La vérification du test des trois critères est un prérequis indispensable à la mise en œuvre d'une régulation ex ante sur ce marché, dès lors qu'il ne figure plus dans la recommandation « marchés pertinents » de la Commission européenne en date du 17 décembre 2007.
b) Vérification du test des trois critères
1. Des barrières élevées et non provisoires à l'entrée
L'existence d'une infrastructure difficilement réplicable peut constituer une barrière structurelle à l'entrée sur un marché.
Plusieurs barrières à l'entrée concourent à rendre délicate voire impossible la réplication des sites existants, très majoritairement détenus par TDF :
― les contraintes économiques et naturelles ;
― les contraintes d'urbanisme et d'autorisations octroyées par les collectivités territoriales ;
― pour la TNT, l'effet de préorientation des antennes vers les sites de TDF.
Ces barrières apparaissent particulièrement élevées sur le réseau principal (112 zones de diffusion couvrant 85 % de la population française) et sont confirmées par le bilan concurrentiel dressé après trois années de régulation ex ante.
Les contraintes économiques et naturelles
En premier lieu, l'une des raisons essentielles à l'absence de réplicabilité de certains sites tient à la nature des infrastructures historiques de diffusion, notamment sur le réseau principal. En effet, certains sites comme le pic du Midi ou le mont Ventoux ne sont pas réplicables, simplement parce que les sites naturels où ils se situent sont exceptionnels. Il en va de même pour des monuments de hauteur exceptionnelle comme la tour Eiffel, dont TDF assurera l'exploitation à l'horizon de la présente analyse.
D'autres sites, comme les sites de grande hauteur, typiquement supérieure à 50 mètres, même situés en plaine, paraissent ne pas être réplicables pour des raisons économiques. TDF possède des infrastructures difficiles à reproduire dans des conditions économiques raisonnables par ses concurrents. En effet, au vu du montant des investissements nécessaires, il apparaît économiquement difficile pour un nouvel entrant de construire un pylône d'une hauteur suffisamment importante pour permettre la diffusion de services de télévision sur le réseau principal.
En outre, l'économie de la diffusion hertzienne terrestre est caractérisée par des coûts fixes élevés et des économies d'échelle et de gamme importantes. Il convient donc de prendre en compte la forte mutualisation des infrastructures de TDF. Ainsi, une part significative de près de 3 650 sites de diffusion de la télévision hertzienne terrestre de TDF est utilisée pour fournir d'autres services : services de radio, services de communications électroniques, etc. Environ 1 550 sites permettent la fourniture de services de diffusion de programmes de radio et de services de communications électroniques et près de 650 autres sites permettent la fourniture de services de diffusion de programmes audiovisuels et de services de communications électroniques. Cette mutualisation des infrastructures permet notamment à TDF, à la différence de la plupart de ses concurrents, de bénéficier d'économies substantielles. Cet effet peut contribuer à la non-réplicabilité économique de nombreux sites du réseau principal.
Les contraintes d'urbanisme et d'autorisations
octroyées par les collectivités territoriales
Les diffuseurs alternatifs sont confrontés à de grandes difficultés lorsqu'ils recherchent des sites alternatifs ou des emplacements pour en construire. En effet, la disponibilité foncière, la réglementation relative à l'occupation du domaine public à l'urbanisme, à la protection de l'environnement ou encore à la santé publique ainsi que la pression des associations de riverains opposées à l'installation d'antennes ou de pylônes sont autant de barrières à la réplication de sites.D'après les informations dont dispose l'Autorité, il n'est pas rare que l'implantation d'un site géré par TDF dans une collectivité donnée freine l'attribution d'autorisations en vue de la construction d'un site de diffusion alternatif. En effet, dans certains cas, les collectivités territoriales demandent aux diffuseurs alternatifs de se tourner vers TDF pour obtenir une prestation d'accès.
La sensibilité accrue des riverains à l'installation de nouvelles infrastructures d'émission accentue encore ces difficultés pour les nouveaux entrants.
A ce titre, l'Autorité de la concurrence a souligné dans son avis n° 2009-A-09 en date du 17 avril 2009 que les barrières à l'entrée « semblent d'ailleurs tenir tout autant à l'importance des investissements à envisager pour, par exemple, la construction d'un site de diffusion qu'à la présence des fortes contraintes liées à l'obtention des autorisations administratives qui favorisent le maintien des situations acquises ».
