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Article AUTONOME (Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011)

Article AUTONOME (Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011)



LOI SUR LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE ET LE JUGEMENT DES MINEURS
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, le 7 juillet 2011, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Gérard BAPT, Mmes Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Serge BLISKO, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Albert FACON, Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Jean-Patrick GILLE, Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Elisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. Serge JANQUIN, Régis JUANICO, Mmes Marietta KARAMANLI, Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, Jack LANG, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Bernard LESTERLIN, Albert LIKUVALU, Jean MALLOT, Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mme Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Pierre-Alain MUET, Alain NÉRI, Mme George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Philippe PLISSON, François PUPPONI, Dominique RAIMBOURG, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Michel SAPIN, Christophe SIRUGUE, Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Alain VIDALIES, Philippe VUILQUE, Mme Marie-Hélène AMIABLE, M. François ASENSI, Mme Martine BILLARD, MM. Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXES, Yves COCHET, Noël MAMÈRE, François de RUGY et Mme Anny POURSINOFF, députés ;
et, le 8 juillet 2011, par M. Jean-Pierre BEL, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Serge ANDREONI, Bernard ANGELS, Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Robert BADINTER, Claude BÉRIT-DÉBAT, Jacques BERTHOU, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, M. Yannick BOTREL, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Mme Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben-GUIGA, MM. Yves CHASTAN, Pierre-Yves COLLOMBAT, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Jean DESESSARD, Mme Josette DURRIEU, MM. Alain FAUCONNIER, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Mme Samia GHALI, MM. Serge GODARD, Jean-Pierre GODEFROY, Didier GUILLAUME, Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, MM. Claude JEANNEROT, Ronan KERDRAON, Mmes Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Jacky LE MENN, Roger MADEC, Philippe MADRELLE, Jacques MAHÉAS, Jean-Pierre MICHEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Mme Renée NICOUX, MM. Jean-Marc PASTOR, François PATRIAT, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, Paul RAOULT, Daniel REINER, Thierry REPENTIN, Mme Patricia SCHILLINGER, M. Jean-Pierre SUEUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI, Richard YUNG, Jacques MÉZARD, Yvon COLLIN, Mmes Françoise LABORDE, Anne-Marie ESCOFFIER, Nicole BORVO COHEN-SEAT, Eliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, M. Gérard LE CAM, Mme Josiane MATHON, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR et Jean-François VOGUET, sénateurs.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 25 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ; qu'ils contestent la procédure d'adoption de l'article 19 ; qu'ils contestent également les dispositions du titre Ier, notamment en tant qu'elles sont soumises à l'expérimentation en vertu de l'article 54 ; qu'ils mettent en cause, enfin, la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 12 et 13, relatifs à la cour d'assises, ainsi que des articles 33, 38, 49 et 50 relatifs à la justice pénale des mineurs ; que les sénateurs requérants contestent, en outre, la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 32 et 34 ;
Sur la procédure d'adoption de l'article 19 :
2. Considérant que l'article 19 de la loi abroge l'article 131-36-1 du code pénal qui prévoit que le placement sous surveillance électronique mobile doit être ordonné soit par une décision spécialement motivée du tribunal correctionnel soit, s'agissant de la cour d'assises, dans des conditions de majorité qualifiée ;
3. Considérant que, selon les requérants, cet article a été adopté en méconnaissance de l'article 45 de la Constitution ;
4. Considérant qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ;
5. Considérant que les dispositions de l'article 19, qui ont été insérées dans le projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale, présentent un lien avec les dispositions relatives à la motivation des décisions en matière criminelle ainsi qu'avec celles relatives à l'assignation à résidence avec surveillance électronique qui figuraient dans le projet de loi initialement déposé ; que le grief tiré de ce que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution doit être écarté ; que cet article ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle ; que, par suite, il doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale :
