Géologie, géomorphologie et sols
L'île Litchfield est une des nombreuses petites îles et péninsules rocheuses situées le long de la côte sud-ouest de l'île Anvers, qui se composent d'un assemblage inhabituel de type rocheux de la fin du Crétacé/début du Tertiaire appelé Altered Assemblage (Hooper, 1962). Les principaux types de roches du Altered Assemblage sont la tonalite, une forme de diorite à quartz, et la trondhjemite, une roche plutonique légèrement colorée. Les roches granitiques et volcaniques riches en minéraux (plagioclase, biotite, quartz et hornblende) sont également très présentes dans la zone. L'île Litchfield se caractérise par une bande centrale de diorites à grain fin de couleur gris semi-foncé, qui sépare entre l'est et l'ouest les trondhjemites et les tonalites constituées principalement de grain moyen et présentant une couleur gris clair (Willan, 1985). La partie orientale se caractérise par des filons plus pâles sur une longueur pouvant aller jusqu'à 40 mètres selon une orientation nord-sud et est-ouest. Des petites veines de quartz, d'épidote, de chlorite, de pyrite et de chalcopyrite d'une épaisseur pouvant aller jusqu'à 8 centimètres se dessinent selon une orientation sud - sud-est traversant la tonalite. Des filons plagioclasiques phyriques gris foncé à grain fin portant des traces de magnétite suivent une orientation est - nord-est sud - sud-est. De nombreux filons de feldspath phyrique gris foncé sont présents à l'ouest ; ils peuvent avoir une épaisseur de 3 mètres et affichent une orientation nord-sud et est - sud-est. Certains d'entre eux recoupent ou sont recoupés par de rares veines de quartz, d'épidote, de chlorite, de pyrite, de chalcopyrite et de bornite dont l'épaisseur peut atteindre 20 centimètres. Les sols de l'île Litchfield n'ont fait l'objet d'aucune description bien que des sols tourbeux d'une profondeur pouvant atteindre 1 mètre aient été découverts à des endroits où la croissance du tapis mousseux est, ou était, importante.
Habitat dulçaquicole
L'île Litchfield abrite quelques petites lagunes. Une d'entre elles située sur une colline dans la partie centre - nord-est de l'île contient les algues Heterohormogonium sp et Oscillatoria brevis. Une autre lagune, située 50 mètres plus au sud, renferme Gonium sp, Prasiola crispa, P. tesselata et Navicula sp. (Parker et al., 1972).
Végétation
Les communautés de plantes sur l'île Litchfield ont fait l'objet d'une étude détaillée en 1964 (Corner, 1964a). A cette époque-là, la végétation de l'île était très développée et comprenait plusieurs communautés distinctes avec une flore variée (Lewis Smith et Corner, 1973 ; Lewis Smith, 1982). Les deux espèces de plante vasculaire de l'Antarctique, la canche antarctique (Deschampsia antarctica) et la sagine antarctique (Colobanthus quitensis), ont été répertoriées sur l'île (Corner, 1964a ; Greene et Holtom, 1971 ; Lewis Smith et Corner, 1973). Corner (1964a) a constaté que D. antarctica se retrouvait souvent le long des côtes nord et nord-ouest de l'île et que des concentrations localisées plus importantes à l'intérieur de l'île peuplaient les bancs rocheux contenant des dépôts de minéraux et forme des tapis végétaux épais (Greene et Holtom, 1971 ; Lewis Smith, 1982). C. quitensis était présent à deux endroits : une concentration sur la côte nord-est mesurant environ 9 × 2 mètres et une série de six nappes dispersées sur des pentes raides et lisses de la côte nord-ouest. Ces deux plantes vasculaires sont en général accompagnées d'un assemblage de couches de mousse, notamment Bryum pseudotriquetrum (Bryum imperfectum), Sanionia uncinata (Drepanocladus uncinatus), Syntrichia princeps (Tortula grossiretis) et Warnstorfia laculosa (Calliergidium austro-stramineum) (Corner, 1964a). Au nombre des facteurs qui contrôlent l'aire de distribution de C. quitensis et de D. antarctica figurent la disponibilité de substrat et de température de l'air appropriée (Komárková et al. 1985). De concert avec le récent réchauffement, les populations existantes de C. quitensis se sont élargies et de nouvelles colonies se sont installées dans la zone de port Arthur encore que ce phénomène n'ait pas été étudié spécifiquement à l'île Litchfield (Grobe et al. 1997 ; Lewis Smith 1994).