Effet de préorientation des antennes
vers les sites de TDF
Parmi les contraintes qui limitent le développement de la concurrence en infrastructures, la préorientation des antennes joue un rôle important. En effet, dès lors que le développement de la TNT intervient alors que la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique perdure, il apparaît difficile pour un diffuseur de proposer, pour la TNT, un site de diffusion éloigné du site historique de TDF pour des raisons tenant à la planification des fréquences. En effet, un site alternatif éloigné du site proposé par défaut, sur lequel est centré le gabarit de rayonnement publié par le CSA, est susceptible d'impliquer, par effet de brouillage notamment avec les fréquences utilisées pour la diffusion analogique, un nombre supérieur de réaménagements par rapport au site sur lequel est centré le gabarit. Ceci peut limiter la viabilité technique de certains sites, voire conduire à un refus d'autorisation par le CSA.
En outre, un site éloigné ou qui ne se situerait pas dans le « cône de diffusion » du site historique constituerait pour les éditeurs historiquement présents en analogique un risque de n'être plus reçu par certains téléspectateurs après l'extinction du service analogique.
Dans ce cas, si l'ensemble des multiplex s'accorde à retenir le même site alternatif, il serait nécessaire de rediriger la majorité des antennes de la zone vers le nouveau site de diffusion, ce qui peut constituer un coût très important. Dans le cas où certains multiplex choisissaient de rester sur le site historique et d'autres de retenir le site alternatif, il serait nécessaire d'installer de nouvelles antennes tournées vers le site alternatif pour tous les foyers de la zone, option plus coûteuse encore.
Cette contrainte de préorientation des antennes conduit donc généralement les diffuseurs alternatifs à ne proposer de nouveaux sites que s'ils se situent à proximité du site historique, ce qui rend plus vraisemblable encore les réactions des riverains et des collectivités territoriales, décrites précédemment.
Le bilan concurrentiel du premier cycle pour la TNT confirme l'existence de barrières à l'entrée élevées.
Avec une part de sites alternatifs retenus de 5, 2 % (soit neuf sites, tous déployés par TowerCast), la concurrence par les infrastructures sur le réseau principal reste très faible (voire nulle lors des dernières phases de déploiement sur ce réseau). Les obligations imposées à TDF à l'issue du premier cycle d'analyse de marché, en particulier la proscription des tarifs d'éviction destinée à offrir un espace économique suffisant pour une concurrence en infrastructures, n'ont pas suffi à permettre un accroissement de la part de sites alternatifs sur le réseau principal.
En pratique, il apparaît que les neuf sites du réseau principal opérés par TowerCast sont caractérisés par des hauteurs maximales d'antennes très inférieures à la valeur moyenne constatée sur l'ensemble des sites de diffusion de TDF retenus sur le réseau principal. Ces neuf sites alternatifs sont soit des sites existants de petite ou de moyenne taille utilisés historiquement pour la diffusion de la radio FM, soit des nouveaux sites de petite taille, loués par TowerCast et positionnés sur des châteaux d'eau, des immeubles ou des constructions hautes.
Il en découle que les sites alternatifs retenus par les multiplex sur le réseau principal présentent des caractéristiques davantage comparables aux sites du réseau complémentaire qu'aux sites du réseau principal, notamment en termes de configurations techniques.
Ceci est corroboré par le constat opéré sur les 51 premières zones du réseau principal sur lesquelles le multiplex R 5 a été amené à choisir durant l'été 2008 ses premiers sites de diffusion. En effet, dès lors que les zones correspondantes étaient identifiées depuis les premières années du déploiement de la TNT, le calendrier réglementaire de déploiement du réseau R 5 ne constituait pas un obstacle au développement de sites alternatifs pour cet appel à candidatures. Néanmoins, les deux seuls sites alternatifs retenus par le multiplex R 5 sont deux sites de TowerCast qui avaient déjà été retenus à l'issue des appels à candidatures lancés par les cinq premiers multiplex déployés. Aucun nouveau site alternatif n'a donc été créé, ni retenu sur le réseau principal à l'occasion du déploiement du multiplex R 5. Sur le R 5, la part de marché détenue par les diffuseurs alternatifs en termes de sites est ainsi de 3, 9 %.
L'ensemble de ces éléments conforte l'analyse selon laquelle la majorité des sites du réseau principal présente des caractéristiques techniques, économiques et environnementales telles qu'elles ne permettent pas aux diffuseurs alternatifs de les répliquer dans des conditions raisonnables.
