La commission a été saisie le 7 octobre 2009 par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales d'un dossier de déclaration de modification du fichier des personnes recherchées (FPR), lequel comporte un projet de décret en Conseil d'Etat.
Il s'agit d'une nouvelle version du dossier de déclaration de modification du fichier précité, la commission ayant rendu un avis sur une précédente version le 13 novembre 2008. Le ministère justifiait alors la présentation d'un décret en Conseil d'Etat par la nécessité d'une mise en conformité, en application des dispositions de l'article 20 de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 modifiant la loi du 6 janvier 1978, avec les dispositions relatives aux formalités préalables, et en particulier l'article 26-II.
Le projet de décret soumis pour avis à l'examen de la commission visait à modifier le fichier afin de permettre aux agents des autorités administratives compétentes d'alimenter directement le traitement, d'une part, et à ajouter de nouveaux motifs d'inscription dans le fichier, d'autre part.
La procédure de publication du décret a cependant été interrompue en raison de la publication de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. En effet, le FPR était jusqu'alors placé sous la responsabilité conjointe du ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale) et du ministre de la défense (direction générale de la gendarmerie nationale). Or, la loi du 3 août 2009 précitée a prévu le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur. Par conséquent, la commission a été saisie d'un nouveau projet de décret, qui dispose désormais que le fichier est placé sous la responsabilité exclusive du ministère de l'intérieur.
La finalité du FPR est de faciliter des recherches et les contrôles effectués, dans le cadre de leurs attributions respectives, par les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale et les agents des douanes exerçant des missions de police judiciaire ou des missions administratives.
L'inscription au FPR intervient pour des motifs judiciaires (exécution de mandats d'arrêt, de condamnations, d'un contrôle judiciaire...), et administratifs (application de réglementations spécifiques de police administrative comme, par exemple, les mesures d'expulsion ou la prévention de menaces contre la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat). Le FPR est divisé en sous-fichiers regroupant les personnes recherchées en fonction du fondement juridique de la recherche.
Une liaison avec le système d'information Schengen permet l'alimentation du C-SIS (système central) automatiquement à partir du FPR ainsi que la consultation du N-SIS (système national).
Sur l'ajout de nouveaux motifs d'inscription :
Aux termes du IV de l'article 2 du projet de décret, sont inscrits au FPR « les étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, en application du I de l'article L. 51 1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile » et « les étrangers faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris depuis moins d'un an en application du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ». De même, le 2° du III de l'article 2 du projet de décret dispose que sont également inscrits au FPR « les ressortissants d'un Etat non membre de l'Union européenne faisant l'objet d'une mesure restrictive de voyage, interdisant l'entrée sur le territoire ou le transit par le territoire, adoptée par l'Union européenne ou tout autre organisation internationale ».
Enfin, le IV de l'article 2 dispose que « les personnes faisant l'objet d'une mesure administrative visant au retrait d'un permis de conduire obtenu indûment » et « les personnes qui, au terme du délai prévu au III de l'article R. 223-3 du code de la route, n'ont pas restitué au préfet du département de leur lieu de résidence leur permis de conduire invalidé pour solde de points nul en application de l'article L. 223-5 du code de la route » sont également inscrites au FPR.
S'agissant des étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (OQTF) :
Cette mesure administrative a été créée par l'article 52 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et l'intégration. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2007.
Elle regroupe au sein d'un acte administratif unique trois composantes distinctes (refus ou retrait de l'autorisation de séjour, obligation de quitter le territoire susceptible d'exécution d'office, désignation du pays de renvoi). Elle se substitue aux anciens motifs de prise d'un arrêté de reconduite à la frontière après un refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait d'un titre de séjour qui faisaient l'objet d'une inscription au FPR.
La durée de conservation de ces informations sera de trois ans révolus à compter de la date du prononcé de la mesure sauf extinction du motif de la recherche, c'est-à-dire l'exécution de la mesure, son abrogation ou son annulation.
S'agissant des étrangers faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris depuis moins d'un an en application du 8° du 11 de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (APRF) :
Il s'agit de permettre l'inscription des étrangers visés par une OQTF et par des ARF pris depuis moins d'un an sur le fondement du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les effets demeurent exécutoires durant une année après leur édition, y compris si la personne concernée a quitté le territoire.
