1. Sur le projet de décret relatif à la communication d'information à l'Etat et aux collectivités territoriales
sur les infrastructures et réseaux établis sur leur territoire (décret « connaissance des réseaux »)
Les collectivités territoriales ont largement fait usage de la possibilité d'établir et d'exploiter des infrastructures et des réseaux de communications électroniques depuis l'inscription, en 2004, de l'article L. 1425-1 dans le code général des collectivités territoriales. Elles ont dans ce cadre fait la démonstration qu'une intervention publique locale pouvait avoir un effet bénéfique sur la concurrence et la couverture des territoires en réseaux et en services en agissant par effet de levier sur l'investissement privé.
Il est à cet égard bienvenu que la loi ait posé un principe d'accès des collectivités locales aux informations relatives aux infrastructures et aux réseaux présents sur leurs territoires.L'Autorité souligne l'importance de ce texte pour permettre aux collectivités territoriales de favoriser l'arrivée des opérateurs sur leur territoire et d'articuler au mieux leurs projets de réseaux avec les déploiements des opérateurs. Il s'agit de prendre acte du rôle structurant que jouent désormais les acteurs publics locaux dans le secteur des communications électroniques et de permettre que cette intervention se fasse dans les meilleures conditions.
C'est pourquoi l'Autorité appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'éviter d'en retarder la mise en œuvre et d'en limiter significativement la portée, voire de rendre le texte inapplicable, en prévoyant des dispositions trop restrictives en matière de sécurité publique et de sécurité nationale. Il convient de rappeler à cet égard que le traitement des informations couvertes par les différents secrets protégés par la loi est déjà pleinement encadré par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.
Sur les questions relatives à la sécurité
La principale difficulté de ce texte réside dans la rédaction des dispositions relatives aux informations exclues du champ d'application du décret en raison des impératifs de sécurité publique et de sécurité nationale. Quatre points méritent d'être soulignés.
Dans la rédaction du III de l'article 1er du décret, il est mentionné entre crochets que certaines informations sont exclues par arrêté du champ d'application du décret « notamment » pour des raisons de sécurité publique et de sécurité nationale. Ce « notamment » semble en première approche reprendre le texte de l'article L. 33-7 du CPCE. Cependant l'ajout de cet adverbe a pour effet de permettre d'élargir par arrêté de façon non limitative les motifs d'exclusion et d'étendre ainsi la liste des informations non communiquées, ce qui ne correspond pas au texte de la loi. Cette extension n'est donc pas justifiée et l'Autorité propose en conséquence la suppression de l'adverbe « notamment ».
L'esquisse d'arrêté « sécurité » propose une rédaction insuffisamment précise, en faisant référence aux sites et réseaux « particulièrement sensibles pour l'Etat », notion qui ne semble pas avoir de signification juridique précise et autorise donc des interprétations multiples et extensives, d'autant que les informations sur ces sites seront classifiées, donc par définition non connues des collectivités. Il serait préférable, afin d'exclure du champ d'application du décret les seules informations pertinente au regard des impératifs de sécurité, prévus notamment par le code de la défense, d'énumérer de façon exhaustive les catégories de sites et réseaux de sécurité concernés par la réglementation spécifique relative à la sécurité publique et à la sécurité nationale et de prévoir que seuls les réseaux « dédiés » à ces sites et réseaux soient exclus du champ d'application du décret.
S'agissant des sites « sensibles » pour l'Etat et des points et opérateurs d'importance vitale mentionnés par l'esquisse d'arrêté « sécurité », le principe d'un arbitrage par un représentant de l'Etat en cas de difficulté peut permettre d'éviter que l'opérateur oppose systématiquement un refus. Le choix du préfet comme arbitre pourrait être retenu dans tous les cas. En effet, le préfet exerce des compétences en matière de sécurité, en particulier dans la désignation des opérateurs et des points d'importance vitale. Il dispose en outre d'une bonne connaissance des acteurs et des projets territoriaux sur le territoire où il exerce ses compétences. Il est donc sans doute le mieux placé pour arbitrer des difficultés entre collectivités et opérateurs sur des enjeux de portée locale.
Enfin, il serait utile de préciser que l'ensemble des informations transmises par ailleurs à des opérateurs tiers, notamment dans le cadre de la régulation, ne peut en tout état de cause être exclu du champ d'application du décret. Cela concernerait au moins les répartiteurs et les sous-répartiteurs (dégroupage), la fibre sur la collecte (LFO) et les fourreaux (nouvelle offre de référence).