En ce qui concerne la participation des citoyens assesseurs au jugement des affaires pénales :
6. Considérant que le chapitre Ier de la loi est consacré aux citoyens assesseurs ; que son article 1er insère dans le code de procédure pénale les articles 10-1 à 10-14 ; que les trois derniers alinéas de l'article 10-1 prévoient que les citoyens peuvent être appelés comme citoyens assesseurs à compléter le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels, dans les cas prévus aux articles 399-2 et 510-1 du code de procédure pénale, et à compléter le tribunal de l'application des peines et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, dans les cas prévus aux articles 712-13-1, 720-4-1 et 730-1 du même code ;
7. Considérant qu'en vertu de l'article 10-2, une liste de citoyens assesseurs est établie, chaque année, pour chaque tribunal de grande instance ; que l'article 10-3 fixe les conditions requises pour pouvoir figurer sur cette liste ; que l'article 10-4 prévoit que les citoyens assesseurs sont désignés parmi les personnes inscrites sur une liste préparatoire établie par tirage au sort sur les listes électorales ; que l'article 10-5 détermine les modalités selon lesquelles la liste des citoyens assesseurs est établie par la commission prévue par l'article 262 qui examine la situation des personnes inscrites sur la liste préparatoire dans un ordre déterminé par le tirage au sort ; qu'il prévoit que la commission exclut les personnes qui ne remplissent pas les conditions requises, celles à qui une dispense est accordée et celles qui ne « paraissent manifestement pas être en mesure d'exercer les fonctions de citoyen assesseur », notamment pour des raisons qui font douter de leur impartialité, leur honorabilité ou leur probité ; que l'article 10-6 détermine les motifs pour lesquels les citoyens assesseurs peuvent être retirés de la liste par décision du premier président de la cour d'appel ; que les articles 10-7 à 10-9 déterminent les modalités selon lesquelles est défini le service des citoyens assesseurs ; que l'article 10-10 prévoit que chaque citoyen assesseur ne peut, en principe, être appelé à siéger plus de dix jours d'audience par an ; que l'article 10-11 prévoit le serment des citoyens assesseurs ; que l'article 10-12 définit les causes pour lesquelles ils peuvent être récusés ; que l'article 10-13 dispose que l'exercice des fonctions de citoyen assesseur constitue un devoir civique et réprime les manquements à ce devoir ; qu'enfin, l'article 10-14 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application des dispositions précitées et notamment « les modalités selon lesquelles les citoyens assesseurs doivent bénéficier, avant d'exercer leurs fonctions, d'une formation sur le fonctionnement de la justice pénale ainsi que sur le rôle des citoyens assesseurs » ;
8. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent le droit à un tribunal indépendant et impartial et les exigences de capacité qui résultent de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
Quant aux normes de constitutionnalité applicables :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. ― Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature. ― Une loi organique porte statut des magistrats. ― Les magistrats du siège sont inamovibles » ; qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; qu'en vertu de l'article 6 de la Déclaration de 1789, tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, « selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ;
10. Considérant que, d'une part, si les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, la Constitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire ; que, d'autre part, si les dispositions de l'article 66 de la Constitution s'opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges ; que, toutefois, doivent être apportées en pareils cas des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires, ainsi qu'aux exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; qu'en outre, s'agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire ;
11. Considérant que les exigences résultant des articles 64 et 66 de la Constitution n'imposent pas que les citoyens appelés par le tirage au sort à participer occasionnellement et en qualité d'assesseurs à l'exercice de la justice pénale soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire ou partiel de leurs fonctions ; que, par suite, l'article 1er de la loi doit être déclaré conforme à la Constitution ;
