A C C O R D
DE COOPÉRATION ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA FÉDÉRATION DES ÉMIRATS ARABES UNIS POUR LE DÉVELOPPEMENT DES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE (ENSEMBLE UNE ANNEXE)
Le Gouvernement de la République française,
et
Le Gouvernement de la Fédération des Emirats Arabes Unis ci-après dénommés les Parties,
AFFIRMANT leur volonté de développer les liens traditionnels d'amitié entre les deux pays,
DESIREUX d'élargir et de renforcer, dans l'intérêt des deux Etats et dans le respect des principes qui gouvernent leurs politiques nucléaires respectives, la coopération dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins exclusivement pacifiques et non explosives,
RAPPELANT l'accord de coopération dans le domaine nucléaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat des Emirats Arabes Unis, signé le 6 mars 1980,
CONSIDERANT les engagements respectifs de non-prolifération auxquels les Parties ont souscrit, en particulier au titre du Traité du 1er juillet 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires (ci-après désigné par « le TNP ») et les obligations internationales pertinentes, en particulier la résolution 1540 du Conseil de sécurité,
SOULIGNANT l'importance pour chacune des Parties de la sécurité de ses approvisionnements énergétiques,
CONSIDERANT l'entrée en vigueur le 9 octobre 2003 de l'accord de garanties entre la Fédération des Emirats Arabes Unis et l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (ci-après désignée par « l'AIEA ») et l'intention manifestée par la Fédération des Emirats Arabes Unis de mettre en œuvre un Protocole Additionnel à son accord de garanties,
CONSIDERANT également la volonté des Parties de prendre les dispositions de leur ressort nécessaires pour un développement de l'énergie nucléaire sûr, dans le respect des principes et dispositions prévus par la Convention pour la sûreté nucléaire, la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et son amendement, la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, la Convention sur la notification rapide d'un accident nucléaire, et la Convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou d'urgence radiologique et la Convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire,
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
Article 1er
1. Les Parties entendent développer leur coopération dans le domaine de l'utilisation pacifique et non explosive de l'énergie nucléaire, dans le respect des principes qui gouvernent leur politique nucléaire respective et conformément aux stipulations du présent Accord, ainsi que des Accords et engagements internationaux pertinents en matière de non-prolifération auxquels elles ont par ailleurs souscrit.
2. La coopération mentionnée à l'alinéa premier peut couvrir les domaines suivants :
― production d'énergie et dessalement de l'eau à partir de réacteurs nucléaires ;
― recherche fondamentale et appliquée ne requérant pas, pour ce qui concerne les réacteurs de recherche, l'utilisation d'uranium enrichi à 20 % et plus en isotope 235 ;
― développement des applications de l'énergie nucléaire dans les domaines de l'agronomie, de la biologie, des sciences de la terre, de la médecine et de l'industrie ;
― gestion du combustible et des déchets nucléaires ;
― sûreté nucléaire, radioprotection et protection de l'environnement ;
― prévention et réaction aux situations d'urgence liées à des accidents radioactifs ou nucléaires ;
― information du public en vue de l'acceptation de l'énergie nucléaire ;
ou tout autre domaine décidé d'un commun accord entre les Parties.
3. La coopération peut prendre les formes suivantes :
― échange et formation de personnels scientifiques et techniques ;
― échange d'informations scientifiques et techniques ;
― participation de personnels scientifiques et techniques de l'une des Parties à des activités de recherche-développement de l'autre Partie ;
― conduite en commun d'activités de recherche et d'ingénierie, y compris des recherches et expérimentations conjointes ;
― organisation de conférences et colloques scientifiques et techniques ;
― fourniture de matières, matières nucléaires, équipements, technologies et prestations de service ;
ou toute autre forme de coopération décidée d'un commun accord entre les Parties.
Article 2
Les conditions d'application de la coopération définie à l'article 1er sont précisées, au cas par cas, dans le respect des dispositions du présent Accord :
― par des accords spécifiques entre les Parties ou les organismes concernés, désignés par elles, pour préciser notamment les programmes et les modalités des échanges scientifiques et techniques ;
― par des contrats conclus entre les organismes, entreprises et établissements concernés, pour les réalisations industrielles et la fourniture de matières, matières nucléaires, équipements, installations ou de technologie.
