C O N V E N T I O N
D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE L'ÉTAT DES ÉMIRATS ARABES UNIS
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat des Emirats Arabes Unis,
Désireux de conclure une convention d'entraide judiciaire en matière pénale,
Sont convenus des dispositions suivantes :
TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1er
1. Les deux Etats s'engagent à s'accorder mutuellement, selon les dispositions de la présente Convention, l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions dont la répression est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de l'Etat requérant.
2. La présente Convention ne s'applique ni à l'exécution des décisions d'arrestation et de condamnation ni aux infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.
Article 2
1. Chaque Etat contractant désigne une autorité centrale pour transmettre et recevoir les demandes formées au titre de la présente Convention. Les autorités centrales communiquent entre elles par la voie diplomatique.
2. L'autorité centrale de la République française est le ministère de la Justice et celle de l'Etat des Emirats Arabes Unis est le ministère de la Justice.
3. Chaque Etat contractant notifie à l'autre tout changement de son autorité centrale par la voie diplomatique.
Article 3
1. L'entraide judiciaire peut être refusée :
a) Si la demande se rapporte à des infractions considérées par l'Etat requis soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques.
b) Si l'Etat requis estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d'autres de ses intérêts essentiels.
2. Avant de refuser l'entraide judiciaire, l'Etat requis apprécie si elle peut être accordée à telles conditions qu'il juge nécessaires. Si l'Etat requérant y consent, il doit s'y conformer.
Article 4
1. Si la législation de l'Etat requis ne l'interdit pas, les demandes d'entraide peuvent être exécutées selon toute modalité mentionnée dans la demande.
2. L'Etat requis informe l'Etat requérant de toute circonstance susceptible de retarder de manière significative l'exécution de la demande.
3. L'Etat requis informe l'Etat requérant de toute décision de sa part de ne pas exécuter partiellement ou totalement la demande d'entraide ou de la différer et lui fait part des motifs de cette décision.
Chapitre II
Confidentialité et spécialité
Article 5
1. Si l'Etat requérant lui en fait la demande, l'Etat requis préserve la confidentialité de la demande, y compris son contenu et les documents fournis à l'appui, ainsi que de toute mesure prise conformément à la demande. Si l'Etat requis ne peut exécuter la demande sans lever la confidentialité exigée, il en informe l'Etat requérant qui décide alors s'il y a lieu toutefois d'exécuter la demande.
2. L'Etat requis peut demander que l'information ou l'élément de preuve fourni reste confidentiel ou ne soit divulgué ou utilisé que selon les termes et conditions qu'il aura spécifiés. Lorsqu'il entend faire usage de ces dispositions, l'Etat requis en informe préalablement l'Etat requérant. Si l'Etat requérant accepte ces termes et conditions, il est tenu de les respecter. Dans le cas contraire, l'Etat requis peut refuser l'entraide.
3. L'Etat requérant ne peut utiliser une information ou un élément de preuve obtenu en exécution de la présente Convention à des fins autres que celles qui auront été stipulées dans la demande sans l'accord préalable de l'Etat requis.
Chapitre III
Commissions rogatoires
Article 6
1. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1 de l'article 4, l'Etat requis fait exécuter conformément à sa législation les commissions rogatoires relatives à une affaire pénale qui lui sont adressées par les autorités judiciaires de l'Etat requérant et qui ont pour objet d'accomplir des actes d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents de toute nature.
2. Si l'Etat requérant désire que les témoins ou les experts déposent sous serment, il en fait expressément la demande et l'Etat requis y donne suite si sa législation ne s'y oppose pas.
3. L'Etat requis peut ne transmettre que des copies ou photocopies certifiées conformes des dossiers ou documents demandés. Toutefois, si l'Etat requérant demande expressément la communication des originaux, il est donné suite à cette demande dans toute la mesure du possible.
Article 7
Si l'Etat requérant le demande expressément, l'Etat requis l'informe de la date et du lieu d'exécution de la commission rogatoire. Les autorités de l'Etat requérant et les personnes en cause peuvent assister à cette exécution si l'Etat requis y consent.
Article 8
1. L'Etat requis peut surseoir à la remise des objets, dossiers ou documents dont la communication est demandée, s'ils lui sont nécessaires pour une procédure pénale en cours.
2. Les objets, ainsi que les originaux des dossiers ou documents, qui ont été communiqués en exécution d'une commission rogatoire, sont renvoyés aussitôt que possible par l'Etat requérant à l'Etat requis, à moins que celui-ci n'y renonce.
Article 9
1. L'Etat requis exécute, dans la mesure où sa législation le lui permet, les demandes d'appréhension, de perquisition, de gel et de saisie des avoirs, des objets et des pièces à conviction relatifs à l'infraction, objet de l'enquête dans l'Etat requérant. L'Etat requis informe l'Etat requérant du résultat de l'exécution de la demande.