12. Considérant que, toutefois, les dispositions précitées ne subordonnent pas l'exercice des fonctions de citoyen assesseur à des compétences juridiques ou une expérience dans les questions susceptibles d'être soumises à leur jugement ; que, par suite, l'article 6 de la Déclaration de 1789 impose que la nature des questions de droit ou de fait sur lesquelles les citoyens assesseurs sont appelés à statuer, ainsi que les procédures selon lesquelles ils statuent soient définies de manière à ce qu'ils soient mis à même de se prononcer de façon éclairée sur les matières soumises à leur appréciation ;
Quant à la participation des citoyens au jugement des délits :
13. Considérant que l'article 5 de la loi complète la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale par un paragraphe 2 intitulé : « Du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne » et comprenant les articles 399-1 à 399-11 ; que l'article 399-1 dispose que, pour le jugement des délits énumérés à l'article 399-2, le tribunal correctionnel est composé de trois magistrats du tribunal de grande instance et de deux citoyens assesseurs ; qu'aux termes de l'article 399-2 : « Sont jugés par le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, en application de l'article 399-1, les délits suivants :
« 1° Les atteintes à la personne humaine passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans prévues au titre II du livre II du code pénal ;
« 2° Les vols avec violence prévus au dernier alinéa de l'article 311-4, au 1° et au dernier alinéa de l'article 311-5 et à l'article 311-6 du code pénal, ainsi que les extorsions prévues aux articles 312-1 et 312-2 du même code ;
« 3° Les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans prévues à la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du code pénal ;
« 4° L'usurpation d'identité prévue à l'article 434-23 du code pénal ;
« 5° Les infractions prévues au code de l'environnement passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans.
« Le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne n'est toutefois pas compétent pour le jugement des délits prévus au présent article lorsqu'il s'agit d'un délit mentionné aux articles 706-73 et 706-74 ou, sous réserve des dispositions de l'article 399-3, mentionné à l'article 398-1 du présent code » ;
14. Considérant qu'il résulte de l'article 399-4 du code de procédure pénale que les citoyens assesseurs ne participent aux décisions du tribunal correctionnel que sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine et que toute autre question est jugée par les seuls magistrats ; que le législateur a ainsi adopté des règles propres à garantir que le jugement des délits du droit pénal général par des personnes tirées au sort ne soit pas incompatible avec les exigences de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; que, toutefois, les infractions prévues au livre IV du code pénal et celles prévues au code de l'environnement sont d'une nature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui font obstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent ; que, par suite, les 4° et 5° de l'article 399-2 doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
Quant à la participation des citoyens aux décisions en matière d'application des peines :
15. Considérant que l'article 15 de la loi déférée prévoit que les citoyens assesseurs participent au jugement en matière d'application des peines pour statuer sur la réduction de la période de sûreté, sur la libération conditionnelle lorsque la peine privative de liberté est d'une durée supérieure à cinq ans et, dans ce cas, pour ordonner que la peine s'exécutera sous le régime de la semi-liberté et du placement sous surveillance électronique, lorsque ces mesures sont décidées à titre probatoire préalablement à une libération conditionnelle ; que cet article prévoit également qu'ils participent à l'examen, en appel, de l'ensemble des décisions rendues par le tribunal de l'application des peines sur le fondement de l'article 712-7 du code de procédure pénale ;
16. Considérant que la participation de citoyens assesseurs à l'appréciation, par les juridictions de l'application des peines, des conditions de fond qui déterminent l'aménagement des peines ne méconnaît pas, en elle-même, les exigences de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; que, toutefois, même en l'absence de disposition expresse limitant cette participation à ces seules questions de fond, la complexité juridique du régime de l'application des peines ne saurait permettre que les citoyens assesseurs participent au jugement de toute autre question sur laquelle le tribunal de l'application des peines ou la chambre de l'application des peines serait appelé à statuer, tel que l'appréciation des conditions de recevabilité des demandes ou l'examen des incidents de procédure ; que, sous cette réserve, l'article 15 n'est pas contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne le recours à l'expérimentation :