Ce motif d'arrêté de reconduite à la frontière a été créé par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Il concerne les étrangers qui ont, durant leur période de séjour régulier sur le territoire français, une attitude troublant l'ordre public sans que celle-ci ne puisse justifier une mesure d'expulsion.
La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 prévoit à l'article L. 231-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la possibilité d'opposer un refus d'entrée durant un an à compter de l'édiction des arrêtés de reconduite à la frontière pris sur ce fondement légal.
Les APRF sont déjà inscrits au FPR. Un nouvel item est ajouté dans le projet de décret : les mesures demeurent inscrites dans le FPR pendant un an même si elles ont été exécutées. Si cette mesure n'est pas exécutée après un an, elle pourra demeurer inscrite au FPR, comme tous les APRF non exécutés.
Si la date d'exécution n'est pas renseignée, la durée de conservation sera de trois ans révolus à compter de la date du prononcé de la mesure. Si la date d'exécution est renseignée l'effacement devra intervenir un an à compter de cette date.
S'agissant des ressortissants d'un Etat non membre de l'Union européenne faisant l'objet d'une mesure restrictive de voyage, interdisant l'entrée sur le territoire ou le transit par le territoire, adoptée par l'Union européenne ou toute autre organisation internationale :
Il est prévu aux termes du projet de décret de procéder à l'enregistrement dans le FPR de ces ressortissants.
L'article 26 du règlement n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) prévoit la possibilité d'une inscription dans le SIS II « des ressortissants de pays tiers qui font l'objet d'une mesure restrictive (...) adoptée conformément à l'article 15 du traité par le Conseil de sécurité des Nations unies » afin d'empêcher qu'ils entrent ou transitent sur le territoire des Etats membres.
Il est prévu une inscription des individus sur les listes européennes des indésirables pour chaque présidence de l'Union européenne de six mois en six mois. Ces listes sont établies conformément aux listes adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU dans le cadre des dispositions du chapitre VII de la Charte des Nations unies.
Les données sont conservées jusqu'à la date de fin de mesure indiquée, ou à défaut pendant quarante ans après la date d'inscription ou jusqu'au centième anniversaire de l'intéressé.
S'agissant des titulaires de permis de conduire faisant l'objet de recherches en vue de la notification des mesures administratives :
Il s'agit de favoriser la recherche des personnes faisant l'objet d'une mesure administrative visant au retrait d'un permis de conduire obtenu indûment et celles qui, au terme du délai prévu au III de l'article R. 223-3 du code de la route, n'ont pas restitué au préfet du département ou de la collectivité d'outre-mer de leur lieu de résidence leur permis de conduire invalidé pour solde de points nul en application de l'article L. 223-5 du même code.
Ce nouvel item vient s'intégrer dans la catégorie G préexistante qui concernent les mesures administratives concernant les permis de conduire. Les données collectées et les données de conservation demeurent inchangées. Un contrôle de validité de la fiche est prévu au bout de deux ans.
La commission prend acte de l'ajout de ces nouveaux motifs d'inscription au FPR, dès lors que les données collectées sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la finalité du traitement et que la durée de conservation n'excède pas la durée nécessaire à la finalité de ce dernier.
Elle observe cependant que les motifs d'enregistrement au FPR sont très divers, tant par leur nature que par leur gravité. Elle exprime sa préoccupation quant à l'ajout de ces nouveaux motifs qui vont considérablement élargir le champ d'un fichier déjà fort hétérogène.
Sur l'extension du champ des personnes habilitées à enregistrer des données dans le FPR :
Les autorités administratives compétentes ne disposent actuellement que d'un droit à consulter certaines données du FPR. Les mesures administratives prises par le ministre de l'intérieur et les préfets sont enregistrées par les services de police ou de gendarmerie à la demande des autorités administratives.
La modification envisagée a pour objet de permettre aux agents chargés de l'application de la réglementation relative aux étrangers, à l'état civil et aux permis de conduire du ministère de l'intérieur, individuellement désignés et spécialement habilités, par le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, ainsi qu'aux agents chargés de l'application de la réglementation relative aux étrangers et au permis de conduire dans les préfectures et sous-préfectures, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet, de procéder à l'enregistrement des données.
Cette possibilité d'inscription ne concerne que les mesures administratives définies aux termes du projet de décret.
