A N N E X E
RAPPORT SPÉCIAL
N/Réf : LM/BR/2007/3024/001
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité peut rendre publiques ses recommandations dans les conditions de l'article 11 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 et de l'article 31 du décret n° 2005-215 du 4 mars 2005.
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a eu connaissance des dispositions de la convention collective nationale du Crédit agricole relatives au bénéfice des congés rémunérés pour événements familiaux aux seuls salariés mariés.
Ces dispositions pouvant contrevenir à l'article L. 1132-1 du code du travail (ancien article L. 122-45), en ce qu'elles instaurent une différence de traitement en raison de la situation de famille, la haute autorité s'est saisie d'office de ce dossier le 10 juillet 2007.
Dans sa délibération n° 2007-366 du 11 février 2008, le collège de la haute autorité a constaté que les dispositions de la convention collective qui réservent le bénéfice de congés pour événements familiaux aux seuls salariés mariés doivent être considérées comme constituant une discrimination directe en raison de la situation de famille.
Le collège de la haute autorité considère que le caractère comparable des situations des cocontractants d'un mariage et d'un pacte civil de solidarité au regard des droits sociaux justifie la suppression de l'inégalité de traitement entre salariés mariés et salariés unis par un pacte civil de solidarité.
Le collège de la haute autorité relève que les dispositions de l'article L. 3142-1 du code du travail (ancien article L. 226-1), qui ne prévoient pas l'assimilation entre mariage et pacte civil de solidarité pour le bénéfice des congés alloués en cas de décès du père ou de la mère du partenaire, ou à l'occasion de la célébration de l'union, constituent une discrimination en raison de la situation de famille.
Compte tenu de ces éléments, le collège de la haute autorité a recommandé au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité de faire procéder à la modification de l'article L. 3142-1 du code du travail (ancien article L. 226-1), afin d'étendre l'ensemble des congés pour événements familiaux, réservés aux seuls salariés mariés, aux salariés unis par un pacte civil de solidarité.
Par courrier du 1er décembre 2008, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a indiqué que l'article L. 3142-1 du code du travail (ancien article L. 226-1) ne paraissait pas devoir être étendu de façon générale à tous les salariés unis par un PACS dans la mesure où les deux situations ne sont pas comparables.
Le ministre expose que la nature du PACS vise à créer un nouveau statut du couple spécifique, prenant en compte les différentes évolutions de la société, mais n'est pas équivalent au mariage. Le PACS n'apparaît pas emporter par lui-même la création d'une famille au sens du droit civil qui renvoie implicitement à la notion de situation de couples avec enfants.
Le ministre précise que l'intention du législateur n'était pas de créer un nouveau statut « familial » mais bien uniquement un nouveau statut du couple, ce qui explique qu'il ait exclu toute incidence de ce statut sur la filiation et toute conséquence directe sur les ascendants, notamment en matière d'autorisations exceptionnelles d'absence du travail.
Le ministre rappelle que des dispositions plus favorables que le régime légal peuvent être mises en place, par accords d'entreprise, en alignant par exemple le régime d'autorisations d'absence des salariés pacsés sur celui applicable aux salariés mariés.
Le ministère du travail manifeste ainsi sa volonté de ne pas donner suite aux recommandations de la haute autorité.
Le collège de la haute autorité considère que la restriction du bénéfice de certains avantages sociaux aux seuls couples mariés constitue une discrimination fondée sur la situation de famille.
En effet, si le PACS n'est pas en tous points équivalent au mariage, le collège de la haute autorité relève toutefois qu'en vertu de l'article L. 1132-1 du code du travail (ancien article L. 122-45), le législateur interdit toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur la situation de famille.
Les avantages prévus en faveur des salariés mariés, tels que le droit à congés rémunérés ou à une prime pour mariage, sont des éléments constitutifs de la rémunération au sens de l'article 141 du traité CE et de l'article L. 3221-3 du code du travail (ancien article L. 140-2), selon lesquels « on entend par rémunération le salaire et tous les avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature ».
