quatrième trimestre de l'année n-1, pour le tarif de l'année n, sur la base des éléments collectés auprès de France Télécom et des opérateurs alternatifs. A ce titre, un préavis d'un mois quelle que soit l'évolution du tarif semble raisonnable.
Ainsi, sur le fondement des dispositions du III de l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité considère qu'au regard du fonctionnement actuel du marché, une durée de trois mois de préavis (ramené à un mois dans le cas d'une baisse tarifaire) est adaptée au respect des objectifs d'égalité des conditions de la concurrence, sans pour autant représenter une charge excessive pour France Télécom.
Lorsque ces évolutions contraignent l'opérateur alternatif à modifier ou à adapter ses propres installations, France Télécom devra respecter un délai d'un an, conformément aux dispositions de l'article D. 99-7 du CPCE.
L'obligation de publication avec préavis s'entend sauf décision contraire de l'Autorité. Certains cas particuliers peuvent en effet nécessiter une mise en œuvre immédiate des évolutions des offres. Ce cas peut, notamment, se rencontrer à la suite d'une décision de règlement de litige ou d'une décision de modification d'une offre de référence.
Notamment, s'agissant des premières offres de référence publiées conformément à la présente décision, il n'y a pas lieu d'observer le préavis de trois mois susmentionné entre sa publication et son entrée en vigueur, et ce afin d'assurer au secteur une mise en œuvre des obligations telles que détaillées dans la présente décision aussi rapide que possible.
Il apparaît cependant raisonnable de laisser à France Télécom un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente décision pour publier une offre de référence qui y soit conforme. Ce délai apparaît suffisant au regard du fait que des offres de gros sont déjà en vigueur ou en cours d'élaboration, qu'une offre de référence existe d'ores et déjà en application des précédentes décisions d'analyse des marchés du haut débit et que France Télécom a pris connaissance du maintien de cette obligation durant le processus d'analyse des marchés et de consultation du secteur, en amont de l'entrée en vigueur de la présente décision.
Toutefois, en ce qui concerne l'accès au génie civil pour le déploiement des réseaux Fttx, il semble raisonnable que ce délai d'un mois soit aménagé. La nécessité de faire évoluer l'offre actuelle, et principalement ses règles d'ingénierie, afin de prendre en compte le cadre de la mutualisation des segments terminaux des réseaux Fttx, nécessite, d'une part, en ce qui concerne le génie civil souterrain, la conduite de travaux complémentaires en concertation avec les utilisateurs actuels de l'offre, sans que le fonctionnement de celle-ci soit impacté, et, d'autre part, en ce qui concerne l'accès aux appuis aériens, que les expérimentations engagées soient achevées. Dès lors, en ce qui concerne l'accès au génie civil, il semble raisonnable de laisser à France Télécom un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente décision pour mettre en conformité son offre de référence.
4.4.4. Publications de prestations
non nécessairement incluses dans l'offre de référence
4.4.4.1. Offre de raccordement des répartiteurs distants
Liaison fibre optique
A la suite de la précédente décision d'analyse de marché 4, France Télécom a été amenée à publier son offre de gros de raccordement des répartiteurs distants LFO. L'Autorité estimait alors que la publication de cette offre apportait notamment de la visibilité aux opérateurs et favorisait un traitement non-discriminatoire par France Télécom des opérateurs clients de cette offre.
Il convient à ce titre que France Télécom maintienne la publication de cette offre de gros.
4.4.4.2. Offre de gros de raccordement à la sous-boucle en mono-injection
Comme indiqué précédemment, pour la mise en œuvre de la mono-injection, France Télécom s'est engagée à proposer, à compter de la date d'application de la présente décision, une offre de gros de « point de raccordement mutualisé » (PRM), regroupant à la fois les prestations de dérivation cuivre, d'installation de l'armoire mutualisée et de migration des accès. Il convient que cette offre soit publiée par France Télécom.
France Télécom propose aujourd'hui une offre de gros dédiée à la mise en œuvre des NRA-ZO dans le cas de la résorption des zones d'ombre (offre de France Télécom pour la résorption des zones rurales inéligibles au haut débit). L'Autorité considère qu'il n'y a plus de raison que France Télécom maintienne cette offre de gros une fois l'offre PRM publiée, dans la mesure où l'offre PRM vise à permettre l'ensemble des raccordements à la sous-boucle pour la mise en œuvre de la mono-injection, et donc en particulier ceux visant à la résorption des zones inéligibles au haut débit.
4.4.5. Transmission d'informations à l'Autorité
Pour permettre à l'Autorité d'apprécier la situation concurrentielle du haut débit et du très haut débit, France Télécom devra transmettre périodiquement à l'Autorité, ou à sa demande, un ensemble d'informations relatives au marché de gros des infrastructures constitutives de la boucle locale filaire ou à des marchés situés en aval.
Au titre du suivi du dégroupage, il s'agira notamment d'informations relatives :
― aux répartiteurs, aux sous-répartiteurs et aux points de concentrations de la boucle locale cuivre ;
― à la mise en œuvre du dégroupage ;
― à la mise en œuvre de la montée en débit ;
― à l'utilisation de LFO.
Au titre du suivi du très haut débit, il s'agira notamment d'informations relatives :
― au tracé des infrastructures de génie civil constitutives de la boucle locale cuivre ;
― au déploiement de France Télécom, notamment pour les communes où elle a déployé de la fibre ;
― à l'offre d'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom, notamment pour les communes où ces infrastructures sont utilisées pour des déploiements en fibre.
