SECTION V
RÈGLES RELATIVES AUX MODALITÉS DE L'ACCÈS AUX LIGNES
DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES À TRÈS HAUT DÉBIT EN FIBRE OPTIQUE
1° Demandes d'accès formulées antérieurement à l'établissement des lignes d'un immeuble
La présente partie ne s'applique qu'aux zones très denses. Dans les autres zones, l'opérateur d'immeuble choisit les conditions de déploiement de la fibre dans les immeubles dans le respect des principes généraux définis par les textes, notamment les dispositions de la présente décision qui y sont applicables.
Schéma proposé par l'ARCEP
S'agissant des conditions d'installation de la fibre dans les immeubles des zones très denses, l'ARCEP propose le schéma suivant, consistant en l'obligation pour l'opérateur d'immeuble, lorsqu'un opérateur tiers le demande :
― d'une part, de lui garantir la possibilité d'installer un dispositif de brassage à proximité du point de mutualisation ou d'un point intermédiaire (ce qui peut être par exemple nécessaire pour un opérateur optant pour le PON et souhaitant optimiser le remplissage de son réseau) ;
― d'autre part, de lui installer une fibre supplémentaire jusqu'à l'abonné (ce qui peut être par exemple nécessaire pour un opérateur optant pour le point-à-point et souhaitant minimiser les interventions sur son réseau) si l'opérateur tiers est prêt à partager ab initio le coût total d'installation.
Neutralité technologique de ce schéma
Comme cela est rappelé dans la section II, les choix technologiques des opérateurs présentent des contraintes techniques et économiques différentes. Ainsi, un opérateur PON souhaite généralement avoir un dispositif de brassage au niveau du point de mutualisation, pour réaliser les opérations de jarretiérage nécessaires au remplissage de ses équipements actifs. À l'inverse, un opérateur point-à-point privilégie généralement un raccordement au point de mutualisation lui permettant de réduire la fréquence de ses interventions ultérieures (par soudure ou avec un point de flexibilité).
Or, le partage d'une fibre via un dispositif de brassage ne permet pas de réduire la fréquence des interventions ultérieures. La pose de plusieurs fibres est donc la solution la plus à même de permettre à chaque opérateur de choisir librement entre ces deux options. Si chaque opérateur dispose d'une fibre dédiée entre le point de mutualisation et le logement ou local à usage professionnel, il peut décider, en fonction de ses choix techniques et stratégiques, d'implanter ou non un dispositif de brassage sur la fibre qui lui est attribuée sans affecter le choix des autres opérateurs.
Ce schéma permet à chaque acteur de choisir son mode de raccordement au point de mutualisation (avec ou sans brassage). Un opérateur souhaitant minimiser ses interventions ultérieures demande à l'opérateur d'immeuble l'installation d'une fibre supplémentaire qui lui sera dédiée. Un opérateur souhaitant un raccordement par brassage demandera à la fois l'installation d'une fibre supplémentaire et la possibilité d'installer un dispositif de brassage au point de mutualisation. Les opérateurs qui le souhaitent peuvent également décider de partager une même fibre.
Il ne s'agit donc pas de trancher entre les options technologiques défendues par les acteurs (PON et point-à-point), mais de les rendre chacune possible et d'en permettre l'optimisation du point de vue du déploiement et du raccordement au niveau des immeubles. Permettre à chaque opérateur de choisir librement entre PON et point-à-point constitue en effet un gage d'innovation et de concurrence pour le marché encore naissant du très haut débit.
Dans son avis n° 09-A-47 du 22 septembre 2009, l'Autorité de la concurrence estime ainsi que « l'installation de plusieurs fibres et la mise à disposition de fibres dédiées aux opérateurs qui le souhaitent assurent la plus grande neutralité technologique » et ajoute que la pose de plusieurs fibres « offre ainsi les meilleures garanties en termes [...] de neutralité technologique ».
Bénéfice de ce schéma pour la concurrence et les consommateurs
Dans les zones très denses, plusieurs opérateurs semblent prêts à investir dans des réseaux passant à proximité des logements. Compte tenu de cette concurrence probable sur le déploiement de réseaux « horizontaux », exceptionnelle à l'échelle mondiale, il n'est pas souhaitable de laisser s'installer durablement, dans ces zones, un monopole de fait sur le dernier maillon, celui intérieur aux immeubles.
Le schéma proposé par l'ARCEP permet à chaque opérateur qui le souhaite de disposer d'une fibre dédiée sur ce dernier maillon, en complément de son réseau propre sur la partie horizontale. Cela lui garantit une indépendance de bout-en-bout, alors que le partage d'une même fibre réintroduit à l'échelle de l'immeuble des interactions complexes entre opérateurs (système de commande, processus de livraison des accès et de service après-vente, etc.), comparables à ceux existants pour le dégroupage et pouvant nécessiter une régulation forte et durable. Ce schéma permet en outre à chaque acteur de mettre en œuvre indépendamment sa technologie et de se différencier.
Il convient de relever que ce schéma ne remet aucunement en cause le principe posé par la loi de modernisation de l'économie d'un interlocuteur unique pouvant être désigné par le propriétaire pour l'immeuble. En effet, l'installation du réseau en fibre optique dans l'immeuble est bien réalisée par un même opérateur, et ce quel que soit le nombre de fibres contenues dans les câbles déployés dans l'immeuble.
En ce qui concerne les consommateurs, la pose de fibres supplémentaires dédiées semble offrir davantage de souplesse dans le fonctionnement du marché de détail et favoriser le développement de nouveaux usages.
En effet, il peut exister une demande, marginale à ce jour en DSL, de consommateurs pour souscrire parallèlement à plusieurs abonnements chez des FAI différents, au sein d'un même foyer. Si la demande de souscriptions multiples était significativement accrue, seule la pose de fibres supplémentaires dédiées permettrait d'y répondre sans travaux supplémentaires dans les immeubles.
Ce type d'offre pourrait s'avérer intéressant à la fois :
― pour les clients professionnels habitant dans des immeubles mixtes professionnels/résidentiels qui pourraient souhaiter cumuler deux abonnements pour limiter les risques de coupure de service ;
― pour les clients résidentiels ; cela peut concerner par exemple des habitants d'un même foyer souhaitant disposer chacun et simultanément d'un abonnement chez un FAI différent (colocataires, abonnements différenciés entre parents et enfants, etc.) ; en outre, un mode de déploiement multi-fibres permettrait à un opérateur opérant une offre autonome de services audiovisuels de la proposer à l'ensemble des foyers éligibles à ses offres FttH, quel que soit leur FAI, sans nécessiter d'accord avec un opérateur tiers pour le transport du bouquet correspondant.
Lorsque chaque opérateur bénéficie d'une fibre dédiée, la prise de commande chez un opérateur donné est indépendante et donc non nécessairement consécutive à une résiliation éventuelle d'un abonnement souscrit au préalable par un abonné dans ce même logement auprès d'un opérateur tiers. Avec une fibre partagée, à l'instar du DSL, un changement d'opérateur par un abonné très haut débit au sein d'un même logement, emporte de fait la résiliation du précédent abonnement, ce qui induit une coupure de service, de durée variable.
En outre, les opérateurs bénéficiant d'une fibre dédiée ont la possibilité de ne pas avoir à intervenir au niveau du point de mutualisation lors des commandes d'accès formulées par les consommateurs, pour les locaux déjà raccordés à leur réseau en ce point et hors difficultés exceptionnelles. Ceci permet notamment aux opérateurs qui feraient ce choix d'activer très rapidement un accès très haut débit pour un logement dont le raccordement palier aurait déjà été effectué. Ceci pourrait favoriser, au profit du consommateur, l'émergence de nouvelles offres à activation et résiliation rapide, notamment pour les logements en location. Cela pourrait en outre diminuer les coûts de changement d'opérateurs pour les consommateurs, ce qui est favorable à la concurrence.
Enfin, dans son avis n° 09-A-47 du 22 septembre 2009, l'Autorité de la concurrence estime que le dispositif est favorable aux consommateurs car « ceux-ci peuvent changer d'opérateur rapidement et sans interruption de service, puisqu'aucune manipulation sur le réseau n'est nécessaire et que, contrairement au dégroupage, la résiliation préalable n'est pas nécessaire ».
Caractère raisonnable du schéma proposé
Les travaux d'expérimentation et d'évaluation menés au premier trimestre 2009 par les opérateurs sous l'égide de l'ARCEP ont permis de constater que la contrainte sur l'opérateur d'immeuble qui résulte du schéma proposé par l'Autorité est raisonnable, au moins dans les zones où le point de mutualisation se situe à proximité ou à l'intérieur des immeubles, ce qui sera majoritairement le cas dans les zones très denses. Ce caractère raisonnable découle de plusieurs aspects.