17. Considérant que l'article 54 de la loi, dans le premier alinéa de son paragraphe II, dispose : « Les articles 10-1 à 10-14, 258-2, 264-1, 399-1 à 399-11, 461-1 à 461-4, 486-1 à 486-5, 510-1, 512-1, 712-13-1, 720-4-1 et 730-1 du code de procédure pénale et l'article 24-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, résultant de la présente loi, sont applicables à titre expérimental à compter du 1er janvier 2012 dans au moins deux cours d'appel et jusqu'au 1er janvier 2014 dans au plus dix cours d'appel. Les cours d'appel concernées sont déterminées par un arrêté du garde des sceaux » ; qu'ainsi, ces dispositions prévoient l'expérimentation de l'adjonction de citoyens assesseurs aux tribunaux correctionnels, aux chambres des appels correctionnels, aux tribunaux et aux chambres de l'application des peines et aux tribunaux correctionnels pour mineurs ;
18. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte au principe d'égalité devant la loi ainsi qu'au caractère limité et réversible que doit revêtir l'expérimentation et méconnaissent la compétence du législateur ;
19. Considérant qu'aux termes de l'article 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental » ; que, si, sur le fondement de cette disposition, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle ;
20. Considérant qu'en adoptant les dispositions précitées de l'article 54, le législateur a défini de façon suffisamment précise l'objet et les conditions de l'expérimentation en cause ; qu'il n'a pas méconnu sa compétence en renvoyant à un arrêté du garde des sceaux le soin de déterminer les cours d'appel dans le ressort desquelles cette expérimentation aura lieu ; qu'il a fixé le terme de l'expérimentation qu'il a autorisée ; que, par suite, l'article 54 de la loi déférée est conforme à la Constitution ;
En ce qui concerne la cour d'assises :
21. Considérant que les articles 10 à 14 de la loi modifient les dispositions du code de procédure pénale relatives à la cour d'assises ; qu'en particulier, ces dispositions réduisent de neuf à six le nombre de jurés siégeant à la cour d'assises en premier ressort et de douze à neuf le nombre de ceux qui siègent à la cour d'assises en appel ; qu'elles modifient les dispositions de l'article 359 du code de procédure pénale relatives à la majorité des voix nécessaire à l'adoption d'une décision défavorable à l'accusé ; qu'en outre, elles insèrent dans ce même code un article 365-1 relatif à la motivation des arrêts de la cour d'assises ;
22. Considérant qu'il ressort des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 qu'il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans la recherche des auteurs d'infractions, le jugement des personnes poursuivies ainsi que dans le prononcé et l'exécution des peines ; que l'obligation de motiver les jugements et arrêts de condamnation constitue une garantie légale de cette exigence constitutionnelle ;
Quant à l'article 359 du code de procédure pénale :
23. Considérant que le paragraphe XII de l'article 13 donne une nouvelle rédaction de l'article 359 du code de procédure pénale relatif aux règles de majorité applicables aux délibérations de la cour d'assises ; qu'aux termes de cet article : « Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de six voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel » ;
24. Considérant que, selon les requérants, en permettant qu'une décision défavorable à l'accusé soit adoptée avec seulement l'accord de trois jurés et trois magistrats, ces dispositions portent atteinte « au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l'existence d'un jury populaire suppose que ses décisions ne peuvent être prises qu'à la majorité absolue des jurés » ; qu'elles méconnaîtraient le sens de la décision du 1er avril 2011 sur la motivation des arrêts d'assises et porteraient atteinte, en tout état de cause, aux exigences résultant des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ;
25. Considérant, en premier lieu, qu'une tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu'autant qu'elle aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; qu'en l'espèce, aucune loi de la République antérieure à la Constitution de 1946 n'a fixé le principe selon lequel lorsque les jurés et les magistrats délibèrent ensemble, les décisions de la cour d'assises défavorables à l'accusé ne peuvent être adoptées qu'à la majorité absolue des jurés ;
