2.1. Contexte et objectifs
2.1.1. Les finalités et modalités de définition de l'encadrement tarifaire
de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile
Nécessaire en l'absence de toute pression concurrentielle s'exerçant sur le prix offert par le vendeur du fait du monopole structurel exercé par les opérateurs dans la fourniture de la terminaison d'appel, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile vise notamment à assurer des conditions d'exercice d'une concurrence loyale sur les marchés de communications électroniques en aval des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile. L'Autorité a notamment indiqué dans son analyse de marché du 4 octobre 2007 (décision n° 2007-0810 susvisée) que l'absence d'obligation de reflet des coûts par les tarifs serait susceptible de permettre à Bouygues Telecom, Orange France et SFR de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique sur les marchés de gros en cause, ce qui pourrait soulever de nombreux problèmes concurrentiels et entraverait notamment l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail avals.
En retenant une référence de coûts pertinents pour la tarification de la prestation considérée et en considérant les problèmes concurrentiels identifiés pour définir l'obligation de contrôle tarifaire, l'Autorité doit ainsi s'efforcer de corriger les effets de l'absence de concurrence effective sur le marché pertinent régulé. La référence en coûts et le tarif de terminaison d'appel en découlant doivent par ailleurs permettre à l'ensemble des acteurs, i.e. acheteurs ou vendeurs, de recevoir des signaux économiques cohérents avec les structures de coût d'un opérateur efficace garants d'un fonctionnement soutenable des marchés. La mise en œuvre de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile doit répondre à l'objectif de développement d'une concurrence loyale et durable sur les marchés, et plus largement aux objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE.
Le choix de la référence de coûts pertinents implique notamment de préciser le périmètre de coûts à prendre en compte en fonction de règles d'efficience et de rationalité économiques et la bonne allocation des coûts joints entre les différentes prestations produites par un opérateur de réseau mobile (le réseau de l'opérateur étant unique et servant à produire de multiples produits). Le concept de coût pris en compte par l'Autorité pour spécifier les modalités de contrôle tarifaire dépend dès lors directement des choix d'allocation qu'elle arrête pour imputer ces masses de coûts joints à l'ensemble des prestations qui les induisent, en particulier à la terminaison d'appel vocal. L'Autorité définit donc, à travers les plafonds tarifaires, la part maximum des coûts joints qu'un opérateur peut recouvrer à travers la tarification de la terminaison d'appel voix, prestation commercialisée en monopole, le reste des coûts pouvant être recouvré sur l'ensemble des autres prestations (de détail notamment) qu'il offre et pour lequel l'opérateur est libre de sa politique tarifaire. Il n'y a par conséquent pas de risque de non-recouvrement de l'ensemble des coûts encourus.
Enfin, l'Autorité définit des méthodes de valorisation et de dépréciation des actifs et détermine les taux de rémunération du capital correspondants. L'Autorité a ainsi retenu jusqu'à présent la méthode des coûts historiques comme méthode de valorisation des coûts des actifs pertinente. A cet égard, l'Autorité considère que la méthode d'évaluation des coûts des actifs des réseaux mobiles par les coûts historiques est toujours adaptée par rapport aux autres méthodes, telles que celle des coûts courants économiques, notamment compte tenu du stade de mise en œuvre de l'orientation vers les coûts et parce qu'à la différence des actifs d'un réseau fixe (comme celui de France Telecom), les actifs de très longue durée et comptablement complètement amortis sont peu nombreux. Ce choix permet actuellement une bonne comparabilité entre les données issues de la comptabilisation réglementaire et des travaux de modélisation. Enfin, l'impact d'un changement de méthode au profit de la méthode d'évaluation en coûts courants est relativement faible (2 % en 2006 sur le modèle d'opérateur générique) et confirme donc son choix d'utilisation de la méthode des coûts historiques comme méthode de valorisation des actifs pertinente dans le cadre de la présente décision. Toutefois, et compte tenu de la réduction attendue des écarts entre coûts et tarifs, l'Autorité n'écarte pas la possibilité d'adapter la méthode de valorisation du coût des actifs dans le futur, en particulier pour limiter les variations liées aux cycles d'investissement et pour mieux intégrer les effets de progrès technique.