En conséquence, l'Autorité estime que les infrastructures de TDF sur le réseau principal pour la diffusion de la télévision hertzienne terrestre sont difficilement réplicables, voire non réplicables pour certains sites, à l'horizon de la présente analyse.
S'agissant des zones du réseau complémentaire, la part de sites alternatifs sur les 167 premières zones est proche de 10 % et a pu être supérieure à 16 % sur certaines phases de déploiement. La réplicabilité des sites du réseau complémentaire, plus petits et de moindre puissance que ceux du réseau principal, apparaît plus facilement envisageable, même si elle reste difficile et demeure une barrière à l'entrée importante. Les barrières à l'entrée d'ordre économique et naturel semblent donc plus réduites dans le cas du réseau complémentaire, même si les contraintes d'urbanisme, d'autorisations octroyées par les collectivités territoriales et de volumétrie des phases de déploiement ultérieures restent élevées.
En effet, la volumétrie des futures phases de déploiement est susceptible d'imposer aux concurrents de TDF un rythme difficile à suivre. En effet, pour s'inscrire dans le calendrier imposé par la loi dite « télévision du futur », le CSA est amené à planifier l'allumage de près de 1 500 sites de diffusion en moins de trois ans. Les phases actuelles de déploiement sur le réseau complémentaire comptent près de dix fois plus de sites en moyenne que les premières phases de déploiement sur le réseau principal. Ainsi, bien que la réplicabilité de la plupart des sites du réseau complémentaire, pris isolément, apparaisse plus facilement envisageable, en particulier d'un point de vue économique, il est peu probable que les diffuseurs alternatifs soient en mesure à ce stade, en deçà d'une certaine taille critique, de répondre aux appels d'offres des multiplex sur l'ensemble des zones d'une phase donnée. Dès lors, sur certaines phases du réseau complémentaire, la majorité des appels d'offres n'ont donné lieu qu'à une unique réponse formulée aux multiplex, celle de TDF.
En revanche, le calendrier de déploiement ne semble pas constituer une barrière à l'entrée durable si l'on s'en tient à chaque site pris isolément.
En pratique, lorsqu'ils utilisent les offres de gros de TDF, les diffuseurs alternatifs évaluent, pour les phases en cours de déploiement, la durée raisonnable entre la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA et le début de la diffusion à partir d'un site donné a minima à neuf mois, hors recherche de site alternatif. Cette contrainte de délai pour publier les gabarits ou les dossiers de numérisation a été progressivement prise en compte par le CSA et ne paraît pas constituer une barrière à l'entrée durable à l'horizon de la présente analyse, pour un diffuseur qui souhaiterait avoir recours aux offres de gros de TDF.
En outre, lorsqu'ils envisagent de déployer leurs propres sites de diffusion, généralement sur le réseau complémentaire, les diffuseurs alternatifs s'accordent à dire qu'une concurrence en infrastructures n'est envisageable, en l'absence de sites alternatifs existant, que si le gabarit ou le dossier de numérisation d'une zone est publié par le CSA a minima douze mois avant l'allumage du ou des sites correspondants.
Sur ce point, l'Autorité relève qu'en application de l'article 30 bis de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, le CSA a publié à la fin de l'année 2008 la liste des zones géographiques retenues pour leur desserte en services de TNT, en vue d'atteindre le seuil de couverture de 95 % de la population, ainsi que, pour chaque zone, le calendrier prévisionnel de mise en œuvre. Cette disposition devrait permettre aux diffuseurs alternatifs de cibler les zones prioritaires en vue de la recherche ou de la construction de sites alternatifs pour le réseau complémentaire, dans les zones où elle est économiquement possible. Le déploiement d'infrastructures alternatives devrait s'en trouver facilité.
A ce titre, dans son avis n° 2009-A-09 en date du 17 avril 2009, l'Autorité de la concurrence a relevé « les très fortes contraintes qui découlaient du calendrier ambitieux de déploiement de la TNT prévu par le CSA, et ce même si ce dernier, après l'expérimentation des sites pilotes de Coulommiers et Kaysersberg, sur lesquels le déploiement s'est opéré en deux à trois mois, tend à prendre en compte lors de la publication des gabarits les délais nécessaires à la mise en œuvre opérationnelle de propositions alternatives ».
