3.1.2. Un processus d'ajustement du marché
à la nouvelle référence en coûts
Par ailleurs, étant donné le caractère structurant pour le secteur des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile et les contraintes associées à la modification des offres de détail citées plus haut, il convient d'appliquer des baisses proportionnées et permettant l'adaptation des offres à ces nouvelles conditions tarifaires de gros.
En effet, l'adaptation du marché à ce changement de concept se traduira vraisemblablement par un ajustement dynamique des offres tarifaires des opérateurs et des habitudes de consommation. Ce processus d'ajustement des offres demande un minimum de temps aux opérateurs, que ce soit pour faire évoluer leurs offres (structure commerciale à adapter, études marketing complémentaires à lancer...) ou faire migrer progressivement leurs parcs de clientèle vers ces nouvelles offres. L'Autorité note en particulier que le segment du post-payé manque de fluidité. Inversement, le segment du prépayé, plus développé en outre-mer qu'en métropole, est relativement plus fluide et peut s'adapter vite, mais est aussi relativement plus sensible aux niveaux des tarifs de terminaison d'appel compte tenu du fait que les clients de ce segment reçoivent en général plus d'appels qu'ils n'en émettent. Ainsi, les acteurs font valoir qu'un choc trop violent et rapide sur les prix pourrait déstabiliser le marché de façon inefficace, en déstabilisant les petits acteurs sur le bas de marché, notamment le segment du prépayé, au risque de réduire le degré de concurrence.
Aussi, alors que l'Autorité estime pertinent de réguler les tarifs de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux, elle considère qu'il n'est pas réaliste de vouloir fixer immédiatement les plafonds tarifaires aux niveaux correspondant à cette nouvelle cible de coûts de référence, l'écart entre la cible et les niveaux actuels en outre-mer étant trop important. Une période de transition de plusieurs années semble donc nécessaire pour permettre aux opérateurs d'adapter leurs offres au nouveau concept et d'apprendre progressivement à répondre aux préférences des consommateurs dans ce nouveau contexte.
Elle note que cette approche est cohérente avec celle de la Commission telle qu'indiquée dans sa recommandation du 19 septembre 2005 susvisée concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts. Elle indique en effet dans son considérant 7 : " La mise en œuvre d'une méthode de comptabilisation des coûts nouvelle ou révisée peut donner à penser que les niveaux actuels des tarifs réglementés et/ou des mécanismes de régulation des prix sont inadaptés ou déséquilibrés d'une manière ou d'une autre. Si une autorité réglementaire nationale estime que des mesures correctives s'imposent, il y a lieu de prendre dûment en compte l'environnement commercial et économique afin de réduire au minimum les risques et l'incertitude sur les marchés pertinents. Ces mesures pourraient comprendre, par exemple, un étalement raisonnable dans le temps de tout ajustement des prix. "
Ainsi, bien que les opérateurs Orange Caraïbe et SRR soient soumis à l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts, l'Autorité estime qu'il ne serait pas proportionné de leur imposer dès aujourd'hui des plafonds tarifaires du service de terminaison d'appel reflétant les coûts incrémentaux, mais qu'il convient de mettre en œuvre un processus de transition de leurs tarifs vers les coûts incrémentaux de long terme, qui soit cohérent avec les conditions de marché et les niveaux de terminaison d'appel actuels.
Par ailleurs, l'Autorité relève que les coûts incrémentaux d'un opérateur générique ultramarin, qui comme indiqué au chapitre 1er se situent entre 1 et 2 c€/min sur la période 2008-2010, sont similaires aux coûts incrémentaux d'un opérateur générique en métropole.
Ainsi, l'Autorité estime que les plafonds tarifaires de terminaison d'appel d'Orange Caraïbe et SRR, opérateurs soumis à l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts tout comme les opérateurs mobiles métropolitains, doivent converger à terme vers les mêmes plafonds tarifaires de terminaison d'appel que les opérateurs métropolitains. Cependant, au regard des niveaux actuels de terminaison d'appel d'Orange Caraïbe et SRR, respectivement de 8,7 c€/min et 8,5 c€/min en 2009, l'alignement dès 2010 des tarifs de terminaison d'appel des opérateurs ultramarins historiques au niveau des tarifs de terminaison d'appel des opérateurs métropolitains ne semble pas proportionné, comme l'illustre le graphique suivant.