Sur les versants rocheux assez secs, plusieurs bancs de Chorisodontium aciphyllum (Dicranum aciphyllum) et de Polytrichum strictum (Polytrichum alpestre) ont été observés en 1982 à pas moins de 1,2 mètre de profondeur à certains endroits et ils sont considérés comme les exemples les plus représentatifs de leur espèce dans la région de la péninsule antarctique (Fenton et Lewis Smith, 1982 ; Lewis Smith, 1982). Les concentrations de tourbe mousseuse les plus exposées aux éléments naturels sont couvertes de lichens crustacés, une espèce de Cladonia spp., Sphaerophorus globosus et Coelocaulon aculeatum (Cornicularia aculeata). Dans les ravines profondes et protégées, le couvert de lichens est souvent dense et abrite Usnea antarctica, U. aurantiaco-atra et Umbilicaria antarctica. La tourbe P. strictum, d'une épaisseur de 50 centimètres, a été observée à des endroits surélevés au creux d'une étroite vallée d'orientation est-ouest. Les hépatiques Barbilophozia hatcheri et Cephaloziella varians ont été associés aux communautés de tourbes, en particulier dans les canaux pilonnés par le gel, et se présentent souvent sous forme de spécimens figés sur de l'humus découvert.
Un certain nombre de zones humides en permanence ont été observées sur l'île, et une des particularités les plus remarquables de ces zones sont les couches de mousses les plus importantes connues à ce jour dans la région antarctique, dominées par W. laculosa (Fenton et Lewis Smith, 1982). A d'autres endroits, S. uncinata et Brachythecium austro-salebrosum forment des concentrations plus petites. Pohlia nutans peuple les zones plus sèches où les communautés de mousses ont fusionné avec celles de tourbes mousseuses.
Les surfaces rocheuses abritent une variété de communautés dominées par des lichens auxquelles viennent s'ajouter les nombreuses espèces épiphytiques observées sur les bancs de mousse. Une communauté ouverte de lichens et de bryophytes couvrait des roches et des falaises le long de la côte et au centre de l'île. La côte méridionale de l'île abrite principalement des espèces crustacées de lichens, notamment Usnea antarctica ainsi que les mousses Andreaea depressinervis et A. regularis. L'algue verte Prasiola crispa forme de petites concentrations associées aux colonies de manchots et autres habitats d'oiseaux marins.
Parmi les autres espèces observées dans la zone, citons : l'hépatique Lophozia excisa ; les lichens Buellia spp., Caloplaca spp., Cetraria aculeata, Coelopogon epiphorellus, Lecanora spp., Lecidia spp., Lecidella spp., Lepraria sp., Mastodia tessellata, Ochrolechia frigida, Parmelia saxatilis, Physcia caesia, Rhizocarpon geographicum, Rhizocarpon sp., Stereocaulon glabrum, Umbilicaria decussata, Xanthoria candelaria et X. elegans ; et les mousses Andreaea gainii var. gainii, Bartramia patens, Dicranoweisia grimmiacea, Pohlia cruda, Polytrichastrum alpinum, Sarconeurum glaciale et Schistidium antarctici (base de données sur la végétation de la British Antarctic Survey, 2009).
Dans le passé, des populations de plus en plus importantes d'otaries à fourrure (Arctocephalus gazella) ont sérieusement endommagé les couches et les bancs de mousse à faible altitude (Lewis Smith, 1996 et Harris, 2001). Toutefois, tout semble indiquer qu'a commencé en certains endroits une phase de récupération de la végétation qui avait été endommagée, et ce après une récente diminution des populations d'otaries à fourrure sur l'île Litchfield (Fraser, communication personnelle, 2009). Des labbes antarctiques (Catharacta maccormicki) nichent dans les bancs de mousse et provoquent des dégâts limités.
Invertébrés, bactéries et champignons
La faune d'invertébrés de l'île Litchfield n'a pas fait l'objet d'une étude détaillée. Les tardigrades Macrobiotus furciger, Hypsibius alpinus et H. pinguis ont été observés dans des concentrations de mousses, principalement sur les versants nord de l'île (Jennings, 1976).