Par ailleurs, les niveaux des tarifs des terminaisons d'appel de l'ensemble des opérateurs sont soumis à un processus de plafonnement graduel de ces niveaux au regard des structures et des références de coûts pertinentes. Les références de coûts retenues aujourd'hui pour tous les opérateurs mobiles identifiés comme puissants sur leurs marchés respectifs de terminaison d'appel sont celles d'un opérateur générique efficace et non les propres coûts des opérateurs.
Dans la poursuite de ces différentes étapes de détermination des coûts, le contexte concurrentiel du marché est un des éléments majeurs d'appréciation, l'objectif étant in fine d'aboutir à la définition des structures et références de coûts pertinentes pour la régulation de la terminaison d'appel vocal mobile dans le contexte précis de la prise de décision. Les choix pertinents au regard des objectifs de la régulation peuvent par exemple différer lorsque le marché et ses acteurs sont en plein développement et que la préoccupation principale des acteurs est de déployer des réseaux et d'acquérir des clients primo-accédants, ou, au contraire, lorsque le marché est arrivé à maturité avec des réseaux pleinement déployés et une concurrence consistant principalement à conserver ses clients et conquérir ceux de ses concurrents.
Ainsi, si l'Autorité, pour fixer les plafonds tarifaires en métropole pour la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2009, indiquait dans sa décision n° 2007-0810 susvisée prendre pour référence pertinente les coûts d'un appel entrant moyen évalués selon la méthode des coûts historiques et selon une approche d'allocation en coûts complets, elle précisait également : si la méthode retenue à ce jour est une approche en coûts complets, [l'Autorité] considère qu'il pourrait être nécessaire de revisiter à terme ce concept afin d'adopter une méthodologie cohérente utilisée dans la mise en œuvre de la régulation des terminaisons d'appel, qu'il s'agisse de terminaison d'appel fixe ou de terminaison d'appel mobile . Plus loin, elle indiquait également : sans préjuger de l'approche qui pourrait être retenue sur ce point, l'Autorité s'interroge aujourd'hui sur le périmètre des coûts pertinents relatif au calcul de la terminaison d'appel vocal mobile. S'agissant de ce périmètre, l'Autorité n'exclut pas de le faire évoluer à terme de façon à mieux l'harmoniser avec celui retenu pour la terminaison d'appel fixe et à respecter ainsi une meilleure homogénéité des approches comptables entre les marchés fixes et mobiles . Plus loin, elle indiquait : [L'Autorité] souligne que si les coûts complets peuvent être utilisés dans une première étape, ce concept de coûts complets pourrait être amené à évoluer :
― en ce qui concerne le périmètre pertinent de coûts à considérer, et ce afin de garantir une cohérence avec l'approche retenue dans le calcul des terminaisons d'appel fixes. Ainsi, dans le cadre d'une concurrence frontale entre opérateurs fixes et mobiles, la régulation ne biaisera pas l'adoption de la technologie la plus efficace ;
― vers un concept de coûts incrémentaux, et ce afin de garantir une cohérence avec les références de coûts utilisés en interne par les opérateurs lorsqu'ils formulent leurs offres sur le marché de détail, en particulier leurs offres on-net. Ainsi, la concurrence sur le marché de détail mobile ne sera pas biaisée par des perceptions de coûts radicalement différentes pour les offres on-net et off-net.
Afin de définir correctement les modalités d'application de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, objet de la présente décision, il convient donc de prendre en compte le contexte actuel, notamment concurrentiel, de développement du marché. Les références pertinentes devront également tenir compte des principales spécificités du service de terminaison d'appel vocal.
