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Article AUTONOME (Décision n° 2009-0655 du 27 juillet 2009 portant définition des obligations de contrôle tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs mobiles français d'outre-mer pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010)

Article AUTONOME (Décision n° 2009-0655 du 27 juillet 2009 portant définition des obligations de contrôle tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs mobiles français d'outre-mer pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010)



2.3.3. Neutralité technologique et concurrence loyale entre opérateurs mobiles et fixes


L'approche en coûts incrémentaux limite les distorsions de concurrence entre les opérateurs mobiles, mais permet également d'éliminer les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes.
Il convient tout d'abord de rappeler que les périmètres des coûts considérés jusqu'à ce jour par le régulateur comme pertinents pour la prestation de terminaison d'appel fixe, d'une part, et mobile, d'autre part, sont différents dans la mesure où la charge de terminaison d'appel vocal mobile rétribue plus de services que celle relative à la terminaison d'appel fixe. En effet, la terminaison d'appel mobile rémunère la sollicitation de tous les éléments de réseau activés par la transmission de l'appel du point d'interconnexion à l'appelé, segment d'accès compris. Pour rappel, dans le cas du fixe, la terminaison d'appel ne recouvre pas les coûts associés au segment d'accès jusqu'à l'utilisateur final. Le coût de ce segment d'accès (par exemple, la paire de cuivre), qui est entièrement dédié à l'utilisateur fixe, est recouvré à travers une tarification, qui prend en compte ce coût, des services offerts au détail à l'utilisateur final.
Les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile sont bien supérieurs aux coûts complets et issus d'une pratique de financement des réseaux mobiles par les appels fixes vers mobiles. Par conséquent, les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile sont à ce jour bien supérieurs à ceux de la terminaison d'appel vocal fixe, atteignant des niveaux absolus structurellement élevés, au-delà des différences technologiques (et de coûts subséquentes) évidentes.
Ainsi, en outre-mer, l'ordre de grandeur des tarifs de terminaison d'appel vocal fixe est inférieur à un centime d'euro, lorsque, dans le même temps, il est actuellement en moyenne supérieur à 10 c€ pour le monde mobile.
Sur le marché de détail, il convient de noter la tarification en moyenne élevée des communications fixe vers mobile par rapport aux communications fixe vers fixe. Par ailleurs, l'ensemble des acteurs de la téléphonie vocale est engagé dans une transition des structures de tarification historique où le service téléphonique est facturé au nombre et à la durée des appels vers une facturation forfaitaire. Cette tendance progresse en téléphonie fixe et mobile. Cette évolution découle de la maturité des réseaux des opérateurs qui peuvent absorber la croissance des volumes à moindre coût et de la très forte préférence exprimée par les utilisateurs finals pour ce type d'offres permettant une meilleure maîtrise de leur dépense. Néanmoins cette tendance structurelle ne s'applique pas aux communications « fixe vers mobile » qui, du fait du tarif élevé de la terminaison d'appel mobile, ne peuvent être commercialisées sous forme forfaitaire. La part relative des communications fixe vers mobiles demeure faible, non pas du fait des préférences des consommateurs mais en conséquence des niveaux tarifaires actuels des appels fixes vers mobiles.
Le maintien d'un niveau de tarif de terminaison d'appel mobile artificiellement élevé par rapport à celui de terminaison d'appel fixe constitue un transfert de la disponibilité à payer des abonnés fixes vers les opérateurs mobiles au détriment des opérateurs fixes, de nature à conduire sur la période considérée à des déséquilibres, des modifications artificielles des préférences des consommateurs et des transferts de valeur inefficaces entre les consommateurs fixes et mobiles.
