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Article AUTONOME (Décision n° 2009-0637 du 23 juillet 2009 précisant les modalités d'application de la portabilité des numéros fixes et l'acheminement des communications à destination des numéros portés fixes et mobiles)

Article AUTONOME (Décision n° 2009-0637 du 23 juillet 2009 précisant les modalités d'application de la portabilité des numéros fixes et l'acheminement des communications à destination des numéros portés fixes et mobiles)



I.B. ― Les limites actuelles et les enjeux de la portabilité des numéros fixes
I.B.1. L'automatisation des processus inter-opérateurs


La portabilité des numéros fixes s'est initialement développée avec l'essor des offres d'accès des opérateurs alternatifs et l'acquisition d'abonnés en provenance de l'opérateur historique. Les demandes de conservation du numéro ont ainsi pendant très longtemps concerné les numéros affectés à l'origine par France Télécom à ses abonnés. Dès lors, les opérateurs alternatifs ont été amenés à développer en priorité des systèmes d'échanges d'information avec France Télécom, en vue de traiter les demandes de conservation de numéros de France Télécom. Les mécanismes inter-opérateurs pour le traitement d'une demande de portabilité concernant un numéro attribué à France Télécom sont largement automatisés aujourd'hui.
Le marché de la téléphonie fixe et des offres multiservices connaissent depuis deux ans une croissance moins forte, qui conduit à une dynamique de changement multi-opérateurs plus complexe, la portabilité ne s'exerçant plus uniquement de France Télécom vers un opérateur alternatif mais aussi d'un opérateur alternatif vers France Télécom ou encore entre opérateurs alternatifs ; la portabilité demeure ainsi un élément majeur du jeu concurrentiel. Les demandes de conservation du numéro concernent progressivement des numéros attribués à des opérateurs alternatifs, pour lesquels les processus ne sont en général pas automatisés. L'absence de visibilité sur les modalités de conservation du numéro peut en conséquence entraîner des refus de portabilité, des délais de mise en œuvre rallongés et une mauvaise coordination entre les opérateurs concernés par une opération de portage, avec des risques de double facturation ou de perte du numéro affecté à l'abonné. Ces éléments constituent des freins au droit de l'abonné et en conséquence au changement d'opérateur. Par ailleurs, le développement des offres d'accès très haut débit doit pouvoir s'accompagner dès leur lancement de la capacité de l'abonné à conserver son numéro.
Les opérateurs doivent accélérer leurs efforts d'automatisation des processus inter-opérateurs afin d'être en mesure de répondre à toute demande de portabilité, quel que soit le numéro concerné et/ou les opérateurs impliqués dans l'opération de portage et de développer ainsi des mécanismes réellement symétriques.


I.B.2. La complexité inhérente à la portabilité des numéros fixes


La portabilité des numéros fixes est étroitement liée à la livraison de l'accès physique, support du service de communications électroniques proposé par l'opérateur fixe. Alors que l'abonné à une offre d'un opérateur de téléphonie mobile pourra changer d'opérateur en changeant très simplement la carte SIM associée au numéro, un abonné à une offre de service d'un opérateur fixe pourra être amené à choisir parmi une multitude de services très variés.
Ainsi, un abonné grand public peut bénéficier de deux numéros associés à son offre de service ; un abonné entreprise peut quant à lui disposer d'un nombre important de ressources en numérotation, par le biais de numéros de sélection directe à l'arrivée (SDA) associés au numéro d'identification de son installation (NDI ou « tête de ligne ») ou encore de numéros de services à valeur ajoutée, associés à des applications couplant télécommunication et informatique. Ces offres de service sont par ailleurs disponibles sur des accès physiques dont la mise en œuvre est complexe. Ainsi, un abonné fixe pourra bénéficier d'une offre de service utilisant un support physique préexistant nécessitant l'intervention d'un technicien pour la bascule physique d'un opérateur à un autre, ou au contraire une offre de service reposant sur la création d'un nouveau support physique, pouvant conduire à la réalisation de travaux de génie civil (tranchées). La mise en œuvre d'un tel accès, par exemple pour un abonné entreprise, nécessitera l'obtention d'une permission de voirie et la réalisation de travaux importants, dont les délais peuvent être longs.
Il est donc important de tenir compte des spécificités propres à l'accès au service de communications électroniques proposé par les opérateurs fixes, dans la mesure où la portabilité du numéro fixe n'a pas de sens pour le consommateur sans l'établissement préalable et coordonné de l'offre de service de son nouvel opérateur.
Par ailleurs, il est important de signaler que les opérateurs fixes ne se connaissent pas toujours entre eux, du fait de leur hétérogénéité entre des opérateurs généralistes ou au contraire très spécialisés selon le marché visé, ainsi qu'à cause de leur nombre important. C'est une des raisons pour lesquelles la présente décision s'adresse à l'ensemble des opérateurs concernés par la portabilité des numéros fixes.
Enfin, cette dimension propre à la portabilité des numéros fixes doit être intégrée dans la réflexion menée par l'Autorité auprès des acteurs, dans la mesure où certains objectifs de long terme ne sont pas atteignables à courte échéance.