Il convient en particulier de noter, ainsi qu'indiqué dans la partie 1.1.2, que l'ensemble des coûts de réseaux encourus sont in fine totalement recouvrés par l'intermédiaire des tarifs pratiqués sur les marchés de détail. En effet, et à l'extrême, du fait des spécificités de la terminaison d'appel mobile décrites dans cette partie, si un tarif de terminaison d'appel nul devait être imposé, les opérateurs pourraient toujours recouvrer l'ensemble des coûts encourus par les tarifs pratiqués sur les marchés de détail. Il convient par ailleurs de rappeler que la terminaison d'appel constitue à la fois une source de revenus pour les appels entrants mais également une charge pour les appels sortants, l'ensemble des flux financiers d'interconnexion étant mécaniquement équilibrés à l'échelle du secteur. De même, l'utilisation, pour la fixation des plafonds tarifaires de la terminaison d'appel, de la méthode d'allocation actuelle, dite des coûts complets distribués, c'est-à-dire qui alloue l'intégralité des coûts à l'ensemble des prestations techniques fournies par les opérateurs (13) n'est pas la seule envisageable. L'utilisation d'une méthode incrémentale, qui mesure uniquement les coûts additionnels occasionnés par la prise en charge du trafic entrant, et qui n'alloue par conséquent pas l'intégralité des coûts, et notamment les coûts réseaux, à l'ensemble des prestations techniques fournies par l'opérateur mobile au titre de la prise en charge de ce trafic entrant, est compatible avec le fait pour les opérateurs de recouvrer l'ensemble de leurs coûts.
Le choix de la méthode d'allocation repose ainsi principalement sur son efficacité économique et sur l'impact qu'elle génère au niveau du consommateur. Ceci correspond pleinement aux objectifs de l'Autorité impartis par l'article L. 32-1 du CPCE et rappelés à l'article D. 311, qui impliquent que les tarifs fixés doivent permettre l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques et, à ce titre, doivent s'adapter au contexte, notamment concurrentiel, actuel.
En particulier, les choix pertinents dans un exercice de tarification de la prestation de terminaison d'appel mobile peuvent être différents des choix effectués dans le passé, et en particulier des choix de spécification qui ont été précisés dans le cadre des restitutions réglementaires au titre des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable, qui sont aujourd'hui évalués en coûts historiques et suivant la méthode d'allocation en coûts complets.
2.1.2. L'évolution du marché mobile en France
Aux débuts du marché de la téléphonie mobile, le coût le plus élevé à encourir pour les opérateurs mobiles correspondait au déploiement de leurs réseaux vocaux, en termes de couverture comme de capacité. Le trafic des réseaux fixes vers les réseaux mobiles restait marginal relativement au trafic total des opérateurs fixes, et le trafic entre opérateurs mobiles était géré dans un régime de bill & keep (14). Par ailleurs, les opérateurs mobiles avaient une incitation très forte à acquérir de nouveaux clients (primo-accédants) afin d'accroître leurs économies d'échelle et de rentabiliser des réseaux à forts coûts fixes. Enfin, aucune concurrence n'existait encore entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes, et les offres de convergence n'étaient pas encore envisagées ou commercialisées.
Dans ce contexte, de hauts niveaux de tarifs de terminaison d'appel permettaient, par le biais des appels fixes vers mobiles, de contribuer au financement du déploiement de ces réseaux, menant ainsi à développer et pérenniser les services mobiles. En particulier, les niveaux de tarifs de terminaison d'appel étaient très supérieurs aux niveaux de leurs coûts complets distribués. Se fondant sur le développement de modèles de coûts, l'Autorité a alors progressivement fait baisser ces tarifs vers les coûts calculés selon cette méthode.
Aujourd'hui se pose la question de la pertinence de ce concept appliqué dans le cadre de la fixation des tarifs de terminaison d'appel. En effet, le contexte concurrentiel a fortement évolué et les terminaisons d'appel ont une importance grandissante dans la formulation des offres de détail des opérateurs, ainsi que dans les modalités de la concurrence entre opérateurs mobiles ou entre opérateurs fixes et mobiles.
D'abord, le développement du marché a atteint sa maturité et la concurrence pour les services vocaux se tourne désormais vers la rétention de clients et l'acquisition de clients des opérateurs concurrents.
De plus, les marchés de détail ont subi une évolution majeure avec la multiplication des offres d'abondance. Ces offres, qui permettent de communiquer de façon illimitée pour un prix forfaitaire, se sont en effet fortement développées.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 23 du 28/01/2009 texte numéro 97
Sources : Etude Suivi des tarifs pour le compte de l'ARCEP, sites internet des opérateurs, communiqués de presse, sites internet spécialisés (limité aux offres grand public ; une gamme est comptée comme une seule offre).
