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Article AUTONOME (Décision n° 2010-0402 du 8 avril 2010 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2010-0402 du 8 avril 2010 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



B. ― Analyse de puissance sur le marché de gros des prestations du segment terminal


Deux types d'indicateurs, quantitatifs et qualitatifs, permettent de caractériser l'état de la concurrence et d'évaluer l'influence exercée par les différents acteurs positionnés sur le marché analysé.


1. Les acteurs
L'opérateur historique


Sur le segment terminal, France Télécom dispose d'abord d'un réseau d'accès en cuivre pour les débits inférieurs à 10 Mbit/s qui couvre la demande en termes de haut débit, services de capacité et téléphonie sur tout le territoire, les zones non rentables ayant été couvertes dans le cadre de la fourniture du service universel. Il a également développé un réseau d'accès pour les débits supérieurs à 10 Mbit/s, qui ne couvre pas la totalité du territoire mais qui se développe rapidement avec la montée en débits des sites clients : déployé en plusieurs phases, il couvre actuellement 170 zones géographiques dans lesquelles France Télécom est en mesure de raccorder les sites à l'intérieur de ces communes en l'espace de 4 à 8 semaines à la demande.
Les services commercialisés par France Télécom sur le segment terminal sont :
― des liaisons louées achetées par les opérateurs à son catalogue de détail (liaisons louées numériques à plus de 64 kbit/s jusqu'à 155 Mbit/s) ;
― l'offre de référence LPT sur le segment terminal (de 64 kbit/s à 155 Mbit/s également) ;
― l'offre DSL-E en offre de gros ;
― des services de capacité avec interfaces alternatives commercialisées dans son catalogue de détail (à la fois des offres point-à-point d'interconnexion de réseaux locaux comme Inter LAN 1.0 ou 2.0 avec interface Ethernet ou des offres point-à-multipoints comme Multi LAN HD en ATM ou SMHD, toutes interfaces confondes) ;
― l'offre « CE2O » avec interface Ethernet depuis le mois d'octobre 2005.
France Télécom a également développé une offre spécifique pour les opérateurs mobiles sur le segment terminal, l'offre AIRCOM, qui vise à leur permettre de raccorder leurs BTS capillaires à leurs BSC.


Les opérateurs alternatifs


Les opérateurs alternatifs ne couvrent qu'une faible partie de la demande actuelle et potentielle par leurs raccordements en propre. Ils sont donc peu vendeurs de services sur le segment terminal et principalement acheteurs de capacités sur le segment terminal.
Sur le segment de marché du segment terminal à moins de 10 Mbit/s, les opérateurs qui se fondent sur le dégroupage total pour le raccordement de sites entreprises sont en mesure de fournir, sur une partie restreinte du territoire, des capacités dans le segment terminal à moins de 10 Mbit/s aux autres opérateurs qui ne dégroupent pas encore.
Sur le segment de marché du segment terminal à plus de 10 Mbit/s, les opérateurs qui ont déployé des réseaux d'accès métropolitains optiques sont en mesure de fournir des capacités (également à 2 Mbit/s et n*2 Mbit/s sur les sites déjà raccordés), sur les zones d'emprise où ils sont déployés.
En outre, SFR a développé une activité de revente de liaisons louées d'interconnexion « pour compte de tiers » à des opérateurs moins déployés en profitant des différences de tarifs entre liaisons louées d'interconnexion locales et régionales (jusqu'à 2 Mbit/s et n*2 Mbit/s principalement, mais aussi à plus de 10 Mbit/s).


2. Indicateurs quantitatifs


Le marché de gros des prestations du segment terminal des services est constitué à la fois des offres sur cuivre et des offres sur support optique.
Pour l'ensemble des offres sur cuivre, France Télécom est le seul opérateur à même de fournir ces prestations. Ainsi, France Télécom dispose d'une part de marché supérieur à 99 % sur ce segment du marché de gros des prestations du segment terminal, qui représentait 17 000 accès en 2008.



Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 216 du 17/09/2010 texte numéro 65



Pour les offres sur fibre optique, France Télécom propose les offres de liaisons partielles terminales haut débit, à interface traditionnelle, à 34 Mbit/s et 155 Mbit/s ainsi que les offres de collecte Ethernet optique opérateur (CE2O) pour des débits allant de 6 Mbit/s à 100 Mbit/s.
Au cours de la période couverte par l'analyse de marché, les parcs respectifs de ces deux offres ont évolué de la manière suivante :



Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 216 du 17/09/2010 texte numéro 65



Par ailleurs, d'autres opérateurs ayant déployé leurs boucles locales optiques proposent des offres activées, soit sur les marchés de gros des services de capacité, soit en revendant directement des offres de détail. Avec les éléments dont dispose l'Autorité, les achats d'offres de gros de segment terminal de services de capacité représentent 3 600 accès très haut débit environ, dont la moitié est vendue par France Télécom.