Article 3
Les Parties prennent toutes les mesures administratives, fiscales et douanières de leur compétence nécessaires à la bonne exécution du présent Accord ainsi que des accords spécifiques et des contrats visés à l'article 2.
Article 4
Les Parties garantissent la sécurité et préservent le caractère confidentiel des données techniques et des informations désignées comme telles par la Partie qui les a fournies dans le cadre du présent accord. Les données techniques et les informations échangées ne sont pas communiquées à des tiers, publics ou privés, sans accord préalable donné par écrit par la Partie fournissant la donnée technique ou l'information.
Le présent Accord ne fait pas obstacle à la possibilité pour le Gouvernement de la Fédération des Emirats Arabes Unis de (i) partager et communiquer des informations techniques ou de toute autre nature avec les gouvernements locaux des émirats fédérés constituant la Fédération des Emirats Arabes Unis (ci-après dénommés « gouvernements fédérés ») ; et de (ii) confier tout ou partie des droits et obligations découlant du présent Accord à l'un ou plusieurs des gouvernements fédérés, étant entendu que le Gouvernement de la Fédération des Emirats Arabes Unis demeure responsable de la mise en œuvre de ses obligations au titre du présent Accord.
Article 5
Les Parties s'engagent à faciliter, dans la mesure de leurs moyens, la fourniture régulière de combustibles ou de services dans le domaine du cycle du combustible nécessaires à assurer l'alimentation des installations qui seraient développées dans le cadre du présent accord.
Article 6
Les droits de propriété intellectuelle acquis dans le cadre de la coopération prévue par le présent Accord sont attribués au cas par cas dans les accords spécifiques et les contrats visés à l'article 2 du présent Accord.
Article 7
Aux fins de la réparation des dommages causés par un incident nucléaire, les parties s'entendent sur un régime de responsabilité civile fondé sur les principes établis par les principaux instruments internationaux pertinents, en particulier : (i) responsabilité exclusive des opérateurs d'installations nucléaires ; (ii) responsabilité absolue de l'opérateur (c'est-à-dire responsabilité même en l'absence de faute) ; (iii) responsabilité limitée dans son montant.
Article 8
Les Parties s'assurent que les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie transférés dans le cadre du présent Accord ainsi que les matières nucléaires obtenues ou récupérées comme sous-produits, ne sont utilisés qu'à des fins pacifiques et non explosives.
Article 9
1. Toutes les matières nucléaires détenues ou transférées à la Fédération des Emirats Arabes Unis en vertu du présent Accord et notifiées par la République Française à cet effet, ainsi que toutes générations successives de matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits, sont soumises aux contrôles de l'AIEA en vertu de l'Accord de garanties entre la Fédération des Emirats Arabes Unis et l'AIEA, s'appliquant à toutes les matières nucléaires dans toutes les activités nucléaires exercées sur le territoire de la Fédération des Emirats Arabes Unis, sous sa juridiction ou entreprises sous son contrôle en quelque lieu que ce soit.
2. Toutes les matières nucléaires transférées à la République française en vertu du présent Accord et notifiées par la Fédération des Emirats Arabes Unis à cet effet, ainsi que toutes générations successives de matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits, sont soumises au système de garanties appliqué par la Communauté Européenne de l'Energie Atomique et par l'AIEA en application de l'Accord entre la France, la Communauté Européenne de l'Energie Atomique et l'AIEA relatif à l'application de garanties en France, signé les 20 et 27 juillet 1978, et du Protocole additionnel signé entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique, et l'AIEA le 22 septembre 1998.
Article 10
Au cas où les garanties de l'AIEA visées à l'article 9 du présent Accord ne pourraient s'appliquer sur le territoire de l'une ou de l'autre Partie, les Parties s'engagent à entrer aussitôt en rapport en vue de soumettre dans les délais les plus brefs les matières nucléaires transférées ou obtenues en application du présent Accord, ainsi que toutes générations successives de matières nucléaires obtenues ou récupérées comme sous-produits, à un dispositif mutuellement agréé de garanties, d'une efficacité et d'une portée équivalentes à celles précédemment appliquées par l'AIEA à ces matières nucléaires.