Coûts d'installation et d'exploitation
Il convient d'apprécier les coûts et économies induits par l'installation de plusieurs fibres par logement dans un immeuble, en cas d'exercice de l'option de fibres supplémentaires dédiées.
Deux modes de déploiement dans les immeubles peuvent être comparés :
― le mono-fibre, où l'opérateur d'immeuble pose une fibre par logement, partagée via un dispositif de brassage indispensable à ce partage ;
― le multi-fibres, par exemple à quatre fibres par logement, où chaque opérateur peut disposer de sa fibre dédiée et décider d'installer ou non un dispositif de brassage.
En pratique, il ne résulte ni des travaux d'expérimentations et d'évaluation menées au premier trimestre 2009 ni d'autres informations recueillies depuis la consultation publique lancée par l'Autorité le 22 juin 2009, qu'il existe des différences significatives de coûts d'installation du multi-fibres par rapport au mono-fibre sur la partie intérieure aux immeubles. En effet, si la pose de fibres supplémentaires conduit à des coûts additionnels concentrés dans la réalisation du raccordement du client, entre le boîtier d'étage et sa prise terminale optique, l'absence d'installation systématique d'un dispositif de brassage au niveau du point de mutualisation est susceptible d'induire des économies :
― concernant le raccordement du client, il est nécessaire de réaliser davantage de soudures au niveau de la prise et du boîtier d'étage, lorsque le câble en fibre optique comporte plusieurs fibres au lieu d'une. Cette opération n'est toutefois réalisée que lorsque l'habitant souscrit à un service. Ce surcoût est donc à multiplier par le taux de pénétration du très haut débit dans l'immeuble, ce qui en lisse l'impact sur l'économie des opérateurs ;
― concernant l'installation d'un dispositif de brassage, le mode de déploiement prévoyant la mise en place de fibres dédiées ne nécessite pas l'installation d'un dispositif de brassage pour partager les fibres au point de mutualisation ;
― quant aux coûts relatifs au raccordement des tiers au point de mutualisation, ils dépendent enfin essentiellement des circonstances locales liées à l'accessibilité de ce point (disponibilité de l'adduction lorsqu'il se situe en pied d'immeuble par exemple) et des choix stratégiques de chaque opérateur, et peu du mode de déploiement dans l'immeuble (mono-fibre ou multi-fibres).
D'éventuels coûts additionnels initiaux, limités, seraient en tout état de cause à relativiser à un triple titre : un chiffrage précis des coûts est à ce stade difficile dès lors qu'on ne se situe pas encore dans une phase d'industrialisation qui pourrait conduire à des baisses, potentiellement différenciées ; le déploiement des réseaux très haut débit en fibre optique jusqu'aux abonnés correspond à des investissements de très long terme, dans une infrastructure qui sera utilisée pendant plusieurs décennies ; ils doivent s'apprécier au regard des économies attendues sur les coûts d'exploitation du fait du déploiement en multi-fibres.
Sur ce second point, le multi-fibres permet de réduire le nombre d'interventions au niveau du point de mutualisation, donc de diminuer les coûts liés à ces déplacements, au moins pour les opérateurs faisant le choix de ne pas brasser leur fibre au point de mutualisation. De plus, un changement d'opérateur n'implique pas systématiquement de déplacement d'un technicien au niveau du point de mutualisation avec ce mode de déploiement, ce qui est également un facteur de baisse des coûts d'exploitation par rapport à une fibre partagée.
Contraintes opérationnelles
Les équipements à installer pour les fibres supplémentaires dédiées, notamment dans le cadre du quadri-fibres, sont d'ores et déjà disponibles sur le marché et ont été utilisés dans le cadre des expérimentations menées.
S'agissant de la pérennité de ces équipements, la mise à disposition de fibres dédiées permet de préserver l'avenir et les évolutions futures des technologies, en ce qu'elle laisse ouverte la possibilité pour chaque opérateur de faire évoluer son réseau de façon indépendante. En outre, cela réduit les problèmes dus à l'intervention des opérateurs sur le réseau déployé par les tiers. En effet, si chaque opérateur dispose d'une fibre dédiée, il sera amené à terme, hors réalisation des raccordements palier, à n'intervenir que sur son propre réseau.
A contrario, la mise en œuvre d'un dispositif de brassage, intrinsèque au mono-fibre, conduit durablement à la répétition d'interventions des techniciens des différents opérateurs concernés au niveau de ce dispositif, qui pourra dans certains cas se situer à l'intérieur des immeubles. Ces interventions multiples pourraient favoriser les dégradations mutuelles entre opérateurs sur leurs réseaux respectifs et faire des dispositifs de brassage des points de fragilité et des motifs de difficultés pour les syndics et propriétaires d'immeubles.
La possibilité d'installer un dispositif de brassage ne semble par ailleurs pas créer de contraintes significatives lorsque le point de mutualisation se situe en pied d'immeuble. Lorsque le point de mutualisation ne se situe pas en pied d'immeuble, des solutions pourront être trouvées, notamment en installant le dispositif de brassage « sur la ligne », par exemple en pied d'immeuble. En outre, si l'opérateur optant pour le PON déploie également dans des immeubles à proximité de celui auquel il souhaite avoir accès, il est probable qu'il dispose pour ses propres besoins d'un dispositif de brassage extérieur auquel il peut venir se raccorder en amont du point de mutualisation.
Conclusion
Le schéma proposé est nécessaire pour garantir une réelle neutralité technologique. Il ne s'agit pas de trancher entre les options défendues par les acteurs, qu'elles soient technologiques (« PON » ou « point-à-point ») ou opérationnelles (raccordement avec ou sans brassage), mais de les rendre chacune possible. Permettre à chaque opérateur de choisir librement entre PON et point-à-point constitue en effet un gage d'innovation et de concurrence pour le marché encore naissant du très haut débit.
Le schéma est favorable à la dynamique concurrentielle et aux consommateurs : il permet une indépendance des acteurs de bout en bout et évite de réintroduire à l'échelle de l'immeuble des schémas complexes, à l'instar du dégroupage, pouvant nécessiter une régulation forte. Du point de vue des consommateurs, la pose de fibres supplémentaires dédiées permet de changer plus facilement d'opérateurs, sans perte de service, et de souscrire à des services de différents opérateurs, ce qui pourrait développer de nouveaux usages. Pour les copropriétés et les habitants, cette option devrait également limiter à terme les interventions des opérateurs, en particulier au niveau des points de mutualisation situés dans les immeubles.
Le schéma ne créée par ailleurs pas de contrainte excessive sur les opérateurs. Tout d'abord, aucun élément ne tend à indiquer que les coûts additionnels qu'il peut induire sont significatifs, ceux-ci étant en tout état de cause à apprécier au regard du manque de recul, de la longévité de l'infrastructure (plusieurs décennies) et de la garantie pour l'avenir qu'offre la pose de fibres supplémentaires dans les immeubles. En outre, les industriels produisent d'ores et déjà des équipements compatibles avec plusieurs fibres par logement et l'installation d'un dispositif de brassage le cas échéant. L'industrialisation de ces équipements pourrait au surplus être facilitée par la mise en œuvre du multi-fibres dans d'autres pays (par exemple la Suisse ou les Pays-Bas).
Enfin, la mesure est proportionnée car le schéma n'impose pas de « norme multi-fibres », mais rend possible l'exercice d'une option par les opérateurs. Ainsi, si aucun autre opérateur n'est intéressé, l'opérateur d'immeuble peut déployer le nombre de fibres de son choix.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, ce dispositif est proportionné aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du CPCE et est en particulier nécessaire pour assurer :
― le développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
― la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
― le respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent.
2° Demandes d'accès aux lignes et aux ressources associées,
formulées antérieurement ou postérieurement à l'établissement des lignes d'un immeuble
Accès à une ligne
L'article L. 34-8-3 du CPCE prévoit que toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès aux lignes et aux moyens qui y sont associés.
En pratique, l'accès aux lignes doit pouvoir être offert par l'opérateur d'immeuble au point de mutualisation, sous la forme de la mise à disposition d'un chemin optique continu allant du point de mutualisation à la prise terminale optique installée à l'intérieur du logement ou du local à usage professionnel. L'accès aux lignes inclut également les prestations nécessaires pour la gestion et la maintenance des accès.
