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Article AUTONOME (Avis n° 2009-0447 du 19 mai 2009 sur le projet de décret relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel accompagnant la mise en œuvre du revenu de solidarité active et portant diverses dispositions de coordination)

Article AUTONOME (Avis n° 2009-0447 du 19 mai 2009 sur le projet de décret relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel accompagnant la mise en œuvre du revenu de solidarité active et portant diverses dispositions de coordination)



I.-Le cadre juridique
1. Le revenu de solidarité active


L'article 1er de la loi du 1er décembre prévoit qu'il « est institué un revenu de solidarité active qui a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, afin de lutter contre la pauvreté, encourager l'exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l'insertion sociale des bénéficiaires. Le revenu de solidarité active remplace le revenu minimum d'insertion, l'allocation de parent isolé et les différents mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité. (...) ».
Le premier décret d'application (n° 2009-404 du 15 avril 2009) relatif au revenu de solidarité active (RSA) fixe les règles de ce dernier, précise les conditions d'attribution de l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE) et adapte les dispositions actuellement applicables aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de parent isolé (API).


2. Le service universel


Transposant la directive n° 2002 / 22 / CE du 7 mars 2002, le code des postes et des communications électroniques prévoit que le « service universel est fourni dans des conditions tarifaires et techniques prenant en compte les difficultés particulières rencontrées dans l'accès au service téléphonique par certaines catégories de personnes, en raison notamment de leur niveau de revenu et en proscrivant toute discrimination fondée sur la localisation géographique de l'utilisateur » (deuxième alinéa du 4° de l'article L. 35-1).
En conséquence, l'opérateur chargé de fournir la composante téléphonie du service universel doit, dans un premier temps, fournir « l'offre de tarifs spécifiques à certaines catégories de personnes rencontrant des difficultés particulières dans l'accès au service téléphonique en raison de leur revenu prévue à l'article R. 20-34 » (douzième alinéa de l'article R. 20-30-1).
Puis, dans un second temps, l'article R. 20-34 a prévu un système de « pay or play » permettant aux opérateurs autres que le prestataire de service universel d'offrir la même réduction tarifaire à leurs clients, conformément à la directive.
L'article R. 20-34 du code des postes et des communications électroniques prévoit donc les modalités de la réduction tarifaire téléphonique que l'opérateur de service universel doit proposer et que les opérateurs peuvent proposer dans le cadre du « pay or play » :
« I. ― Les personnes physiques qui ont droit au revenu minimum d'insertion ou qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique ou l'allocation aux adultes handicapés et qui ont souscrit un abonnement au service téléphonique fixe auprès de l'opérateur qui les dessert, autorisé selon les conditions fixées au III, bénéficient, sur leur demande, d'une réduction de leur facture téléphonique.A cette fin, l'organisme gestionnaire de la prestation au titre de laquelle le droit à réduction tarifaire est ouvert leur délivre chaque année une attestation.L'intéressé transmet ladite attestation accompagnée du nom de l'opérateur qui le dessert et du numéro de sa ligne téléphonique au prestataire, chargé par les opérateurs de la gestion du dispositif de réduction tarifaire, et autorise ce prestataire à communiquer les informations suivantes aux opérateurs concernés : nom, prénom, adresse et numéro de téléphone.
Peuvent également bénéficier de cette même réduction, majorée de 4 euros hors taxes par mois, les invalides de guerre cumulant le bénéfice des articles L. 16 et L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dont les invalidités supplémentaires sont évaluées à 10 % pour le calcul du complément de pension prévu à l'article L. 16 dudit code, les aveugles de guerre bénéficiaires de l'article L. 18 du code précité et les aveugles de la Résistance bénéficiaires de l'article L. 189 du même code.
Le montant mensuel de la réduction tarifaire accordée est fixé par arrêté du ministre chargé des communications électroniques pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Le montant de la compensation versée à chaque opérateur par le fonds de service universel des communications électroniques est égal au coût net de l'offre tarifaire auquel s'ajoutent les coûts de gestion exposés par les organismes gestionnaires et par le prestataire chargé de la gestion du dispositif de réduction tarifaire pour le compte des opérateurs. Le coût net de l'offre tarifaire est égal au produit du montant des réductions tarifaires accordées par le nombre des abonnés de l'opérateur qui en bénéficient.
II.-Tout opérateur qui souhaite offrir à ses clients la possibilité de bénéficier des dispositions du I transmet sa demande simultanément au ministre chargé des communications électroniques et à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes qui peuvent lui demander de la compléter. Le ministre se prononce dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande complète, après avis de l'Autorité de régulation de communications électroniques et des postes. Si l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne se prononce pas dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande complète, son avis est réputé positif.A défaut de réponse du ministre dans le délai de deux mois, la demande est considérée comme acceptée.
Le montant total des réductions tarifaires accordées au titre du I ainsi que des frais de gestion considérés au I est au plus égal à 0, 8 % du chiffre d'affaires du service téléphonique au public. »
Le cadre réglementaire prévoit donc, notamment, que les personnes bénéficiaires de diverses aides sociales, dont le revenu minimum d'insertion, ont droit à une réduction tarifaire sur leur abonnement téléphonique.