Article 11
Les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie mentionnés à l'article 8 du présent Accord restent soumis aux dispositions du présent Accord jusqu'à ce que :
a) ils aient été transférés ou retransférés hors de la juridiction de la Partie destinataire conformément aux dispositions de l'article 13 du présent Accord, ou que
b) les Parties décident d'un commun accord de les y soustraire, ou que
c) il soit établi, pour ce qui concerne les matières nucléaires, qu'elles ne sont pratiquement plus récupérables pour être mises sous une forme utilisable pour une quelconque activité nucléaire pertinente du point de vue des garanties visées à l'article 9 du présent Accord.
Article 12
1. Chaque Partie veille à ce que les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie visés à l'article 8 du présent Accord soient uniquement détenus par des personnes placées sous sa juridiction et habilitées à cet effet.
2. Chaque Partie s'assure que, sur son territoire ou, hors de son territoire jusqu'au point où cette responsabilité est prise en charge par l'autre Partie ou par un Etat tiers, les mesures adéquates de protection physique des matières, matières nucléaires, équipements et installations visés par le présent Accord sont prises, conformément à sa législation nationale et aux engagements internationaux auxquels elle est partie, en particulier aux dispositions de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et de son amendement.
3. Les niveaux de protection physique sont au minimum ceux qui sont spécifiés à l'annexe 1 de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Chaque Partie se réserve le droit, le cas échéant, conformément à sa réglementation nationale, d'appliquer sur son territoire des critères plus stricts de protection physique.
4. La mise en œuvre des mesures de protection physique relève de la responsabilité de chaque Partie à l'intérieur de sa juridiction. Dans la mise en œuvre de ces mesures, chaque Partie s'inspire du document de l'AIEA INFCIRC 225/Rév. 4.
Les modifications des recommandations de l'AIEA en relation avec la protection physique n'ont d'effet aux termes du présent Accord que lorsque les deux Parties se sont informées mutuellement par écrit de leur acceptation d'une telle modification.
Article 13
1. Au cas où l'une des Parties envisage de retransférer hors de sa juridiction des matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie visés à l'article 8, ou de transférer des matières, matières nucléaires, installations, équipements et la technologie visés à l'article 8 provenant des équipements ou installations transférés à l'origine ou obtenus grâce aux équipements, installations ou à la technologie transférés dans le cadre de cet Accord, elle ne le fait qu'après avoir obtenu les mêmes assurances, en particulier d'usage pacifique et non explosif, que celles prévues par le présent Accord.
2. En outre, la partie qui envisage un transfert ou un retransfert conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article obtient au préalable le consentement de la partie fournisseur :
a) pour tout retransfert d'installation, équipement ou technologie tels que définis à l'annexe et fournis en vertu du présent accord ;
b) pour tout transfert d'installations ou d'équipements provenant des installations ou équipements mentionnés au paragraphe a), ou conçus à partir de la technologie visée au paragraphe a) ci-dessus ;
c) Pour tout transfert ou retransfert d'uranium enrichi à plus de 20 % en isotopes 233 ou 235 ou de plutonium produit ou récupéré à partir de matières nucléaires transférées en vertu du présent Accord, ou pour tout retransfert de matières nucléaires transférées en vertu du présent Accord à la Fédération des Emirats Arabes Unis.
Article 14
Aucune des dispositions du présent Accord ne peut être interprétée comme portant atteinte aux obligations qui, à la date de sa signature, résultent de la participation de l'une ou l'autre Partie à d'autres accords internationaux pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, notamment pour la Partie française, de son appartenance aux Communautés Européennes.
Article 15
Les parties créent un comité conjoint en charge du suivi des coopérations engagées dans le cadre du présent Accord, dans le mois qui suit son entrée en vigueur. La structure, la composition et les procédures de ce comité sont décidées d'un commun accord entre les parties.
Article 16
Le présent Accord peut être modifié par accord écrit entre les Parties.