Sur l'ensemble des sites de la TNT, y compris sur les sites répliqués, des barrières à l'entrée demeurent.
Il convient de s'interroger, quant à l'analyse des barrières à l'entrée, sur le cas des sites répliqués de TDF (soient neuf sites du réseau principal et une vingtaine de sites du réseau complémentaire à ce jour).
En pratique, malgré l'existence de sites alternatifs aux sites historiques de TDF dans les zones correspondantes, d'importantes barrières à l'entrée demeurent, en particulier pour les diffuseurs alternatifs autres que celui qui exploite le site alternatif existant.
En effet, sur ces sites répliqués, en l'absence de régulation ex ante et en particulier d'obligation de proscription des tarifs d'éviction imposée à TDF, celle-ci pourrait baisser le tarif de ses offres de gros et, par suite, celui de ses offres formulées aux multiplex. En effet, TDF dispose, en tant qu'opérateur historique verticalement intégré, d'importantes économies d'échelle et de gamme, et d'une mutualisation des infrastructures qui lui permettent, à la différence de ses concurrents, de bénéficier d'économies substantielles.
Ainsi, lors du renouvellement des premiers contrats de diffusion souscrits entre multiplex et diffuseurs alternatifs sur ces zones, TDF pourrait proposer des tarifs tels que ses concurrents ne pourraient être compétitifs sur leurs propres sites, ce qui conduirait tout ou partie des multiplex concernés à quitter le site alternatif pour le site de TDF. Cela serait d'autant plus préjudiciable aux diffuseurs alternatifs que la rentabilité d'un site de diffusion nécessite généralement la présence d'au moins deux ou trois multiplex.
Il résulte également de ces difficultés de réplication des sites de diffusion, que l'existence d'un site alternatif sur une zone donnée, ne garantit pas pour autant aux autres diffuseurs alternatifs de pouvoir à leur tour déployer leurs propres sites. Bien au contraire, si deux sites de diffusion (dont le site historique de TDF) existent d'ores et déjà, il est probable que les contraintes d'urbanisme et d'autorisations octroyées par les collectivités territoriales ainsi que les oppositions des riverains constituent des barrières à l'entrée d'autant plus importantes pour les autres diffuseurs qui souhaiteraient eux aussi mettre en place un site alternatif dans cette zone.
En conséquence, en l'absence d'obligation d'accès opérante y compris sur les sites répliqués de TDF, les opérateurs alternatifs ne disposant pas d'un site propre dans les zones concernées se verraient confrontés à une barrière à l'entrée renforcée.
Conclusion sur le premier critère
Au regard des éléments préalablement exposés, l'Autorité estime que le marché de la diffusion hertzienne terrestre est caractérisé par l'existence de barrières à l'entrée élevées et non provisoires pour la diffusion de la TNT.
Ainsi, l'Autorité considère que le premier critère de la recommandation de la commission est rempli.
2. Une évolution peu probable vers une situation de concurrence effective
à l'horizon de la présente analyse
Comme exposé ci-dessus, il est peu vraisemblable qu'un diffuseur soit en mesure de répliquer le réseau de TDF à l'horizon de la présente analyse, au regard des coûts importants que cela génèrerait et de l'impossibilité de réplication de nombreux sites, a minima sur le réseau principal.
Sur le marché de gros de la diffusion par voie hertzienne de programmes télévisuels en mode numérique, le bilan concurrentiel du premier cycle témoigne notamment du caractère peu probable d'une évolution du marché vers une situation de concurrence effective au vu des barrières à l'entrée listées précédemment et du faible niveau de concurrence observé à ce stade sur la diffusion de la TNT.
Comme cela est développé dans la partie II. 2 de la présente décision, les parts de marché détenues par TDF sur les sites de diffusion et le marché de la diffusion de la TNT témoignent de cette situation.
En premier lieu, la concurrence par les infrastructures s'est peu développée :
― notamment sur le réseau principal où près de 95 % des fréquences utilisées par les multiplex historiques sont diffusées à partir des sites de TDF, qui y détient 103 sites sur les 112 zones du réseau principal de la TNT ;
― pour la diffusion du multiplex R 5, malgré son déploiement plus tardif, où les deux seuls sites alternatifs retenus à ce stade avaient déjà été retenus par des multiplex historiques lors de leur déploiement. Plus de 96 % des fréquences utilisées par le multiplex R 5 sont donc diffusées à partir des sites de TDF pour ce multiplex ;
― sur le réseau complémentaire enfin, où elle reste limitée puisqu'une large majorité des fréquences utilisées par les multiplex historiques sont diffusées à partir des sites de TDF. La concurrence en infrastructures semble néanmoins en mesure de se développer sur le réseau complémentaire.
