2. Sur le projet d'arrêté soumis pour avis à l'Autorité
1.1. Sur la responsabilité de l'opérateur
de communications électroniques pour diffuser le message
Une obligation qui incombe légitimement à l'opérateur du client.
En vertu de l'article L. 113-3 du code de la consommation, « tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation ».
Le projet d'arrêté propose dans son article 1er d'imposer au fournisseur de services de communications électroniques fournissant le service téléphonique au consommateur (ci-après « l'opérateur de communications électroniques du consommateur ») l'obligation « d'informer le consommateur sur le prix éventuellement facturé pour tout appel téléphonique vers un numéro du plan de numérotation national permettant d'accéder à un service à valeur ajoutée ».
Compte tenu du fait que le consommateur est lié par voie contractuelle avec son opérateur de communication électronique, qui lui facture ses appels vers des SVA et non avec l'éditeur de contenu, il semble légitime que ce soit l'opérateur du consommateur qui soit responsable de l'information correcte du consommateur. Ce principe est renforcé lorsque l'opérateur de communications électroniques du consommateur applique un tarif spécifique pour les appels vers les SVA, qui n'est pas connu de l'éditeur. Dans ce cas particulièrement répandu actuellement chez les opérateurs mobiles, l'éditeur est aujourd'hui dans l'incapacité d'informer le consommateur de la totalité du prix qui lui sera facturé.
La mise en œuvre peut être déléguée à l'éditeur.
Toutefois, les dispositions de cet article 1er ne s'opposent pas à ce que ces opérateurs, tout en demeurant responsables juridiquement de la bonne fourniture de l'information, délèguent aux éditeurs de services le soin de mettre en œuvre le message tarifaire.
Au demeurant, l'Autorité souligne que si les SVA sont facturés par l'opérateur de communications électroniques du consommateur, ces services présentent la spécificité d'être rendus et commercialisés conjointement par ce dernier et par l'éditeur du service appelé par le consommateur. Dans ce sens, les relations entre les opérateurs de communications électroniques et les éditeurs de services pour la fourniture des SVA sont encadrées par la décision n° 2007-0213 de l'Autorité. En particulier, les modalités de mise en œuvre des SVA, et notamment les niveaux tarifaires, font l'objet d'un contrat d'interconnexion entre l'opérateur du consommateur et l'opérateur qui accueille l'éditeur de service. Les modalités d'information du client sur les prix peuvent donc faire l'objet d'un accord entre les deux parties (et in fine avec l'éditeur de service) dans le cadre de cet accord d'interconnexion.
L'éditeur, son hébergeur ou son opérateur de collecte peuvent être en mesure de diffuser efficacement le message en début d'appel. D'un point de vue technique, la mise en œuvre du message par l'éditeur lui permet d'intégrer plus facilement ce message dans son offre de service, par exemple en intégrant une identité sonore (annonce de la marque). De plus, par ce biais, l'éditeur peut choisir entre différents modes de diffusion du message (message standard en début d'appel, message lors du retour de sonnerie ou « ring back tone », etc.).
D'un point de vue économique, il peut être moins coûteux de faire diffuser le message par l'éditeur. En effet, de nombreux éditeurs de numéros concernés par le projet d'arrêté utilisent déjà un « serveur vocal interactif » (SVI), capable d'être programmé facilement pour annoncer un message systématiquement en début d'appel. Ce coût de reprogrammation est marginal. Pour les services ne disposant pas de SVI, plusieurs solutions sont possibles : acheter un SVI ou louer les services d'un hébergeur qui délivrera le message pour le compte de l'éditeur. Une étude commandée par l'Autorité estime que le coût de mise en place d'un tel message pour un centre de relations client gérant 7 500 appels à l'heure la plus chargée serait de l'ordre de 10 000 euros. Cette prestation peut être réalisée par l'éditeur lui-même ou par l'hébergeur de son SVI, le cas échéant, ou encore par son opérateur de collecte.
A l'inverse, si le message est diffusé par l'opérateur de communications électroniques du consommateur, les coûts peuvent être plus élevés. En effet, dans ce cas, cet opérateur doit mettre en place un système permettant d'annoncer le bon prix en fonction du numéro appelé mais aussi de la nature du contrat du client. Cette interrogation d'une ou plusieurs bases de données avant de faire aboutir l'appel représente une charge importante pour l'opérateur de communications électroniques, en particulier pour les opérateurs mobiles et leurs clients prépayés. L'étude susmentionnée estime les coûts entre 100 et 200 K€ par commutateur auxquels s'ajoutent les coûts d'usage du réseau intelligent, s'il faut interroger la base commerciale pour connaître la situation du client, qui peuvent atteindre 1 M€ selon la complexité de la clientèle de l'opérateur de communications électroniques.
Ces évaluations plaident pour une mise en œuvre du message par l'éditeur dans la mesure où celui-ci est capable d'informer correctement le consommateur sur la partie communication qui lui sera facturée par son opérateur de communications électroniques le cas échéant, en plus de la facturation du service lui-même.
