A C C O R D D E C O O P É R A T I O N
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE (ENSEMBLE UNE ANNEXE)
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie ci-après dénommés les Parties,
Affirmant leur volonté de développer les liens traditionnels d'amitié entre les deux pays,
Désireux d'élargir et de renforcer, dans l'intérêt des deux États, la coopération dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins exclusivement pacifiques,
Considérant les droits et les obligations des Parties, en particulier au titre du Traité du 1er juillet 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires (ci-après désigné le T.N.P. ) et la résolution 1540 du Conseil de sécurité,
Affirmant leur soutien aux objectifs et aux dispositions du T.N.P. et leur souhait de promouvoir le respect international du T.N.P.,
Soulignant l'importance pour chacune des Parties de la sécurité de ses approvisionnements énergétiques et de la nécessité de développer de nouvelles sources d'énergie,
Considérant l'entrée en vigueur le 28 juillet 1998 du protocole additionnel à l'accord de garanties entre le Royaume hachémite de Jordanie et l'Agence internationale de l'Énergie atomique (ci-après désignée l'A.I.E.A. ),
Affirmant leur soutien au système de garanties de l'A.I.E.A. et leur souhait de travailler ensemble pour en assurer l'amélioration et l'efficacité permanente,
Considérant également la volonté des Parties de prendre les dispositions de leur ressort nécessaires pour un développement de l'énergie nucléaire sûr, dans le respect des principes et dispositions prévus par la Convention sur la sûreté nucléaire, la Convention révisée sur la protection physique des matières nucléaires, la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, la Convention sur la notification rapide d'un accident nucléaire et la Convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique,
Sont convenus de ce qui suit :
Article Ier
1. Les Parties coopèrent, sur la base de l'égalité et de l'intérêt mutuel, dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques conformément aux dispositions du présent Accord, ainsi qu'aux lois et règlements en vigueur dans chaque pays et dans le respect des obligations internationales et des engagements de chacune des Parties.
2. La coopération mentionnée au paragraphe 1 du présent article peut être engagée dans les domaines suivants :
― prospection, exploration et exploitation de gisements d'uranium ;
― extraction de l'uranium à partir des phosphates ;
― application de l'énergie nucléaire pour la production d'énergie électrique et pour le dessalement de l'eau ;
― recherche fondamentale et appliquée ne requérant pas, pour ce qui concerne les réacteurs de recherche, l'utilisation d'uranium enrichi à 20 % et plus en isotope 235 ;
― formation des ressources humaines dans le domaine des usages pacifiques de l'énergie nucléaire ;
― développement des applications de l'énergie nucléaire dans les domaines de l'agronomie, de la biologie, des sciences de la terre, de la médecine et de l'industrie ;
― gestion du combustible usé et des déchets nucléaires ;
― sûreté nucléaire, radioprotection et protection de l'environnement ;
― sécurité nucléaire ;
― prévention et réaction aux situations d'urgence liées à des accidents radioactifs ou nucléaires ;
― élaboration de la législation et de la réglementation dans le domaine nucléaire ;
― fourniture d'informations au public sur les questions relatives aux utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire ;
ou tout autre domaine de coopération convenu entre les Parties.
3. La coopération peut prendre les formes suivantes :
― échange et formation de personnel scientifique et technique ;
― échange d'informations scientifiques et techniques ;
― participation de personnel scientifique et technique de l'une des Parties à des activités de recherche et développement menées par l'autre Partie ;
― conduite en commun d'activités de recherche et d'ingénierie, y compris des recherches et expérimentations conjointes ;
― organisation de conférences et de colloques scientifiques et techniques ;
― fourniture de matières, matières nucléaires, équipements, installations, technologies et prestations de service ;
ou toute autre forme de coopération convenue entre les Parties.
Article II
Dans le présent accord, tous les termes et expressions ont le sens précisé en Annexe qui fait partie intégrante du présent Accord.
Article III
Les conditions d'application de la coopération définie à l'article 1er sont précisées, au cas par cas, dans le respect des dispositions du présent Accord :
― par des accords spécifiques entre les Parties ou les organismes concernés, désignés par elles, pour préciser notamment les programmes et les modalités des échanges scientifiques et techniques ;
― par des contrats conclus entre les organismes, entreprises et établissements concernés, pour les réalisations industrielles et la fourniture de matières, matières nucléaires, équipements, installations ou technologies.
