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Article AUTONOME (Décision n° 2010-602 DC du 18 février 2010)

Article AUTONOME (Décision n° 2010-602 DC du 18 février 2010)



LOI RATIFIANT L'ORDONNANCE N° 2009-935 DU 29 JUILLET 2009 PORTANT RÉPARTITION DES SIÈGES ET DÉLIMITATION DES CIRCONSCRIPTIONS POUR L'ÉLECTION DES DÉPUTÉS
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, le 26 janvier 2010, par M. Jean-Marc Ayrault, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Mmes Delphine Batho, Gisèle Biémouret, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Christophe Bouillon, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, François Brottes, Alain Cacheux, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Gérard Charasse, Jean-Michel Clément, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Catherine Coutelle, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Pascal Deguilhem, Mme Michèle Delaunay, MM. Guy Delcourt, Bernard Derosier, Michel Destot, René Dosière, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Mme Corinne Erhel, MM. Laurent Fabius, Albert Facon, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mmes Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Valérie Fourneyron, MM. Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Guillaume Garot, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, Mme Annick Girardin, MM. Joël Giraud, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Marc Goua, Jean Grellier, Mme Elisabeth Guigou, MM. David Habib, François Hollande, Mme Monique Iborra, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Michel Issindou, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Armand Jung, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Mme Colette Langlade, MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Marie Le Guen, Mme Annick Le Loch, M. Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Michel Lefait, Patrick Lemasle, Mme Catherine Lemorton, MM. Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Albert Likuvalu, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Mmes Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, MM. Jean-René Marsac, Philippe Martin, Mmes Martine Martinel, Frédérique Massat, MM. Gilbert Mathon, Didier Mathus, Mme Sandrine Mazetier, MM. Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Alain Néri, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Christian Paul, Mme George Pau-Langevin, MM. Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, MM. Philippe Plisson, François Pupponi, Mme Catherine Quéré, MM. Jean-Jack Queyranne, Simon Renucci, Mmes Marie-Line Reynaud, Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Marcel Rogemont, René Rouquet, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Mme Odile Saugues, MM. Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Mme Marisol Touraine, MM. Jean-Louis Touraine, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé et Philippe Vuilque, députés.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral, dans sa rédaction résultant notamment de la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 portant application de l'article 25 de la Constitution ;
Vu la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009 ;
Vu l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 9 février 2010 ;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 11 février 2010 ;
Vu les nouvelles observations du Gouvernement, enregistrées le 16 février 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés ; qu'ils contestent sa procédure d'adoption ; qu'ils contestent également la procédure d'élaboration de l'ordonnance, la méthode retenue pour la répartition des sièges, ainsi que la délimitation de certaines circonscriptions ;
Sur la procédure :
En ce qui concerne la consultation de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution :
2. Considérant que, selon les requérants, l'absence d'une nouvelle consultation de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution sur le projet d'ordonnance soumis au conseil des ministres, après que le Gouvernement eut apporté des modifications au projet qui lui avait été présenté, entacherait d'inconstitutionnalité la procédure d'adoption de cette ordonnance ;
3. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution : « Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs » ;
4. Considérant que ladite commission a été saisie d'un projet d'ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés ; qu'elle a été alors mise à même de donner son avis sur la méthode de répartition des sièges retenue par le Gouvernement ainsi que sur chacune des circonscriptions dont la délimitation a été modifiée par le projet présenté en conseil des ministres ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 25 de la Constitution doit être écarté ;
En ce qui concerne la procédure parlementaire :
5. Considérant, en premier lieu, que les requérants contestent le refus opposé en seconde lecture par le président de l'Assemblée nationale à l'application, avant la mise en œuvre de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, de l'article 49, alinéa 13, du règlement de cette assemblée selon lequel « chaque député peut prendre la parole, à l'issue du vote du dernier article du texte en discussion, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes » ;
6. Considérant que les règlements des assemblées parlementaires n'ont pas par eux-mêmes une valeur constitutionnelle ; que la méconnaissance alléguée des dispositions de l'article 49, alinéa 13, du même règlement ne saurait avoir pour effet, à elle seule, de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ;
7. Considérant, en second lieu, que les requérants contestent l'« utilisation abusive » par le Gouvernement des dispositions de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution aux termes duquel : « Si le Gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement » ;
8. Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que le Gouvernement a fait de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution une application conforme à la Constitution ;
9. Considérant que la loi a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution ;
Sur la répartition des sièges :
