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Article AUTONOME (Décision n° 2009-836 du 17 décembre 2009 relative à un différend opposant les sociétés NRJ 12 et Canal+ Distribution)

Article AUTONOME (Décision n° 2009-836 du 17 décembre 2009 relative à un différend opposant les sociétés NRJ 12 et Canal+ Distribution)



I. ― Sur la recevabilité de la demande de la société NRJ 12


La société Canal+ Distribution soutient que la demande de la société NRJ 12 visant à obtenir le placement de sa chaîne sur le numéro 12 sur le fondement de l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986 ne porterait pas sur le règlement d'un différend de nature individuelle, mais constituerait une demande de « mesure d'organisation générale de la distribution de services audiovisuels par satellite » ou une « démarche de régulation sectorielle » pour lesquelles le conseil serait incompétent.
Le conseil estime que la demande de la société NRJ 12 doit être regardée comme tendant à obtenir le numéro 12 dans le plan de services de l'offre Canalsat. Cette demande traduit le caractère individuel du différend et un intérêt de la requérante lui donnant qualité pour agir.
Le conseil considère en outre que la demande de la société NRJ 12 porte sur le « caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de mise à disposition du public de l'offre de programmes », et entre ainsi dans le champ d'application de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986.
La société Canal+ Distribution soutient également que la demande de NRJ 12 concernerait une question déjà tranchée le 5 juin 2007 par le conseil dans le cadre du règlement d'un premier différend relatif à la numérotation.
Le conseil considère que sa délibération du 24 juillet 2007 relative à la numérotation des chaînes (1) et la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ont modifié le régime juridique de la numérotation des chaînes et que la société NRJ 12 apporte des éléments factuels nouveaux.
Ces éléments justifient la recevabilité de la nouvelle demande de la société NRJ 12 sur ce point.
En conséquence, le conseil se reconnaît compétent pour statuer sur la demande de règlement de différend présentée par la société NRJ 12 et écarte la fin de non-recevoir opposée à ses demandes.
(1) Délibération n° 2007-167 du 24 juillet 2007 relative à la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services sur des réseaux de communications électroniques n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.


II. ― Sur la demande de Canal+ Distribution concernant les observations des tiers intéressés


Les questions posées aux tiers intéressés par le conseil revêtaient expressément un caractère indicatif. Les tiers intéressés ont donc eu toute liberté dans la formulation de leur réponse.
Le conseil constate que la société Canal+ Distribution ne demande pas que les observations des sociétés éditant I¹Télé et W9 soient écartées des débats.
Les éditeurs de chaînes « historiques » ne sont pas directement intéressés par le différend, celui-ci portant en premier lieu sur la numérotation d'une nouvelle chaîne de la TNT.
Les distributeurs concurrents de la société Canal+ Distribution ne sont pas directement intéressés par le différend, dans la mesure où ce dernier porte précisément sur la numérotation dans le plan de services de l'offre Canalsat.
En conséquence, le conseil considère que la demande de la société Canal+ Distribution tendant à écarter des débats les observations de certains tiers intéressés doit être rejetée.


III. ― Sur le fond du différend
III-1. ― Sur le respect de l'article 34-4 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986