En second lieu, la régulation ex ante a permis à la concurrence d'émerger sur le marché de la diffusion. Cette concurrence reste cependant partielle :
― sur le réseau principal, près de 74 % des fréquences utilisées par les multiplex historiques demeurent diffusées par TDF ;
― pour le multiplex R 5, TDF détient près de 50 % de part de marché sur la diffusion ;
― sur les premières phases du réseau complémentaire, TDF dispose à ce stade d'une part de marché sur la diffusion de près de 85 % sur ces zones.
Sur l'ensemble des phases de déploiement et tous multiplex confondus, il apparaît que TDF a remporté plus de 70 % des appels d'offres pour la diffusion et que celle-ci s'est faite dans plus de 90 % des cas sur un site de TDF. Cette situation ne semble pas amenée à évoluer significativement à l'horizon de la présente analyse en l'absence de régulation ex ante.
En outre, le rachat par TDF de deux de ses principaux concurrents, Antalis-TV en octobre 2006 et Emettel en août 2008, a conduit à une concentration du marché.
A ce titre, l'Autorité de la concurrence estime que « par rapport à l'analyse menée à l'occasion du lancement du précédent cycle, la concurrence s'est significativement affaiblie du fait du rachat par l'opérateur historique TDF des sociétés Antalis, en 2006, et Emettel, en 2008 » et précise que « leur disparition récente change ainsi l'approche dynamique de la situation de concurrence effective sur la période 2009-2012, la position de TDF se trouvant très nettement renforcée ».
En outre, l'Autorité de la concurrence ajoute que « face au quasi-monopole de fait dont dispose TDF, le contre-pouvoir des acheteurs est également plus que restreint. Comme déjà mentionné, les éditeurs sont soumis à des obligations de couverture en numérique et ne sont ainsi pas en mesure de réduire leur couverture hertzienne terrestre. Dans les zones de déploiement où, hors TDF, aucun autre diffuseur n'avait répondu, il ressort de l'instruction que ces éditeurs se retrouvaient de fait " captifs ” des offres de l'opérateur historique. Plusieurs acteurs ont à ce titre indiqué qu'ils avaient été contraints d'accepter des hausses sensibles des coûts de diffusion ».
Au bilan, de nombreux sites de TDF n'étant pas duplicables par un opérateur nouvel entrant, notamment sur le réseau principal, les perspectives de développement de la concurrence y semblent quasi nulles en l'absence de régulation ex ante. Sur le réseau complémentaire, les barrières à l'entrée demeurent significatives, notamment du fait de la volumétrie des prochaines phases de déploiement de la TNT. En l'absence de régulation ex ante sur le réseau complémentaire, il n'est pas exclu que TDF soit en mesure de se livrer à des comportements anticoncurrentiels, par exemple en refusant à ses concurrents l'accès à ses infrastructures, en adoptant des pratiques discriminatoires ou en pratiquant des tarifs abusivement bas sur ses sites plus facilement réplicables pour limiter la concurrence en infrastructures.
Il convient néanmoins de s'interroger, afin de vérifier si le second critère de la recommandation de la commission est rempli, sur l'évolution plus générale de la structure globale du marché, notamment au vu de l'impact de la concurrence entre plates-formes de diffusion audiovisuelle, comme l'y invitent la recommandation « marchés pertinents » de la commission et sa note explicative.
En effet, le point 12 de cette recommandation précise que « même lorsqu'un marché est caractérisé par des barrières élevées à l'entrée, d'autres facteurs structurels peuvent indiquer que les entreprises présentes tendront vers un comportement effectivement concurrentiel au cours de la période visée. La dynamique du marché peut provenir par exemple d'évolutions technologiques ou de la convergence de produits et de marchés, qui peut donner lieu à des pressions concurrentielles entre opérateurs actifs sur des marchés de produits distincts ».