La liste des informations que France Télécom devra transmettre à l'Autorité pour la compréhension de l'environnement financier, technique et concurrentiel des offres est précisée en annexe de la présente décision.
4.4.6. Transmission des conventions
En vertu du I de l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité peut imposer, au titre de l'obligation de transparence, à tout opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent la communication, dès leur conclusion, des conventions d'interconnexion et d'accès.
La publication d'offres de référence ne s'oppose pas à ce que France Télécom négocie des conditions d'accès qui n'auraient pas été prévues initialement par ces offres, lesquelles doivent être signalées en tant que telles dans les conventions.
Toutefois, par référence aux objectifs posés par l'article L. 32-1 du CPCE, l'Autorité doit être en mesure de vérifier qu'aucun opérateur ne fait l'objet d'un traitement discriminatoire tout en veillant parallèlement à ce que le contenu des offres de référence réponde de manière satisfaisante aux besoins des opérateurs et à la réalité du marché. En outre, l'obligation de transmission des conventions, à compter de leur signature, est un outil qui permet à l'Autorité d'accroître au cas d'espèce l'efficacité de son action pour promouvoir le développement et l'équilibre des conditions de la concurrence.
Ainsi, eu égard aux spécificités du marché objet de la présente décision, et afin de permettre la réalisation des objectifs de concurrence effective et loyale dans des conditions de non-discrimination, l'Autorité impose à France Télécom de lui transmettre, dans un délai d'un mois suivant leur signature, les conventions d'accès à la boucle locale ou aux infrastructures de génie civil de la boucle locale et les avenants y afférant.
Par ailleurs, conformément à l'article D. 99-6 du CPCE, l'Autorité pourra décider de communiquer à la demande d'un tiers intéressé, tout ou partie du texte de la convention, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.
4.5. Qualité de service
Ce paragraphe traite des enjeux de qualités de service, tant sur les offres de dégroupage que sur les processus mis en œuvre dans le cadre des déploiements de réseaux à très haut débit dans le génie civil de France Télécom.
Après une phase de mise en place progressive des offres de gros portée par une croissance forte du nombre d'abonnés, le haut débit sur DSL est devenu un produit de masse. Les processus de commandes et de traitement des pannes doivent permettre d'assurer un niveau de qualité de service élevé pour l'ensemble des consommateurs et des entreprises souscrivant à des offres haut débit.
La capacité qu'ont les opérateurs alternatifs de proposer des niveaux de qualité de service satisfaisants (délai de livraison, délai de réparation en cas de panne, etc.) est un paramètre déterminant de leur offre, et donc du choix des consommateurs.
Si la qualité de service des offres aval commercialisées par les opérateurs alternatifs dépend de la qualité de leurs propres prestations, elle est également fonction de la qualité des offres de gros achetées auprès de France Télécom à partir desquelles elles sont construites. Une situation dans laquelle France Télécom bénéficierait au niveau du détail d'une qualité de service meilleure que celle qu'elle assure aux opérateurs alternatifs tendrait à biaiser le choix des consommateurs et à distordre la concurrence sur le marché de détail.
Dans ces circonstances, les opérateurs alternatifs ont des besoins légitimes en termes de qualité de service qui peuvent être résumés par les trois points suivants.
En premier lieu, les niveaux de qualité de service (par exemple, délais de livraison, de réparation, taux de panne pour le dégroupage, délais de fourniture d'informations, délais d'études et de validation des plans de déploiement pour les offres d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale) annoncés dans les offres de gros doivent être compatibles avec les niveaux de qualité et les modalités de déploiements des réseaux à très haut débit requises sur le marché de détail, en particulier en comparaison de ceux de France Télécom. Cet objectif correspond, notamment, à l'obligation de non-discrimination à laquelle est soumise France Télécom. Sur le marché professionnel DSL en particulier, il est essentiel pour les opérateurs alternatifs de pouvoir concurrencer les offres de détail professionnelles d'Orange Business Services, non seulement par une réplicabilité technique et tarifaire, mais aussi par des engagements de qualité de service comparables.
En deuxième lieu, les niveaux de qualité annoncés dans les offres de gros doivent autant que possible être respectés par France Télécom, afin que les opérateurs alternatifs aient suffisamment de visibilité et puissent s'engager eux-mêmes sur des niveaux de service ou des déploiements très haut débit auprès de leurs clients.
En troisième lieu, les niveaux de qualité de service constatés doivent être satisfaisants, non seulement en moyenne, mais également sur des sous-catégories, par exemple pour les consommateurs, dont la livraison des accès ou la réparation des pannes est la plus longue, ainsi que pour les déploiements pour lesquels la fourniture des informations préalables et la validation des plans de déploiement est la plus longue.
4.5.1. Publication d'indicateurs de qualité de service
Il est souhaitable de donner une incitation à l'efficacité des processus mis en place par France Télécom et de vérifier, en application des dispositions prévues à l'article D. 309 du CPCE, que les niveaux de qualité de service de l'offre de gros sont non discriminatoires par rapport à ce que France Télécom propose pour ses propres services sur les marchés aval. Ceci implique que l'opérateur historique mesure et publie mensuellement des indicateurs de qualité de service pour l'ensemble de ses offres de gros, ainsi que pour les offres aval correspondantes sur un périmètre technique équivalent.
En application de l'article D. 309 du CPCE, l'Autorité peut en effet imposer à France Télécom de publier des informations concernant les conditions de fourniture des prestations d'accès.