Pour justifier son placement sur le numéro 12 du plan de services de l'offre Canalsat, la société NRJ 12 invoque à titre principal l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986.
En son deuxième alinéa, l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2009, pose le principe du respect par les distributeurs de services de la numérotation logique définie par le conseil. Le caractère logique de la numérotation se rapporte au caractère immédiatement successif des numéros employés. Cet article dispose que : « Les distributeurs de services dont l'offre de programmes comprend l'ensemble des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, s'ils ne respectent pas la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la télévision numérique terrestre, doivent assurer une reprise de ces services en respectant l'ordre de cette numérotation. Dans ce cas, la numérotation doit commencer à partir d'un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent, sans préjudice de la reprise de ces services dans l'ensemble thématique auquel ils appartiennent. »
Ces dispositions ont pour objectif de garantir une meilleure visibilité et une meilleure homogénéité de l'offre audiovisuelle gratuite sur l'ensemble des réseaux de communications électroniques.
Imposer aux distributeurs de respecter la numérotation logique constituerait toutefois une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie dont ils disposent. Le législateur leur a donc garanti la possibilité de ne pas la respecter. Ils doivent dans ce cas « assurer une reprise de ces services en respectant l'ordre de cette numérotation, à partir d'un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent, sans préjudice de la reprise de ces services dans l'ensemble thématique auquel ils appartiennent ».
La société Canal+ Distribution affirme qu'elle n'aurait pas repris la numérotation logique. Elle dit avoir créé un bloc thématique « TNT », sur les numéros 301 à 318, et a placé les chaînes « historiques » dans un bloc thématique intitulé « Chaînes Canal+, Grandes chaînes généralistes », mais sur leur numéro logique. En conséquence, dans le plan de services de l'offre Canalsat, seules les chaînes « historiques » seraient placées sur leur numéro logique. Les nouvelles chaînes de la TNT sont reprises dans le bloc thématique « TNT », placé sur les numéros 301 à 318, et dans d'autres blocs thématiques, définis principalement en fonction du format de la chaîne. Ainsi, la chaîne NRJ 12 était reprise, au moment de la saisine, dans le bloc thématique « mini-généralistes ».
Cette situation est contestée par la société NRJ 12, qui estime qu'elle se trouve dans une situation de discrimination, prohibée par l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986.
A la lettre, cet article ne semble prévoir que deux hypothèses, qui obligeraient toutes deux les distributeurs de services à traiter de la même manière l'ensemble des chaînes de la TNT, sans distinction entre les chaînes « historiques » et les nouvelles chaînes de la TNT :
― la première hypothèse est celle d'un respect total de la numérotation logique, les chaînes de la TNT étant toutes placées sur leur numéro logique ;
― la seconde est celle d'une reprise intégrale des chaînes de la TNT en début de centaine et dans l'ordre de la numérotation logique.
Le conseil estime toutefois que les termes du deuxième alinéa de l'article 34-4 ne sont pas clairs dans la mesure où ils ne précisent pas si l'inexécution de l'obligation de respect de la numérotation logique peut être partielle, en ne plaçant que les chaînes « historiques » sur leur numéro logique, et ce, au titre du droit de reprise des chaînes dans un bloc thématique.
Le conseil considère en conséquence qu'il y a lieu de se référer aux débats parlementaires afin d'identifier les objectifs poursuivis par le législateur.
L'analyse des débats, notamment lors de l'examen par le Sénat de l'amendement n° 22 présenté par Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, et des amendements nos 180 et 432 présentés par M. Yves Pozzo di Borgo et Mme Catherine Dumas, fait ressortir l'intention du législateur d'interdire aux distributeurs de services la possibilité de ne placer sur leurs numéros logiques que les chaînes « historiques » de la TNT, au détriment des nouvelles chaînes de la TNT. Il a expressément entendu interdire aux distributeurs de structurer leur plan de services dans le respect partiel de la numérotation logique au profit des seules chaînes « historiques ».
Les distributeurs de services ont donc la possibilité :
― soit de respecter la numérotation logique ;
― soit de créer un bloc « TNT » en début de centaine, dans le respect de l'ordre de la numérotation logique.
Le Conseil estime que la société Canal+ Distribution n'est pas fondée à invoquer le droit de reprise dans un ensemble thématique pour faire échec à l'obligation de non-discrimination entre chaînes « historiques » et nouvelles chaînes de la TNT, dans l'hypothèse où les premières sont placées sur leur numéro logique.
La société Canal+ Distribution prétend toutefois que l'application de l'article 34-4 dans ce sens porterait atteinte au principe de liberté du commerce. À cet égard, il ressort de l'analyse des débats que le législateur a entendu préserver la liberté éditoriale des distributeurs qui conservent le choix de reprendre l'offre gratuite en respectant totalement la numérotation logique ou d'organiser leur plan de services de manière thématique.
Ainsi, lors de l'adoption du deuxième alinéa de l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986, le législateur a entendu limiter la liberté du commerce et de l'industrie afin de garantir le respect d'autres principes de nature constitutionnelle, les principes d'égalité et de non-discrimination.
Ces principes sont également rappelés à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui dispose que le Conseil « assure l'égalité de traitement » et veille « à l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers » et « au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services ».
Ces missions peuvent être exercées par le Conseil dans le cadre de sa compétence en matière de règlement de différends. Il a en effet le pouvoir de préciser les conditions permettant d'assurer le respect du « caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l'offre de programmes ».
Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu :
― de considérer que l'absence de placement de la chaîne NRJ 12 sur son numéro logique est contraire à l'article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986 et ne présente pas un caractère « objectif, équitable et non discriminatoire » au sens de l'article 17-1 de cette loi, dans la mesure où les chaînes TF1, France 2, France 3, Canal+, France 5, M6 et Arte sont placées sur leur numéro logique ;
― d'enjoindre à la société Canal+ Distribution d'établir un plan de services de l'offre Canalsat assurant une numérotation du service NRJ 12 conforme aux dispositions des articles 3-1 et 34-4 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986. Sauf à justifier d'un critère de numérotation conforme à ces dispositions permettant un autre positionnement, le service NRJ 12 devra être placé sur le numéro 12. En outre, ce plan ne devra comporter aucune discrimination, pour les numéros 1 à 18, entre les chaînes nationales diffusées sur la télévision numérique terrestre selon qu'elles étaient ou non diffusées auparavant en mode analogique.


III-2. ― Sur la présence de la chaîne NRJ 12 dans le bloc thématique « Chaînes Canal+, Grandes chaînes généralistes »


Le Conseil faisant droit à la demande de la société NRJ 12 au titre de son argumentation principale, il n'y a pas lieu de répondre à sa demande subsidiaire tendant aux mêmes fins et fondée sur ce que la chaîne NRJ 12 aurait un format généraliste et devrait être intégrée dans la thématique « Chaînes Canal+, Grandes chaînes généralistes ».
Après en avoir délibéré le 17 décembre 2009, hors la présence du rapporteur,
Décide :