L'existence d'une offre passive au point de mutualisation permet de garantir aux opérateurs tiers la possibilité de maîtriser leurs équipements actifs et d'avoir le choix de leur technologie. A l'instar du dégroupage, il s'agit de permettre aux opérateurs, via la mise à disposition d'une offre passive sur fibre optique, de différencier leurs offres, de maitriser les évolutions technologiques sur leur réseau et leur calendrier de mise en œuvre. En outre, l'existence d'une offre passive permet aux opérateurs de disposer d'un espace économique plus important que dans le cas d'une offre active, et d'utiliser les réseaux de collecte en fibre optique d'ores et déjà déployés pour relier les répartiteurs de boucle locale cuivre dans le cadre du dégroupage.
Pour donner accès à une ligne via une offre passive, l'opérateur d'immeuble peut mettre à disposition d'un opérateur tiers une fibre dédiée, permettant à celui-ci de disposer d'un accès permanent aux logements de l'immeuble, ou une fibre partagée, lui permettant de disposer de l'accès aux logements de l'immeuble de façon temporaire, en fonction des prises d'abonnement des habitants.
Cependant, lorsque l'opérateur d'immeuble a installé au moins quatre fibres par logement ou local à usage professionnel et que l'ensemble des fibres installées sont exploitées par des opérateurs, il est raisonnable de prévoir que l'accès puisse être proposé plus en amont dans le réseau, sous forme active ou passive, aux opérateurs qui demanderaient l'accès ultérieurement à l'installation du réseau. Ce cas semble peu probable au vu du nombre d'opérateurs ayant annoncé leurs intentions de déploiement de réseaux capillaires en fibre optique, et se traduirait très vraisemblablement par un niveau de concurrence important sur la boucle locale optique, puisqu'il comporterait dans ce cas quatre opérateurs en concurrence par des infrastructures en fibre optique, auxquelles s'ajoutent le réseau cuivre et les réseaux câblés.
Dans ce contexte, pour accueillir le nouvel opérateur, il ne serait pas raisonnable d'imposer à l'opérateur d'immeuble d'installer une fibre supplémentaire ou un dispositif de brassage sur sa fibre dédiée. En outre, l'existence d'une offre plus en amont dans le réseau, qu'elle soit active ou passive, ouvre une possibilité pour de nouveaux opérateurs d'entrer sur le marché, ce qui constitue une garantie raisonnable quant au fonctionnement concurrentiel du marché. Enfin, l'absence d'obligation de fournir une offre passive au point de mutualisation n'empêche pas qu'en pratique de telles offres puissent être proposées par des opérateurs dans un cadre commercial (via une fibre partagée par exemple).
Accès aux ressources associées
Hébergement et accessibilité du point de mutualisation
L'opérateur d'immeuble garantit un accès non discriminatoire au point de mutualisation, à la fois pour effectuer le raccordement de ce point et pour réaliser les opérations d'exploitation nécessaires. Au niveau du point de mutualisation, l'opérateur d'immeuble prévoit l'espace nécessaire aux opérateurs tiers pour réaliser les opérations de raccordement.
En particulier, lorsque le point de mutualisation se situe dans la propriété privée, l'opérateur d'immeuble garantit un accès non discriminatoire des opérateurs tiers au site, sans que ceux-ci aient à demander l'autorisation au propriétaire. Cela peut notamment se faire sous la forme d'un mandat donné par l'opérateur d'immeuble à l'opérateur commercial, comme le prévoit l'article R. 9-4 du CPCE.
Disponibilité d'infrastructures d'accueil
Il convient que le point de mutualisation soit accessible par chaque opérateur tiers désireux de desservir les abonnés considérés, c'est-à-dire que chaque opérateur tiers puisse être en mesure de déployer son propre câble en fibre optique jusqu'au point de mutualisation.
Dans les zones très denses, où les réseaux sont généralement déployés en souterrain dans des infrastructures de génie civil, il est donc nécessaire que les fourreaux permettant de raccorder un point de mutualisation donné ne soient pas saturés pour permettre le raccordement de chaque opérateur.
Lorsque la mutualisation se fait en pied d'immeuble, cela implique en particulier la disponibilité de fourreaux d'adduction et, le cas échéant, d'espace disponible dans une chambre d'adduction si des opérations de manchonnage sont nécessaires. Dans les cas d'adduction saturée, d'adduction réalisée par voie aérienne et pour les immeubles câblés en fibre optique en façade, l'opérateur d'immeuble doit garantir la possibilité pour l'opérateur tiers de se raccorder au point de mutualisation. L'opérateur d'immeuble prend notamment à sa charge les éventuelles autorisations nécessaires.
De la même manière, dans les zones moins denses où une partie des réseaux peuvent être déployés en aérien, il convient que les supports aériens permettent effectivement le déploiement de plusieurs câbles en fibre optique jusqu'au point de mutualisation considéré.
L'ensemble de ces obligations est proportionné aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du CPCE et sont en particulier nécessaires pour assurer :
― le développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
― la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
― le respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;
― l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public.
Informations relatives aux lignes et au point de mutualisation
Afin de réaliser des choix pertinents en matière de déploiement et d'offre commerciale, les opérateurs ayant recours à des offres de gros doivent avoir accès à des informations préalables concernant ces offres, et ce dans des délais raisonnables. S'agissant de l'installation de la fibre dans les immeubles, le risque serait que l'opérateur d'immeuble prenne un avantage concurrentiel indu en gardant pour lui des informations.
A ce titre, il convient de relever que le Conseil de la concurrence, dans son avis n° 08-A-06 du 6 mai 2008 portant sur le projet de loi de modernisation de l'économie, soulignait que l'« information respective des opérateurs est un rempart important contre le risque de captation de la clientèle finale par l'opérateur ayant déployé la partie terminale. Sans une information rapide, l'opérateur ayant déployé sera pendant quelque temps le premier et le seul à pouvoir proposer des services à très haut débit et risque de ce fait de capter l'essentiel de la clientèle potentielle avec des engagements de durée importants qui réduiront considérablement la concurrence potentielle dans les mois ou années suivants ».
Dans son avis n° 09-A-47 du 22 septembre 2009 portant sur la présente décision, l'Autorité de la concurrence souhaite que l'ARCEP crée les conditions pour éviter « que ces échanges d'informations ne favorisent des comportements collusifs entre les acteurs actuels du marché ».
Il convient de rappeler que l'article R. 9-2 du CPCE dispose que l'opérateur d'immeuble doit informer les opérateurs tiers quand il a obtenu une autorisation d'équiper un immeuble en fibre optique :
« Dans le mois suivant la conclusion de la convention, l'opérateur signataire en informe les autres opérateurs dont la liste est tenue à jour par L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et leur communique toute information utile à la mise en œuvre de l'accès aux lignes prévu à l'article L. 34-8-3 et au raccordement des lignes établies dans le cadre de cette convention aux réseaux de communications électroniques ouverts au public. Ces informations précisent notamment :
― l'adresse de l'immeuble concerné ;
― l'identité et l'adresse du propriétaire ou du syndic de copropriété représentant le syndicat des copropriétaires ;
― le nombre de logements et de locaux desservis ;
― la personne à qui les opérateurs tiers peuvent s'adresser en vue de demander un accès en application de l'article L. 34-8-3. »
Ces informations, dont la transmission est prévue au titre d'une disposition réglementaire, doivent également intégrer les informations que doivent se transmettre les opérateurs au titre de l'accès.
En complément des informations relatives aux immeubles et afin de mettre en œuvre l'accès aux lignes au point de mutualisation, l'opérateur d'immeuble doit communiquer aux opérateurs tiers les informations leur permettant d'accéder au point de mutualisation et de s'y raccorder, notamment :
― la localisation du point de mutualisation (adresse, environnement, moyens d'accès) ;
― les caractéristiques techniques des équipements installés au point de mutualisation et les processus pour s'y raccorder.
Ces informations doivent permettre aux opérateurs bénéficiant de l'accès de savoir comment raccorder les lignes au point de mutualisation et de dimensionner leur réseau en conséquence.
La liste de ces informations, décrite dans l'annexe II du présent projet de décision, pourra être revue en tant que de besoin, par l'adoption de décisions ultérieures de l'Autorité, en fonction de l'évolution de la situation du marché.
La transmission de ces informations devra respecter un délai de prévenance non discriminatoire avant la mise en service commerciale du point de mutualisation (c'est-à-dire la date à partir de laquelle le raccordement effectif d'un client final à ce point de mutualisation est possible), de façon à permettre à d'autres opérateurs de venir s'y raccorder. Un délai de prévenance de trois mois paraît raisonnable à la lumière de la pratique des offres de gros du haut débit.
Une obligation de fourniture des informations préalables, notamment celles citées ci-dessus, est une condition sine qua non de l'effectivité des offres d'accès aux lignes, et est donc nécessaire pour préserver la concurrence à long terme. Elle est également proportionnée aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du CPCE et en particulier nécessaire pour assurer :
― l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
― le développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
― la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence.