Au départ des réseaux fixes ou internet, les offres d'abondance concernent les appels à destination des opérateurs fixes ou les offres de transports de données. Aujourd'hui, 30 % des abonnements à la téléphonie fixe sont en voix sur large bande et incluent donc de telles offres (15).
Au départ des réseaux mobiles, les offres d'abondance peuvent concerner les appels, les SMS ou les offres d'échanges de données. Les contraintes associées à la plage d'illimité varient d'une offre à l'autre et peuvent être cumulées : communications illimitées à certaines tranches horaires, vers plusieurs numéros choisis, à destination des abonnés du réseau de l'opérateur (on-net), vers les numéros fixes ou vers tous les opérateurs (off-net). Ainsi, le nombre d'offres comportant des appels illimités proposées sur le marché par les opérateurs de réseau mobile a été multiplié par huit depuis 2004. Néanmoins, l'Autorité note que, contrairement aux offres d'abondance sur les SMS, les offres d'abondance sur la voix présentes sur le marché restent principalement limitées aux appels on-net et à destination des fixes (près de 80 % des offres illimitées au T2 2008).
L'Autorité constate enfin que, si plus de la moitié des offres d'abondance des opérateurs mobiles incluent des appels illimités vers les fixes, aucun opérateur fixe ne propose actuellement de forfaits avec appels illimités vers les mobiles.
Par ailleurs, maintenant que les réseaux mobiles vocaux ont atteint un fort niveau de couverture et de capacité, une concurrence entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes s'est faite jour pour les appels en position déterminée (16). Ainsi, les opérateurs fixes sont désormais en concurrence directe avec les offres convergentes des opérateurs mobiles telles qu' Unik de Orange ou HappyZone de SFR par exemple.
Orange France et SFR ne partagent pas la vision de l'Autorité en matière de convergence ; le premier estimant que la concurrence entre opérateurs mobiles et fixes a toujours existé de façon partielle et qu'elle est aujourd'hui en décroissance, les services fixes et mobiles étant de moins en moins substituables à mesure que le fixe devient principalement dédié au haut-débit, et qu'en outre les offres d'abondance proposées par les opérateurs mobiles sont reproductibles par les opérateurs fixes avec les niveaux de tarifs de terminaison d'appel actuels ; les deux affirmant que les offres de convergence ne constituent qu'une partie très limitée du marché.
Bouygues Telecom estime à l'inverse que les offres convergentes fixe-mobile sont amenées à se développer, notamment sur le marché entreprises et que des tarifs de terminaison d'appel mobile élevés augmentent le pouvoir de marché des opérateurs intégrés, fortement présents sur les deux marchés de détail. Ceux-ci pourraient commercialiser des offres de convergence avec des tarifs on-net fixe-mobile attractifs, leur permettant de capter et fidéliser leur base de clientèle fixe-mobile et qui ne seraient pas reproductibles par les opérateurs alternatifs.
L'Autorité ne conteste pas que les offres de convergence constituent aujourd'hui une partie limitée du marché. Pour autant, ces offres sont amenées à se développer dans les années à venir en raison de la convergence des réseaux. Sur le marché entreprises, une enquête TNS Sofrès de mai 2007 montre que 58 % des entreprises sont convaincues que la convergence fixe-mobile va s'imposer comme la norme dans les trois prochaines années.
Sur le marché résidentiel, une enquête Ipsos réalisée pour le compte de l'ARCEP en novembre 2007 (17) montre que les offres convergentes suscitent un intérêt réel chez les consommateurs. En effet, près de 40 % des usagers mobiles se disent prêts souscrire à une telle offre (18). Ils sont principalement attirés par la possibilité d'appeler en illimité les numéros fixes depuis leur domicile : un critère important voire essentiel pour 94 % des personnes intéressées (19). L'enquête montre aussi qu'une telle possibilité inciterait plus de la moitié des personnes non intéressées à changer d'avis (20). Au total, les trois quarts des usagers mobiles portent un intérêt aux offres convergentes. L'enquête révèle également que les offres convergentes répondent à une autre attente forte des consommateurs, à savoir la simplification de la gestion de la ligne, c'est-à-dire l'unicité de l'interlocuteur pour les services de téléphonie fixes et mobiles, l'unicité du répertoire et de la messagerie vocale, cette dernière constituant un critère essentiel pour 90 % des intéressés. Cette enquête confirme ainsi le potentiel des offres convergentes, qu'il faut prendre en compte afin de mettre en œuvre une régulation adaptée.