26. Considérant, en deuxième lieu, que, dans sa décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 susvisée, le Conseil constitutionnel a relevé que l'article 359 du code de procédure pénale impose que toute décision de la cour d'assises défavorable à l'accusé soit adoptée par au moins la majorité absolue des jurés ; qu'il a mentionné cette règle au nombre des garanties légales entourant la procédure et la délibération de la cour d'assises et conduisant à ce que l'absence de motivation des arrêts de la cour d'assises ne soit pas regardée comme méconnaissant les exigences résultant des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ; que la loi déférée prévoit la motivation des arrêts de la cour d'assises ; qu'il suit de là que le grief tiré de ce que la modification de l'article 359 du code de procédure pénale méconnaîtrait le sens de la décision du 1er avril 2011 précitée doit être écarté ;
27. Considérant, en troisième lieu, que le nouvel article 359 impose que toute décision défavorable à l'accusé soit formée à la majorité de six voix sur neuf au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et de huit voix sur douze lorsqu'elle statue en appel ; qu'une telle règle de majorité ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ;
28. Considérant, par suite, que l'article 359 du code de procédure pénale doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Quant à l'article 365-1 du code de procédure pénale :
29. Considérant que le paragraphe II de l'article 12 complète la section 1 du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de procédure pénale par un article 365-1 qui impose que les arrêts de la cour d'assises soient motivés ; que cet article dispose que cette motivation est rédigée par un des magistrats qui composent la cour sur un document annexé à la feuille des questions, laquelle est signée « séance tenante » par le président et par le premier juré ; que, toutefois, le dernier alinéa de l'article 365-1 dispose : « Lorsqu'en raison de la particulière complexité de l'affaire, liée au nombre des accusés ou des crimes qui leur sont reprochés, il n'est pas possible de rédiger immédiatement la feuille de motivation, celle-ci doit alors être rédigée, versée au dossier et déposée au greffe de la cour d'assises au plus tard dans un délai de trois jours à compter du prononcé de la décision » ;
30. Considérant que, selon les requérants, en permettant de reporter de trois jours la rédaction de la motivation et en supprimant ainsi la possibilité pour les jurés de vérifier qu'elle correspond à l'énoncé des principaux éléments à charge qui ont convaincu la cour d'assises, le législateur a privé de garanties légales l'exigence constitutionnelle prohibant l'arbitraire dans le prononcé des peines ;
31. Considérant que, d'une part, il résulte des articles 380-1 et 380-9 du code de procédure pénale que les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises en premier ressort peuvent faire l'objet d'un appel dans un délai de dix jours à compter de leur prononcé ; qu'en vertu de l'article 568 du même code, les parties ont cinq jours francs après le prononcé de l'arrêt de la cour d'assises en appel pour se pourvoir en cassation ; que, d'autre part, la faculté ouverte en raison de la particulière complexité de l'affaire, liée au nombre des accusés ou des crimes qui leur sont reprochés, que la motivation soit rédigée au plus tard trois jours après le prononcé de l'arrêt par un des magistrats de la cour ne dispense pas ce dernier de l'obligation de mentionner dans la motivation « l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises » ; qu'elle ne déroge pas davantage à la règle selon laquelle la feuille de motivation doit être signée par le président et le premier juré ; que, dans ces conditions, la disposition contestée ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées ; que, par suite, l'article 365-1 du code de procédure pénale doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur le jugement des mineurs :
32. Considérant que le titre II de la loi, relatif au jugement des mineurs, comprend les articles 24 à 52 qui modifient l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que les requérants contestent les dispositions de l'article 38, relatives à l'assignation à résidence avec surveillance électronique, des articles 32 à 34 et 50, relatives à la saisine du tribunal pour enfants ou du tribunal correctionnel des mineurs, et de l'article 49, relatives au tribunal correctionnel des mineurs ;
33. Considérant que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que, toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ;
34. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 que doivent être respectés, à l'égard des mineurs comme des majeurs, le principe de la présomption d'innocence, celui de la nécessité et de la proportionnalité des peines et celui des droits de la défense ; que doit être respectée également la protection de la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ;