En outre, la note explicative accompagnant cette recommandation justifie le retrait du marché de gros de la diffusion audiovisuelle de la liste des marchés pertinents au vu de la perspective d'évolution de ce marché vers une situation de concurrence effective malgré l'existence de barrières à l'entrée. Selon cette note, des changements significatifs sont en cours dans la majorité des pays européens, avec une plus grande concurrence entre plates-formes due au passage de l'analogique au numérique. Ainsi, selon la Commission, les Etats membres pourraient disposer de trois ou quatre plates-formes numériques (satellite, ADSL, câble, TNT, télévision mobile, fibre optique, etc.), en lieu et place des deux ou trois plates-formes analogiques dont ils disposaient auparavant.
En pratique, le niveau de concurrence entre plates-formes de diffusion audiovisuelle diffère à l'échelle européenne.S'agissant de la France, la situation a été appréciée en détail dans la partie II. 1. c. 5 de la présente décision, relative à l'absence de substituabilité entre les offres de gros de diffusion par voie hertzienne, terrestre de programmes télévisuels en mode numérique et les offres de gros de diffusion audiovisuelle par ADSL, fibre optique, câble et satellite.
L'Autorité a conclu de cette analyse de substituabilité que la concurrence entre la plate-forme hertzienne, d'une part, et ces plates-formes alternatives, d'autre part, restait très limitée au cas d'espèce français et que le réseau hertzien garderait très probablement à tout le moins à l'horizon de la présente analyse un rôle prépondérant pour le marché de la diffusion en France.
Cette conclusion s'est principalement appuyée sur les observations suivantes :
― le réseau hertzien bénéficie, du fait notamment des obligations imposées par la loi « télévision du futur » aux multiplex TNT, d'une couverture de la population très supérieure à celle des plates-formes DSL, fibre optique et câble : alors que les éditeurs TNT devront a minima couvrir 95 % de la population avant fin 2011, la couverture du câble et de la télévision par ADSL, et a fortiori celle des offres en fibre optique, demeureront inférieures à 55 % de la population à l'horizon à trois ans ;
― s'il ne souffre pas de ces limitations de couverture, le satellite apparaît comme une alternative limitée en termes de taux de pénétration (inférieure à 15 % des foyers français), du fait des contraintes liées à la réglementation de l'urbanisme et au fonctionnement des copropriétés qui rendent difficile la souscription à une offre satellite en zone urbaine ;
― en revanche, la TNT dispose d'un taux équipement des ménages élevé (plus de 30 % en juin 2008), en forte croissance (+ 15, 6 points en un an) qui devrait s'approcher à terme de la pénétration actuelle de la télévision hertzienne terrestre en mode analogique (de l'ordre de 80 % de la population). Ce mouvement est facilité par rapport aux autres plates-formes de diffusion : l'équipement nécessaire pour la réception de services télévisuels en mode numérique nécessite uniquement l'acquisition d'un adaptateur peu coûteux (inférieur à 30 euros). Cette pénétration est encouragée par l'obligation, depuis avril 2008, pour tous les téléviseurs vendus aux consommateurs sur le territoire national, d'intégrer un adaptateur TNT ;
― en pratique, les plates-formes apparaissent non pas substituables mais complémentaires à la TNT, à la fois pour le client final et pour les éditeurs : les services audiovisuels sur ADSL, câble, fibre optique et satellite sont ainsi majoritairement fournis via des offres payantes, pouvant regrouper plusieurs centaines de chaînes thématiques, alors que la TNT permet notamment aux téléspectateurs d'accéder à dix-huit chaînes gratuites de la TNT, qui sont celles de plus forte audience ;
― enfin, pour les chaînes gratuites financées par la publicité notamment, seule la diffusion hertzienne terrestre permet d'être accessible au plus grand nombre de spectateurs de manière immédiate, ce qui constitue un impératif économique pour ces chaînes.
En conséquence, à ce stade et pour le cadre temporel limité de la présente analyse, seule la plate-forme hertzienne apparaît en mesure de garantir à un éditeur de dimension nationale de pouvoir diffuser ses programmes au plus grand nombre de téléspectateurs, en particulier pour les chaînes gratuites financées principalement par la publicité. Les plates-formes alternatives représentent une complémentarité (et non une substituabilité) pour les éditeurs disposant de fréquences de diffusion pour la diffusion hertzienne, à la fois en termes de marché de détail (plates-formes principalement payantes, là où l'hertzien est principalement gratuit) et de taux de pénétration (53, 7 % des foyers recevant la télévision par au moins deux plates-formes distinctes, dont au moins l'hertzien dans la quasi-totalité des cas).