Inversement, l'application d'une approche en coûts incrémentaux dans la tarification des terminaisons d'appel mobiles peut conduire à limiter considérablement les déséquilibres et transferts de valeur des opérateurs fixes vers les opérateurs mobiles, ainsi que les distorsions pouvant impacter les choix des consommateurs, ce qui est susceptible de stimuler les usages des clients des opérateurs fixes.
Par ailleurs, cette approche a pour effet de rapprocher les niveaux des tarifs de terminaisons d'appel fixes et mobiles. Or, par-delà les implications en termes de surplus du consommateur de services de communications fixes, il convient de relever que le maintien, dans un contexte de convergence naissante où les opérateurs fixes et mobiles sont de plus en plus en concurrence, d'un tarif de terminaison d'appel mobile élevé et supérieur à ses coûts crée, alors que les concepts ne sont pas harmonisés entre fixe et mobile, un avantage certain pour les opérateurs mobiles, ce qui biaise le jeu concurrentiel. Le développement d'offres de convergence virtuelle (par exemple, l'offre Happy Zone de SRR) ou plus technique faisant reposer la prestation de services mobiles concurrents de services fixes sur la perception de tarifs de terminaison d'appel élevés emporte en effet une distorsion concurrentielle du fait de la subvention croisée opérée entre marché de gros et marché de détail (au détriment de l'opérateur pâtissant de l'asymétrie de niveaux de tarifs de terminaison) et peut être considéré comme générateur d'inefficacités productives (c'est-à-dire d'une mobilisation de ressources radio injustifiées au regard des conditions effectives d'utilisation par le consommateur final).
En supprimant la césure artificielle entre les produits fixes et mobiles, une régulation des plafonds tarifaires de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux permet ainsi de rétablir une concurrence loyale entre les opérateurs mobiles et fixes, et notamment aux opérateurs fixes d'être en mesure de répondre aux offres de convergence des opérateurs mobiles commerciales et techniques, existantes ou à venir, et ainsi de ne pas biaiser l'adoption de la technologie la plus efficace. Le marché est ainsi en mesure de mieux tirer partie de la convergence technique entre les réseaux, favorisant l'émergence d'offres innovantes sur le marché de détail.
Cette tendance moins affirmée à ce stade pour l'outre-mer paraît néanmoins pertinente dans une analyse prospective.
Dans son avis sur l'analyse de marché du 4 octobre 2007 (21) portant sur la métropole, le Conseil de la concurrence émet des commentaires similaires :
« 25. Enfin, le Conseil de la concurrence remarque que la frontière entre les services de téléphonie mobile et les services de téléphonie fixe devient de plus en plus poreuse, d'une part, du fait du développement d'offres de convergence (voir supra), d'autre part, en raison du lancement d'offres purement mobiles concurrençant directement les offres fixes. Ainsi, SFR a lancé récemment l'option "Happy Zone” qui propose des appels illimités vers tous les fixes 24 heures sur 24 pour les appels passés par ses clients dans une zone proche de leur résidence (offre de type « Cell-ID »). Ces offres s'appuient notamment sur le constat que plus de 30 % des appels mobiles sont passés depuis le domicile des utilisateurs. Ces offres sont susceptibles de concurrencer les offres de téléphonie fixe illimitées proposées par les opérateurs de téléphonie fixe et plus marginalement par les opérateurs Internet (dans le cadre d'offres double ou triple play). Or, les économies de ces offres seront radicalement différentes selon qu'elles s'appuient sur des revenus entrants consistant en des charges de terminaisons d'appels fixes (environ 1 centime d'euro par minute en moyenne) ou mobiles (environ 8 centimes d'euro en moyenne à ce jour). Sachant que les revenus entrants sont particulièrement importants dans l'élaboration de ce type d'offres, il convient de veiller à ce que la régulation des niveaux de terminaison d'appel (revenus entrants) du fixe et du mobile n'introduise pas un biais dans la concurrence sur le marché de détail entre des services en compétition et respecte le principe de neutralité technologique. »
Ces observations développées dans le contexte du marché métropolitain se transposent aux marchés mobiles outre-mer dans une analyse prospective.

(21) Avis 07-A-05 précité.