Article IV
Les Parties prennent toutes les mesures administratives, fiscales et douanières de leur compétence qui sont nécessaires à la bonne exécution du présent Accord ainsi que des accords spécifiques et des contrats visés à l'article III.
Article V
Les Parties garantissent la sécurité et préservent le caractère confidentiel des données techniques et des informations désignées comme telles par la Partie qui les a fournies dans le cadre du présent Accord. Les données techniques et les informations échangées ne sont pas communiquées à un tiers, public ou privé, sans accord préalable donné par écrit par la Partie fournissant la donnée technique ou l'information.
Article VI
Les Parties veillent à ce que la coopération menée en vertu du présent Accord soit compatible avec la mise en œuvre et le maintien du plus haut niveau de sûreté et de sécurité nucléaires.
Article VII
Les droits de propriété intellectuelle acquis dans le cadre de la coopération prévue par le présent Accord sont attribués au cas par cas dans les accords spécifiques et les contrats visés à l'article III du présent Accord.
Article VIII
1. Les Parties ou les organismes chargés par elles de la mise en œuvre du présent Accord traitent des questions relatives à la responsabilité civile, y compris la responsabilité civile nucléaire, dans des accords spécifiques.
2. Aux fins de la réparation des dommages causés par un incident nucléaire, chacune des Parties crée un régime de responsabilité civile fondé sur les principes internationaux établis conformément à leurs obligations internationales.
Article IX
Les Parties s'assurent que les matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies transférés dans le cadre d'arrangements conclus en vertu du présent Accord, ainsi que les matières nucléaires obtenues ou récupérées comme sous-produits, ne sont utilisés qu'à des fins pacifiques.
Article X
1. Toutes les matières nucléaires détenues par le Royaume hachémite de Jordanie ou transférées à celui-ci en vertu du présent Accord et notifiées par la République française à cet effet, ainsi que toutes les générations successives de matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits, sont soumises aux contrôles de l'A.I.E.A. en vertu de l'Accord de garanties entre le Royaume hachémite de Jordanie et l'A.I.E.A., s'appliquant à toutes les matières nucléaires dans toutes les activités nucléaires exercées sur le territoire du Royaume hachémite de Jordanie, sous sa juridiction, ou entreprises sous son contrôle en quelque lieu que ce soit.
2. Toutes les matières nucléaires détenues par République française ou transférées à celle-ci en vertu du présent Accord et notifiées par le Royaume hachémite de Jordanie à cet effet, ainsi que toutes les générations successives de matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits, sont soumises aux contrôles de sécurité de la Communauté européenne de l'Énergie atomique et au système de garanties appliqué par l'A.I.E.A. en vertu de l'Accord entre la France, la Communauté européenne de l'Énergie atomique et l'A.I.E.A. relatif à l'application de garanties en France, tel que complété par le protocole additionnel signé le 22 septembre 1998.
Article XI
Au cas où les garanties de l'A.I.E.A. visées à l'article X du présent Accord ne pourraient s'appliquer sur le territoire de l'une ou de l'autre Partie, les Parties s'engagent à entrer aussitôt en rapport en vue de soumettre et ns les délais les plus brefs les matières nucléaires transférées ou obtenues en application du présent Accord, ainsi que toutes les générations successives de matières nucléaires obtenues ou récupérées comme sous-produits, à un système mutuellement agréé de garanties, d'une efficacité et d'une portée équivalentes à celles précédemment appliquées par l'A.I.E.A. à ces matières nucléaires.
Article XII
Les matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies mentionnés à l'article IV du présent Accord restent soumis aux dispositions du présent Accord jusqu'à ce :
a) qu'ils aient été transférés ou retransférés hors de la juridiction de la Partie destinataire conformément aux dispositions de l'article XIV du présent Accord, ou que
b) que les Parties décident d'un commun accord de les y soustraire, ou que :
c) qu'il soit établi, pour ce qui concerne les matières nucléaires, qu'elles ne sont pratiquement plus récupérables pour être mises sous une forme utilisable pour une quelconque activité nucléaire pertinente du point de vue des garanties visées à l'article IX du présent Accord.
