iii) Le cadre applicable aux différents maîtres d'ouvrage
Le deuxième alinéa de l'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique dispose que : « le fonds d'aménagement numérique des territoires peut attribuer, sur demande, des aides aux maîtres d'ouvrage des travaux de réalisation des infrastructures et réseaux envisagés par les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (...) ».
La loi ne préjuge donc pas du cadre d'intervention des maîtres d'ouvrage pouvant formuler une demande d'attribution d'aides au fonds d'aménagement numérique des territoires. Ces derniers peuvent en principe être des acteurs publics ou privés.
A ce titre, l'Autorité de la concurrence rappelle que « l'hypothèse amenant à octroyer directement une aide financière publique à un acteur privé est potentiellement source de distorsions de concurrence. Dans ces conditions, la définition de garde-fous aussi bien en termes de procédure qu'en termes de prévention des risques de conflits d'intérêt apparaît nécessaire ».
Il convient de noter que l'intervention des collectivités territoriales ou de leurs groupements est d'ores et déjà encadrée par l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales dont le I dispose qu'ils « peuvent (...) établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de communications électroniques au sens du 3° et du 15° de l'article L. 32 du code des postes et communications électroniques, acquérir des droits d'usage à cette fin ou acheter des infrastructures ou réseaux existants ».
L'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales dispose par ailleurs qu'ils « peuvent mettre de telles infrastructures ou réseaux à disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs de réseaux indépendants ».
Le IV de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales dispose enfin que : « Quand les conditions économiques ne permettent pas la rentabilité de l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public ou d'une activité d'opérateur de communications électroniques, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre leurs infrastructures ou réseaux de communications électroniques à disposition des opérateurs à un prix inférieur au coût de revient, selon des modalités transparentes et non discriminatoires, ou compenser des obligations de service public par des subventions accordées dans le cadre d'une délégation de service public ou d'un marché public. »
Ce droit d'intervention dans le secteur des communications électroniques s'accompagne de plusieurs obligations. D'une part, « l'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements se fait en cohérence avec les réseaux d'initiative publique, garantit l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises en application du présent article et respecte le principe d'égalité et de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques » et « les interventions des collectivités s'effectuent dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées »,
et, d'autre part, l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales impose aux collectivités territoriales et à leurs groupements a minima une obligation de séparation comptable et, dans certains cas, une séparation juridique lorsque la collectivité est aussi en charge de la gestion du domaine public :
― « une même personne morale ne peut à la fois exercer une activité d'opérateur de communications électroniques et être chargée de l'octroi des droits de passage destinés à permettre l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public » ;
― « les dépenses et les recettes afférentes à l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public et à l'exercice d'une activité d'opérateur de communications électroniques par les collectivités territoriales et leurs groupements sont retracées au sein d'une comptabilité distincte ».
Les obligations qui pèsent sur les collectivités territoriales ou leurs groupements, qui souhaitent intervenir dans le secteur des communications électroniques, garantissent, en principe, un certain degré d'accessibilité et d'ouverture plus important que la seule application du code des postes et des communications électroniques, en ce qu'elles imposent l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises dans le cadre d'un réseau d'initiative publique.
Par ailleurs, les collectivités territoriales et leurs groupements disposent d'une compétence d'intervention dans le secteur des communications électroniques limitée à la maîtrise d'ouvrage et à l'entretien d'infrastructures de génie civil destinées au passage de réseaux de communications électroniques. En effet, le premier alinéa des articles L. 2224-11-6 et L. 2224-36 du code général des collectivités territoriales dispose que « les collectivités territoriales et leurs établissements publics de coopération exerçant » soit « la compétence en matière d'eau potable ou d'assainissement », soit « la compétence d'autorité organisatrice de réseaux publics de distribution d'électricité » « peuvent également assurer, accessoirement à cette compétence, dans le cadre d'une même opération et en complément à la réalisation de travaux relatifs aux réseaux de distribution électrique, la maîtrise d'ouvrage et l'entretien d'infrastructures de génie civil destinées au passage de réseaux de communications électroniques, incluant les fourreaux et les chambres de tirage, sous réserve, lorsque les compétences mentionnées à l'article L. 1425-1 sont exercées par une autre collectivité territoriale ou un autre établissement public de coopération, de la passation avec cette collectivité ou cet établissement d'une convention déterminant les zones dans lesquelles ces ouvrages pourront être réalisés ».