I.B.3. L'évolution des modalités d'acheminement
des communications à destination des numéros portés


La portabilité du numéro permet notamment à l'abonné de recevoir ses communications sur le même numéro lorsqu'il change d'opérateur. L'acheminement des communications à destination des numéros portés constitue une problématique technique des opérateurs, que ceux-ci soient impliqués dans l'opération de portage du numéro ou simplement à l'origine de communications à destination des numéros portés. Les opérateurs disposent de deux mécanismes pour assurer l'acheminement des communications à destination des numéros fixes : le « routage indirect » transitant par l'opérateur attributaire du numéro et le « routage direct » à destination de l'opérateur receveur.
Lors de sa création, la portabilité des numéros fixes s'est basée sur le routage indirect via l'opérateur attributaire du numéro, du fait du mode de gestion de l'acheminement des réseaux fixes en technologie commutée par bloc de numérotation et de la méconnaissance des informations relatives aux numéros portés. En cas de portabilité du numéro, seuls trois opérateurs ont connaissance de la demande : l'opérateur receveur en tant que nouvel opérateur de l'abonné, l'opérateur donneur en tant qu'ancien opérateur de l'abonné et l'opérateur attributaire du numéro qui assure l'acheminement des communications à destination du nouvel opérateur, pour le compte des opérateurs tiers. Les opérateurs tiers assurent en général l'acheminement des communications à destination des numéros fixes via l'opérateur attributaire, sans se soucier de savoir si le numéro est porté ou non.
Les coûts liés à la prestation de routage indirect ou réacheminement assurée par l'opérateur attributaire et la dépendance vis-à-vis de celui-ci, en matière de qualité de l'acheminement des communications à destination des numéros portés (même plusieurs années après le portage du numéro) conduisent les opérateurs à développer des solutions de routage direct, reposant sur l'interrogation à chaque appel (ou pour une partie des appels) d'une base de données interne des numéros portés permettant l'identification des numéros portés et de l'équipement de commutation ou de routage du nouvel opérateur. Le développement du routage direct à destination des numéros portés est facilité par la transmission des informations relatives aux numéros portés (notamment le préfixe de portabilité), par le biais de systèmes d'information communs aux opérateurs.
L'Autorité considère que le routage direct des communications à destination des numéros portés va se généraliser à long terme pour des raisons d'optimisation des coûts et du fait de la dépendance actuelle vis-à-vis de la qualité et de la pérennité du réseau des opérateurs attributaires, lesquels sont d'une part très nombreux sur le marché et d'autre part peu incités à assurer le bon acheminement des communications vers leurs anciens abonnés. A moyen terme et de manière transitoire, les opérateurs sont cependant libres de leur mode d'acheminement des communications à destination des numéros portés, dans la mesure où ils assurent la même qualité de service pour les communications à destination des numéros fixes et mobiles, qu'ils soient portés ou non portés.