La publication d'indicateurs de niveau de service s'analyse comme une obligation proportionnée pour France Télécom. La réalisation de mesures et la publication périodique de plusieurs indicateurs de suivi constitue en effet une pratique très courante et constitue la mesure la moins contraignante pour France Télécom de s'assurer de l'absence de pratiques discriminatoires et de permettre, notamment au client final, d'apprécier les responsabilités de France Télécom, d'une part, et de l'opérateur alternatif, d'autre part, dans la qualité de service des offres de détail.
Pour les offres de dégroupage, une liste d'indicateurs, mesurés et publiés mensuellement par France Télécom à l'Autorité, existe d'ores et déjà pour les offres actuelles. Ces indicateurs constituent une base pertinente de mesures pour le présent marché et les offres aval correspondantes. Pour tenir compte des évolutions du marché et de l'apparition de nouvelles offres de gros ou de détail, ils pourront toutefois faire l'objet de modifications ponctuelles, après consultation par l'Autorité de France Télécom et des opérateurs clients de l'offre de gros, au regard notamment des indicateurs que France Télécom élabore déjà pour son propre suivi.
A minima, il semble souhaitable que soient traités dans ces indicateurs :
― la livraison des accès et le traitement des pannes ;
― de manière distincte pour la livraison, le dégroupage partiel et le dégroupage total ;
― de manière distincte, les offres à destination d'une clientèle résidentielle ou professionnelle ;
― de manière distincte pour la livraison, les offres sur ligne construite de bout en bout ou en construction.
Pour les offres d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale, une liste d'indicateurs pertinents sera établie par France Télécom après consultation de l'Autorité et des opérateurs signataires d'une convention d'accès aux infrastructures de génie civil.
4.5.2. Processus opérationnels efficaces et non discriminatoires
La mise en place sur les marchés de gros d'une qualité de service permettant aux opérateurs de répondre aux attentes des consommateurs sur le marché de détail passe par des actions communes de la part de l'ensemble des opérateurs.
En effet, aussi bien lors de la commande que lors du traitement des pannes, l'efficacité de France Télécom dépend de la qualité des informations transmises par les opérateurs tiers. La qualité du prédiagnostic effectué par ces derniers avant tout envoi de ticket d'incident à France Télécom est donc indispensable pour améliorer la qualité de service.
4.5.3. Engagement de niveau de qualité de service
L'efficacité des processus opérationnels doit s'accompagner de principes tarifaires qui incitent chaque partie à détecter et traiter au plus vite, et dans les meilleures conditions, ce qui est de son ressort.
Il paraît à cet égard nécessaire que France Télécom s'engage sur des niveaux de service dans l'offre de référence et soit incitée financièrement à respecter ces engagements.
Ce principe est conforme à l'article D. 310 du CPCE, qui prévoit que l'Autorité « définit en tant que de besoin les conditions de mise en œuvre des obligations [...] de façon à assurer leur exécution dans des conditions équitables et raisonnables ». En outre, ce dispositif fait peser sur France Télécom une contrainte limitée. Ce type d'engagement correspond en effet à des pratiques commerciales courantes sur les marchés concurrentiels.
Ces mécanismes existent déjà dans les offres de référence actuelles de France Télécom, et des pénalités sont prévues en cas de livraisons tardives d'un accès de la part de France Télécom.
4.6. Obligation de contrôle tarifaire
Le 4° du I de l'article L. 38 du CPCE prévoit que l'Autorité peut imposer un contrôle tarifaire aux opérateurs disposant d'une influence significative, en particulier sous la forme d'une obligation que les tarifs reflètent les coûts correspondants.
France Télécom, en position quasi-monopolistique sur les offres d'accès aux infrastructures de génie civil et à la paire de cuivre, pourrait fixer les tarifs d'accès ainsi que les tarifs des prestations connexes indépendamment de toute pression concurrentielle au désavantage de ses concurrents sur les marchés aval et, in fine, des consommateurs.
L'Autorité note en effet que l'absence d'obligation que les tarifs reflètent les coûts permettrait à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à son quasi-monopole sur l'accès cuivre et l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés du haut et très haut débit. Par ailleurs, un renchérissement artificiel du coût de la paire de cuivre ou du coût du mètre linéaire de génie civil pour les opérateurs serait mécaniquement répercuté sur les marchés aval, notamment de détail, et ralentirait le développement du haut et du très haut débit.
L'Autorité estime donc que les tarifs de ces prestations ainsi que des ressources connexes doivent refléter les coûts. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du code, et en particulier, à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».
Dans les zones où France Télécom n'est ni propriétaire ni gestionnaire de la boucle locale, d'une part (zones aéroportuaires de Paris par exemple), ou des infrastructures de génie civil de la boucle locale, d'autre part, une demande d'accès à ces réseaux formulée auprès de France Télécom ne saurait être considérée comme raisonnable. France Télécom n'est donc pas soumise sur ces zones à l'obligation de fournir une offre d'accès dégroupé ou une offre d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale. Si elle fait néanmoins le choix d'étendre ses offres à ces zones, l'obligation de contrôle tarifaire n'y est pas applicable.
En pratique, si les propriétaires ou gestionnaires de la boucle locale ou des infrastructures de génie civil de la boucle locale dans certaines zones ne proposaient pas d'offre d'accès dégroupé ou d'offre d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale dans des conditions équivalentes à celles fournies par France Télécom sur le reste du territoire, l'Autorité serait amenée à traiter cette situation en règlements de différend déposés par des opérateurs tiers.