L'article 4 du projet de décret prévoit également « en cas de circonstances particulières » la possibilité pour les autorités administratives de continuer à pouvoir demander aux services de police et de gendarmerie d'inscrire les mesures administratives susmentionnées dans le traitement. Il s'agit de prévoir des hypothèses d'urgence pour lesquelles la continuité du service assurée par les services de police et de gendarmerie serait susceptible de pallier les délais d'inscription préjudiciables aux finalités du traitement.
La commission considère qu'une telle extension doit s'entourer de garanties strictes, tant sur le plan des procédures d'habilitation que des mesures de désignation individuelle. En particulier, il importe qu'une procédure de traçabilité rigoureuse soit mise en place.
A cet égard, la commission prend acte de ce que le Gouvernement a accepté de modifier, conformément à sa demande, le projet de décret afin d'indiquer que les consultations du traitement feront l'objet d'un enregistrement comprenant l'identifiant du consultant, la date, l'heure et l'objet de la consultation et que ces informations seront conservées pendant un délai de cinq ans.
Les agents administratifs ainsi habilités à procéder aux enregistrements dans le fichier, au même titre que les agents de la police et de la gendarmerie nationale, ne pourront accéder qu'aux parties du traitement pour lesquelles ils bénéficient de droits.
La commission recommande que la procédure d'authentification des agents qui est basée sur un mot de passe de quatre à huit caractères soit paramétrée afin que les mots de passe soient systématiquement de huit caractères.
Enfin, la commission prend acte de ce que des mécanismes d'apurement ont été mis en place. Ainsi un tel mécanisme est prévu pour chacune des catégories de fiches présentes dans le FPR.
Concernant l'information et les droits des personnes :
La commission considère qu'il devrait être envisagé que les nouvelles catégories de personnes faisant l'objet d'une mesure administrative soient informées de leur inscription dans le FPR ainsi que des modalités de leurs droits d'accès et de rectification, dès lors que ces mesures n'intéressent pas la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique.
La commission propose que cette mesure d'information soit portée sur la lettre de notification de la mesure administrative, qu'il s'agisse de la notification de l'invalidation du permis de conduire, de l'OQTF ou de l'ARF.
Elle relève que les droits d'accès et de rectification s'exerceront directement auprès du ministère de l'intérieur pour les données qui n'intéressent pas la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, et se félicite de cette amélioration pour les droits des personnes.
Concernant les engagements internationaux et leurs implications :
L'article 6 du projet de décret prévoit que « les données contenues dans le fichier peuvent, dans le respect des conditions prévues à l'article 24 de la loi du 18 mars 2003 susvisée, être transférées à des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou à des services de police étrangers ».
La commission rappelle qu'aux termes du premier alinéa de l'article 68 de la loi du 6 janvier 1978, modifiée par la loi du 6 août 2004, « le responsable d'un traitement ne peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat n'appartenant pas à la Communauté européenne que si cet Etat assure un niveau de protection suffisant de la vie privée, des libertés et des droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet ».
Il y a lieu dès lors de s'assurer que les transferts de données s'effectueront conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 68 précité, qui dispose que « le caractère suffisant du niveau de protection assuré par un Etat s'apprécie en fonction notamment des dispositions en vigueur dans cet Etat, des mesures de sécurité qui y sont appliquées, des caractéristiques propres du traitement, telles que ses fins et sa durée, ainsi que de la nature, de l'origine et de la destination des données traitées ».
La commission prend acte que, selon les précisions apportées par le ministère de l'intérieur, ces échanges d'informations s'effectueront dans le cadre de l'accord Schengen du 14 juin 1985 et de sa convention d'application du 19 juin 1990.
Elle estime nécessaire d'appeler l'attention du ministère de l'intérieur sur la multiplication des accords bilatéraux entre les Etats parties à cet accord et des Etats tiers à cette convention et, dès lors, sur les risques d'une diffusion internationale, sans garanties, des données transmises par l'Etat français.
La commission demande, dans la mesure où d'autres échanges d'informations seraient envisagés à l'avenir, à pouvoir être associée à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales susceptibles d'avoir une incidence sur la liste des destinataires du FPR, en application des dispositions de l'article 11-4 d de la loi du 6 janvier 1978, modifiée par la loi du 6 août 2004, et à être consultée sur les éventuels projets de loi de ratification des traités conclus à la suite desdites négociations, conformément aux dispositions de l'article 11-4 a de la même loi.
Fait à Paris, le 12 novembre 2009.