En ce qui concerne la substituabilité fixe-mobile, l'Autorité note que si les services fixes connaissent une transition vers le haut débit, le seul couplage commercial multiplay ne suffit pas à supprimer complètement la substituabilité depuis une ligne fixe ou mobile du service de voix à destination des mobiles. Plus de 60 % des clients résidentiels qui disposent à la fois d'une ligne fixe et d'une ligne mobile utilisent cette dernière à leur domicile occasionnellement, souvent, voire systématiquement (21). En outre, ce service n'est en général pas inclus dans les forfaits et reste facturé à la minute. La décroissance de la substituabilité fixe-mobile à ce niveau n'est donc absolument pas certaine.
En conclusion, l'Autorité estime que ces évolutions posent un certain nombre de problématiques concurrentielles nouvelles, qu'il convient de prendre en compte afin de mettre en œuvre une régulation adaptée, et en particulier, dans une logique de convergence, cohérente entre les marchés fixes et mobiles.
2.1.3. La traduction des objectifs poursuivis par l'encadrement tarifaire de la prestation
de terminaison d'appel vocal mobile au regard du développement actuel du marché
Comme indiqué précédemment, il s'agit, au regard de l'objectif de développement d'une concurrence loyale et durable sur les marchés, et plus largement des objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE, et en tenant compte du contexte de développement de ces marchés, de la concurrence sur ces marchés et des spécificités du service de terminaison d'appel, de définir les modalités précises de mise en œuvre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts du service de terminaison d'appel, de manière à ce que le signal économique ainsi établi pour les marchés soit adapté et efficace. Dans le contexte actuel, la traduction des objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE implique de retenir un signal de coût correspondant, dans la mesure du possible, aux caractéristiques suivantes.
La référence de coûts pertinente à prendre en compte doit, en premier lieu, empêcher les opérateurs de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique sur les marchés de gros en cause, afin d'assurer des conditions de libre exercice d'une concurrence loyale sur les marchés de communications électroniques qui y sont liés. Cela demande donc de limiter les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles, mais aussi, dans le contexte actuel de convergence entre les secteurs fixes et mobiles, de veiller à l'absence ou à la limitation de distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles et fixes et in fine aux distorsions des consommations des abonnés fixes et mobiles.
Ceci rejoint les objectifs de neutralité technologique, d'investissement efficace dans les infrastructures et d'utilisation efficace des fréquences radioélectriques qui, toujours dans un contexte de convergence, non seulement commerciale, mais aussi technique entre les réseaux fixes et mobiles, se traduisent par l'objectif de mise en œuvre d'une régulation qui n'avantage pas artificiellement une technologie par rapport à l'autre.
L'objectif de libre exercice de la concurrence sur les marchés a pour but in fine de permettre un développement efficace des marchés au bénéfice du consommateur final. Ainsi, les objectifs précédents se traduisent pour les consommateurs par celui de ne pas brider le développement naturel des marchés de détail, en particulier le déploiement des offres de convergence. Plus généralement, il convient d'encourager l'innovation, ce qui se traduit aujourd'hui par le choix d'une référence de coûts qui ne limite pas les innovations commerciales ou technologiques, comme les offres de convergence, mais aussi les offres de voix illimitées et/ou forfaitaires, dans une forme la plus ouverte possible.
A cet égard, alors que l'on voit se développer fortement les offres d'abondance sur tous les marchés de détail confondus (au départ des réseaux mobiles, fixes ou internet), on observe que, pour les appels à destination des opérateurs mobiles, ces offres sont souvent conditionnées par le réseau de destination de l'opérateur ou par des horaires limités. Plus précisément, on observe une tendance à la tarification différenciée au détail entre trafic on-net et off-net, ce qui réduit de facto l'interopérabilité des réseaux et renforce les effets de réseaux et leurs effets anticoncurrentiels. Or l'un des objectifs principaux fixés à l'Autorité par l'article L. 32-1-II du CPCE consiste à inciter à l'interopérabilité des réseaux et plus précisément à définir des conditions d'interconnexion qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence .
Or, même si elle peut connaître un certain succès commercial du fait des offres d'abondance qui y sont associées, la distinction entre communications on-net et communications off-net n'a pas de pertinence du point de vue de l'utilisateur final qui, toutes choses étant égales par ailleurs, souhaite avant tout joindre un correspondant indépendamment de son réseau de raccordement. Sur le plan économique, le développement des offres on-net illimitées conduit donc à une discrimination sur le marché de détail qui n'est pas fondée sur des différences de préférence de premier rang de la part des demandeurs. Sur le plan tarifaire, il conduit à une moindre transparence et à une complexification des offres, en particulier dans un contexte de croissance des services de portabilité des numéros, qui rendent moins identifiables les numéros de tel ou tel opérateur. Lorsqu'il émet un appel, un consommateur peut ainsi ne pas savoir à l'avance s'il lui sera facturée une communication on-net ou off-net. Or, l'objectif de protection des consommateurs passe notamment par la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs.
Il convient, donc, de choisir une référence de coûts impliquant des tarifs de terminaison d'appel mobile limitant l'incitation à la tarification différenciée au détail entre trafic on-net et off-net, ou tout du moins ne l'encourageant pas artificiellement. Cela rejoint d'ailleurs, comme expliqué ci-dessous, l'objectif de l'exercice d'une concurrence loyale entre acteurs de la téléphonie mobile.
Enfin, au regard de l'objectif de développement de la concurrence au bénéfice du consommateur, il convient de mettre en œuvre une régulation des tarifs de terminaison d'appel qui ne limite pas le jeu concurrentiel des opérateurs mobiles sur le marché de détail.
2.2. L'orientation des tarifs vers les coûts incrémentaux de long terme
est le signal efficace à terme compte tenu des objectifs poursuivis
2.2.1. Des tarifs de terminaison d'appel sensiblement supérieurs aux coûts internes de production
de la terminaison d'appel par les opérateurs induisent une distorsion concurrentielle
Ainsi qu'indiqué précédemment, un objectif important, dans le choix d'une référence de coûts pour la fixation des plafonds tarifaires de la terminaison d'appel, consiste à choisir une référence en coûts permettant de définir un tarif de terminaison d'appel mobile entraînant le moins de distorsions de concurrence possible sur les marchés de détail en aval de cette prestation de gros. Cela implique de choisir un signal de coût qui corresponde au signal de coût perçu en interne par un opérateur dans la construction de ses offres, pour les raisons développées ci-après.
Dès lors que les opérateurs se facturent entre eux une terminaison d'appel sensiblement supérieure au coût interne d'un appel on-net, un opérateur a un intérêt économique immédiat à inciter ses clients à pratiquer des appels on-net, à coût incrémental de long terme faible, et non des appels off-net, dont le coût incrémental immédiat est égal a minima au tarif de la terminaison d'appel mobile de l'opérateur de destination. Cette incitation prend la forme de tarifs faciaux plus bas pour les appels on-net, ou encore d'une tarification forfaitaire par laquelle le client final bénéficie d'une offre d'abondance pour ses minutes on-net (22). L'opérateur limite ainsi le volume et le coût des terminaisons d'appel payé à ses concurrents.
En effet, outre le fait que le coût qu'il perçoit pour la terminaison d'un appel on-net est sensiblement inférieur à celui d'un appel off-net du fait même des tarifs de terminaison d'appel, le fait pour un opérateur de commercialiser des offres comprenant un volume important de communications on-net présente l'avantage de permettre à ce dernier de proposer un service de communication n'entraînant pas de versement de charge de terminaison d'appel à un opérateur mobile tiers.
Or le solde d'interconnexion associé à une offre, qui joue un rôle prépondérant dans l'équilibre économique de chaque offre que l'opérateur propose, correspond à la différence entre les charges d'interconnexion qu'il doit payer à ses concurrents au titre du trafic entrant sur leurs réseaux respectifs, et les revenus d'interconnexion qu'il perçoit auprès de ses concurrents au titre du trafic entrant vers ses numéros mobiles pour une offre donnée. Une variation de ces charges et revenus se traduit concrètement pour l'opérateur par une diminution, respectivement un accroissement, instantanée de sa marge brute.