Les plafonds tarifaires de terminaison d'appel imposés ci-après (cf. chapitre 5) à Orange Caraïbe et SRR pour l'année 2010 traduisent ainsi la mise en œuvre d'un processus de convergence des plafonds tarifaires en outre-mer et en métropole dans le cadre d'une transition vers les coûts incrémentaux de long terme tenant compte de la nécessaire adaptation des marchés à cette nouvelle référence de coûts et donc de la nécessité d'imposer à ces opérateurs une baisse proportionnée de leurs tarifs de terminaison d'appel.
3.2. Implications pour la régulation des opérateurs
soumis à l'obligation de tarif non excessif
L'Autorité rappelle que les obligations d'orientation vers les coûts et de non-excessivité des tarifs sont deux instruments qui visent le même objectif, celui de pouvoir orienter à terme les tarifs des prestations en cause vers des références de coûts pertinentes.
En effet, comme indiqué plus haut, le caractère excessif s'apprécie de façon à limiter les éventuelles distorsions concurrentielles pouvant exister sur les marchés de détail sous-jacents découlant des différences entre les tarifs des terminaisons d'appel vocal des différents opérateurs et notamment entre ceux soumis à une obligation d'orientation vers les coûts et ceux soumis à une obligation de non-excessivité de leurs tarifs. Les charges de terminaison d'appel doivent converger vers les coûts d'un opérateur efficace, et ce indépendamment du type d'obligations de contrôle tarifaire auquel l'opérateur est soumis.
A cet égard, l'Autorité rappelle qu'elle poursuit un objectif de symétrie des tarifs de terminaison d'appel des opérateurs qui doivent tendre à terme vers le niveau du coût considéré comme pertinent pour la prestation de terminaison d'appel vocal mobile que supporte un opérateur efficace. En cela, elle partage l'analyse de la Commission qui estime que les tarifs de terminaison devraient en principe être symétriques et que l'asymétrie, acceptable dans nombre de cas, doit être convenablement motivée. (Observations en date du 4 septembre 2006 au projet de décision n° 2006-0779 de l'ARCEP, cas FR/2006/0461).
Ainsi, les écarts de niveaux admis n'ont de légitimité que dans leur caractère transitoire et ne sauraient donc se pérenniser et doivent être appréciés notamment en référence aux autres niveaux tarifaires des opérateurs concurrents.
Dans le cadre de la présente décision, les plafonds tarifaires fixés pour les opérateurs soumis à l'obligation de tarif non excessif doivent tenir compte, comme pour les deux opérateurs dominants, de la nécessité de mettre en œuvre une baisse progressive. Cette nécessité se traduit sous la forme de deux contraintes concomitantes :
― d'une part, le fait que le processus graduel de convergence des tarifs de terminaison d'appel vers les références de coûts sous-jacentes mis en œuvre pour l'ensemble des opérateurs du marché implique pour certains opérateurs des surcoûts tenant aux déséquilibres de trafics hors du contrôle de ces opérateurs et à l'écart entre les tarifs de terminaison d'appel et les coûts ― écart d'autant plus grand que la référence devient les coûts incrémentaux ― dont il convient de tenir compte. Ces surcoûts sont principalement portés par les plus petits opérateurs ;
― d'autre part, le fait qu'il convient d'appliquer également pour ces opérateurs des baisses proportionnées au regard des tarifs de terminaison d'appel actuels et permettant l'adaptation de leurs offres à ces nouvelles conditions tarifaires de gros.
Ces deux contraintes sont explicitées ci-après.
Sur la nécessité de tenir compte pour certains opérateurs des surcoûts liés à l'orientation progressive des tarifs de l'ensemble des opérateurs vers la bonne référence en coûts
L'Autorité considère que l'existence de déséquilibres de trafic, hors du contrôle des opérateurs, conjuguée au non-alignement transitoire des tarifs de terminaison d'appel au niveau des coûts incrémentaux de long terme justifient transitoirement le maintien d'asymétries tarifaires pour les opérateurs ultramarins supportant ces surcoûts. L'horizon temporel de la fin de la prise en compte de ces surcoûts correspond ainsi à la date à laquelle les tarifs de terminaison d'appel seront considérés comme étant alignés sur les coûts incrémentaux.