Le droit français ne définit pas la notion de famille. Quant au code du travail, il prohibe les discriminations fondées sur la situation de famille. La haute autorité, à l'instar de la Cour européenne des droits de l'homme, a retenu une acception large de la notion de situation de famille. Ainsi a-t-elle considéré que cette notion interdisait toute différence de traitement en raison d'un congé d'adoption, d'un lien de parenté au 1er et 3e degré, du statut de conjoint ou de concubin.
Dès lors, en réservant quatre jours de congé au mariage du salarié et un jour de congé pour le mariage de son enfant sans étendre ces droits au salarié pacsé, le code du travail établit une différence de traitement fondée sur le seul critère de la situation de famille.
De même, réserver le bénéfice d'un droit à congé pour le décès du père ou de la mère du conjoint du salarié constitue une discrimination par rapport aux couples pacsés alors même que les congés pour événements familiaux sont destinés à permettre aux salariés de « faire face, dans de meilleures conditions, aux événements les plus importants de leur vie personnelle ».
La haute autorité relève d'ailleurs que des accords d'entreprise interviennent déjà afin d'assimiler les avantages sociaux dont bénéficient les couples mariés aux couples ayant conclu un pacte de solidarité civile. Cependant, de nombreuses entreprises ne disposent pas de convention collective. Il appartient donc au législateur de tirer les conséquences de ces évolutions en harmonisant les droits sociaux des couples (mariés et pacsés), notamment en ce qui concerne les congés pour événements familiaux.
Cette réforme est par ailleurs préconisée par le Médiateur de la République qui, en avril 2009, rappelle que « la version initiale du dispositif qui préfigurait le PACS le prévoyait, mais le droit à congé pour les salariés du secteur privé en cas de PACS n'avait finalement pas été retenu par le législateur dans la loi du 15 novembre 1999 ».
Une circulaire du 7 mai 2001, instituant une disposition plus favorable, permet aux fonctionnaires de bénéficier d'une autorisation exceptionnelle de cinq jours maximum d'absence pour conclusion d'un PACS. En revanche, aucune disposition comparable n'est aujourd'hui envisagée pour les salariés du secteur privé, seule une autorisation de deux jours d'absence étant accordée en cas de décès du partenaire pacsé.
La haute autorité estime que cette différence de traitement peut également être considérée comme discriminatoire en raison de l'orientation sexuelle.
Aux termes des articles 1er, 2 et 3 de la directive 2000/78 est prohibée toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur l'orientation sexuelle, notamment en ce qui concerne les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de rémunération.
En l'état actuel du droit, le mariage est exclusivement l'union d'un homme et d'une femme. Le seul cadre juridique d'union ouvert aux couples homosexuels est la conclusion d'un pacte civil de solidarité.
En conséquence, faire du mariage une condition préalable au bénéfice de congés rémunérés pour événements familiaux ne peut qu'engendrer a fortiori une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, les couples hétérosexuels ayant conclu un pacte civil de solidarité bénéficiant toujours de la possibilité de contracter un mariage.
Par délibération n° 2008-107 du 19 mai 2008, le collège de la haute autorité a déjà constaté qu'exclure les partenaires survivants d'une pension de réversion constitue une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.
Aucun élément objectif ne permet de justifier la différence de traitement entre les conjoints et les partenaires d'un pacte civil de solidarité. Cette différence de traitement constitue une discrimination en raison de la situation de famille et de l'orientation sexuelle.
Le collège de la haute autorité recommande à nouveau au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité de procéder à la modification de l'article L. 3142-1 du code du travail (ancien article L. 226-1) afin d'étendre le bénéfice de l'ensemble des congés pour événements familiaux réservés aux seuls salariés mariés aux salariés unis par un pacte civil de solidarité.