4.6.1. Principes généraux
Le II de l'article D. 311 du CPCE dispose que pour la mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire, l'Autorité peut, le cas échéant, notamment préciser les méthodes de tarification ou de comptabilisation des coûts. Elle peut également « prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger ». Enfin, elle doit veiller « à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur. Elle veille également à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru ».
Pour répondre à ces objectifs, il convient de prendre en compte dans l'exercice d'évaluation des coûts aux fins de tarification des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire et des ressources connexes, les principes suivants, conformes également aux objectifs qui lui sont fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE :
― le principe d'efficacité des investissements ;
― le principe de non-discrimination ;
― le principe de concurrence effective et loyale.
4.6.1.1. Sur le principe d'efficacité des investissements
Les coûts pris en compte doivent correspondre à ceux encourus par un opérateur efficace ; à cet égard, les coûts exposés par l'opérateur seront comparés, dans la mesure du possible et au moins sur la base des tarifs correspondants, à ceux d'autres opérateurs fournissant des prestations comparables. Des modélisations seront également développées.
4.6.1.2. Sur le principe de concurrence effective et loyale
Les règles de tarification doivent promouvoir une concurrence loyale et durable ; cela implique notamment que les tarifs ne créent pas d'obstacle à l'entrée sur le marché. En particulier, ils doivent être établis de manière à éviter la survenance d'effets de ciseau tarifaire entre les prix de l'accès à la boucle locale ou aux infrastructures de génie civil de la boucle locale et les prix pratiqués par France Télécom sur les marchés situés en aval.
4.6.2. Cas du dégroupage total à la boucle locale et à la sous-boucle
Suite au premier cycle d'analyse des marchés du haut débit, après consultation publique et notification à la Commission européenne conformément à l'article L. 37-3 du CPCE, l'Autorité a adopté le 15 décembre 2005 la décision n° 2005-0834 définissant la méthode de valorisation des actifs de boucle locale ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total.
L'Autorité précisera en tant que de besoin les modalités de comptabilisation des coûts applicable à l'accès à la sous-boucle.
4.6.3. Cas du dégroupage partiel
Le dégroupage partiel n'est possible que si le client final souscrit par ailleurs un abonnement auprès de France Télécom, celui-ci recouvrant notamment les coûts d'entretien, d'amortissement et de gestion de la paire de cuivre.
L'usage de la bande passante haute dans le cadre d'un accès partagé sur une ligne n'engendre en soi pas de coûts récurrents supplémentaires pour l'opérateur historique, qui continue par ailleurs d'assurer un service téléphonique et perçoit un abonnement dans les mêmes conditions que pour une ligne non dégroupée.
L'équilibre de l'accès téléphonique pour France Télécom n'est ainsi pas modifié par la présence d'un accès partagé, sous la seule réserve des coûts spécifiques.
Dès lors, seule une tarification incrémentale de l'accès partagé apparaît compatible avec l'obligation de reflet des coûts, la paire de cuivre étant elle-même déjà rémunérée au travers de l'abonnement téléphonique. Il en résulte que le tarif de la paire de cuivre alloué à un accès partagé doit correspondre aux coûts incrémentaux de l'accès partagé, c'est-à-dire à ses coûts spécifiques.
Enfin, en vertu du principe de non-discrimination, la valorisation de la bande haute retenue au titre du dégroupage a vocation à être retenue de la même manière pour les autres offres de gros et de détail proposées par France Télécom sur les marchés du DSL.
4.6.4. Cas des offres d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale
L'Autorité a adopté le 9 novembre 2010 la décision n° 2010-1211 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale en conduite de France Télécom. Cette décision fixe la méthode pertinente de comptabilisation des coûts à retenir dans le cadre des offres d'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom, ainsi qu'une méthode pertinente pour la tarification de l'accès aux infrastructures de génie civil.
4.7. Obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable
Les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable sont des remèdes distincts que peut imposer l'Autorité à un opérateur déclaré puissant sur un marché donné au terme des analyses de marché menées selon la procédure déclinée dans l'article 16 de la directive « cadre ».
L'obligation de comptabilisation des coûts est prévue par l'article 13 de la directive « accès », incluant également les obligations liées à la récupération des coûts, au contrôle des prix et à l'orientation des prix en fonction des coûts. L'objectif de l'imposition de ces obligations est d'éviter que l'opérateur concerné, « en l'absence de concurrence efficace, [maintienne] des prix à un niveau excessivement élevé, ou [comprime] les prix, au détriment des utilisateurs finals ».
Le 5° du I de l'article L. 38 du CPCE précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, (...) [d'] isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ».
A ce titre, l'Autorité estime donc proportionné et justifié d'imposer à France Télécom une obligation de comptabilisation des coûts pour vérifier le respect des obligations tarifaires imposées à France Télécom sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale au titre de la présente analyse.
L'article 11 de la directive « accès » prévoit que l'Autorité peut « imposer des obligations de séparation comptable en ce qui concerne certaines activités dans le domaine de l'interconnexion et/ou de l'accès », et ce dans l'objectif de contribuer à la vérification du respect des obligations de transparence et de non-discrimination. En particulier, l'Autorité peut « obliger une entreprise intégrée verticalement à rendre ses prix de gros et ses prix de transferts internes transparents, entre autres pour garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue à l'article 10 ou, en cas de nécessité, pour empêcher des subventions croisées abusives ».
A ce titre, l'Autorité peut « spécifier le format et les méthodologies comptables à utiliser » et « exiger que les documents comptables, y compris les données concernant les recettes provenant de tiers, lui soient fournis si elle en fait la demande ».