Par ailleurs, dans son avis n° 09-A-47 du 22 septembre 2009, l'Autorité de la concurrence a invité l'ARCEP « à s'assurer que l'information nécessaire à la mise en œuvre de la mutualisation circule bien entre tous les opérateurs concernés, sans discrimination ».
Elle précise à ce titre que « si un système centralisé, chargé de recueillir et de diffuser l'information aux opérateurs concernés paraît offrir la meilleure garantie, des solutions décentralisées, dans lesquelles l'information détenue par chaque opérateur serait accessible aux autres, pourraient également être retenues. A minima, les modalités retenues devront permettre à l'ARCEP d'être en mesure de s'assurer que d'une part, les informations émises par un opérateur soient limitées à ce qui est strictement nécessaire à la mise en œuvre de la mutualisation et que d'autre part, elles soient accessibles sans discrimination, dans les mêmes conditions et dans le même temps, à l'ensemble des opérateurs concernés ».
A cet égard, il apparaît souhaitable que l'opérateur d'immeuble tienne à disposition de l'ARCEP tout élément permettant d'assurer qu'il a effectivement fourni à l'ensemble des opérateurs concernés les informations pertinentes dans les délais prévus.
3° Conditions tarifaires de l'accès
L'article L. 34-8-3 du CPCE dispose que :
« [...] L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. Tout refus d'accès est motivé. [...] »
Dans ce cadre, la tarification mise en œuvre par l'opérateur d'immeuble doit répondre à plusieurs objectifs :
― apporter un bénéfice au consommateur, en promouvant une concurrence par les infrastructures lorsque cela est possible et en favorisant des schémas de tarification qui contraignent le moins possible les opérateurs tiers dans la tarification de détail ;
― encourager l'investissement des opérateurs, notamment à travers les schémas de cofinancement prévoyant un partage équitable des coûts entre opérateurs.
Afin de répondre à ces objectifs, il convient, pour établir la tarification des offres d'accès, de prendre en compte les principes suivants, conformes aux objectifs fixés dans le II de l'article L. 32-1 du CPCE et aux pratiques usuelles de tarification mises en œuvre dans le cadre de la régulation, comme rappelées notamment dans la recommandation de la Commission européenne en date du 19 septembre 2005 concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts au titre du cadre réglementaire pour les communications électroniques :
― le principe de non-discrimination : un traitement discriminatoire d'opérateurs se trouvant dans des situations similaires aurait pour conséquence d'affaiblir la dynamique concurrentielle sur le marché de détail, en favorisant artificiellement une situation ou un choix stratégique ;
― le principe d'objectivité : la tarification mise en œuvre par l'opérateur doit pouvoir être justifiée à partir d'éléments de coûts clairs et opposables ;
― le principe de pertinence : les coûts doivent être supportés par les opérateurs qui les induisent ou ont usage des infrastructures ou prestations correspondantes ; ainsi, l'opérateur d'immeuble ne doit pas supporter de coûts induits par la pose de fibres supplémentaires pour d'autres opérateurs ; en outre, ce principe appelle une cohérence entre partage des coûts et partage des revenus ultérieurs éventuels liés à l'accueil d'opérateurs se raccordant ultérieurement à l'immeuble ;
― le principe d'efficacité des investissements : les coûts pris en compte doivent correspondre à ceux encourus par un opérateur efficace ; il convient donc que l'opérateur d'immeuble ne fasse pas supporter de coûts indus ou excessifs aux opérateurs tiers.
Dans ses observations, la Commission souligne un « manque potentiel de sécurité juridique concernant les modalités de tarification » susceptible d'affecter la prévisibilité des niveaux de tarifs d'accès au point de mutualisation. La Commission précise notamment que « les décisions d'investissement sont conditionnées par plusieurs facteurs, dont la prévisibilité réglementaire ». Dans cette optique, elle considère « que le fait que les offres d'accès ne soient pas officiellement approuvées avant leur publication peut donner lieu à un manque de sécurité juridique peu souhaitable ».
L'Autorité partage pleinement l'analyse de la Commission concernant la nécessité d'un niveau de prévisibilité suffisant pour permettre à l'ensemble des opérateurs, et notamment à ceux souhaitant s'engager dans le co-investissement, de construire des plans d'affaires précis. Pour s'engager dans des projets d'investissement ou de co-investissement aussi importants, les opérateurs ont besoin d'une certaine visibilité sur les coûts qu'ils encourront et sur les recettes qu'ils percevront.
L'Autorité estime qu'une homologation préalable des offres tarifaires des opérateurs apparaît inadaptée dans une phase transitoire de démarrage. Une homologation tarifaire ex ante nécessiterait en effet un retour d'expérience suffisant pour appréhender plus précisément la pertinence des structures tarifaires proposées et la réalité des coûts facturés, ce qui n'est possible qu'après une phase d'industrialisation. En outre, une homologation préalable des offres par l'ARCEP pourrait soulever des questions de faisabilité juridique.
Dans ce contexte, la Commission suggère à l'Autorité de s'assurer, par d'autres moyens, que les opérateurs bénéficieront d'une visibilité suffisante sur leurs projets d'investissement ou de co-investissement futurs. A cet égard, « la Commission invite l'ARCEP à prévoir dans sa mesure finale la possibilité, en cas de désaccords persistants entre acteurs concernés à propos de la mise en œuvre concrète des principes et obligations tarifaires aujourd'hui notifiés, de définir des modalités de tarification plus détaillés dans sa recommandation accompagnant le projet de mesure notifié ou d'exiger des opérateurs qu'ils soumettent le projet de leurs offres ». Soucieuse d'offrir aux opérateurs un cadre réglementaire suffisamment prévisible, l'Autorité poursuivra ses discussions avec les opérateurs sur la structure et les niveaux des tarifs qu'ils proposeront pour l'accès au point de mutualisation, notamment dans le cadre d'un co-investissement.
Ainsi, en cas de désaccords sensibles et persistants à l'issue de ces discussions, l'Autorité complétera son projet de recommandation, comme l'y invite la Commission, pour préciser certains principes ou modalités raisonnables de tarification des accès au point de mutualisation, notamment dans le cadre de co-investissement.
Partage du financement ab initio
Dans la mesure où le schéma proposé par l'Autorité pour répondre aux demandes d'accès formulées antérieurement à l'établissement des lignes d'un immeuble est susceptible d'induire des coûts liés à la pose d'équipements supplémentaires, il apparaît souhaitable qu'un partage équitable des coûts puisse être mis en œuvre. Dans ce cadre, il convient que l'opérateur d'immeuble puisse exiger que l'opérateur bénéficiaire participe ab initio au financement de l'installation des lignes en fibre optique dans l'immeuble.
Pour mettre en œuvre le partage des coûts, il convient de distinguer, d'une part, les coûts à partager entre l'ensemble des opérateurs, correspondant au coût des infrastructures utiles à l'ensemble des opérateurs raccordés, y compris le cas échéant celles permettant d'offrir un accès à des opérateurs arrivant ultérieurement sur le marché, et d'autre part des coûts ayant vocation à être supportés par un opérateur donné ou par un sous-ensemble des opérateurs raccordés, correspondants au coût des infrastructures résultant de leurs propres choix et modalités de déploiement.
Dans ce cadre et en application de l'article L. 34-8-3 du CPCE, il est raisonnable de prévoir que chaque opérateur paye une part équitable des coûts ayant vocation à être partagés par l'ensemble des opérateurs, et, en revanche, assume les coûts imputables à ses choix et modalités de déploiement propres, dans le respect des principes définis précédemment.
Ces conditions tarifaires incombant à l'ensemble des opérateurs investissant ab initio ne sont pas disproportionnées dans la mesure où elles constituent le minimum nécessaire permettant d'atteindre les objectifs visés au II de l'article L. 32-1 du CPCE et en particulier à celui visant à garantir d'une part l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, et d'autre part l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.
Incitation à équiper les immeubles en fibre optique
et à préfinancer cet équipement
Il convient que les conditions tarifaires mises en place, d'une part, incitent les opérateurs à investir et a minima ne les en dissuadent pas et, d'autre part, ne favorisent pas des comportements opportunistes de la part d'opérateurs qui pourraient faire porter le risque aux premiers opérateurs participant au financement en ne se manifestant qu'ultérieurement à l'installation des lignes.
A cet égard, le schéma proposé favorise l'investissement dans le fibrage des immeubles, en encourageant un partage des coûts et donc du risque. Chaque opérateur est incité à équiper davantage d'immeubles que ses concurrents pour minimiser son niveau de financement par rapport à son niveau de couverture tout en bénéficiant d'un avantage commercial en tant que premier opérateur dans ses immeubles.