A ce titre, l'Autorité relève que la Commission européenne a avalisé, par le biais de ses observations en date du 9 février 2009, le projet de décision notifié le 9 janvier 2009 par le régulateur néerlandais, l'OPTA, relatif au marché de gros des services de diffusion aux Pays-Bas (Case NL / 2009 / 0873). Ce marché est inclus dans le dix-huitième marché identifié dans la précédente recommandation « marchés pertinents » de la Commission européenne.L'OPTA démontre dans son projet de décision que le deuxième critère est vérifié, dans la mesure où la concurrence entre plates-formes reste très limitée aux Pays-Bas du fait du rôle prépondérant des réseaux câblés. Il ressort des développements précédents qu'en France, l'hertzien exerce ce rôle prépondérant et que la concurrence effective entre plates-formes est également limitée, pour au moins encore quelques temps.
En outre, la Commission européenne a également avalisé, par le biais de ses observations en date du 23 février 2009, le projet de décision notifié le 22 janvier 2009 par le régulateur roumain, l'ANC, relatif au marché de gros aval des services de diffusion hertzienne terrestre de services audiovisuels en mode analogique fournis au groupe audiovisuel public roumain (Case RO / 2009 / 0876). Ce marché est également inclus dans le dix-huitième marché identifié dans la précédente recommandation « marchés pertinents » de la Commission européenne.
Il semble, en revanche, comme l'a souligné la Commission européenne, que le développement de la concurrence entre plates-formes soit déjà une réalité dans de nombreux pays européens. En France, si cette concurrence existe déjà de fait sur la télévision payante, elle apparaît encore réduite sur le marché global de la diffusion audiovisuelle, incluant les chaînes payantes.L'Autorité estime cependant que, si la concurrence entre plates-formes venait à évoluer rapidement à l'horizon de la présente analyse, notamment lors de l'extinction de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique après le 30 novembre 2011, elle pourrait être amenée à revoir son analyse de marché de manière anticipée.
A ce stade, l'Autorité estime que le deuxième critère de la recommandation de la Commission est rempli pour ce qui concerne la période couverte par la présente analyse.
3.L'insuffisance d'une régulation ex post pour remédier à elle seule aux défaillances du marché
En premier lieu, par rapport au droit de la concurrence, la régulation sectorielle ex ante peut contribuer effectivement non seulement au maintien mais au développement de la concurrence sur le marché de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique.
En effet, l'entrée de diffuseurs alternatifs sur ce marché est conditionnée par le maintien sur un terme long d'espaces économiques suffisants entre les différentes offres de gros de la chaîne de valeur de la diffusion télévisuelle hertzienne terrestre en mode numérique. Ce maintien est favorisé par une intervention ex ante sur les tarifs de gros, outil dont ne dispose pas le droit de la concurrence.
En second lieu, le régulateur sectoriel assure un suivi continu du marché et peut mettre en place ex ante des dispositifs de séparation comptable et d'audit des coûts, selon une méthodologie spécifique adaptée au marché des communications électroniques, nécessaire au suivi et au contrôle des obligations tarifaires pesant sur l'opérateur régulé, pour s'assurer de l'absence de subventions croisées et de pratiques discriminatoires, notamment entre les tarifs de la télévision analogique et ceux de la TNT.
Après trois années de régulation ex ante, ces outils ont commencé à porter leurs fruits. La concurrence reste cependant particulièrement fragile, d'autant que TDF a racheté deux de ses concurrents, Antalis-TV et Emettel. En outre, les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts, eu égard à leurs délais de mise en œuvre, n'auront permis de disposer de résultats que sur un seul exercice. Or, l'expérience de la régulation de France Télécom a montré qu'il s'agit d'un outil complexe et évolutif appelant plusieurs itérations.
En conséquence, contrairement à d'autres marchés, tels que les marchés de détail de la téléphonie fixe pour lesquels la régulation ex ante a été levée, le bilan concurrentiel dressé appelle plutôt un renforcement du dispositif que sa suppression au bénéfice du seul droit de la concurrence.
Dans ce contexte, l'Autorité de la concurrence rappelle, dans son avis n° 2009-A-09 en date du 17 avril 2009, d'une part que le Conseil de la concurrence a été amené à intervenir dans le domaine de la diffusion au cours du premier cycle de régulation, dans le cadre de saisines déposées par Emettel et TowerCast, et d'autre part que la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie renforce les pouvoirs de l'Autorité de la concurrence, notamment en matière de contrôle des concentrations.