35. Considérant, enfin, que, lorsqu'il fixe les règles relatives au droit pénal des mineurs, le législateur doit veiller à concilier les exigences constitutionnelles énoncées ci-dessus avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence avec surveillance électronique d'un mineur :
36. Considérant que l'article 38 de la loi insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 susvisée un article 10-3 aux termes duquel : « Les mineurs âgés de seize à dix-huit ans peuvent être placés sous assignation à résidence avec surveillance électronique dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale lorsqu'ils encourent une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans. Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés sous assignation à résidence avec surveillance électronique, selon les mêmes conditions et modalités, que dans les cas où, en application de la présente ordonnance, ils peuvent être placés sous contrôle judiciaire. En cas d'assignation à résidence avec surveillance électronique au domicile des représentants légaux du mineur, leur accord écrit doit être préalablement recueilli par le magistrat compétent pour ordonner la mesure. Les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile ne sont toutefois pas applicables aux mineurs » ;
37. Considérant que, selon les requérants, en permettant l'assignation à résidence avec surveillance électronique des mineurs âgés de treize à seize ans dans les cas où ils peuvent être placés sous contrôle judiciaire alors que l'article 142-11 du code de procédure pénale assimile l'assignation à résidence avec surveillance électronique à une mesure de détention provisoire, ces dispositions entraînent une rigueur d'autant moins nécessaire que, par ailleurs, l'article 37 de la loi assouplit les conditions permettant de placer un mineur sous contrôle judiciaire ;
38. Considérant qu'en vertu de l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, le contrôle judiciaire d'un mineur de treize à seize ans est possible en matière criminelle ; qu'en matière correctionnelle, ce contrôle est possible lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans ou, dans certains cas à raison des antécédents du mineur ou de la nature des faits qui lui sont reprochés, lorsqu'elle est supérieure à cinq ans ; que l'assignation à résidence peut être ordonnée dans un lieu distinct du domicile des représentants légaux du mineur et sans leur accord ; que, par suite, en permettant l'assignation à résidence avec surveillance électronique des mineurs de treize à seize ans comme une alternative au contrôle judiciaire dans des cas où le mineur ne peut pas faire l'objet d'une mesure de détention provisoire, les dispositions contestées ont institué une rigueur qui méconnaît les exigences constitutionnelles précitées ; que la deuxième phrase de l'article 10-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 doit être déclarée contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne la saisine du tribunal pour enfants :
39. Considérant que l'article 33 insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 un article 8-3 aux termes duquel : « Le procureur de la République peut poursuivre devant le tribunal pour enfants dans les formes de l'article 390-1 du code de procédure pénale soit un mineur âgé d'au moins treize ans lorsqu'il lui est reproché d'avoir commis un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement, soit un mineur d'au moins seize ans lorsqu'il lui est reproché d'avoir commis un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.
« La procédure prévue au premier alinéa ne peut être mise en œuvre que si le mineur fait l'objet ou a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs procédures en application de la présente ordonnance.
« La convocation en justice ne peut être délivrée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédents sur le fondement de l'article 8 ; toutefois, lorsqu'en raison de l'absence du mineur au cours des mesures d'investigation précédentes, des éléments plus approfondis n'ont pu être recueillis sur sa personnalité à l'occasion d'une procédure antérieure en application du même article 8, peuvent être prises en compte des investigations réalisées en application de l'article 12.
« La convocation précise que le mineur doit être assisté d'un avocat et que, à défaut de choix d'un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le procureur de la République ou le juge des enfants font désigner par le bâtonnier un avocat d'office.
« La convocation est également notifiée dans les meilleurs délais aux parents, au tuteur, à la personne ou au service auquel le mineur est confié.
« Elle est constatée par procès-verbal signé par le mineur et la personne à laquelle elle a été notifiée, qui en reçoivent copie.