Le caractère intégré et le positionnement de France Télécom sur les marchés de détail et de gros du haut débit et du très haut débit peuvent se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros. Ces distorsions éventuelles peuvent être mises sous surveillance grâce notamment à l'imposition d'une obligation de séparation comptable.
L'obligation de séparation comptable est justifiée étant donné la nécessité de détecter l'apparition de comportements discriminatoires et/ou de subventions croisées abusives entre le marché de gros et le marché de détail aval. L'obligation de séparation comptable est proportionnée aux objectifs fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier les 2°, 3°, 4° et 9°. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de subventions croisées abusives et du respect de l'obligation de non-discrimination.
C'est pourquoi l'Autorité estime justifié et proportionné d'imposer à France Télécom une obligation de séparation comptable sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale.
L'obligation de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposée au titre, la présente analyse doit s'appliquer à l'ensemble du marché pertinent, y compris aux offres de gros passives sur fibre. Cette obligation constitue un minimum pour s'assurer de l'absence de subventions croisées et de pratiques de ciseau tarifaire. Elle est donc proportionnée aux objectifs fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier les 2° et 9°.
Les modalités de mise en œuvre de l'obligation de séparation comptable ont été précisées dans la décision n° 2006-1007 en date du 7 décembre 2006 dont les dispositions s'appliqueront sur la période d'application de la présente décision. Le cas échéant, une nouvelle décision pourra compléter la décision n° 2006-1007 pour préciser les modalités de séparation comptable dans le cas de l'accès aux infrastructures de génie civil.
5. RÉVISION ANTICIPÉE DU CADRE DE RÉGULATION
Comme indiqué précédemment, l'Autorité considère qu'il n'est ni proportionné ni justifié à ce stade de réguler les offres de gros très haut débit passives établies sur la fibre optique de France Télécom, compte tenu du cadre de régulation de l'accès à la partie terminale des réseaux fibre optique, qui prévoit notamment la fourniture d'une offre de location à la ligne. Par ailleurs, le cadre de régulation asymétrique pour l'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom permet d'ores et déjà aux opérateurs alternatifs de mener leurs propres déploiements FttH.
Dans le contexte de déploiement de nouvelles boucles locales en fibre optique, les incertitudes sur les évolutions futures du marché incitent néanmoins à une surveillance étroite. A ce titre, l'Autorité entend demeurer vigilante sur l'émergence effective d'un marché de gros efficace des offres très haut débit permettant effectivement une animation concurrentielle non faussée sur les marchés de détail. L'Autorité fixe donc une clause de rendez-vous à mi-parcours du cycle d'analyse de marché, soit 18 mois après l'entrée en vigueur de la présente décision, pour évaluer la nécessité d'imposer des obligations asymétriques supplémentaires sur la fibre optique, sans préjudice de la possibilité de réviser à tout moment l'analyse de manière anticipée si l'évolution du marché le justifiait, conformément à l'article D. 301 du CPCE.
Tenant compte des préoccupations formulées par la Commission européenne dans ses observations susvisées, l'Autorité estime nécessaire de disposer de plus d'informations sur les déploiements FttH en cours et à venir de France Télécom, en particulier en dehors des communes des zones très denses. La surveillance étroite du marché pour apprécier l'éventuelle nécessité de réexaminer les obligations imposées à l'opérateur puissant ne pourra en effet pleinement être mise en œuvre si une partie des informations essentielles de cet examen, relatives notamment aux déploiements, est conservée par l'opérateur concerné.
Dès lors, l'Autorité estime justifié et proportionné, au titre de l'obligation de transparence prévue par les dispositions combinées du 1° de l'article L. 38 et du I de l'article D. 307 du CPCE, d'imposer à France Télécom de lui communiquer chaque trimestre a minima les informations suivantes, à la maille de la commune, sur tout projet de déploiements FTTh, avec un préavis de trois mois avant le début des déploiements :
― la date de début des déploiements ;
― la zone concernée par les déploiements ;
― la localisation et le nombre de lignes prévues des points de mutualisation ;
― l'identité des opérateurs tiers ayant souscrit à une offre de mutualisation.
6. AVIS DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'ARCEP a sollicité l'avis de l'Autorité de la concurrence sur la délimitation des marchés pertinents et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative. L'Autorité de la concurrence a ainsi fait part de ses observations dans son avis n° 11-A-05 en date du 8 mars 2011.
6.1. Sur la régulation du haut et du très haut débit
Concernant la substituabilité des segments du haut débit et du très haut débit, l'Autorité de la concurrence relève que « les offres de gros de dégroupage de la paire de cuivre et les offres d'autofourniture de type dégroupage de la fibre optique appartiennent à un même marché pertinent ».
L'Autorité de la concurrence note en outre « à la lecture combinée des deux décisions de régulation symétrique et du projet d'analyse des marchés 4 et 5 de l'ARCEP que celle-ci n'envisage pas d'imposer la fourniture d'offres de gros sur les réseaux FttH, à l'exception de l'offre de location à la ligne prévue en dehors des zones très denses ». Sur ce point, l'Autorité de la concurrence précise que « l'absence d'offres de gros sur fibre optique limitera la liberté de choix des consommateurs, particulièrement dans la phase de déploiement des réseaux horizontaux et de raccordement des immeubles et des points de mutualisation par les différents opérateurs investissant dans les réseaux FttH. A plus long terme, il existe un risque de fermeture du marché autour d'un nombre réduit d'acteurs maîtrisant leur infrastructure et ne fournissant pas spontanément d'offres de gros ».