Article XIII
1. Chaque Partie veille à ce que les matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies visés à l'article IX du présent Accord soient uniquement soumis au contrôle de personnes relevant de sa juridiction et dotées de toutes les qualifications nécessaires pour l'activité particulière dont elles ont la responsabilité.
2. Chaque Partie s'assure que, sur son territoire ou, hors de son territoire jusqu'au point où cette responsabilité est prise en charge par l'autre Partie ou par un État tiers, les mesures adéquates de protection physique des matières, matières nucléaires, équipements et installations visés par le présent Accord sont prises, conformément à sa législation nationale et aux engagements internationaux auxquels elle est partie, en particulier aux dispositions de la Convention révisée sur la protection physique des matières nucléaires.
3. Les niveaux de protection physique sont au minimum ceux qui sont spécifiés à l'Annexe I de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Chaque Partie se réserve le droit, le cas échéant, conformément à sa réglementation nationale, d'appliquer sur son territoire des critères plus stricts de protection physique.
4. La mise en œuvre des mesures de protection physique relève de la responsabilité de chaque Partie à l'intérieur de sa juridiction. Dans la mise en œuvre de ces mesures, chaque Partie s'inspire du document de l'A.I.E.A. INFCIRC 225/Rév.4.
Les modifications des recommandations de l'A.I.E.A. en relation avec la protection physique ne prennent effet aux termes du présent Accord que lorsque les deux Parties se sont informées mutuellement par écrit de leur acceptation d'une telle modification.
Article XIV
1. Au cas où l'une des Parties envisage de retransférer hors de sa juridiction des matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies visés à l'article IX, ou de transférer des matières, matières nucléaires, installations, équipements et technologies provenant des équipements ou installations transférés à l'origine ou obtenus grâce aux équipements, installations ou technologies transférés visés à l'article X, dans le cadre du présent Accord, elle ne le fait qu'après avoir obtenu les mêmes assurances, en particulier d'usage pacifique et non explosif, que celles prévues par le présent Accord.
2. En outre, la partie qui envisage un transfert ou un retransfert conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article obtient au préalable le consentement de la partie fournisseur :
a) pour tout retransfert d'installations, équipements ou technologies tels que définis à l'Annexe et fournis en vertu du présent Accord ;
b) pour tout transfert d'installations ou d'équipements provenant des installations ou équipements mentionnés au paragraphe a), ou conçus à partir des technologies visées au paragraphe a) ci-dessus ;
c) Pour tout transfert ou retransfert d'uranium enrichi à plus de 20 % en isotopes 233 ou 235 ou de plutonium produit ou récupéré à partir de matières nucléaires transférées en vertu du présent Accord, ou pour tout retransfert de matières nucléaires transférées en vertu du présent Accord au Royaume hachémite de Jordanie.
3. À l'intérieur de l'Union européenne, les transferts et retransferts de matières nucléaires, d'équipements, d'installations et de technologies sont soumis aux dispositions du chapitre IX du traité instituant la Communauté européenne de l'Énergie atomique et aux règlements instituant un régime communautaire de contrôle des exportations de biens et technologies à double usage.
Article XV
Aucune des dispositions du présent Accord ne peut être interprétée comme portant atteinte aux droits et obligations qui, à la date de sa signature, résultent de la participation de l'une ou l'autre Partie à d'autres accords internationaux pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, notamment pour la Partie française, de son appartenance aux Communautés européennes.
Article XVI
Les parties créent un comité conjoint en charge du suivi des coopérations engagées dans le cadre du présent Accord, dans le mois qui suit son entrée en vigueur. Les Parties se mettent d'accord sur la structure, la composition et les procédures de ce comité, compte tenu de l'égalité entre les Parties.
Article XVII
Les Parties s'efforcent de résoudre tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application du présent Accord par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire ou par tout autre moyen pacifique de règlement des différends sur lesquelles les Parties se sont mises d'accord.