Ces interventions doivent, elles aussi, respecter certains principes issus de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, puisque le troisième alinéa de ces deux articles dispose que « l'intervention des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération garantit l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises en application du présent article et respecte le principe d'égalité et de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques. Les interventions des collectivités et de leurs établissements publics de coopération s'effectuent dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées ».
Ainsi, la présente décision conditionnera, pour les maîtres d'ouvrage n'intervenant pas dans le cadre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales ou éventuellement des articles L. 2224-11-6 ou 2224-36 du même code, l'attribution des aides du fonds au respect d'obligations similaires à celles prévues par ces articles. Ceci permettra d'assurer le même degré d'accessibilité et d'ouverture à tout projet recevant une dotation du fonds, qu'il s'inscrive ou non dans le cadre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.
iv) Cohérence avec le cadre réglementaire encadrant les déploiements
de réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné
Les réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH) permettent à la population d'accéder aux communications électroniques à très haut débit et entrent donc dans le périmètre des réseaux susceptibles d'être subventionnés par le fonds. Le déploiement de ces réseaux, notamment l'accès à leur partie terminale, est soumis à une réglementation rappelée ci-après.
Les précisions portant sur les conditions d'accessibilité et d'ouverture des infrastructures et réseaux susceptibles d'être aidés par le fonds doivent nécessairement être cohérentes avec le cadre réglementaire imposant la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique.
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie fixe le cadre juridique de la régulation de la partie terminale des réseaux en fibre optique.
L'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, issu de la loi de modernisation de l'économie (LME), instaure un principe de mutualisation de la partie terminale des réseaux entre opérateurs permettant de minimiser les interventions dans la propriété privée, tout en limitant le risque de monopoles locaux dans les immeubles, afin de s'assurer que chaque propriétaire ou locataire puisse librement choisir son opérateur de communications électroniques. Cet article dispose ainsi que « toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final ».
L'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques confie la mise en œuvre du principe de mutualisation à l'Autorité et permet à celle-ci de définir les cas dans lesquels le point de mutualisation (point où les opérateurs tiers peuvent accéder au réseau déployé dans les immeubles par l'opérateur sélectionné par la copropriété) peut se situer dans les limites de la propriété privée. Selon le même article :
« L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. »
Par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009, l'Autorité a initié le processus de définition du cadre réglementaire en précisant notamment les conditions et les cas dans lesquels les points de mutualisation peuvent se situer à l'intérieur de la propriété privée.
Même si certains éléments contenus dans cette décision s'appliquent sur l'ensemble du territoire, celle-ci précise en particulier le cadre réglementaire applicable aux zones très denses, regroupant les communes à forte densité de population, pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres réseaux en fibre optique, au plus près des logements.
Certaines dispositions contenues dans la décision n° 2009-1106 s'appliquent à l'ensemble du territoire et notamment l'obligation pour l'opérateur équipant un immeuble de proposer aux opérateurs tiers un accès passif, sauf exception dans certains cas de déploiements en quadri-fibres, au point de mutualisation leur permettant de s'y raccorder dans des conditions techniques et économiques raisonnables.
L'Autorité a adopté, le 14 décembre 2010, la décision n° 2010-1312 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses.