En conséquence, l'Autorité de la concurrence propose à l'ARCEP de fixer une clause de rendez-vous à mi-parcours de l'analyse des marchés « pour apprécier le caractère suffisant ou non du dispositif actuel de régulation et, le cas échéant, le compléter par des obligations, symétriques ou asymétriques, de fourniture d'offres de gros sur les réseaux FttH ».
En ce qui concerne le haut débit, l'Autorité de la concurrence note qu'il y a lieu de se féliciter du succès du dégroupage et du développement incontestable de la concurrence qui en résulte sur le marché de détail du haut débit dans les zones denses. Néanmoins, dans les zones moins denses du territoire, l'Autorité de la concurrence souligne que « Orange maintient des parts de marché élevées, d'une part, auprès de la clientèle résidentielle [...], d'autre part, auprès de la clientèle professionnelle de manière semble-t-il assez générale. Ces situations justifient un effort soutenu de la part du régulateur sectoriel ». Cet effort pourrait se concentrer sur un contrôle plus poussé de l'offre LFO de France Télécom.
6.2. Sur la question de la montée en débit
L'Autorité de la concurrence indique qu'à la lecture du projet d'analyse de marché, le schéma proposé par l'ARCEP pour la montée en débit « paraît pouvoir répondre aux deux premières préoccupations formulées par l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 09-A-57. (i) L'obligation de résultat imposée à France Télécom devrait notamment garantir la neutralité de l'opération pour les opérateurs alternatifs et par conséquent éviter un recul du dégroupage. (ii) Le rôle de "guichet unique” joué par France Télécom dans ce schéma pourrait par ailleurs être l'occasion d'une clarification des rôles et d'une séparation plus claire entre les activités de gestionnaire de la boucle locale cuivre, de soumissionnaire aux procédures publiques et d'opérateur commercial au sein du groupe France Télécom ».
En outre, l'Autorité de la concurrence précise qu'elle n'est pas en mesure de se prononcer sur les modalités précises du cadre proposé mais suggère à l'ARCEP d'apporter un plus ample éclairage aux acteurs sur deux points : « en premier lieu, le principe de "guichet unique” conduirait les collectivités à accorder à France Télécom un droit d'usage de longue durée au niveau de la collecte en fibre optique. L'impact d'un tel système sur l'économie et le montage des projets des collectivités mériterait d'être évalué et mis en balance avec les avantages recherchés. En second lieu, les sommes que les collectivités territoriales seront amenées à verser dans le cadre de la modernisation du réseau téléphonique ne sont pas définies à ce stade ».
6.3. Sur la séparation fonctionnelle
Dans sa conclusion, l'Autorité de la concurrence relève que « la "boîte à outils” de l'ARCEP sera prochainement complétée par la faculté qu'aura cette dernière d'imposer à l'opérateur historique une séparation fonctionnelle entre les activités qui resteront durablement en monopole et celles qui relèvent du champ concurrentiel. Une telle mesure, de nature structurelle, peut apporter des garanties importantes quant au bon fonctionnement des marchés et alléger le contrôle de l'opérateur régulé. L'Autorité invite l'ARCEP à entamer les travaux préalables à son utilisation éventuelle ».
7. COMMENTAIRES DES AUTORITÉS RÉGLEMENTAIRES NATIONALES
ET OBSERVATIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
La Commission européenne a formulé le 26 mai 2011 les observations suivantes s'agissant de l'analyse du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire présentée par l'Autorité.
7.1. Sur l'absence de mesures correctrices imposées
sur la base de la puissance de marché pour les infrastructures en fibre
La Commission observe que, « en ce qui concerne les infrastructures en fibre optique de France Télécom, l'ARCEP n'estime ni justifié ni proportionné d'imposer des mesures correctrices asymétriques au stade actuel » et « exclut de rendre obligatoire le dégroupage de la fibre » de France Télécom, considérant, d'une part, « que l'utilisation des infrastructures de génie civil de France Télécom par des opérateurs tiers s'est considérablement accrue depuis la dernière analyse de marché » et, d'autre part, « que les obligations symétriques relatives à l'accès au segment terminal des réseaux en fibre optique ont permis l'entrée d'autres opérateurs sur le marché », ce qui « doit, en principe, favoriser l'apparition d'offres de gros ».
La Commission rappelle qu'en application de la recommandation NGA, « lorsque l'opérateur PSM déploie une infrastructure FttH, les ARN devraient en principe rendre obligatoire l'accès dégroupé à la boucle locale en fibre optique » et que « cette règle générale ne pourrait souffrir d'exceptions que lorsque plusieurs infrastructures alternatives sont présentes et que les offres d'accès concurrentielles (en principe sur la base du dégroupage) sont susceptibles de produire une concurrence effective sur le marché de détail ».
A cet égard, la Commission observe que « bien que plusieurs projets de co-investissement pour le déploiement de réseaux FttH soient mis en œuvre ou en cours de développement dans des zones très denses, aucun projet de ce type n'a été mis en œuvre ou développé à l'extérieur de ces zones » et que « les parts de marché de France Télécom sur les segments des marchés de détail du haut débit restent élevées, notamment à l'extérieur des zones très denses ».
La Commission estime en outre « qu'il est impossible de dire si des investissements dans les zones très denses seront réalisés pendant la période couverte par l'analyse de marché et s'il y aura des offres d'accès concurrentielles » et craint que, « en l'absence de mesures correctrices de la puissance de marché, FT pourrait verrouiller, sur le marché de détail, le segment du haut débit et le segment émergent du très haut débit, notamment à l'extérieur des zones très denses ».