Cette contrainte pèse notamment dans la définition des paliers tarifaires proposés pour Orange Réunion et Outremer Telecom sur chacune des zones.
Sur le caractère proportionné de la baisse
Les tarifs de terminaison d'appel pratiqués par les opérateurs ultramarins soumis à l'obligation de non-excessivité des tarifs sont actuellement relativement plus élevés que ceux d'Orange Caraïbe et SRR, comme le montre le tableau ci-dessous.
Comme indiqué plus haut, l'Autorité estime qu'il convient de rapprocher les niveaux de terminaison d'appel des opérateurs soumis à la non-excessivité des tarifs des niveaux de terminaison d'appel des opérateurs ultramarins historiques, afin de limiter les distorsions concurrentielles sur le marché de détail pouvant résulter de différences trop fortes.
Néanmoins, la suppression dès 2010 de l'asymétrie tarifaire d'un opérateur, y compris dans le cas où celui-ci ne subirait pas de déséquilibre de trafic vis-à-vis de l'opérateur historique, ne semble pas proportionnée au regard des niveaux de terminaison d'appel actuels, car la baisse imposée en un seul palier serait dès lors trop forte. De la même manière qu'il convient de mettre en œuvre un processus de transition des tarifs des opérateurs historiques vers les coûts incrémentaux de long terme, il convient par conséquent de mettre en œuvre une transition adaptée des tarifs des autres opérateurs, qui leur permette d'ajuster leurs offres de détail aux nouvelles conditions de gros tout en réduisant le plus rapidement possible les distorsions concurrentielles pouvant résulter d'une asymétrie qui ne serait pas justifiée autrement que par l'objectif de proportionnalité des baisses.
Pour conclure, les plafonds tarifaires proposés ci-après (cf. chapitre 5) pour les opérateurs ultramarins soumis à l'obligation de non-excessivité tiennent ainsi compte de deux contraintes : la prise en compte de surcoûts potentiels supportés par l'opérateur du fait du caractère progressif de l'orientation du tarif de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux et la nécessité de proportionnalité de la baisse au regard du tarif actuellement pratiqué par l'opérateur.
3.3. Discussion sur les obligations de contrôle tarifaire
relatives aux BPN
Concernant les tarifs applicables aux Blocs Primaires Numériques (BPN), l'Autorité ne dispose pas d'élément nouveau par rapport à l'analyse de marché du 16 octobre 2007. Ne disposant pas de référence de coûts précise sur les BPN des opérateurs mobiles, elle choisit donc de conserver la même référence, à savoir les tarifs pratiqués par France Télécom sur son réseau fixe.
Comme il a déjà été souligné dans la décision n° 2007-0811, plusieurs opérateurs utilisent une structure tarifaire sans composante relative au BPN. Pour les autres opérateurs qui mettent en œuvre un tarif de BPN, il convient de mettre en œuvre une politique de convergence du prix des BPN vers cette référence.
L'Autorité rappelle qu'à ce jour ces prestations sont beaucoup moins structurantes que les prestations de terminaison d'appel sur le marché de l'interconnexion mobile, dans la mesure où elles représentent environ 2 % des revenus directs d'interconnexion des opérateurs mobiles. Le volume en minutes constitue à ce jour selon l'Autorité le principal inducteur de coûts de la majorité des éléments de réseau sollicités par la fourniture de la prestation de la terminaison d'appel vocal mobile. Toutefois, elle n'exclut pas que cette pratique, qui peut s'expliquer par des raisons historiques, puisse avoir vocation à être remplacée à moyen terme par une tarification ou la composante tarifaire forfaitaire au BPN, i.e. tarification à la capacité maximale de communications pouvant être terminées simultanément sur un réseau mobile et indépendante de la durée, verrait son poids relatif renforcé, voire deviendrait prépondérant.