Le projet d'arrêté s'inscrit dans une démarche de mise en place d'un schéma « C+S » pour les SVA.
Il est nécessaire d'inscrire l'imposition de cette nouvelle obligation dans le schéma de refonte de la tarification des numéros SVA préconisée par le rapport du CGIET. Ce rapport recommande notamment l'adoption d'un schéma de type « C+S » pour tous les numéros SVA : ce schéma distingue le prix de la communication (« C ») déterminé par l'opérateur de communications électroniques du consommateur et le prix du service (« S ») déterminé par l'éditeur. Ce schéma est le modèle le plus compréhensible pour le consommateur pour les services à valeur ajoutée qui lui sont délivrés conjointement par un opérateur de communications électroniques et un éditeur, à condition que la partie communication (« C ») soit standardisée et corresponde au prix d'une communication « normale ».
Dans ce cas, l'éditeur peut prendre en charge la mise en œuvre de l'information tarifaire en début d'appel en faisant référence au prix d'une communication normale de l'opérateur de communications électroniques du consommateur. Ce modèle facilite également la communication de l'éditeur sur les autres supports (affichage, spots radio ou TV, etc.).
Néanmoins, la mise en place d'un tel modèle demande une renégociation de l'ensemble des accords d'interconnexion et de reversements entre acteurs de la chaîne de valeur et peut avoir un impact important sur l'économie de certains services (de communications et/ou de contenus). Il est donc indispensable d'engager une telle évolution avec tous les acteurs concernés, dans un délai adéquat. A ce titre, le rapport du CGIET recommande un délai total de deux ans pour la mise en place du « C+S ».
La rédaction proposée dans le projet d'arrêté permet donc la mise en place du message par les éditeurs lorsque le prix de la partie communication (« C ») est conforme au prix d'une communication normale vers un numéro fixe.
En conséquence, la date du 1er janvier 2011 relative à l'information complète pour le consommateur sur le prix du service telle que fixée par le projet d'arrêté semble compatible avec la mise en place d'un tel schéma mais pourrait être portée, eu égard à la complexité technique, au 1er juillet 2011.
1.2. Sur les numéros et les services concernés par l'arrêté
La définition utilisée à l'article 1er du projet d'arrêté délimite précisément les numéros concernés : tout « numéro du plan de numérotation national permettant d'accéder à un service à valeur ajoutée, dès lors qu'il est excède le tarif souscrit par le consommateur auprès de ce fournisseur de service pour les appels vers les numéros fixes français, hors communications entre territoires des départements, régions et collectivités d'outre-mer ou entre ces territoires et le territoire métropolitain. »
Compte tenu de la tarification actuelle des numéros SVA, le projet d'arrêté concerne potentiellement tous les numéros d'accès à des services vocaux à valeur ajoutée, à l'exception des numéros au tarif dit « libre appel », qui sont facturés au maximum au prix d'une communication vers un numéro fixe (3). En particulier, les numéros dits « Azur » ou « au prix d'un appel local » (notamment la tranche des numéros commençant par 081) sont concernés par le projet d'arrêté, dans la mesure où leur prix excède effectivement le prix d'une communication vers un numéro géographique fixe.
L'Autorité souligne que la problématique de l'information tarifaire est particulièrement critique pour les SVA les plus chers, pour lesquels le risque de « choc de facturation » est plus important pour le consommateur. Ces numéros doivent donc mettre en place le message gratuit le plus rapidement possible. En revanche, la mise en œuvre du message gratuit sur l'ensemble des numéros SVA concernés au 1er janvier 2010 pourra être difficile, compte tenu de la diversité et du nombre des services et entreprises concernés.
L'Autorité suggère au ministre d'étaler la mise en œuvre de cette obligation, en l'imposant dans un premier temps pour les numéros les plus chers, c'est-à-dire les numéros dont le tarif depuis les réseaux fixes est supérieur à 0,20 euro par minute ou 0,50 euro par appel.
L'Autorité attire de plus l'attention du ministre sur le fait qu'elle a annoncé le lancement prochain d'une consultation publique sur la révision du tarif des numéros dits « Azur » visant à faire évoluer le tarif des appels vers ces numéros. Il pourra être opportun de réexaminer l'application de l'obligation d'information tarifaire pour ces numéros quand cette évolution sera achevée.
Par ailleurs, l'article 5 du projet d'arrêté indique deux exceptions :
― « les appels téléphoniques vers des services réservés exclusivement à un usage professionnel pour l'appelant ;
― les appels sans intervention humaine (appels dits « de machine à machine ») lorsque ces appels sont déclenchés pour les besoins d'une prestation de service dont la souscription a donné lieu préalablement à un contrat écrit et dont l'information quant aux prix est conforme à la réglementation en vigueur. »
L'Autorité confirme que les services dits « de machine à machine » peuvent être perturbés par une information tarifaire systématique en début d'appel et que l'annonce tarifaire est sans objet pour ces services. Concernant l'exemption faite aux services réservés exclusivement à un usage professionnel, l'Autorité note que l'information tarifaire sur ces services présente souvent les mêmes carences que pour les services aux consommateurs.