2. L'Etat requis peut transmettre à l'Etat requérant les avoirs, les objets et les pièces à conviction saisis, si l'Etat requérant accepte les termes et conditions proposés par l'Etat requis pour cette transmission.
Article 10
1. L'Etat requis s'efforce, sur demande de l'Etat requérant, d'établir si des produits ou des instruments d'une infraction pénale se trouvent sur son territoire. La demande précise les motifs sur lesquels repose la conviction de l'Etat requérant que de tels produits ou instruments puissent se trouver sur le territoire de l'Etat requis. L'Etat requis informe l'Etat requérant des suites données à cette demande.
2. Si, conformément au paragraphe 1 du présent article, les produits et instruments présumés provenir d'une infraction sont trouvés, l'Etat requis, à la demande de l'Etat requérant, prend, conformément à sa législation, les mesures nécessaires pour geler, saisir ou confisquer ces produits ou instruments.
3. Les produits et instruments confisqués sont conservés par l'Etat requis. Toutefois, l'Etat requis, à la demande de l'Etat requérant, peut, dans la mesure où sa législation le permet, et conformément aux termes et conditions agréés entre les deux Etats, transférer à l'Etat requérant, en tout ou partie, la propriété ou le produit de la vente, des instruments ou des produits d'une infraction pénale.
4. Dans l'application du présent article, les droits et intérêts légitimes de l'Etat requis, des victimes, des propriétaires et des tiers de bonne foi sur les produits et les instruments sont préservés conformément à la législation de l'Etat requis.
Chapitre IV
Remise d'actes de procédure et de décisions judiciaires, comparution des témoins, experts et personnes poursuivies
Article 11
1. L'Etat requis procède, conformément à sa législation, à la remise des actes de procédure et des décisions judiciaires qui lui sont envoyés à cette fin par l'Etat requérant.
2. La preuve de la remise se fait au moyen d'un récépissé daté et signé par le destinataire ou d'une déclaration de l'Etat requis constatant le fait, la forme et la date de remise. L'un ou l'autre de ces documents est immédiatement transmis à l'Etat requérant. Si la remise n'a pu se faire, l'Etat requis en fait connaître immédiatement le motif à l'Etat requérant.
Article 12
Le témoin ou l'expert qui n'a pas déféré à une citation à comparaître dans l'Etat requérant dont la remise a été demandée ne peut être soumis, alors même que cette citation contiendrait des injonctions, à aucune sanction ou mesure de contrainte, à moins qu'il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de l'Etat requérant et qu'il n'y soit régulièrement cité à nouveau.
Article 13
L'Etat requérant assume la charge des indemnités, des frais de voyage et de séjour du témoin ou de l'expert qui sont nécessaires à sa comparution, calculés depuis le lieu de sa résidence. Ces indemnités et frais ne peuvent être inférieurs aux taux prévus par les normes et règlements en vigueur dans l'Etat où l'audition doit avoir lieu.
Article 14
1. Si l'Etat requérant estime que la comparution personnelle d'un témoin ou d'un expert devant ses autorités judiciaires est particulièrement nécessaire, il en fait mention dans la demande de remise de la citation et l'Etat requis en informe le témoin ou l'expert. L'Etat requis fait connaître à l'Etat requérant la réponse du témoin ou de l'expert.
2. Dans le cas prévu au paragraphe 1 du présent article, la demande ou citation doit mentionner le montant approximatif des indemnités à verser, ainsi que des frais de voyage et de séjour à rembourser.
3. Si une demande lui est présentée à cette fin, l'Etat requis peut consentir une avance au témoin ou à l'expert. Celle-ci est mentionnée sur la citation et remboursée par l'Etat requérant.
Article 15
1. Toute personne détenue dont la comparution personnelle est demandée par l'Etat requérant en application du paragraphe 1 de l'article 14 est transférée temporairement sur le territoire où l'audition doit avoir lieu sous condition de son renvoi dans le délai indiqué par l'Etat requis et sous réserve des dispositions de l'article 16 dans la mesure où celles-ci peuvent s'appliquer.
2. Le transfèrement peut être refusé :
a) Si la personne détenue n'y consent pas ;
b) Si sa présence est nécessaire dans une procédure pénale en cours sur le territoire de l'Etat requis ;
c) Si son transfèrement est susceptible de prolonger sa détention ; ou
d) Si d'autres considérations impérieuses s'opposent à son transfèrement sur le territoire de l'Etat requérant.
3. La personne transférée doit rester en détention sur le territoire de l'Etat requérant, à moins que l'Etat requis du transfèrement ne demande sa mise en liberté.
Article 16
1. Aucun témoin ou expert qui, à la suite d'une citation, comparaît devant les autorités judiciaires de l'Etat requérant ne peut être ni poursuivi, ni détenu, ni soumis à aucune autre restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cet Etat pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de l'Etat requis.
2. Aucune personne, citée devant les autorités judiciaires de l'Etat requérant afin d'y répondre de faits pour lesquels elle fait l'objet de poursuites, ne peut y être ni poursuivie, ni détenue, ni soumise à aucune autre restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cet Etat pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de l'Etat requis et non visés par la citation.