10. Considérant que les requérants critiquent, au nom du principe d'égalité devant le suffrage, le système retenu pour déterminer le nombre de sièges de chaque département ainsi que l'attribution d'un siège à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ;
En ce qui concerne la méthode de répartition des sièges :
11. Considérant que, selon les requérants, le système retenu par le législateur pour déterminer le nombre de sièges de chaque département, soit un député jusqu'à 125 000 habitants, puis un député supplémentaire par tranche ou fraction de tranche de 125 000 habitants, serait contraire à l'égalité devant le suffrage dès lors qu'il existe une autre méthode permettant de mieux respecter cette égalité ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution, la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » ; que l'article 3 de la Constitution dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » et, dans son troisième alinéa, que le suffrage « est toujours universel, égal et secret » ; que, selon le troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution, « les députés à l'Assemblée nationale... sont élus au suffrage direct » ;
13. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ; que, si le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée ;
14. Considérant que la méthode dite « de la tranche » est apparue à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution « comme permettant la meilleure synthèse entre une règle de calcul reposant sur des critères exclusivement démographiques et une approche tenant également compte de la réalité historique et humaine » ; que, selon elle, « le choix de méthodes plus strictement fondées sur une représentation proportionnelle aurait en effet conduit à augmenter sensiblement le nombre de départements n'élisant plus qu'un seul député » ;
15. Considérant que le législateur a conservé, pour la nouvelle répartition des sièges des députés, comme il l'avait déjà fait en 1986 pour les députés et en 2003 pour les sénateurs, le système de répartition par tranches ; que, dans l'application de cette méthode, il a veillé à réduire de manière importante les inégalités démographiques affectant la répartition antérieure ; qu'il n'a tenu compte d'impératifs d'intérêt général le conduisant à s'écarter du critère démographique que de manière limitée ; que, dès lors, il n'a pas méconnu les exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus ;
En ce qui concerne l'attribution d'un siège aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin :
16. Considérant que les requérants soutiennent que la création d'une circonscription sur le territoire des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ne se justifie pas eu égard à leur faible population et à leur proximité avec la Guadeloupe ;
17. Considérant que les députés élus dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques ; qu'aucun impératif d'intérêt général n'impose que toute collectivité d'outre-mer constitue au moins une circonscription électorale ; qu'il ne peut en aller autrement, si la population de cette collectivité est très faible, qu'en raison de son particulier éloignement d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer ;
18. Considérant que, si la population de la circonscription regroupant le territoire des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin est effectivement faible, le législateur a pu prendre en compte la situation géographique et statutaire particulière de ces collectivités ;
Sur la délimitation des circonscriptions :
19. Considérant que, selon les requérants, la délimitation des circonscriptions dans vingt-huit départements et dans plusieurs des onze circonscriptions électorales des Français établis hors de France ne satisfait pas aux exigences constitutionnelles rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009 susvisée ; qu'ils soutiennent en particulier qu'un autre découpage aurait « mieux » respecté l'égalité devant le suffrage ;
20. Considérant que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si les circonscriptions ont fait l'objet de la délimitation la plus juste possible ; qu'à la différence de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et, comme il peut être amené à le faire dans l'exercice de ses fonctions administratives, du Conseil d'Etat, il ne lui appartient pas davantage de faire des propositions en ce sens ;
21. Considérant que, s'agissant des circonscriptions électorales des Français établis hors de France, les écarts démographiques importants sont justifiés par la nécessité de constituer deux circonscriptions géographiquement cohérentes sur le continent américain et, en outre, par la difficulté qu'il y aurait à agrandir la onzième circonscription qui regroupe déjà l'Asie centrale et orientale ainsi que le Pacifique et l'Océanie ;
22. Considérant que, s'agissant de la délimitation des circonscriptions électorales sur le territoire national, il ressort de l'ordonnance dont la loi de ratification est soumise à l'examen du Conseil constitutionnel que, sauf impossibilité d'ordre géographique, ces circonscriptions sont constituées par un territoire continu ; que les limites cantonales ont été, d'une manière générale, respectées ; que le territoire de cantons discontinus et de cantons de plus de 40 000 habitants n'a été réparti entre plusieurs circonscriptions que dans un nombre restreint de cas ; que les écarts de population entre circonscriptions ont été réduits dans des conditions qui garantissent un meilleur respect de l'égalité devant le suffrage ;
23. Considérant que, quel que puisse être le caractère discutable des motifs d'intérêt général invoqués pour justifier la délimitation de plusieurs circonscriptions, notamment dans les départements de la Moselle et du Tarn, il n'apparaît pas, compte tenu, d'une part, du progrès réalisé par la délimitation résultant de l'ordonnance du 29 juillet 2009 susvisée et, d'autre part, de la variété et de la complexité des situations locales pouvant donner lieu à des solutions différentes dans le respect de la même règle démographique, que cette délimitation méconnaisse manifestement le principe d'égalité devant le suffrage ;
24. Considérant que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de déclarer contraire à la Constitution l'article unique de la loi déférée,
Décide :