Cette décision vient préciser les modalités de cet accès passif en ce qui concerne l'ensemble du territoire en dehors des zones très denses telles que définies dans la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009. Constatant que le déploiement de réseaux de fibre optique en zones moins denses nécessitera une mutualisation accrue entre les opérateurs, cette décision prévoit notamment les dispositions suivantes :
― lorsque l'opérateur d'immeuble ne propose pas d'offre de raccordement distant, la zone arrière d'un point de mutualisation regroupe au moins un millier de logements ou locaux à usage professionnel existants au jour de son installation. Lorsque l'opérateur d'immeuble propose une offre de raccordement distant et, sauf situation exceptionnelle qu'il appartiendra à l'opérateur d'immeuble de démontrer, la zone arrière d'un point de mutualisation regroupe au moins trois cents logements ou locaux à usage professionnel existants au jour de son installation ;
― l'opérateur d'immeuble offre l'accès à un point de mutualisation, dans des conditions raisonnables et non discriminatoires, situé à proximité immédiate du segment de transport du réseau d'infrastructures de génie civil de France Télécom, ou d'une infrastructure de génie civil alternative offrant des conditions d'accès équivalentes ;
― afin que la zone arrière du point de mutualisation s'inscrive de manière cohérente dans un découpage géographique, l'opérateur d'immeuble définit une maille géographique plus large et sa partition en différentes zones arrière de points de mutualisation, en tenant le plus grand compte des avis exprimés lors de la consultation préalable des collectivités territoriales ou du groupement de collectivités concernées et des opérateurs inscrits sur la liste prévue par la décision n° 2009-0169 du 3 mars 2009 de l'Autorité ;
― l'opérateur d'immeuble fait droit à toute demande d'hébergement des équipements passifs et actifs au point de mutualisation, dès lors qu'elle est raisonnable et justifiée, tant au regard des besoins de l'opérateur demandeur que des capacités de l'opérateur d'immeuble à la satisfaire ;
― l'opérateur d'immeuble offre, au niveau du point de mutualisation, un accès aux lignes permettant de participer au cofinancement de celles-ci, tant ab initio qu'a posteriori, ainsi qu'un accès passif à la ligne, en location.
2° Les travaux menés par l'Autorité
De manière générale, l'élaboration de la présente décision s'inscrit dans l'ensemble du cadre du déploiement du très haut débit en France. Les travaux menés au sein de l'Autorité relatifs à la réglementation de la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique, les travaux menés au sein du groupe d'échange entre l'ARCEP, les collectivités territoriales et les opérateurs (GRACO) comme les travaux entrepris à l'initiative des services de l'Etat concernant le programme national très haut débit ont été pris en compte dans l'élaboration de la présente décision.
Afin de préparer la présente décision, les services de l'Autorité ont mené, entre les mois de juillet et septembre 2010, une série d'entretiens avec les opérateurs de communications électroniques, les services de l'Etat et des associations de collectivités territoriales afin de recueillir, de manière informelle, leurs avis et propositions. Les différents acteurs ont été sollicités sur les problématiques techniques d'accessibilité et d'ouverture des différents réseaux de desserte des utilisateurs. Les opérateurs de communications électroniques ont exprimé leurs positions concernant leur éventuelle volonté de bénéficier des aides du fonds ou d'utiliser les infrastructures et les réseaux auxquels aurait été attribuée une aide du fonds d'aménagement numérique des territoires.
3° Portée et champ d'application de la décision
La présente décision précise les conditions d'accessibilité et d'ouverture des infrastructures et des réseaux auxquels une aide du fonds d'aménagement numérique des territoires pourra être attribuée.
L'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 dispose que « le fonds d'aménagement numérique des territoires a pour objet de contribuer au financement de certains travaux de réalisation des infrastructures et réseaux envisagés par les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique mentionnés à l'article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales ».
Or, selon l'article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, si les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique concernent tous les types de réseaux de communications électroniques, tout en « concernant prioritairement les réseaux à très haut débit fixe et mobile, y compris satellitaire », l'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 précise que « les aides doivent permettre à l'ensemble de la population (...) d'accéder (...) aux communications électroniques en très haut débit ».
Ne sont donc concernés par la présente décision que les infrastructures et les réseaux ayant vocation à permettre aux utilisateurs finals (particuliers comme entreprises) d'être desservis en très haut débit, et ce de manière neutre technologiquement.
La présente décision s'applique aux territoires de la métropole, des départements et des collectivités d'outre-mer pour lesquels le code des postes et des communications électroniques s'applique.