Les opérateurs sont en outre incités à participer au cofinancement ab initio de l'installation des lignes en fibre optique dans les immeubles, et donc à investir dans des réseaux « horizontaux » correspondants.
En vue d'encourager l'équipement des immeubles en fibre optique, et en cohérence avec les travaux européens tendant à favoriser le partage du risque et à conférer une prime de risque à l'opérateur qui investit, il convient de prévoir de façon complémentaire que, lorsque les opérateurs se manifestent ultérieurement à l'installation des lignes, leur contribution au partage des coûts soit déterminée en utilisant un taux de rémunération du capital qui tienne compte du risque encouru et confère une prime à l'opérateur d'immeuble.
4° Transparence des modalités d'accès aux lignes
à très haut débit en fibre optique
L'article L. 34-8-3 du CPCE prévoit que l'accès aux lignes soit fourni dans des conditions transparentes.
Il convient à ce titre que tout opérateur d'immeuble publie une offre d'accès aux lignes permettant de répondre aux demandes d'accès qui lui incombent au titre des articles 2 et 5 de la présente décision, dans les conditions tarifaires définies en son article 3.
C'est sur la base de cette offre d'accès que l'opérateur d'immeuble sera amené ensuite à conclure des conventions d'accès avec les opérateurs tiers intéressés.
Publication d'une offre d'accès aux lignes
L'existence et la publication d'une offre d'accès répondent à plusieurs objectifs :
― pallier la faiblesse du pouvoir de négociation bilatérale des opérateurs souhaitant avoir accès aux lignes installées ou gérées par l'opérateur d'immeuble ;
― permettre d'assurer la non-discrimination dans le traitement des opérateurs tiers ;
― apporter de la visibilité et de la stabilité aux opérateurs dans l'élaboration de leurs plans de développement ;
― permettre de découpler les prestations afin qu'un opérateur tiers n'ait à payer que ce dont il a besoin.
Les opérateurs tiers ont besoin, lors de l'élaboration de leurs plans d'affaires et de leurs stratégies techniques et commerciales, de disposer d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par l'opérateur d'immeuble.
En outre, le recours à une offre publique permet d'assurer un traitement non discriminatoire entre les différents opérateurs clients de l'offre.
Ainsi, il convient que l'opérateur d'immeuble publie une offre d'accès, qui comprend au moins les prestations suivantes :
― conditions d'installation d'une fibre dédiée ou d'un dispositif de brassage ;
― accès aux lignes par mise à disposition de fibre optique dédiée et/ou de fibre optique partagée ;
― accès aux ressources associées.
Pour chacune de ces prestations, l'opérateur d'immeuble devra notamment préciser dans son offre les conditions de souscription et de résiliation, les informations préalables, les caractéristiques techniques, les processus de livraison et de service après-vente, les délais et préavis, la qualité de service et les conditions tarifaires.
L'offre d'accès publiée par l'opérateur d'immeuble constitue en principe une offre cadre de portée nationale, pouvant toutefois faire l'objet d'ajustement au niveau communal ou supra-communal.
Cette obligation constitue une garantie en vue d'assurer, notamment, l'égalité des conditions de la concurrence sur le marché en cause. Elle est proportionnée aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du CPCE et en particulier aux 3°, 4° et 9°, en ce qu'elle constitue le minimum nécessaire qui doit être imposé à l'opérateur d'immeuble pour assurer :
― le développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
― la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
― l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.
Un délai d'un mois à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française, paraît suffisant pour permettre aux opérateurs d'élaborer leur offre en vue de leur publication. Les opérateurs concernés ont en effet pris connaissance des obligations qu'il était envisagé de leur appliquer durant le processus de consultation du secteur, en amont de l'entrée en vigueur de la présente décision.
Comptabilisation des coûts
Au regard des principes tarifaires décrits ci-dessus, il convient que l'opérateur d'immeuble puisse mettre à disposition de l'Autorité les pièces justificatives des investissements qu'il a pu réaliser du point de mutualisation aux logements. Chaque opérateur d'immeuble doit donc établir et tenir à jour des informations relatives aux coûts retraçant les investissements réalisés du point de mutualisation aux logements. Cette obligation est nécessaire, d'une part, au regard de l'objectif de transparence, d'autre part, afin que le principe de non-discrimination puisse être soumis à une analyse contradictoire.
Il convient en outre que puissent apparaître les principales catégories au sein desquelles les coûts sont regroupés et les règles d'allocation de ces coûts. Ces documents doivent en effet présenter un degré de détail suffisant pour permettre la vérification du respect des obligations de non-discrimination et de reflet des coûts correspondants, lorsqu'elles s'appliquent.
Afin que l'Autorité puisse effectuer les analyses appropriées nécessaires à la vérification du principe de non-discrimination, il convient que les éléments pertinents du système d'information et les données comptables soient tenus à sa disposition pendant une période suffisante qui peut être fixée à cinq ans.
SECTION VI
RÈGLES RELATIVES À LA LOCALISATION
DU POINT DE MUTUALISATION
Selon la loi de modernisation de l'économie, le point de mutualisation se situe en dehors de la propriété privée, sauf dans les cas définis par l'Autorité. L'article L. 34-8-3 du CPCE, issu de cette loi, dispose ainsi :
« L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. [...] »
La localisation du point de mutualisation doit répondre à plusieurs objectifs :
― limiter les interventions dans la propriété privée, particulièrement dans les parties communes ; ce premier objectif est à l'origine des dispositions de la loi de modernisation de l'économie sur la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique ;
― permettre aux opérateurs arrivant après le premier de venir se raccorder au point de mutualisation, ce qui implique qu'il soit accessible dans des conditions raisonnables, et situé à un niveau dans le réseau rendant économiquement possible à ces opérateurs de s'y raccorder ;
― favoriser autant que possible la concurrence par les infrastructures.
Ce dernier point conduit à rapprocher le point de mutualisation des logements. Il est en effet raisonnable de le faire, sauf cas particuliers, dans les zones où cela est économiquement possible. Lorsque le point de mutualisation doit se situer plus en amont, une coordination entre les opérateurs devient indispensable, ce qui soulève des questions complexes de mise en œuvre. Il pourrait ne pas être raisonnable de faire supporter cette contrainte aux opérateurs dans les zones où cette remontée du point de mutualisation n'est pas nécessaire. Dans les débats parlementaires relatifs à la loi de modernisation de l'économie, il avait été indiqué au sujet de la localisation du point de mutualisation : « Il faut donc trouver un point d'équilibre entre la rentabilité pour les opérateurs et la concurrence efficace avec les opérateurs tiers, et ce n'est pas forcément très en amont que se trouve le juste équilibre. »
1° Facteurs déterminants de la localisation
du point de mutualisation
Dans ses recommandations publiées en octobre 2008, l'Autorité avait indiqué :
« La localisation du point de mutualisation est une question nouvelle, qui ne s'est pas posée dans le cadre de la régulation du haut débit, laquelle procède de l'accès à un réseau existant. S'agissant de la fibre, les circonstances locales influent fortement sur l'économie des déploiements et peuvent tout d'abord amener à des règles différenciées sur le territoire. De plus, la définition des points de mutualisation peut impliquer une certaine coordination dans les déploiements des opérateurs afin d'éviter autant que possible les trous de couverture durables.
La localisation du point de mutualisation dépend de la densité et de la structure de l'habitat. L'Autorité publie aujourd'hui une étude topologique réalisée par les cabinets PMP et Quatrec. Il en ressort qu'en dehors des zones très denses il devient inefficace de déployer plusieurs réseaux en parallèle jusqu'à des points de mutualisation situés trop près des immeubles. Ceci s'ajoute au fait que l'espace économique pour répliquer les réseaux est structurellement plus limité dans les zones moins denses.
Compte tenu de ces éléments, le point de mutualisation pourra se situer à proximité des immeubles (au niveau de la rue ou en pied des grands immeubles) dans les zones les plus denses (ex. : Lyon) et devra remonter plus en amont dans les autres cas, vraisemblablement au niveau d'un des principaux axes de circulation pour une ville de densité moyenne (ex. : Besançon), de façon à desservir un quartier. »
La localisation du point de mutualisation (soit à l'intérieur de l'immeuble, soit accessible plus en amont dans le réseau par rapport à l'abonné, généralement depuis le domaine public) détermine dans une large mesure la capacité effective des opérateurs tiers à se raccorder au réseau de l'opérateur d'immeuble et donc à fournir le service aux habitants.