Oiseaux nicheurs
Six espèces d'oiseaux se reproduisent sur l'île Litchfield qui, à ce titre, concentre les habitats les plus variés de la région de port Arthur pour ce qui est de l'avifaune en phase de reproduction. Une petite colonie de manchots Adélie (Pygoscelis adeliae) se trouvait antérieurement sur la partie orientale de l'île et elle a été recensée régulièrement depuis 1971 (tableau 1, carte 2). Après la baisse substantielle des trente dernières années du nombre de couples nicheurs, les manchots Adélie sont aujourd'hui une espèce qui a disparu de l'île Litchfield (Fraser, communication personnelle, 2009). La baisse de population a été attribuée principalement aux changements dont ont fait l'objet la distribution des glaces et l'accumulation des neiges (McClintock et al. 2008). Les manchots Adélie sont sensibles aux changements dans la concentration de la glace de mer qui a une influence sur l'accès des manchots aux aires d'alimentation et sur l'abondance de krill antarctique, qui est leur principales proie (Fraser et Hofmann, 2003 ; Ducklow et al., 2007). Le récent élargissement substantiel de la superficie libre de glace dans la zone d'étude LTER de Palmer s'est produit dans le même temps qu'une diminution de 80 % de l'abondance de krill le long de la moitié nord de la péninsule antarctique de l'ouest et il peut en avoir résulté une réduction considérable des approvisionnements en aliments des manchots Adélie qui habitent l'île Litchfield (Fraser et Hofmann, 2003 ; Forcada et al., 2008). Ces dernières années, les blizzards de printemps dans la zone de port Arthur sont devenus plus fréquents et plus violents, ce qui, conjugué à une augmentation généralisée des précipitations, aurait fait considérablement monter les taux de mortalité des poussins et des œufs de manchots Adélie (McClintock et al., 2008 ; Patterson et al., 2003). C'est des sept colonies de manchots étudiées dans la zone Palmer celle de l'île Litchfield sur laquelle tombe le plus de neige et celle qui a enregistré la baisse la plus rapide, ce qui porte sans aucun doute à croire que l'augmentation des chutes de neige sont un facteur qui contribue aux pertes de manchots Adélie (Fraser, in Stokstad, 2007).
Tableau 1. ― Nombre de manchots Adélie (Pygoscelis adeliae) nicheurs sur l'île Litchfield, 1971-2009
ANNÉE |
CPLS |
DÉC.¹ |
SOURCE |
ANNÉE |
CPLS |
DÉC.¹ |
SOURCE |
ANNÉE |
CPLS |
DÉC.1 |
SOURCE |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1971-72 |
890 |
N3 |
2 |
1985-86 |
586 |
N1 |
2 |
1997-98 |
365 |
N1 |
3 |
1972-73 |
|
|
|
1986-87 |
577 |
N1 |
3 |
1998-99 |
338 |
N1 |
3 |
1973-74 |
|
|
|
1987-88 |
430 |
N1 |
3 |
1999― |
322 |
N1 |
|
3 |
|||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
2000 |
|
|
|
1974-75 |
1 000 |
N4 |
2 |
1988-89 |
|
|
|
2000-01 |
274 |
N1 |
3 |
1975-76 |
884 |
N1 |
3 |
1989-90 |
606 |
N1 |
3 |
2001-02 |
166 |
N1 |
3 |
1977-78 |
650 |
N1 |
2 |
1990-91 |
448 |
N1 |
3 |
2002-03 |
143 |
N1 |
3 |
1978-79 |
519 |
N1 |
2 |
1991-92 |
497 |
N1 |
3 |
2003-04 |
52 |
|
4 |
1979-80 |
564 |
N1 |
2 |
1992-93 |
496 |
N1 |
3 |
2004-05 |
33 |
|
4 |
1980-81 |
650 |
N1 |
2 |
1993-94 |
485 |
N1 |
3 |
2005-06 |
15 |
|
4 |
1981-82 |
|
|
|
1994-95 |
425 |
N1 |
3 |
2006-07 |
4 |
|
4 |
1982-83 |
|
|
|
1995-96 |
410 |
N1 |
3 |
2007-08 |
0 |
|
4 |
1983-84 |
635 |
N1 |
2 |
1996-97 |
346 |
N1 |
3 |
2008-09 |
0 |
|
4 |
1984-85 |
549 |
N1 |
2 |
|
|
|
|
|
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