Sur la période transitoire
Au IV de l'article 1er, une période transitoire de trois ans apparaît démesurée et risquerait de bloquer les projets de certaines collectivités pendant la même période. Une durée maximale d'un an, jusqu'au 1er janvier 2010, paraît largement suffisante pour permettre aux opérateurs d'adapter et de compléter leurs systèmes d'information. Il faut souligner à cet égard que le fait, pour les collectivités territoriales, de disposer d'informations dans un format utilisable est essentiel. Cela conditionne l'application effective de l'article L. 33-7 du CPCE.
Sur les critères de désignation des opérateurs
entrant dans le champ d'application du décret
Afin d'éviter que les réseaux internes ouverts au public (type cafés et hôtels proposant du WI-Fi) soient soumis aux obligations prévues par le décret, il serait utile de préciser que les opérateurs de communications électroniques concernés sont les opérateurs de communications électroniques tenus d'effectuer une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques.
Sur la liste des informations à transmettre
Dans le premier alinéa du II de l'article 1er du décret, il conviendrait de compléter la liste des informations sur lesquelles peut porter la demande en y ajoutant les « galeries », le « tracé physique des infrastructures » et les « technologies disponibles » sur les sites d'émission. Ce dernier point se justifie par l'intérêt, pour les collectivités, de disposer d'informations sur les technologies radio disponibles depuis un site d'émission donné (GSM, 3G, HSPA, WIMAX, etc.) et donc sur les services et les débits disponibles.S'agissant de l'état d'occupation, information essentielle pour les collectivités mais non systématiquement connue des opérateurs, il serait souhaitable de prévoir que ces derniers fournissent « la meilleure information disponible sur l'état d'occupation » à l'instar de ce que prévoit l'obligation imposée à France Télécom dans le cadre de la régulation du génie civil.
En tout état de cause, il est essentiel que les collectivités puissent disposer des informations leur permettant de connaître avec précision la localisation et la zone arrière des répartiteurs et sous-répartiteurs, ainsi que les caractéristiques des lignes téléphoniques à la boucle et à la sous-boucle (longueur, affaiblissement, présence de multiplexeurs) afin de pouvoir déterminer leur éligibilité aux technologies DSL.
Sur les informations pouvant être communiquées à des tiers
S'agissant de la liste des informations pouvant être communiquées par les collectivités à des tiers (arrêté « sécurité »), il serait utile de favoriser l'établissement et la mise à disposition par les collectivités de Systèmes d'information géographique (SIG). Il convient donc de ne pas trop limiter la liste de ces informations, et en particulier d'y inclure, d'une part, les informations permettant de déterminer l'éligibilité des lignes téléphoniques au DSL, afin que les collectivités puissent connaître et résorber au mieux les zones blanches du haut débit, via un délégataire notamment et, d'autre part, le tracé des infrastructures de génie civil pour favoriser leur partage, particulièrement pour le déploiement de la fibre.
Sous réserve de la prise en compte des observations formulées ci-dessus, et plus particulièrement des remarques relatives à la sécurité et à la définition de la période transitoire, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.
2. Sur le projet de décret relatif à la convention entre opérateurs et propriétaires sur les lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les immeubles et pris en application de l'article L. 33-6 du code des postes et des communications électroniques (décret « convention opérateur-propriétaire »)
A travers la définition de clauses types que devront respecter les conventions établies entre opérateurs et propriétaires, ce décret va largement encadrer les conditions d'installation et d'exploitation de la fibre optique dans les propriétés privées. Il s'agit donc d'un texte structurant compte tenu de la durée des conventions et de la difficulté à les modifier, mais aussi de la sensibilité des acteurs sur cette question et de la nécessaire confiance qu'il convient de favoriser entre les acteurs, notamment en termes de responsabilité des intervenants et d'assurance pour les habitants de pouvoir bénéficier de la concurrence.
A cet égard, l'Autorité estime que le décret doit :
― faire en sorte que le propriétaire puisse désigner un seul opérateur responsable de l'ensemble des opérations réalisées à l'intérieur des immeubles, afin de limiter les interventions et les nuisances pour le propriétaire et les habitants ;
― ne pas compromettre la mise en œuvre de la mutualisation entre opérateurs sans pour autant en fixer les modalités, qui relèvent d'accords entre opérateurs et de décisions adoptées par l'Autorité.