II.-Observations de l'ARCEP


L'article 3 du projet de décret modifie l'article R. 20-34 du code des postes et communications électroniques, tandis que son article 13 prévoit des dispositions d'application temporaire.


1. Sur l'article 3


D'une part, cet article supprime, au premier alinéa de l'article R. 20-34, les mots : « qui ont droit au revenu minimum d'insertion ou ». Par conséquent, l'article R. 20-34, dans sa rédaction issue du projet de décret, ne prévoit plus que les allocataires du revenu minimum d'insertion auront droit à la réduction tarifaire.
Or la loi du 1er décembre 2008 a maintenu le RMI dans les départements et certaines collectivités d'outre-mer jusqu'au plus tard le 1er janvier 2011. Aussi, en se bornant à prévoir par une disposition transitoire non codifiée (art. 15) la non-application du décret à ces départements et collectivités d'outre-mer, le projet de décret introduit à tout le moins une incertitude juridique.
L'Autorité propose donc la suppression du 1° de l'article 3 du projet. En tout état de cause, le maintien ainsi proposé de la référence au RMI dans l'article R. 20-34 sera sans incidence sur les dispositions applicables à la métropole prévues par le présent projet de décret, puisque la loi du 1er décembre 2008 précitée a supprimé le RMI en métropole à compter du 1er juin 2009.
Cette suppression semble rendre inutiles, en ce qui concerne le dispositif de réduction sociale tarifaire, les dispositions prévues à l'article 15 et relatives à la non-application du projet de décret dans les départements et collectivités d'outre-mer mentionnés au I de l'article 29 de la loi du 1er décembre 2008.
D'autre part, le projet de décret propose de remplacer, dans ce même alinéa, la référence des conditions « fixées au III » par les conditions « fixées au II ». Lors de la suppression du II de l'article R. 20-34 relatif au dispositif des dettes téléphoniques, à la suite à l'entrée en vigueur du décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives, le premier alinéa de l'article R. 20-34 n'avait pas été modifié en conséquence. Cette modification, de pure cohérence légistique, ne peut donc qu'appeler un avis favorable de l'Autorité.