Néanmoins, l'Autorité de la concurrence relève qu'« en dépit des nouveaux moyens de régulation de la concurrence dont dispose l'Autorité, il peut être constaté, à l'instar de l'avis n° 2006-A-01 rendu lors de la mise en place du premier cycle de négociation, que le seul recours au droit de la concurrence pourrait ne pas s'avérer pleinement suffisant au cas présent ».
En outre, elle précise qu'« une intervention efficace nécessite en effet une connaissance approfondie des coûts afférents aux diverses activités en cause et, en l'espèce, eu égard, à la mise en place récente de la séparation comptable entre les activités TNT et analogiques de TDF ainsi qu'au fait que les négociations d'accès s'effectuent site par site, donc potentiellement sur plus de 1 600 sites, la mise en place d'une régulation ex ante visant précisément les coûts s'avère complémentaire de l'action de l'Autorité de la concurrence. En effet, il est nécessaire que cette intervention, si des difficultés concurrentielles intervenaient, puisse s'inscrire dans le calendrier très contraint du déploiement de la TNT ».
Enfin, le Conseil supérieur de l'audiovisuel conclut, dans son avis en date du 7 avril 2009, que « le maintien d'une régulation ex ante apparaît [...] indispensable à l'extension de la couverture de la TNT dans des conditions économiques satisfaisantes pour les éditeurs et les opérateurs de multiplex, afin d'atteindre les objectifs prévus par la loi. Toute levée de la régulation sectorielle menacerait la viabilité économique des diffuseurs techniques nouveaux entrants et se traduirait par une hausse des coûts de diffusion des chaînes, qui ne seraient alors plus en mesure de tenir l'échéance du 30 novembre 2011 ».
Pour l'ensemble de ces raisons, il semble que la régulation ex ante doive encore constituer pour quelques années un cadre transitoire nécessaire à l'approfondissement de la concurrence encore naissante sur ce marché avant de s'en remettre à la seule régulation ex post.
c) Conclusion sur le test des trois critères et la pertinence d'une régulation ex ante sur le marché
des offres de gros de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique
Au vu de l'analyse exposée ci-avant, l'Autorité estime que les trois critères définis par la Commission européenne sont réunis en ce qui concerne le marché de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. Ce marché devrait donc être considéré comme pertinent pour une régulation ex ante.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité définit comme marché pertinent le marché de gros de diffusion par voie hertzienne de programmes télévisuels en mode numérique sur le territoire de la métropole, des départements et régions d'outre-mer, ainsi que des collectivités d'outre-mer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants s'appliquent.
II. ― DÉSIGNATION D'UN OPÉRATEUR
EXERÇANT UNE INFLUENCE SIGNIFICATIVE
1. Principes généraux relatifs à la détermination des conditions
caractérisant une situation d'influence significative sur un marché
Il découle de l'article 14 de la directive « cadre » et du point 5 des lignes directrices publiées par la Commission que les autorités réglementaires nationales ne doivent intervenir pour imposer des obligations aux entreprises que dans la mesure où elles considèrent que les marchés envisagés ne sont pas en situation de concurrence réelle, essentiellement en raison du fait que ces entreprises ont acquis « une position équivalente à une position dominante » au sens de l'article 82 du traité CE.
En droit national, l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose qu'« est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ». Pour évaluer l'existence d'une influence significative, l'Autorité doit, conformément aux dispositions de l'article D. 302 du code des postes et des communications électroniques, tenir le plus grand compte des lignes directrices adoptées par la Commission.
Il est précisé au point 5 des lignes directrices que la Commission et les autorités réglementaires nationales doivent « se fonder sur les principes et les méthodes du droit de la concurrence pour définir les marchés qui devront être soumis à une réglementation ex ante et apprécier la puissance des entreprises sur ces marchés ».
Ainsi, les lignes directrices relèvent que la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif, de l'évaluation de la puissance d'un acteur. Notamment, d'après une jurisprudence constante (7), la présence de parts de marchés très élevées ― supérieures à 50 % ― suffit, sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marchés de l'entreprise et de ses concurrents sur une période de temps appropriée constitue un critère supplémentaire en vue d'établir l'influence significative d'un opérateur donné.