(SYNDICAT MIXTE CHARGÉ DE LA GESTION DU CONTRAT URBAIN DE COHÉSION SOCIALE DE L'AGGLOMÉRATION DE PAPEETE)
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d'Etat le 17 décembre 2010 (décision n° 343800 du 17 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat mixte chargé de la gestion du contrat urbain de cohésion sociale de l'agglomération de Papeete relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit desdispositions du paragraphe II de l'article 8 de l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics, en tant que ces dispositions sont applicables aux arrêtés du maire par l'effet des trois premiers alinéas du paragraphe IV du même article.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;
Vu l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics, ensemble le paragraphe IV de l'article 66 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le syndicat requérant par la SELARL JURISPOL, avocat au barreau de Papeete, enregistrées les 23 décembre 2010 et 21 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Alain Monod, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le syndicat requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article 8 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 susvisée, applicable aux délibérations du conseil municipal des communes de la Polynésie française : Sont nulles de plein droit :
a) Les délibérations d'un conseil municipal portant sur un objet étranger à ses attributions ou prises hors de sa réunion légale ;
b) Les délibérations prises en violation d'une loi ou d'un règlement d'administration publique.
La nullité de droit est déclarée par arrêté motivé du haut-commissaire. Elle peut être prononcée par le haut-commissaire et proposée ou opposée par les parties intéressées, à toute époque ;
2. Considérant que ces dispositions sont rendues applicables aux arrêtés du maire par l'effet des trois premiers alinéas du paragraphe IV du même article, aux termes desquels : Les arrêtés pris par le maire sont soumis aux mêmes règles de publicité, de contrôle et d'approbation que celles qui sont applicables aux délibérations des conseils municipaux portant sur les mêmes matières. Ils sont déclarés nuls de droit dans les conditions prévues au II du présent article.
Ils sont immédiatement adressés à l'autorité supérieure.
Le haut-commissaire peut les annuler ou en suspendre l'exécution ;
3. Considérant que le syndicat requérant fait grief à ces dispositions de permettre au haut-commissaire de la République d'annuler à tout moment les actes des communes de la Polynésie française ; qu'il estime que ce pouvoir d'annulation par une autorité administrative est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales ;
4. Considérant que le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, relatif aux collectivités territoriales de la République, dispose : Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ; qu'aux termes de son dernier alinéa : Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ;
5. Considérant que le paragraphe II de l'article 8 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 maintient provisoirement, pour les délibérations du conseil municipal des communes de la Polynésie française, le régime de contrôle administratif qui était applicable, avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982 susvisée, aux délibérations du conseil municipal ; qu'en vertu du paragraphe III de l'article 7 de la même ordonnance, ce régime n'est maintenu que si les communes n'ont pas demandé à être soumises, par anticipation, au régime de contrôle de légalité institué par la loi du 2 mars 1982 ; qu'il prend fin le 31 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, en tant qu'elles sont applicables aux délibérations du conseil municipal des communes de la Polynésie française, les dispositions contestées ne sont pas contraires à la libre administration des collectivités territoriales ; qu'en outre, elles ne portent atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
6. Considérant que les dispositions du paragraphe II, en tant qu'elles sont rendues applicables aux arrêtés du maire par le paragraphe IV, autorisent le haut-commissaire de la République à déclarer, à toute époque, nuls de droit les arrêtés du maire ; que, par la généralité des pouvoirs de contrôle ainsi conférés au représentant de l'Etat sur les actes du maire quelles que soient leur nature et leur portée, ces dispositions privent de garanties suffisantes l'exercice de la libre administration des communes de la Polynésie française ; que, par voie de conséquence, les trois premiers alinéas du paragraphe IV précités doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité a pour conséquence de rendre opposables au représentant de l'Etat les voies et délais de droit commun applicables en matière de contentieux administratif pour les arrêtés du maire autres que ceux pour lesquels un pouvoir de substitution est prévu par la loi ; qu'elle prend effet à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et s'applique aux instances en cours,
Décide :