La Commission note « que l'ARCEP se propose de revoir, le cas échéant, son analyse avant la fin de la période couverte par l'analyse de marché et que l'Autorité fixe une clause de rendez-vous en vertu de laquelle elle examinera, dans les 18 mois qui suivent l'entrée en vigueur de la mesure adoptée, la nécessité d'imposer des mesures correctrices supplémentaires asymétriques concernant les lignes en fibre optique ».
La Commission insiste néanmoins « sur la nécessité d'établir sans délai une régulation adressant la puissance de marché claire et prévisible, conformément à la recommandation NGA selon laquelle les ARN devraient, en principe, imposer l'accès dégroupé à la boucle optique et des mesures correctrices relatives à la fourniture en gros d'accès à haut débit » et demande par conséquent à l'ARCEP « de réévaluer, conformément à l'article 8 de la directive "accès” et aux articles 22 et 31 de la recommandation NGA, la nécessité d'imposer, déjà pour la période couverte par l'analyse de marché examinée ici, des mesures correctrices concernant l'accès de gros à la fibre (...), notamment dans les zones géographiques qui, selon l'ARCEP, ne sont pas concurrentielles et où la duplication d'un réseau en fibre optique est improbable pendant la période considérée ».
7.2. Sur la nécessité d'apprécier de manière appropriée les différences entre les conditions concurrentielles existant dans les zones géographiques et d'imposer ou d'adapter la régulation imposée sur la base de la puissance de marché
La Commission note que « l'ARCEP ne constate pas de différences dans les conditions concurrentielles sur le marché de la fourniture en gros d'accès physique à l'infrastructure du réseau ».
La Commission invite néanmoins l'ARCEP, « compte tenu de la différence qu'elle observe en ce qui concerne le déploiement d'infrastructures parallèles (...), à recenser les zones où une duplication de l'infrastructure en fibre est en cours et où, sur la base des offres de gros, une concurrence effective est déjà susceptible d'apparaître sur le marché de détail dans les 18 mois à venir ».
La Commission considère que « les conditions de concurrence particulières dues aux co-investissements dans des réseaux FttH parallèles, associées à l'existence d'offres d'accès concurrentielles, peuvent, dans certains cas, justifier que l'accès de gros régulé ne soit pas imposé dans le cadre de la régulation asymétrique de la puissance de marché ».
A l'inverse, la Commission invite l'ARCEP, « lorsque ces conditions de concurrence particulières ne sont pas remplies (...), à faire en sorte que l'entrée sur le marché soit possible et à éviter tout verrouillage du marché en imposant à l'opérateur PSM des mesures correctrices en matière d'accès de gros et de prestations connexes ».
7.3. Prise en compte des observations de la Commission européenne sur l'absence de mesures correctrices
imposées sur la base de la puissance de marché pour les infrastructures en fibre
Au terme de son analyse, la Commission semble estimer qu'en dehors des zones très denses, la régulation asymétrique devrait, dès à présent, imposer à France Télécom de formuler une offre de dégroupage de la fibre FttH et une offre d'accès activée fondée sur les réseaux FttH.
Après un nouvel examen approfondi, l'Autorité estime néanmoins que de tels remèdes seraient, à ce stade, disproportionnés et prématurés, notamment eu égard aux nombreuses obligations symétriques très strictes imposées par le cadre réglementaire.
Tout d'abord, il convient de rappeler que l'analyse concurrentielle doit être menée au regard des obligations existantes imposées par le cadre réglementaire en vigueur (greenfield modified approach (19)). Conformément à cette théorie, la Commission, dans sa décision du 26 novembre 2010 (20), a invité l'Autorité « à suivre attentivement l'évolution de l'investissement dans les NGA et de la concurrence, aussi bien dans les zones denses que dans les zones moins denses, afin de déterminer si les mesures de régulation symétriques restent suffisantes pour garantir la concurrence et si les instruments réglementaires symétriques proposés sont justifiés et proportionnés compte tenu des objectifs des articles 8 et 12 de la directive « cadre ». Si ce n'est pas le cas et s'il apparaît qu'un opérateur détient une puissance significative sur les marchés pertinents du haut débit, il peut être nécessaire, pour atteindre les objectifs précités, d'imposer, conformément à la recommandation NGA, d'autres formes asymétriques d'accès aux infrastructures en fibre de l'opérateur PSM, telles que le dégroupage de la boucle locale, l'accès de gros à haut débit et d'autres mesures correctrices associées (collecte, par exemple) ».
Dès lors, l'Autorité a conduit son analyse concurrentielle en tenant compte des obligations déjà imposées à l'ensemble des opérateurs dans le cadre de la régulation symétrique des déploiements de fibre optique jusqu'à l'abonné FttH, aux termes, d'une part, de la loi française (art. L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques), et, d'autre part, des décisions de régulation prises en son application (décisions n° 2009-1106 et n° 2010-1312 de l'Autorité).