3. Indicateurs qualitatifs
Contrôle d'une infrastructure difficilement duplicable


Sur le segment de marché des services de moins de 10 Mbit/s :
France Télécom est propriétaire d'une infrastructure d'accès aux clients sur le segment terminal très difficile à dupliquer de manière rentable, utilisée notamment pour fournir des services de capacité de détail avec des débits inférieurs à 10 Mbit/s : il s'agit de l'ensemble du réseau d'accès en cuivre. C'est une barrière à l'entrée économique structurelle, durable, que les opérateurs concurrents ne peuvent dupliquer de manière rentable sur l'ensemble du territoire.
Sur le segment de marché des services de plus de 10 Mbit/s :
France Télécom est propriétaire d'une infrastructure d'accès aux clients sur le segment terminal difficile à dupliquer de manière rentable, utilisée notamment pour fournir des services de capacité de détail avec des débits supérieurs à 10 Mbit/s : il s'agit de l'ensemble de ses boucles locales optiques sur le territoire et de son infrastructure de génie civil. Pour les opérateurs alternatifs, le déploiement de boucles de collecte optique intra-agglomérations puis de boucles métropolitaines de raccordement des sites en optique représente une barrière à l'entrée économique structurelle, durable.
Depuis l'année 2001, les déploiements de nouvelles boucles métropolitaines optiques d'opérateurs alternatifs raccordant des sites d'entreprise ont ralenti en France en dehors des initiatives publiques ; les opérateurs privés se limitent à raccorder des sites très proches de leur boucle pour densifier la couverture des zones.


Présence d'importantes économies d'échelle et de gamme


Les économies d'échelle et de gamme explicitées sur le marché de détail sont transposables sur les marchés du segment terminal. En particulier, France Télécom a des volumes de production bien supérieurs à ceux de ses concurrents. En outre, France Télécom bénéficie d'économies de gamme supérieures à ses concurrents : le partage des coûts fixes du réseau d'accès se fait sur une gamme plus étendue d'offres de détail et de gros.


Avantages du précurseur


Les opérateurs acheteurs de produits sur le marché de gros des prestations du segment terminal sont souvent prioritairement clients de France Télécom et encourent un coût de changement d'opérateur élevé.
En effet, la souscription à une offre de référence suppose des volumes de commande importants sur un même nœud de livraison afin de couvrir les coûts fixes liés à l'achat de prestations connexes entre son point de présence et le brasseur de France Télécom (que ce soit les liaisons d'aboutement (LA) de l'architecture d'interconnexion de liaisons louées ou les troncs de TDSL ou de CE2O) ainsi que les coûts internes financiers et humains dans le processus de mise en place de l'interconnexion avec France Télécom (mobilisation d'équipes de techniciens, tests techniques, coûts de système d'information).
Une fois ces coûts fixes engagés, l'opérateur a intérêt à concentrer le plus grand nombre possible de LPT ou de feuilles DSL-E ou CE2O sur le brasseur où il est raccordé pour optimiser les économies d'échelle procurées par l'architecture d'interconnexion avec France Télécom. Ensuite il est naturellement réticent à changer d'opérateur sur une zone donnée.


4. Conclusion sur l'influence significative sur le marché de gros du segment terminal


France Télécom dispose d'une influence significative sur le marché de gros du segment terminal.


C. ― Analyse de puissance sur le marché de gros des prestations
de segment interurbain interterritorial de et vers La Réunion et la Guyane


Les câbles sous-marins sont des infrastructures particulièrement coûteuses, et donc difficiles à dupliquer. A titre d'illustration, on pourra retenir les ordres de grandeur suivants :
― un investissement initial de l'ordre de 650 millions de dollars américains (16) ;
― des coûts d'exploitation annuels avoisinant 10 % de l'investissement initial ;
― des charges indirectes s'élevant à près de 20 % du total des amortissements annuels.
France Télécom détient des intérêts économiques dans chacune des infrastructures desservant La Réunion et la Guyane, et a bénéficié d'une exclusivité de commercialisation.
De plus, les capacités allouées aux membres des consortiums le sont à des tarifs fortement dégressifs avec la quantité retenue. Ainsi, sur le câble SAFE, il était possible au moment de la constitution du consortium d'acquérir une capacité faible, ce qui permettait l'entrée dans le consortium de nombreux opérateurs. Mais cette capacité était vendue à un prix très supérieur à celui dont bénéficie France Télécom en tant qu'investisseur principal. Cet élément illustre donc les économies d'échelle et de gammes dont France Télécom bénéficie au cas d'espèce.
Les barrières à l'entrée sur ce marché sont donc très fortes. Il n'est en effet pas possible économiquement, pour un opérateur, d'envisager seul la construction d'un nouveau câble sous-marin qui, en tout état de cause, nécessiterait plusieurs années. Par ailleurs, la participation à un consortium n'est possible qu'à la date de sa constitution, de telle sorte qu'un nouvel entrant sur le marché n'a pas la possibilité de se joindre à un consortium existant.
Comme le suggère l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 09-A-53 susvisé, il semble nécessaire d'introduire dans l'analyse la distinction entre la partie sous-marine et la partie terrestre.
En effet, l'Autorité de la concurrence souligne que « la pression concurrentielle s'exerçant, pour la partie sous-marine, sur France Télécom en tant que membre des consortia exploitant des câbles sous-marins pour lesquels il ne dispose d'aucun monopole de commercialisation, ne paraît pas pouvoir être appréciée de la même manière que la pression concurrentielle qui s'exerce sur France Télécom en tant qu'opérateur disposant d'un monopole sur l'atterrissement et le complément terrestre de ces mêmes câbles dans les départements d'outre-mer ».

(16) Ainsi, France Télécom aurait dépensé 96 millions de dollars dans le câble SAFE, ce qui représente 15 % des coûts (cf. décision n° 04-374 précitée).