« L'audience doit se tenir dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours et supérieur à deux mois » ;
40. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions qui permettent la convocation d'un mineur devant le tribunal pour enfants selon des modalités de la procédure pénale applicable aux majeurs méconnaissent le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ;
41. Considérant que les dispositions contestées autorisent le procureur de la République à faire convoquer directement un mineur par un officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants sans instruction préparatoire ; que cette procédure est applicable aux mineurs de plus de seize ans poursuivis pour un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement et aux mineurs de plus de treize ans poursuivis pour un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement ; que, dans les deux cas, elle ne peut être mise en œuvre que si le mineur a, antérieurement, été poursuivi en application de l'ordonnance du 2 février 1945 ; qu'elle ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédant la convocation ; qu'il n'est pas dérogé aux dispositions particulières imposant l'assistance du mineur par un avocat et la convocation de ses représentants légaux ; que ces dispositions tiennent compte de l'âge du mineur, de la gravité des faits qui lui sont reprochés et de ses antécédents ; que, par suite, elles ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs ; que l'article 33 doit être déclaré conforme à la Constitution ;
En ce qui concerne l'obligation de renvoi devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel des mineurs :
42. Considérant que l'article 32 de la loi déférée complète l'article 8 de l'ordonnance du 2 février 1945, relatif au juge des enfants, par un alinéa aux termes duquel : « Lorsque le délit est puni d'une peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement et qu'il a été commis en état de récidive légale par un mineur âgé de plus de seize ans, il ne pourra rendre de jugement en chambre du conseil et sera tenu de renvoyer le mineur devant le tribunal correctionnel pour mineurs » ; que l'article 34 complète le 3° de l'article 9 de cette même ordonnance, relatif au juge d'instruction, par une phrase qui dispose : « Lorsque le délit est puni d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans, qu'il a été commis en état de récidive légale et que le mineur est âgé de plus de seize ans, le renvoi devant le tribunal correctionnel pour mineurs est obligatoire » ;
43. Considérant que, selon les sénateurs requérants, l'obligation faite au juge des enfants ou au juge d'instruction de saisir la juridiction de jugement méconnaît le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ;
44. Considérant que les dispositions contestées ne sont applicables qu'aux mineurs de plus de seize ans qui ont été mis en examen par le juge des enfants ou le juge d'instruction pour des faits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement et commis en état de récidive légale ; que, dans ces conditions, l'obligation faite au juge de saisir la juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines lorsqu'il estime, à l'issue de l'instruction, que les faits constituent un délit répondant à ces conditions, ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées ;
En ce qui concerne la « césure du procès pénal » :
45. Considérant que l'article 50 de la loi insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 un chapitre III ter intitulé : « De la césure du procès pénal des mineurs » et comprenant les articles 24-5 à 24-8 ; qu'afin de permettre de séparer, pour le jugement des mineurs, les débats sur la culpabilité des débats sur les mesures, les sanctions ou les peines, ces articles rendent expressément applicables au jugement des mineurs les dispositions des articles 132-58 à 132-65 du code pénal relatifs à la dispense de peine, l'ajournement simple et l'ajournement avec mise à l'épreuve ; qu'ils permettent également la dispense et l'ajournement des mesures éducatives et des sanctions éducatives et déterminent des cas supplémentaires dans lesquels l'ajournement peut être ordonné ;
46. Considérant qu'aux termes de l'article 24-7 de l'ordonnance du 2 février 1945 : « Par dérogation au troisième alinéa de l'article 8-3 et au II de l'article 14-2, le procureur de la République peut faire application des procédures prévues aux mêmes articles à l'encontre d'un mineur pour lequel aucune investigation n'a été ordonnée en application de l'article 8 et alors qu'il n'existe pas dans le dossier d'éléments suffisants sur sa personnalité pour permettre au tribunal de se prononcer, dès lors qu'il requiert dans la saisine du tribunal qu'il soit fait application du présent chapitre.