D'une part, la taille du point de mutualisation (en termes de nombre de lignes qu'il dessert), comme la densité de la zone dans laquelle il se situe, déterminent l'équation économique liée aux coûts de déploiement des opérateurs sur la partie horizontale, dans les infrastructures de génie civil. En effet, les coûts de déploiement des réseaux rapportés au nombre d'abonnés dépendent fortement de la densité et de la structure de l'habitat. Ainsi, moins l'habitat est dense, plus il devient difficile économiquement pour plusieurs opérateurs de rentabiliser le déploiement d'une multiplicité de réseaux au plus près des logements, même à long terme. Pour déterminer la localisation du point de mutualisation, il convient donc de distinguer les zones très denses, dans lesquelles il est économiquement possible à plusieurs opérateurs de déployer leurs propres réseaux de fibre optique au plus près des logements, des zones moins denses, dans lesquelles il sera nécessaire que la mutualisation s'effectue sur une plus large portion, par exemple à l'échelle d'un quartier. Ces paramètres sont donc essentiels pour apprécier à quel niveau du réseau la mutualisation peut avoir lieu. Le mode de détermination des communes des zones très denses est précisé dans la section IV du présent document.
D'autre part, même dans les zones suffisamment denses pour que la mutualisation puisse s'effectuer à proximité des immeubles, il n'est pas toujours économiquement viable que le point de mutualisation soit situé à l'intérieur des immeubles. En effet, le coût lié à la pénétration des câbles en fibre optique à l'intérieur de l'immeuble doit pouvoir être amorti sur un nombre suffisant de lignes pour qu'il soit économiquement envisageable que cette pénétration soit réalisée en parallèle par plusieurs opérateurs. Ceci conduit l'Autorité, dans ce qui suit, à déterminer un nombre minimal de logements qu'un immeuble bâti doit comporter pour pouvoir héberger un point de mutualisation en son pied.
Enfin, il convient que le point de mutualisation puisse être raccordé dans des conditions raisonnables d'un point de vue opérationnel, ce qui appelle la disponibilité d'infrastructures d'accueil pour le tirage des câbles en fibre optique (génie civil, poteaux, etc.). En particulier, l'Autorité examine dans ce qui suit les cas où le pied d'immeuble constitue le seul point de rencontre pertinent des réseaux horizontaux des opérateurs.
2° Cas dans lesquels le point de mutualisation
peut se situer à l'intérieur d'un immeuble bâti
Compte tenu de ce qui précède, le point de mutualisation ne peut être situé à l'intérieur d'un immeuble bâti que dans les zones très denses. A l'intérieur de ces zones, seuls sont concernés les immeubles dont les caractéristiques sont définies ci-dessous, au regard des facteurs déterminants pour la localisation du point de mutualisation précédemment présentés.
Les zones très denses sont décrites à l'annexe I de la présente décision selon l'approche définie à la section IV de la présente décision.
Immeubles bâtis d'au moins 12 logements
Dans les zones très denses, où plusieurs opérateurs sont en mesure de déployer chacun leur propre réseau quasiment dans chaque rue d'habitation, il convient de déterminer la taille minimale des immeubles pouvant accueillir un point de mutualisation. D'après les éléments dont dispose l'Autorité, un seuil de 12 logements dans l'immeuble est adapté.
En premier lieu, ce seuil de 12 apparaît suffisant au regard des contraintes technico-économiques des opérateurs, à la fois pour ceux ayant fait le choix de la technologie PON et pour ceux ayant fait le choix de la technologie point-à-point.
Pour les premiers, l'ingénierie type d'un opérateur PON consiste généralement, du moins dans les zones de forte densité, à installer deux niveaux de coupleurs : l'un en amont, en un point rassemblant de l'ordre d'un millier de lignes, l'autre en aval, par exemple au niveau du point de mutualisation. La localisation de ce deuxième niveau de coupleurs est le résultat d'un compromis entre les deux contraintes suivantes :
― le nombre de lignes situées en aval de ce coupleur doit être suffisant pour qu'il puisse être suffisamment rempli ;
― l'hébergement de ces coupleurs doit être favorable à la réalisation d'opérations de flexibilité pour rendre cette optimisation possible.
Pour répondre à la première contrainte, il convient de permettre à un opérateur PON d'optimiser l'utilisation des arbres PON et donc de remplir à terme le coupleur installé au point de mutualisation. En prenant l'hypothèse d'un taux de pénétration du très haut débit de 100 % à terme, d'une part de marché de 33 % pour l'opérateur PON considéré, et d'un rapport 1 vers 8 du coupleur installé au point de mutualisation, qui semble constituer une pratique courante, ce n'est donc qu'à partir d'une taille de 24 lignes que pourra être mise en œuvre une réelle optimisation du remplissage des coupleurs. Avec un coupleur d'un rapport de 1 vers 4 installé au point de mutualisation, le seuil est de 12 lignes minimum par immeuble.
Quant à la deuxième contrainte, il semble qu'en zones très denses, le pied d'immeuble puisse être un environnement favorable à l'installation de ce deuxième niveau de coupleurs. Le chiffre de 12 logements paraît donc également adapté à cette contrainte d'hébergement, puisque plus de la moitié des logements des zones très denses sont situés dans des immeubles d'au moins 12 logements (cf. section IV). Ce seuil permet donc aux opérateurs PON d'avoir une solution simple d'hébergement pour ces coupleurs de deuxième niveau pour la majorité des logements des zones très denses.
Du point de vue d'un opérateur utilisant une technologie point-à-point, le seuil de 12 logements est neutre vis-à-vis de l'optimisation des équipements actifs, qui est réalisée depuis le nœud de raccordement optique.
En second lieu, les éléments de coûts issus des travaux d'expérimentation et d'évaluation ainsi que des réponses à la consultation publique de mai 2009, ont fait ressortir un coût fixe de raccordement d'un immeuble de l'ordre de 500 € correspondant au tirage du câble en fibre optique depuis le domaine public vers le point de mutualisation, par exemple dans le segment de l'adduction. Ce coût, rapporté à un nombre de 12 logements, fait apparaître un coût par foyer inférieur à 50 € pour la réalisation de cette opération. Ce chiffre paraît acceptable au regard du critère de rentabilité des déploiements, que les opérateurs évaluent dans leurs publications financières à un coût maximal de déploiement de la fibre de 250 € à 300 € par foyer, et compte tenu des autres postes de charges (notamment le déploiement de la fibre sur la partie horizontale et l'installation de la fibre dans les immeubles).
A titre accessoire, il ressort des expérimentations menées par les opérateurs que des équipements sont disponibles avec une modularité de 12 dans leurs différents produits, que ce soit en termes de câbles en fibre optique, de dispositif de brassage, etc.
Le seuil de 12 lignes minimum par immeuble pour situer le point de mutualisation en pied d'immeuble ne saurait être justifié pour tout type de densité et de structure de l'habitat. En effet, s'il est économiquement viable que des points de mutualisation d'au moins 12 lignes soient installés en pied d'immeuble dans une zone de forte densité, ce ne sera pas le cas pour une ville de moyenne densité où les points de mutualisation devront se situer plus en amont dans le réseau et regrouperont dès lors un nombre plus important de lignes.
Immeubles desservis par des galeries visitables d'un réseau public d'assainissement,
quel que soit le nombre de logements ou locaux professionnels
A Paris notamment, les réseaux publics d'assainissement sont visitables et desservent les immeubles d'habitation par des galeries de collecte elles-mêmes visitables. Certains opérateurs ont ainsi engagé leurs déploiements de réseaux FttH le long de ces réseaux d'assainissement, en raccordant en fibre optique chaque immeuble via la galerie de collecte.
Dans la mesure où l'espace disponible dans ces réseaux est suffisant pour le déploiement de plusieurs réseaux de fibre optique, le raccordement par plusieurs opérateurs d'un immeuble donné est en principe toujours réalisable sur le plan opérationnel. En outre, certains opérateurs se raccordent à l'immeuble par le génie civil de France Télécom tandis que d'autres utilisent le réseau d'assainissement, de sorte que le pied d'immeuble constitue un point de rencontre pertinent des réseaux. Enfin, s'il est envisageable de raccorder le réseau de génie civil de France Télécom à un réseau de génie civil alternatif en un point intermédiaire, cette option ne semble pas raisonnable avec le réseau d'assainissement au vu des contraintes de sécurité qui y sont liées. Compte tenu de ces éléments et de la densité des zones d'habitation considérées, il est légitime d'instaurer une dérogation au principe énoncé précédemment relatif à la taille minimale des immeubles au pied desquels peut être installé un point de mutualisation.
Un point de mutualisation peut donc être situé dans les limites de propriété privée d'un immeuble d'habitation relié à un réseau d'assainissement visitable par une galerie visitable, et ce quel que soit le nombre de logements et de locaux à usage professionnel de l'immeuble situé dans une zone très dense.