Dans le cadre de la préparation, en concertation avec les acteurs, d'une convention type entre opérateurs et propriétaires, l'Autorité a pu évaluer les difficultés qui pourraient résulter d'une rédaction insuffisamment précise ou ne permettant pas d'encadrer efficacement les relations complexes entre opérateurs et propriétaires.C'est ce qui motive l'étendue des remarques formulées ci-après.
Certaines de ces remarques ne sont pas purement rédactionnelles, mais apparaissent structurantes à deux points de vue. En premier lieu, l'Autorité estime que certaines formulations du projet de décret s'écartent sur plusieurs points de la rédaction de la loi. Ce faisant, elles ne s'articulent pas de manière pleinement satisfaisante avec le nouveau cadre instauré par loi. En second lieu, elle considère que certaines dispositions du projet de décret n'offrent pas la flexibilité nécessaire à la mise en œuvre de la régulation, en particulier pour permettre l'application par l'Autorité du nouvel article L. 34-8-3 du CPCE, relatif à la mutualisation.
Sur l'articulation du décret avec la loi de modernisation de l'économie
L'Autorité considère que le projet de décret qui lui est soumis pour avis ne s'articule pas sur plusieurs points de manière pleinement satisfaisante avec le nouveau cadre instauré par la loi, ce qui appelle les remarques suivantes :
Au II de l'article R. 9-2 :
Il est proposé de supprimer la deuxième phrase du premier alinéa. En effet, en instituant une obligation de principe visant à ce que les emplacements et locaux mis à disposition de l'opérateur facilitent la mutualisation, cette mesure laisse penser que la mutualisation intervient au niveau des emplacements et des locaux mis à disposition par le propriétaire ou le syndicat de copropriété, c'est-à-dire des emplacements et des locaux situés dans les limites de la propriété. Or, l'article L. 34-8-3 pose le principe contraire en disposant que le point de mutualisation est « situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée ».A défaut de proposer une obligation plus nuancée, le projet de décret est susceptible de prêter à confusion s'agissant de la mise en œuvre du principe posé par la loi.
Dans la troisième phrase du premier alinéa, il est indispensable de prévoir, comme le dispose la loi, que « l'opérateur signataire prend en charge les opérations d'installation, de gestion, d'entretien ou de remplacement (...) ». Dans le cas contraire, on pourrait comprendre que le décret permet à l'opérateur d'immeuble de déployer de la fibre uniquement pour ses propres clients, ce qui ne doit pas être le cas pour que la mutualisation soit possible. Il convient par ailleurs de préciser que dans l'expression « l'opérateur signataire prend en charge » l'Autorité comprend que cet opérateur assure les opérations mentionnées soit lui-même, soit par le recours à la sous-traitance.
Sur l'article R. 9-3 du CPCE :
Au 5°, il convient de préciser qu'il s'agit des « conditions de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes, équipements et installations (...) » afin de rappeler que la gestion, l'entretien et le remplacement portent principalement sur les lignes de communications électroniques en fibre optique établies par l'opérateur d'immeuble, comme le prévoit la loi. Il est d'autant plus nécessaire de le préciser qu'il n'est pas évident de considérer en première analyse que la notion d'installation, qui n'est par ailleurs pas définie et dont c'est la première utilisation, englobe celle de ligne.
Sur l'article R. 9-4 du CPCE :
L'Autorité propose de rédiger comme suit la clause 4°, qui deviendrait la clause 5° (1) :
« 4° 5° Les opérations dea gestion, ld'entretien et lede remplacement des lignes en fibre optique se font assurés gratuitement par aux frais de l'opérateur signataire, y compris dans le cadre de la mise en œuvre de la mutualisation des lignes prévue à l'article L. 34-8-3. »
Les modifications de rédaction proposées visent à adopter la rédaction la plus proche de celle de l'article L. 33-6 du CPCE, qui vise également les opérations d'installation et dispose que ces opérations « se font aux frais de l'opérateur ».
Par ailleurs, la présente clause ne concernant que les opérations de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes en fibres optiques, il est proposé d'insérer dans la clause 1° la précision selon laquelle les opérations d'installations de lignes en fibres optiques se font aux frais de l'opérateur signataire.