Il apparaît donc que l'intérêt économique immédiat qu'a tout opérateur à inciter ses clients à pratiquer des appels on-net est corrélé positivement à l'écart entre sa structure de coût propre et le tarif de la terminaison d'appel de ses concurrents (incitation directe en coût) et à l'écart entre sa structure de coût et le tarif de sa propre terminaison d'appel (incitation indirecte du fait de la difficulté pour ses concurrents de répliquer ces appels en raison du tarif de sa propre terminaison d'appel).
L'intérêt à développer le trafic on-net dans le but d'améliorer son solde d'interconnexion pour chacune de ses offres s'applique à l'ensemble des opérateurs indépendamment de leur taille. Cet intérêt devient d'autant plus grand que le tarif de terminaison d'appel est élevé.
En première analyse, on pourrait penser que le niveau de tarif de la terminaison d'appel est neutre sur les flux financiers d'interconnexion entre opérateurs mobiles, en partant du constat que ces flux financiers sont globalement équilibrés dans la mesure où les trafics entrants et sortants des différents opérateurs s'équilibrent naturellement. Toutefois, cette assertion n'est vraie que dans l'hypothèse où tous les opérateurs possèdent des parcs de clients ayant des caractéristiques homogènes, notamment en termes de préférences et de profils de consommation, en particulier entre appels on-net et appels off-net. Or, cette condition n'est pas remplie.
De plus, si les trafics entrant et sortant peuvent rester, d'un point de vue macroscopique (23), globalement équilibrés, il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue microscopique (24), il existe des déséquilibres importants selon la catégorie de consommateurs, le segment de clientèle ou l'offre considérés. Or, un opérateur appréhende en général offre de détail par offre de détail les flux d'interconnexion résultant des trafics entrant et sortant. Pour une offre donnée, il peut donc exister des déséquilibres importants entre opérateurs. L'écart entre les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs et leurs structures de coûts peuvent donc avoir des effets incitatifs inefficaces sur les offres présentes sur le marché quand bien même les flux de trafic entre les opérateurs seraient globalement équilibrés.
Par ailleurs, plus l'opérateur dispose d'une part de marché élevée, plus ses offres de communications on-net à tarif privilégié sont attractives pour ses clients ; la contrainte sur le choix des destinataires de l'appel étant d'autant plus souple pour le client.
Sur un plan concurrentiel, un opérateur de taille importante a un intérêt immédiat à développer les offres on-net illimitées, dans la mesure où ces dernières favorisent l'attractivité de son réseau relativement à un opérateur plus petit. Inversement, dans le cas d'un opérateur de faible taille, l'attractivité des offres de communications on-net à tarif privilégié qu'il pourrait proposer sera plus réduite, l'intérêt commercial des offres on-net croissant avec la taille du parc, dans la mesure où les clients finaux valorisent d'autant plus ce type d'offres qu'il est probable que leurs correspondants usuels appartiennent effectivement au même réseau que le leur.
La différenciation entre on-net et off-net favorise l' effet club , c'est-à-dire le fait qu'un client prospectif préférera, toutes choses égales par ailleurs, souscrire auprès de l'opérateur auprès duquel ses correspondants sont déjà clients, afin de bénéficier du tarif on-net sur un maximum d'appels. Or même si le périmètre des correspondants les plus appelés d'un client peut être stable dans le temps, la probabilité qu'à un moment donné ces correspondants soient clients d'un même opérateur est directement reliée à la part de marché de cet opérateur. Ainsi, l'effectivité de l'effet club croît avec l'écart de taille entre le parc clients de cet opérateur et ceux de ses concurrents, dans la mesure où l'intérêt d'une offre on-net croît avec la probabilité que les correspondants les plus fréquents du client potentiel auront souscrit une offre auprès de cet opérateur plutôt qu'un autre.