3° Localisation du point de mutualisation dans les autres cas
En dehors des cas prévus précédemment, le point de mutualisation des lignes d'un immeuble se situe à l'extérieur des limites de la propriété privée, conformément à l'article L. 34-8-3 du CPCE.
Les solutions techniques étudiées à ce stade par les opérateurs pour les petits immeubles des zones très denses prévoient par exemple de regrouper les lignes de plusieurs immeubles ou habitations individuelles au niveau d'un point de mutualisation pouvant se situer en façade, en borne, en chambre de génie civil, dans une armoire de rue ou au niveau du répartiteur optique. Les opérateurs étudient ces différentes solutions qui impliquent des contraintes différentes en termes d'autorisation à obtenir, de disponibilité des infrastructures, de schémas opérationnels et de coûts.
Les travaux sont en cours en dehors des zones très denses pour étudier des solutions de mutualisation plus en amont, qui impliquent une coordination plus forte entre ces acteurs. Il convient pour ces zones moins denses d'analyser les modes de déploiement envisageables et d'étudier les possibilités de co-investissement entre les acteurs.
Les travaux sur les modalités pratiques de ces solutions de mutualisation se poursuivent, sous l'égide de l'Autorité, au sein de groupes de travail réunissant les opérateurs impliqués dans les déploiements de réseaux de fibre optique ainsi que les collectivités territoriales.
SECTION VII
AVIS DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Conformément à l'article L. 34-8 du CPCE, l'ARCEP a sollicité l'avis de l'Autorité de la concurrence sur le projet de décision relatif aux modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et aux cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ainsi que le projet de recommandation relatif aux modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. A la suite de cette saisine, l'Autorité de la concurrence a rendu le 22 septembre 2009 l'avis n° 09-A-47.
1° Sur la dynamique concurrentielle entre les acteurs engagés
dans le déploiement de réseaux FttH dans les zones très denses
L'Autorité de la concurrence note que dans les zones très denses « l'obligation d'accès faite à l'opérateur d'immeuble peut conduire, si les autres opérateurs présents le souhaitent, à ce qu'une fibre dédiée par logement soit installée pour chacun d'entre eux. » L'Autorité de la concurrence estime qu'une telle situation présente un grand nombre d'avantages notamment parce qu'elle permet « aux opérateurs de demeurer aussi indépendants que possible les uns des autres, chacun bénéficiant d'une fibre continue entre le local du client et ses propres équipements. Sur le plan de la dynamique concurrentielle, tout se passe donc comme si chaque opérateur avait déployé son propre réseau jusqu'à l'abonné. La partie terminale du réseau, lieu de passage obligé pour les opérateurs qui déploient des réseaux FttH, n'est donc pas contrôlée par un acteur unique, l'opérateur d'immeuble. Les risques que ce dernier tire parti de sa situation privilégiée pour gagner artificiellement des parts de marché, par exemple, semble donc relativement faible. ». L'Autorité de la concurrence ajoute que « le recours à l'architecture multi-fibres constitue une opportunité unique de ne pas reconstituer de goulot d'étranglement sur la partie terminale des réseaux FttH, notamment au niveau des immeubles. Cette architecture offre ainsi les meilleures garanties en termes d'indépendance des acteurs, de neutralité technologique et de fluidité du marché au bénéfice du consommateur ».
Concernant le marché de détail, l'Autorité de la concurrence estime que le dispositif est favorable aux consommateurs car « ceux-ci peuvent changer d'opérateur rapidement et sans interruption de service, puisqu'aucune manipulation sur le réseau n'est nécessaire et que, contrairement au dégroupage, la résiliation préalable n'est pas nécessaire ».
De manière prospective, l'Autorité de la concurrence estime que « la faculté offerte à tout opérateur, par le projet de dispositif de l'ARCEP, de demander à l'opérateur d'immeuble d'installer une fibre supplémentaire dédiée permet en outre d'envisager à terme, un fonctionnement plus autonome du marché et un allègement progressif de la régulation ex ante dans les zones concernées ».
2° Sur les échanges d'information
A l'occasion de la mise en œuvre de l'obligation de mutualisation, l'Autorité de la concurrence estime que « les processus qui régissent les échanges d'informations, ceux prévus par le décret du 15 janvier 2009 ainsi que ceux énumérés dans l'annexe II du projet de décision [...] devraient être mutualisés pour éviter de multiplier les échanges entre les acteurs. En effet, il s'agit, d'une part, pour l'essentiel, des mêmes informations et, d'autre part, celles-ci sont transmises aux autres opérateurs dans un calendrier similaire. Cette mise en cohérence devrait également être l'occasion pour l'ARCEP de créer les conditions qui éviteraient, comme indiqué plus haut "que ces échanges d'informations ne favorisent des comportements collusifs entre les acteurs actuels du marché” ainsi que "les échanges bilatéraux d'informations entre les opérateurs ou certains d'entre eux” ».
Selon l'Autorité de la concurrence, plusieurs solutions peuvent être envisagées pour y parvenir, en particulier « si un système centralisé, chargé de recueillir et de diffuser l'information aux opérateurs concernés, paraît offrir la meilleure garantie, des solutions décentralisées, dans lesquelles l'information détenue par chaque opérateur serait accessible aux autres, pourraient également être retenues. A minima, les modalités retenues devront permettre à l'ARCEP d'être en mesure de s'assurer que, d'une part, les informations émises par un opérateur soient limitées à ce qui est strictement nécessaire à la mise en œuvre de la mutualisation et que, d'autre part, elles soient accessibles sans discrimination, dans les mêmes conditions et dans le même temps, à l'ensemble des opérateurs concernés ».
Concernant le périmètre des opérateurs bénéficiaires de l'information mentionnée ci-dessus, l'Autorité de la concurrence précise que « la publication très large de cette information, comme par exemple son accessibilité au public, n'apparaît pas nécessaire. Elle doit par ailleurs pouvoir être accessible à un nouvel entrant et ce préalablement à son entrée sur le marché, afin que celui-ci puisse prendre des décisions d'investissement éclairées ».
En conclusion, l'Autorité de la concurrence invite l'ARCEP « à s'assurer que, d'une part, l'information nécessaire à la mise en œuvre de la mutualisation circule bien entre tous les opérateurs concernés, sans discrimination, et, d'autre part, qu'à l'occasion de ces échanges seule l'information strictement nécessaire sera effectivement échangée ».
3° Sur la concurrence potentielle et les nouveaux entrants
L'Autorité de la concurrence estime que « la possibilité pour un nouveau concurrent d'entrer sur un marché caractérisé par un faible nombre d'offreurs peut maintenir sur les entreprises en place une pression concurrentielle semblable à celle qui caractérise des marchés plus atomisés. Il est pour cela nécessaire que les barrières à l'entrée, et éventuellement à la sortie, sur le marché ne soient pas trop élevées. Le déploiement de boucles locales en fibre optique est une activité à forts coûts fixes, donc caractérisée par des barrières élevées à l'entrée. L'entrée de nouveaux concurrents sur le marché sera facilitée si les investissements qu'ils ont à consentir sont progressifs et s'ils peuvent disposer, dans une première phase, d'une offre d'accès relativement haute dans le réseau, éventuellement sous forme activée ».
L'Autorité de la concurrence note que « le projet de dispositif de l'ARCEP n'aménage pas véritablement des telles modalités d'accès, dans la mesure où l'opérateur d'immeuble n'est pas tenu, en toutes circonstances (densité de la zone, nombre de fibres dédiées exploitées...), de proposer par exemple une offre activée en amont du point de mutualisation ».
Tenant compte des caractéristiques du marché français, l'Autorité de la concurrence estime « qu'un examen régulier par l'ARCEP des espaces économiques entre les différentes offres de gros, au moyen de modèles de coûts par exemple et la publicité qui peut en être faite, peut permettre d'instituer une certaine autorégulation en donnant de la visibilité aux acteurs. Si néanmoins de telles offres de gros demeuraient inexistantes ou par trop éloignées d'attentes raisonnables de nouveaux entrants, il appartiendrait alors à l'ARCEP d'intervenir en imposant, le cas échéant, des obligations complémentaires ex ante, notamment dans le cadre asymétrique de l'analyse des marchés ».
4° Sur la discrimination dans le contexte de l'existence d'une prime de risque
Concernant la prime de risque pour l'opérateur d'immeuble, l'Autorité de la concurrence note qu'il ressort « du projet de dispositif que l'opérateur d'immeuble peut exiger des contributions différentes pour une même offre, selon que la demande d'accès aura été formulée antérieurement ou postérieurement à l'installation des lignes. Cette différence peut appeler un examen au regard du principe de non-discrimination. L'Autorité de la concurrence rappelle à cet égard qu'une différence de traitement ne doit pas être examinée dans l'absolu, mais au regard des circonstances qui entourent chacun des acteurs. En l'espèce, on ne peut considérer qu'un opérateur qui a participé au cofinancement de la partie terminale du réseau, avant même l'installation de celle-ci, est dans une situation équivalente à celle d'un opérateur formulant une demande d'accès plusieurs mois ou années après l'installation d'un tel réseau. Une telle différence de situation justifie que la rémunération perçue par l'opérateur d'immeuble ne soit pas la même dans les deux cas ».