« Le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs est alors tenu, après s'être prononcé sur la culpabilité du mineur et, le cas échéant, sur l'action civile, d'ajourner le prononcé de la mesure éducative, de la sanction éducative ou de la peine conformément aux articles 24-5 et 24-6 » ;
47. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions permettent au procureur de la République de s'affranchir des conditions requises pour recourir à la convocation par officier de police judiciaire et à la procédure de présentation immédiate au seul motif qu'il entend requérir la césure ; que, par suite, elles méconnaîtraient le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ;
48. Considérant que l'article 24-7 autorise le procureur de la République, dès lors qu'il requiert l'application de la césure, à faire convoquer ou comparaître directement un mineur devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel des mineurs selon les procédures prévues aux articles 8-3 et 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, malgré le caractère insuffisant des éléments d'information sur la personnalité du mineur ; qu'en pareil cas, la juridiction de jugement est tenue d'ajourner le prononcé de la mesure, de la sanction ou de la peine, notamment pour permettre que des investigations supplémentaires sur la personnalité du mineur soient réalisées ; que les dispositions contestées ne dérogent pas aux autres conditions qui permettent le recours aux procédures prévues par les articles 8-3 et 14-2 précitées ; que, dans ces conditions, il n'est pas porté atteinte au principe fondamental en matière de justice pénale des mineurs ; que, par suite, l'article 24-7 de l'ordonnance du 2 février 1945 doit être déclaré conforme à la Constitution ;
En ce qui concerne le tribunal correctionnel des mineurs :
49. Considérant que l'article 49 de la loi insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 un chapitre III bis intitulé : « Du tribunal correctionnel des mineurs » ; que cette juridiction est compétente pour juger les mineurs âgés de plus de seize ans poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale ; qu'elle est également compétente pour juger les coauteurs et complices de ces mineurs lorsqu'ils sont majeurs ; qu'elle est composée de trois magistrats et présidée par un juge des enfants ; qu'elle statue selon la procédure prévue devant le tribunal pour enfants ; qu'aux termes de l'article 24-2, le tribunal correctionnel des mineurs peut être saisi :
« 1° Par ordonnance de renvoi du juge des enfants ou du juge d'instruction en application des articles 8 et 9 ;
« 2° Dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 8-3 ;
« 3° Dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 14-2, à l'exception du VI » ;
50. Considérant que, selon les requérants, l'institution de cette juridiction méconnaît le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ;
51. Considérant, en premier lieu, que le tribunal correctionnel des mineurs est composé de trois magistrats du tribunal de grande instance ainsi que, pour les délits mentionnés à l'article 399-2 du code de procédure pénale, de deux assesseurs citoyens ; que, s'il est présidé par le juge des enfants, il est majoritairement composé de personnes qui ne disposent pas de compétences particulières sur les questions de l'enfance ; qu'en lui-même, le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ne fait pas obstacle à ce que le jugement des mineurs soit confié à une juridiction composée de trois magistrats ou de trois magistrats et deux assesseurs dont seul le président est un magistrat spécialisé dans les questions de l'enfance ; que, toutefois, une telle juridiction ne peut être regardée comme une juridiction spécialisée au sens de ce principe fondamental ; que, par suite, ce dernier impose que le tribunal correctionnel des mineurs soit saisi selon des procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ;
52. Considérant que les 2° et 3° de l'article 24-2 prévoient que le tribunal correctionnel des mineurs peut être saisi selon les modalités prévues aux articles 8-3 et 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 qui permettent de faire convoquer ou comparaître directement le mineur devant la juridiction de jugement sans instruction préparatoire ; que ces dispositions conduisent, en méconnaissance des exigences du principe fondamental en matière de justice pénale des mineurs, à ce que les mineurs ne soient jugés ni par une juridiction spécialisée ni selon des procédures appropriées ; que, par suite, les 2° et 3° de l'article 24-2 doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
53. Considérant, en second lieu, qu'au considérant 11 de sa décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe d'impartialité des juridictions ne s'oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire est contraire à la Constitution » ; que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l'article 24-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 qui dispose que le tribunal correctionnel des mineurs est présidé par un juge des enfants ; que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 12 de cette même décision du 8 juillet 2011, il y a lieu de reporter la date de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er janvier 2013 ;
54. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,
Décide :