I.B.4. Le bilan des travaux multi-opérateurs


Depuis le mois de novembre 2006, d'importants travaux ont été menés par les opérateurs fixes sous l'égide de l'Autorité, en vue d'améliorer les processus entre opérateurs relatifs à la portabilité des numéros fixes et notamment l'échange des informations nécessaires au bon acheminement des communications à destination des numéros fixes portés.
Dans ce cadre, les travaux qui ont été menés ont fait l'objet d'une organisation sous la dénomination « groupe portabilité fixe » (« GPF »), scindée en plusieurs sous-groupes de travail, coordonnés par un organe de pilotage présidé par l'Autorité (« commission GPF »). Les sous-groupes de travail ont été organisés selon les missions suivantes :
― un sous-groupe « processus court terme avec France Télécom » visant à l'amélioration des processus de portabilité avec l'opérateur historique, notamment en ce qui concerne la portabilité des abonnés entreprise ;
― un sous-groupe « processus inter-opérateurs » visant à l'amélioration et l'automatisation des processus inter-opérateurs de façon symétrique ;
― un sous-groupe « acheminement » veillant au développement du « routage direct » des communications à destination des numéros fixes portés.
Le sous-groupe de travail « processus court terme avec France Télécom » a été intégré fin 2007 au sous-groupe de travail « processus inter-opérateurs », suite au traitement des problématiques spécifiques à la portabilité entreprise, en matière de flexibilité de mise en œuvre et de fiabilisation des informations relatives à l'abonné entre les opérateurs concernés. Les travaux concernant les processus inter-opérateurs se poursuivent à présent dans une démarche de symétrie et d'automatisation globale des échanges entre les opérateurs fixes.
En parallèle des travaux organisés par l'Autorité, les opérateurs fixes ont poursuivi la démarche du sous-groupe de travail « acheminement » au sein de l'Association française des opérateurs de réseaux et services de télécommunications (AFORST) puis au sein de la Fédération française des télécommunications et des communications électroniques (FFTCE), conduisant à la création, en janvier 2009, de l'Association de la portabilité des numéros fixes (APNF). Cette entité commune, destinée aux opérateurs, a pour objet la construction et la mise à disposition de ses membres d'un système d'information centralisé, comprenant notamment une base de données commune des numéros fixes portés. Ce référentiel commun doit notamment permettre la transmission des informations nécessaires au routage direct des communications à destination des numéros fixes portés. L'APNF, à l'instar du GIE EGP mobile (4), pourra être amenée par ailleurs à faciliter la gestion des flux d'information inter-opérateurs, en matière de processus de portabilité et de facturation.
C'est pourquoi il appartient désormais à l'Autorité de préciser, au vu de l'avancée importante des travaux menés jusqu'à présent, les obligations relatives aux modalités de la portabilité des numéros fixes et à l'acheminement des communications à destination des numéros portés, fixes et mobiles.
L'Autorité propose tout d'abord de préciser, conformément au II de l'article D. 406-18 du CPCE, les obligations des opérateurs fixes concernant les modalités de la portabilité des numéros fixes, lesquelles sont de deux natures :
― les obligations individuelles opposables à chaque opérateur fixe, relatives notamment à l'information de l'abonné sur les modalités et les conséquences de la conservation du numéro ;
― les obligations régissant les relations inter-opérateurs, relatives notamment aux délais de transmission entre les opérateurs des informations nécessaires au traitement de la demande de portabilité, aux délais de mise en œuvre et au délai maximum d'interruption de service pour l'abonné.
L'Autorité souhaite par ailleurs préciser des obligations concernant l'acheminement des communications à destination des numéros portés :
― les opérateurs receveurs de numéros fixes portés doivent transmettre par anticipation auprès des opérateurs tiers les informations relatives à l'acheminement des numéros fixes portés vers leur réseau et les informer de leur suivi ;
― les opérateurs de communications électroniques, fixes et mobiles, ont l'obligation d'assurer la qualité de service de l'acheminement au départ de leurs réseaux des communications à destination des numéros portés, fixes et mobiles.
L'Autorité s'inscrit dans une démarche de cohérence avec les travaux qui ont été menés avec les acteurs au sein du « GPF », pour notamment permettre à ces derniers de lancer les investissements et les développements techniques nécessaires à la mise en œuvre de l'entité commune.
L'Autorité, après avoir tenu le plus grand compte des commentaires reçus lors de la consultation publique qui s'est déroulée du 23 février au 23 mars 2009, et suite à la présentation de son projet de décision aux commissions consultatives pour avis, est en mesure d'adopter sa décision. Celle-ci devra ensuite être homologuée par le ministre en charge des communications électroniques, conformément aux dispositions de l'article L. 36-6 du CPCE.
La décision qui résultera de ce processus de consultation pourra entrer en vigueur à compter de sa publication au Journal officiel de la République française, dans la mesure où elle vient préciser des obligations qui sont déjà en vigueur. Certaines dispositions entreront quant à elles en vigueur le 1er avril 2010 ; cette date est conforme aux prescriptions des dispositions réglementaires en matière de portabilité des numéros fixes et est compatible avec les délais de développements nécessaires dans les réseaux des opérateurs et au sein de l'entité commune.

(4) Groupement d'intérêt économique Entité de gestion de la portabilité mobile.