2. Sur l'article 13
a) Le champ d'application matériel


Sont actuellement éligibles au dispositif de la réduction sociale tarifaire, outre les allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et ceux de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ainsi que les invalides de guerre.
Le I de l'article 13 du présent projet de décret maintient, parmi les bénéficiaires de la réduction sociale tarifaire en métropole, les allocataires du revenu minimum d'insertion sur la base d'une situation figée sur celle du mois de mai 2009 jusqu'à une date butoir de la période transitoire fixée au 1er juin 2010.
Le II de l'article inclut ensuite dans le dispositif une partie des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) qui sont définis comme les « personnes, qui ont droit à la part de revenu de solidarité active correspondant à la différence entre le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer et les ressources de celui-ci ». Il inclut de la sorte dans le dispositif les allocataires bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) « socle », c'est-à-dire les foyers bénéficiaires de l'allocation de base du RSA dont les ressources n'atteignent pas le niveau du revenu garanti, calculé avec la seule prise en compte du montant forfaitaire des ressources non professionnelles ; le dispositif proposé exclut ainsi les bénéficiaires du revenu de solidarité active « chapeau », c'est-à-dire les bénéficiaires dont le revenu garanti prendrait en compte une fraction de revenus professionnels des membres du foyer.
Même s'il n'entre pas dans la compétence de l'Autorité d'apprécier le périmètre précis que recouvrent les catégories de bénéficiaires concernés, l'objectif visé apparaît être d'assurer une relative continuité par rapport au dispositif précédent incluant au titre de la réduction sociale tarifaire les bénéficiaires du RMI. Une telle continuité, s'agissant d'une mesure transitoire, est accueillie favorablement par l'Autorité.
L'Autorité relève que la mise en œuvre du RSA introduit, sur un autre registre, une modification assez substantielle de la catégorie des bénéficiaires éligibles, dans la mesure où les anciens bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, jusque-là exclus du dispositif de réduction sociale tarifaire, entrent dans le champ d'application du RSA. Selon les chiffres publiés par le ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, 205 400 personnes bénéficiaient de l'API au 31 décembre 2007, soit 8, 8 % rapporté au total des bénéficiaires éligibles au dispositif de réduction sociale tarifaire en vigueur avant l'adoption du présent décret (2 333 200 bénéficiaires, dont 1 172 100 bénéficiaires du RMI).
Au vu de l'ensemble des dispositions proposées, l'Autorité n'est pas en mesure de calculer précisément le nombre de bénéficiaires qui seront éligibles à la réduction tarifaire, ni d'estimer le montant total qui sera susceptible d'être financé par le fonds de service universel. Il reste toutefois fortement vraisemblable que le plafond fixé par le dernier alinéa de l'article R. 20-34 du CPCE relatif au coût du dispositif éligible à compensation (0, 8 % du chiffre d'affaires du service téléphonique au public) ne sera pas atteint par la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions. Le coût du dispositif des tarifs sociaux constaté pour l'année 2007, qui s'élevait à 30, 6 millions d'euros, est en effet nettement en-deçà de ce plafond et les évolutions introduites par les dispositions proposées ne paraissent pas de nature à sensiblement accroître ce coût.


b) Le champ d'application temporel


Les dispositions de l'article 13, tant celles qui concernent le RMI que celles qui concernent le RSA, ne sont applicables, en métropole, que jusqu'au 1er juin 2010.
La limitation temporelle de cet article est favorablement accueillie par l'Autorité. Si une évolution du dispositif de tarif social était indispensable pour l'adapter à la création du RSA, les incertitudes intrinsèquement liées à l'instauration d'un nouveau régime d'aide rendent opportun le principe d'une révision du dispositif permettant de tirer tout enseignement utile de sa mise en œuvre effective.
En outre, la limitation actuelle, maintenue par les dispositions du présent décret, du dispositif du tarif social à seulement certaines catégories de minima sociaux, pourrait donner lieu à un réexamen plus approfondi. Il pourrait être utile d'envisager une évolution de ce dispositif, en vigueur dans le secteur des communications électroniques, en le soumettant à une condition de ressources. Le passage à un critère de ressources permet en effet d'éviter les distorsions entre différentes catégories de personnes démunies disposant pourtant des mêmes revenus, ainsi que les effets de seuil. Une telle évolution du dispositif le rapprocherait de celui en vigueur dans le secteur de l'électricité (le « tarif de première nécessité »).
Sous réserve de la prise en compte des modifications proposées, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.
Fait à Paris, le 19 mai 2009.