A cet égard, il convient de rappeler deux des obligations structurantes posées par ce cadre de régulation symétrique :
― une obligation d'accès passif au point de mutualisation. Dans le cas des zones moins denses (ensemble du territoire français hors les 148 communes des zones très denses) qui semblent cristalliser les craintes de la Commission européenne, cet accès passif doit être fourni à un point de mutualisation regroupant au minimum 1 000 lignes. Cet accès passif à chaque ligne doit être fourni dans des conditions opérationnelles et tarifaires qui font l'objet d'une régulation stricte et détaillée dans les décisions de régulation symétrique adoptées par l'Autorité. Une telle offre d'accès devrait avoir pour effet de conduire les opérateurs à proposer l'équivalent d'une offre de dégroupage à la ligne FttH ;
― une obligation d'offre de cofinancement. Tout opérateur déployant un réseau fttH doit publier une offre (ab initio et ex post) de cofinancement des infrastructures en aval du point de mutualisation. Concrètement, les opérateurs doivent proposer aux opérateurs tiers de cofinancer les coûts de déploiement du réseau mutualisé en échange de droits d'usage pérennes qu'ils peuvent inscrire dans leurs bilans (CAPEX). Un tel mécanisme de cofinancement constitue un rempart structurel contre les risques concurrentiels d'abus d'éviction ou d'exploitation du propriétaire de l'infrastructure compte tenu des droits intangibles et pérennes dont bénéficient les co-investisseurs sur celle-ci. Dans les zones moins denses, ce cofinancement devrait pouvoir être proposé par « tranche » (cofinancement de x % des lignes d'un point de mutualisation donnant accès à x % de ces lignes), permettant ainsi au plus grand nombre d'opérateurs d'y participer (quelles que soient leurs parts de marché de détail).
Depuis l'entrée en vigueur de la décision de régulation symétrique adoptée par l'Autorité pour les déploiements en zones moins denses, plusieurs opérateurs (dont des opérateurs de réseaux d'initiative publique) travaillent à l'élaboration de leurs offres d'accès et de cofinancement et certaines d'entre elles ont déjà été publiées. France Télécom travaille depuis plusieurs semaines à l'élaboration de son offre qui a déjà été discutée avec les opérateurs alternatifs et qui pourrait être publiée dans les prochaines semaines. Dès lors, il serait prématuré de constater l'absence d'existence de projets de co-investissement en zones moins denses pour conclure à la nécessité d'imposer des obligations asymétriques sur l'opérateur historique alors même que ceux-ci sont en cours de finalisation.
En revanche, il ne peut être exclu que les mécanismes de cofinancement ne rencontrent pas le même succès sur l'ensemble des zones moins denses. En effet, alors que sur une partie substantielle des zones moins denses, les parts de marché de France Télécom sur le marché de détail ne sont pas très différentes de celles des principaux opérateurs alternatifs, tel n'est pas le cas dans les zones les plus rurales. Il est ainsi possible que l'animation concurrentielle n'émergera pas suffisamment dans les territoires très peu densément peuplés malgré les obligations symétriques déjà imposées (si des réseaux FttH devaient être déployés dans ces zones à l'horizon de la présente analyse). Néanmoins, à ce stade, il n'est pas sérieusement envisageable de délimiter ces zones avec précision. C'est la raison pour laquelle l'Autorité a choisi de mettre sous surveillance étroite les déploiements FttH et d'introduire une clause de rendez-vous dans 18 mois. L'Autorité souligne qu'une décision de régulation qui viendrait préjuger les capacités des opérateurs alternatifs à participer au cofinancement des réseaux FttH constituerait un frein à l'investissement de l'ensemble des opérateurs.
Néanmoins, afin de répondre aux craintes de la Commission européenne que France Télécom « verrouille » le segment de marché du très haut débit dans les zones moins denses d'ici la clause de rendez-vous fixée dans 18 mois, l'Autorité modifie son projet initial pour imposer à l'opérateur historique de l'informer, au minimum 6 mois à l'avance, de tout projet de déploiement FttH en dehors des zones très denses.
La décision de régulation des déploiements FttH en zones moins denses (décision du 14 décembre 2010) impose par ailleurs aux opérateurs des mécanismes d'information et de consultation de l'ensemble des acteurs concernés (notamment opérateurs et collectivités territoriales).
En tout état de cause, la réalité du déploiement d'un réseau FttH et notamment la réalisation des raccordements finaux à l'intérieur des logements des abonnés imposent des délais particulièrement longs. A la différence des déploiements FttCab (Fiber to the Cabinet, fibre jusqu'au sous-répartiteur) qui peuvent être réalisés en quelques mois de manière peu transparente, le déploiement massif d'un réseau FttH nécessite plusieurs années et ne peut être réalisé de manière non transparente. A cet égard, l'Autorité souligne qu'elle impose au terme de ses décisions d'analyse de marché un encadrement très strict du déploiement de la fibre jusqu'au sous-répartiteur, imposant à France Télécom des obligations lourdes, mais proportionnées à sa situation, permettant de protéger le dynamisme concurrentiel du dégroupage qui caractérise le marché français.
Enfin, l'Autorité constate que de nombreuses collectivités territoriales préparent des projets ambitieux de déploiements FttH dans les zones moins denses et que, si ces derniers se concrétisaient dans les prochains mois, ils constitueraient un élément important à prendre en compte dans l'analyse concurrentielle. Ici encore, des remèdes adoptés de manière prématurée pourraient contrecarrer les dynamiques propres aux acteurs du marché et constituer un frein aux investissements.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'Autorité, qui partage les analyses de la Commission européenne sur la nécessité d'encadrer les déploiements de fibre optique de l'opérateur historique, estime que les obligations symétriques strictes déjà en vigueur en France au terme de la régulation symétrique sont, à ce jour, suffisantes pour prévenir les risques concurrentiels de « verrouillage » du marché FttH. L'Autorité maintiendra une surveillance étroite des déploiements FttH de l'opérateur historique dans les prochains mois et réévaluera, le cas échéant, la nécessité d'imposer des remèdes asymétriques complémentaires au terme de sa clause de rendez-vous à 18 mois.
Décide :