Article XVIII
Le présent Accord peut être modifié par accord écrit entre les Parties. Cette modification entrera en vigueur à la date à laquelle les Parties seront mutuellement informées par écrit de l'accomplissement de leurs procédures internes respectives requises pour son entrée en vigueur.
Article IX
1. Le présent Accord est conclu pour une durée de vingt ans. Il peut être dénoncé à tout moment par l'une ou l'autre des Parties. Toute dénonciation doit être notifiée par écrit avec un préavis de six mois.
A l'issue de cette période de vingt ans, il demeure en vigueur tant qu'il n'a pas été dénoncé par l'une ou l'autre des Parties conformément à la procédure mentionnée à l'alinéa précédent.
2. En cas de dénonciation du présent Accord conformément à la procédure mentionnée au paragraphe 1 du présent Article :
― les dispositions pertinentes du présent Accord demeurent applicables aux accords spécifiques et aux contrats signés en vertu de l'article III, qui sont en vigueur ;
― les dispositions des articles V, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV continuent à s'appliquer aux matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies visés à l'article IX transférés en application du présent Accord, ainsi qu'aux matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits.
Article XX
Chaque Partie notifie à l'autre Partie l'accomplissement des procédures internes requises en ce qui la concerne pour l'entrée en vigueur du présent Accord. Celui-ci entre en vigueur à la date de la réception de la dernière notification.
En foi de quoi, les représentants des deux Gouvernements dûment autorisés à cet effet ont signé le présent Accord.
Fait à Amman, le 30 mai 2008 en deux exemplaires, en langues française et arabe, les deux textes faisant également foi.
Pour le Gouvernement
de la République française :
Bernard Kouchner
Ministre des affaires
étrangères et européennes
Pour le Gouvernement
du Royaume hachémite
de Jordanie :
Salaheddin Albashir
Ministre des affaires étrangères
Aux fins du présent Accord :
a) Le terme matières désigne les matières non nucléaires destinées aux réacteurs, spécifiées au paragraphe 2 de l'Annexe B des Directives du Groupe des fournisseurs nucléaires publiées par l'A.I.E.A. dans le document INFCIRC/254/Rév.9/Part.1 (ci-après désignées les Directives ),
b) L'expression matières nucléaires désigne toute matière brute ou tout produit fissile spécial conformément à la définition de ces termes figurant à l'article XX du Statut de l'A.I.E.A.
c) Le terme équipements désigne les composants principaux spécifiés aux paragraphes 1, 4 et 7 de l'Annexe B des directives.
d) Le terme installations désigne les usines visées aux paragraphes 1, 4 et 7 de l'Annexe B des Directives ;
e) Le terme technologie désigne l'information spécifique nécessaire pour le développement , la production ou l' utilisation de tout article figurant à l'Annexe B des Directives, à l'exception des données communiquées au public, par exemple par l'intermédiaire de périodiques ou de livres publiés, ou qui ont été rendues accessibles sur le plan international sans aucune restriction de diffusion.
Cette information peut prendre la forme de données techniques ou d' assistance technique .
Le terme développement désigne toutes les phases précédant la production , notamment les études, les recherches relatives à la conception, aux assemblages et aux essais de prototypes et les plans d'exécution.
Le terme production désigne toutes les phases de la production, notamment la construction, l'ingénierie de production, la fabrication, l'intégration, l'assemblage, l'inspection, les essais et l'assurance de qualité.
Le terme utilisation désigne la mise en œuvre, l'installation (y compris l'installation sur le site même), l'entretien, les réparations, le démontage de révision et la remise en état.
L' assistance technique peut prendre des formes telles que l'instruction, les qualifications, la formation, les connaissances pratiques et les services de consultation.
Les données techniques peuvent être constituées de calques, plans, schémas, manuels et modes d'emploi sous une forme écrite ou enregistrée sur d'autres supports tels que disques, bandes magnétiques ou mémoires passives.
f) Le terme information désigne tout renseignement, toute documentation ou toute donnée, de quelque nature que ce soit, transmissible sous une forme physique, portant sur des matières, des équipements, des installations ou des technologies soumis au présent Accord, à l'exclusion des renseignements, documentations et données accessibles au public.
g) Le terme pacifique signifie pacifique et non explosif .