5° Sur les modalités de l'accès dans les zones moins denses
Même si l'Autorité de la concurrence souligne que « la fourniture de fibres supplémentaires dédiées demeure la meilleure garantie pour l'avenir », elle relève que dans les zones moins denses « de nombreuses incertitudes pèsent encore sur les architectures à mettre en œuvre dans ces zones, et ce d'autant plus que le point de mutualisation s'éloigne du pied des immeubles et concentre un nombre toujours plus grand de logements ».
Toutefois, l'Autorité de la concurrence considère que « le déploiement d'une infrastructure nouvelle, qui a vraisemblablement vocation à être exploitée durant plusieurs dizaines d'années, constitue une occasion unique de construire en parallèle plusieurs réseaux et de limiter ainsi très sensiblement les goulots d'étranglement dans les réseaux fixes de communications électroniques. La possibilité d'installer des fibres supplémentaires dédiées entre l'abonné et le point de mutualisation, y compris lorsque ce dernier est situé relativement haut dans le réseau et concentre les lignes de plusieurs habitations, pourrait ainsi être testée par les acteurs dans les prochains mois ».
6 Sur le degré de coordination des acteurs dans les zones moins denses
Concernant les déploiements dans les zones moins denses, l'Autorité de la concurrence note que deux principaux écueils sont à éviter : « d'une part, des recouvrements de réseaux inefficaces et susceptibles d'hypothéquer la rentabilité des déploiements et, d'autre part, la formation de trous de couverture qui seraient susceptibles d'apparaître entre les zones de déploiement ».
L'Autorité de la concurrence souligne à ce propos qu'en pratique « l'objectif de cohérence des déploiements peut se traduire par une coordination plus ou moins importante des acteurs. A un extrême, on peut imaginer que l'ensemble des opérateurs se regroupent au sein d'une entité commune, qui serait chargée de déployer un unique réseau. A l'extrême opposé, on peut envisager que les opérateurs poursuivent indépendamment les uns des autres le déploiement de leur propre réseau, chacun dans une zone qui lui est propre ».
Notant que les réflexions sont en cours et considérant que « chacune de ces solutions soulève des questions de concurrence », l'Autorité de la concurrence souligne qu'il conviendra que « le schéma envisagé soit, en temps utile, soumis à un examen circonstancié au regard du droit de la concurrence. La création d'une société commune entre opérateurs devra, notamment, être notifiée au titre du contrôle des concentrations entre entreprises ».
En conclusion, l'Autorité de la concurrence invite l'ARCEP à « veiller à ce que les conditions de déploiement des réseaux en dehors des zones très denses permettent une mutualisation effective, dans le respect des règles de la concurrence ».
7° Sur les déploiements horizontaux et la tarification
Concernant la tarification de l'offre de fourreaux de France Télécom, l'Autorité de la concurrence estime qu'il existe « un risque de double compte du génie civil ou d'une partie de celui-ci, entre le dégroupage de la paire de cuivre et l'offre de fourreaux ».
Considérant ce risque, l'Autorité de la concurrence invite l'ARCEP à « prendre en compte, dans ses réflexions, le fait que les différentes infrastructures filaires de boucles locales occupant un même fourreau supportent, en tout cas au stade actuel de développement du marché du très haut débit, des services qui se trouvent pour l'essentiel en concurrence sur le marché de détail ».
SECTION VIII
AVIS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
En application de l'article 7 de la directive « cadre » 2002/21/CE, l'ARCEP a notifié à la Commission européenne et aux autorités compétentes des autres Etats membres de la Communauté européenne, le 5 octobre 2009, le projet de décision relatif aux modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et aux cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ainsi que le projet de recommandation relatif aux modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. A la suite de cette notification, la Commission européenne a publié des observations le 5 novembre 2009.
1° Sur la base juridique de la décision
La Commission européenne souligne que les autorités réglementaires nationales doivent recourir à la base juridique de l'article 5 de la directive 2002/20/CE « accès » avec « prudence et dans des circonstances exceptionnelles ». « Les ARN doivent tenir compte des strictes conditions d'application de cette disposition à savoir (i) que l'accès et l'interconnexion ainsi que l'interopérabilité des services doivent être assurés uniquement si nécessaire, (ii) que les ARN exercent leur responsabilité de façon à promouvoir une concurrence efficace, durable et visant à procurer un avantage maximal à l'utilisateurs final, et (iii) que les conditions imposées soient objectives, transparentes, proportionnées et non discriminatoires. »
S'agissant du projet notifié, « la Commission comprend que la mesure proposée, associée à l'offre d'accès aux installations de génie civil de France Télécom, vise à promouvoir la concurrence par les infrastructures en France, en particulier dans les zones dites très denses, et à instaurer le cadre approprié pour éviter que ne se reforme un goulot d'étranglement au niveau du câblage interne des immeubles. Dans ces conditions, la Commission constate le bien-fondé de l'application de l'article 5 de la directive "accès”, en conjonction avec l'article 12, paragraphe 2, de la directive "cadre”, pour réguler l'accès au câblage interne des immeubles en France ».
2° Sur le choix d'une régulation symétrique
La Commission européenne « invite l'ARCEP à suivre de près l'évolution de l'investissement dans les réseaux NGA et de la concurrence en France, notamment dans les zones très denses du territoire français, de façon à déterminer si le schéma de régulation symétrique proposé reste suffisant, justifié et proportionné pour atteindre les objectifs fixé à l'article 8 de la directive "cadre” et ne prolonge pas inutilement l'imposition de la mesure proposée de régulation ex ante ».
« En particulier, si les mesures proposées ne créent pas la concurrence par les infrastructures souhaitée dans les zones très denses, ou sur le reste du territoire français (où sur le déploiement d'une infrastructure mono-fibre peut s'avérer économiquement viable), l'ARCEP devra étudier l'opportunité d'imposer des formes asymétriques d'accès aux infrastructures en fibre optique. A cet égard, la Commission fait également référence aux mesures de régulation relatives à la fibre optique imposées par l'ARCEP sur les marché de la fourniture en gros d'accès à large bande en France qui ont été limitées, compte tenu des obligations symétriques d'accès aux lignes imposées par la LME, à l'obligation pour France Télécom de donner accès à ses infrastructures de génie civil (fourreaux). La Commission invite l'ARCEP à envisager d'autres mesures relativement à ces deux marchés, telles que l'accès dégroupé à la boucle en fibre optique, au cas où la mesure actuellement proposée, associée à l'obligation d'accès aux fourreaux, ne se suffirait pas à assurer une concurrence effective dans un avenir proche. Enfin, la Commission invite l'ARCEP à examiner la conformité des obligations imposées aux principes posés dans la recommandation NGA lorsque celle-ci sera adoptée. »
L'Autorité a modifié son projet de décision pour préciser ce point.
3° Sur les modalités de tarification
La Commission européenne « considère que le fait que les offres d'accès [publiées par les opérateurs en application de l'article 4 de la présente décision] ne soient pas officiellement approuvées avant leur publication peut donner lieu à un manque de sécurité juridique peu souhaitable. La Commission comprend que les coûts inhérents au déploiement et au partage des lignes en fibre optique sur le territoire français, et en particulier hors des zones définies comme très denses, puissent encore s'avérer difficiles à évaluer à ce stade, mais elle signale aussi qu'il est généralement admis que le déploiement de réseaux NGA exige des investissements substantiels. Les décisions d'investissement sont conditionnées par plusieurs facteurs, dont la prévisibilité règlementaire. Eu égard à ce qui précède, la Commission invite l'ARCEP à prévoir dans sa mesure finale la possibilité, en cas de désaccords persistants entre acteurs concernés à propos de la mise en œuvre concrète des principes et obligations tarifaires actuellement notifiés, de définir des modalités de tarification plus détaillées dans sa recommandation accompagnant le projet de mesure notifié ou d'exiger des opérateurs qu'ils lui soumettent leurs offres d'accès, notamment en ce qui concerne les zones très denses, avant leur publication. Du fait de l'obligation de comptabilisation des coûts imposée, l'ARCEP doit être en mesure d'évaluer rapidement la conformité des offres aux obligations et principes tarifaires posés dans le projet de décision ».
L'Autorité a modifié son projet de décision pour préciser ce point.
Décide :