Article 17
1. Le présent Accord est conclu pour une durée de vingt ans et peut être dénoncé à tout moment par l'une ou l'autre des Parties. Toute dénonciation doit être notifiée par écrit avec un préavis de six mois.
A l'issue de cette période de vingt ans, il demeure en vigueur tant qu'il n'a pas été dénoncé par l'une ou l'autre des Parties conformément à la procédure mentionnée à l'alinéa précédent.
2. En cas de dénonciation du présent Accord conformément à la procédure mentionnée au paragraphe 1 du présent article :
― les dispositions pertinentes du présent Accord demeurent applicables aux accords spécifiques et aux contrats signés en vertu de l'article 2, qui sont en vigueur ;
― les dispositions des articles 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 continuent à s'appliquer aux matières, matières nucléaires, équipements, installations et à la technologie visée à l'article 8 transférés en application du présent Accord, ainsi qu'aux matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits.
Article 18
Chaque Partie notifie à l'autre Partie l'accomplissement des procédures requises en ce qui la concerne pour l'entrée en vigueur du présent Accord. Celui-ci entre en vigueur à la date de la réception de la dernière notification.
EN FOI DE QUOI, les représentants des deux Gouvernements dûment autorisés à cet effet ont signé le présent Accord.
Fait à Abou Dabi, le 15 janvier 2008 en deux exemplaires, en langues française et arabe, les deux textes étant authentiques et faisant également foi.
Pour le Gouvernement
de la République Française
Bernard Kouchner
Ministre des affaires étrangères
et européennes
Pour le Gouvernement
de la Fédération
des Emirats Arabes Unis
Cheikh Abdallah
Bin Zayed al Nahyan
Ministre des affaires étrangères
A N N E X E
Aux fins du présent Accord :
a) « Matières » signifie les matières non nucléaires destinées aux réacteurs, spécifiées au paragraphe 2 de l'annexe B des Directives du Groupe des fournisseurs nucléaires publiées par l'AIEA dans le document INFCIRC/254/Rév. 9/Part. 1 (ci-après désignée par « les Directives ») ;
b) « Matières nucléaires » signifie toute « matière brute » ou tout « produit fissile spécial » conformément à la définition de ces termes figurant à l'article XX du Statut de l'AIEA ;
c) « Equipements » signifie les composants principaux spécifiés aux paragraphes 1, 4 et 7 de l'annexe B des Directives ;
d) « Installations » signifie les usines visées aux paragraphes 1, 4 et 7 de l'annexe B des Directives ;
e) Par « technologie », il convient d'entendre l'information spécifique nécessaire pour le « développement », la « production » ou l'« utilisation » de tout article figurant à l'annexe B des Directives, à l'exception des données communiquées au public, par exemple par l'intermédiaire de périodiques ou de livres publiés, ou qui ont été rendues accessibles sur le plan international sans aucune restriction de diffusion.
Cette information peut prendre la forme de « données techniques » ou d'« assistance technique ».
Le « développement » se rapporte à toutes les phases précédant la « production », telles que notamment les études, recherches relatives à la conception, aux assemblages et essais de prototypes et plans d'exécution.
Par « production », il convient d'entendre toutes les phases de la production telles que notamment la construction, ingénierie de production, fabrication, intégration, assemblage, inspection, essai, assurance de la qualité.
Par « utilisation », il convient d'entendre la mise en œuvre, l'installation (y compris l'installation sur le site même), l'entretien, les réparations, le démontage de révision et la remise en état.
L'« assistance technique » peut prendre des formes telles que l'instruction, les qualifications, la formation, les connaissances pratiques, les services de consultation.
Les « données techniques » peuvent être constituées de calques, schémas, plans, manuels et modes d'emploi sous une forme écrite ou enregistrée sur d'autres supports tels que disques, bandes magnétiques ou mémoires passives.
f) « Information » signifie tout renseignement, toute documentation ou toute donnée, de quelque nature que ce soit, transmissible sous une forme physique, portant sur des matières, des équipements, des installations ou de la technologie soumis au présent Accord, à l'exclusion des renseignements, documentations et données accessibles au public.