3. L'immunité prévue au présent article cesse lorsque le témoin, l'expert ou la personne poursuivie, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de l'Etat requérant pendant soixante jours consécutifs après que sa présence n'était plus requise par les autorités judiciaires, est néanmoins demeuré sur ce territoire ou y est retourné après l'avoir quitté.
Chapitre V
Casier judiciaire
Article 17
1. L'Etat requis communique, dans la mesure où ses autorités judiciaires pourraient elles-mêmes les obtenir en pareil cas, les extraits du casier judiciaire et tous renseignements relatifs à ce dernier qui lui sont demandés par les autorités judiciaires de l'Etat requérant pour les besoins d'une affaire pénale.
2. Dans les cas autres que ceux prévus au paragraphe 1 du présent article, il est donné suite à pareille demande dans les conditions prévues par la législation, les règlements ou la pratique de l'Etat requis.
Chapitre VI
Procédure
Article 18
1. Les demandes d'entraide doivent contenir les indications suivantes :
a) L'autorité dont émane la demande ;
b) L'objet et le motif de la demande ;
c) Dans la mesure du possible, l'identité et la nationalité de la personne en cause, et
d) Le nom et l'adresse du destinataire, s'il y a lieu ou le plus grand nombre possible de renseignements permettant son identification et sa localisation.
2. Les commissions rogatoires prévues à l'article 6 mentionnent en outre la qualification juridique des faits et contiennent un exposé sommaire des faits.
Article 19
1. Toutes les demandes d'entraide au titre de la présente Convention sont adressées par l'autorité centrale de l'Etat requérant à l'autorité centrale de l'Etat requis selon la voie prévue à l'article 2 et renvoyées par la même voie.
2. En cas d'urgence, les demandes d'entraide sont adressées directement par l'autorité centrale de l'Etat requérant à l'autorité centrale de l'Etat requis. Les demandes d'entraide, accompagnées des pièces relatives à l'exécution, sont renvoyées par la même voie.
Article 20
1. Toutes les demandes d'entraide au titre de la présente Convention sont rédigées dans la langue officielle de l'Etat requérant et accompagnées d'une traduction dans la langue officielle de l'Etat requis.
2. Les demandes d'entraide judiciaire et les pièces les accompagnant doivent être revêtues de la signature et du sceau de l'autorité requérante ou authentifiées par cette autorité. Ces documents sont dispensés de toute formalité de légalisation.
Article 21
Tout refus d'entraide judiciaire est motivé.
Article 22
1. Sous réserve des dispositions de l'article 13, l'exécution des demandes d'entraide ne donne lieu au remboursement d'aucun frais, à l'exception de ceux occasionnés par l'intervention d'experts sur le territoire de l'Etat requis.
2. S'il apparaît que des frais de nature extraordinaire sont requis pour satisfaire à la demande, les Parties se consultent pour fixer les termes et conditions selon lesquels l'exécution de la demande peut être engagée ou poursuivie.
Chapitre VII
Echange d'avis de condamnation
Article 23
Chacun des deux Etats donne à l'autre Etat avis des sentences pénales qui concernent les ressortissants de ce dernier Etat et qui ont fait l'objet d'une inscription au casier judiciaire. Les autorités centrales se communiquent cet avis à la fin de chaque année.
Chapitre VIII
Transit
Article 24
1. Un Etat peut autoriser le transit sur son territoire de personnes détenues n'ayant pas sa nationalité dont la comparution personnelle a été sollicitée par l'autre Etat, pour fournir son témoignage ou des preuves ou encore son aide à une enquête ou dans une procédure pénale. Cette autorisation est accordée sur demande accompagnée de tous documents utiles.
2. La personne transférée reste en détention sur le territoire de l'Etat requis du transit, à moins que l'Etat requérant ne demande sa mise en liberté durant le transfèrement temporaire.
Chapitre IX
Dispositions finales
Article 25
1. Chacun des deux Etats contractants notifiera à l'autre l'accomplissement des procédures requises par sa Constitution pour l'entrée en vigueur de la présente Convention. Ces notifications seront échangées dès que possible.
2. La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de la réception de la dernière de ces notifications.
3. Chacun des deux Etats pourra à tout moment dénoncer la présente Convention en adressant à l'autre par la voie diplomatique une notification de dénonciation ; la dénonciation prendra effet six mois après la date de réception de ladite notification.
En foi de quoi, les représentants des deux Gouvernements, dûment autorisés, ont signé la présente Convention et y ont apposé leur sceau.
Fait à Paris, le 2 mai 2007, en double exemplaire, en langues française et arabe, les deux textes faisant également foi.
Pour le Gouvernement
de la République française :
Pascal Clément
Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice
Pour le Gouvernement de l'Etat
des Emirats Arabes Unis :
Mohammed Bin Nakhira
Al Dhaheri
Ministre de la Justice