L'avènement des offres d'abondance susmentionnées présente ainsi un risque de distorsion concurrentielle vis-à-vis d'un opérateur de taille réduite tenant à ce que, en première analyse, ce dernier ne puisse potentiellement les répliquer de manière pertinente qu'en proposant des communications illimitées vers tous les opérateurs (on-net et off-net). Or la commercialisation d'une telle offre entraîne, à l'échelle de cette offre, de fortes dépenses de terminaison pour la majorité des appels sortants car ils correspondent à des appels off-net. De surcroît, dans cet exercice, l'opérateur est contraint tant par le fait que la terminaison d'appel est facturée à la minute ― alors même qu'il ne peut proposer qu'un prix au détail forfaitaire ―, que par le niveau facial de ces terminaisons d'appel.
Ainsi lorsque le coût interne ― coût incrémental de long terme ― et le prix de cession externe ― tarif de la terminaison d'appel mobile ― diffèrent, il apparaît que le risque de non-réplicabilité économique des offres d'abondance on-net défavorise les opérateurs dont les parcs sont significativement les plus faibles (25) en limitant leur capacité à se maintenir dans le jeu concurrentiel et ce indépendamment de leurs propres structures de coût. Il pourrait néanmoins être objecté que la différenciation tarifaire entre on-net et off-net induit une dynamique proconcurrentielle en incitant chaque opérateur à accroître sa part de marché pour bénéficier au maximum de l'effet club . Cet argument, issu de la littérature économique, revêt une certaine pertinence lorsque les parts de marché initiales des opérateurs sont équilibrées. Chacun tire alors un même bénéfice de l'effet club et cherche à prendre un avantage sur ses concurrents (pour peu que les conditions de marché ainsi que le cadre juridique permettent la mise en œuvre d'une telle politique commerciale). En revanche, lorsque les parts de marché sont asymétriques (comme c'est notamment le cas en métropole, et encore plus outre-mer), l'effet club, magnifié par l'écart entre coût et tarif de terminaison d'appel, crée au contraire un handicap artificiel pour les plus petits opérateurs, enfermant ces derniers dans un cercle vicieux : plus leur part de marché est faible, moins leurs offres sont attractives, plus leur part de marché est faible, etc.
Cette structuration des offres favorise en outre la stabilité de ces clubs et réduit donc également l'intensité concurrentielle. En effet, une fois qu'un club est formé et qu'un consommateur est client du même opérateur que ses correspondants les plus fréquents, le changement d'opérateur est pour lui d'autant plus coûteux qu'il lui ferait perdre le bénéfice des tarifs préférentiels offerts pour les appels on-net vers ces correspondants.
Dans l'ensemble de cette partie, l'Autorité confirme les conclusions qu'elle a déjà pu adopter lors de ses analyses de marché précédemment publiées, et notamment dans sa décision d'analyse des marchés de la terminaison d'appel mobile du 4 octobre 2007.
Elle rappelle enfin que, dans son avis (26) sur le projet de décision d'analyse de marché du 4 octobre 2007 en application de laquelle la présente décision est prise, le Conseil de la concurrence procède à l'examen du caractère concurrentiel du marché de gros et des marchés de détail qui lui sont associés pour relever des problématiques concurrentielles similaires à celles évoquées par l'Autorité. Ainsi, il relève que (...) la fin du système de Bill and Keep au 1er janvier 2005, dénoncé unilatéralement par Orange, a fait que les contraintes pesant sur le jeu concurrentiel se sont déplacées sur le marché de détail de la téléphonie mobile. (...) Les évolutions récentes de la politique commerciale des trois opérateurs mobiles ne confirment pas cette analyse. Elles font plutôt apparaître des risques de déséquilibre concurrentiel liés au niveau des terminaisons d'appel dans une situation d'asymétrie persistante des parts de marché des trois opérateurs mobiles. (...) 19. Dans ces conditions, il est important pour les opérateurs de maîtriser leurs dépenses de terminaison d'appel off-net. C'est ainsi que les "offres d'abondance” (appels illimités vers quelques numéros pré-désignés) lancées par SFR puis par Orange, qui correspondent à une forte demande des abonnés dans le prolongement des offres illimitées sur le fixe, sont exclusivement on-net. Ces appels illimités sont à destination de trois numéros mobiles de leurs propres réseaux. (...) Ainsi, pour concurrencer les offres d'abondance on-net des deux autres opérateurs, Bouygues Telecom n'aurait, selon elle, d'autre choix que de développer des offres illimitées vers tous les opérateurs. Toutefois, en générant pour Bouygues Telecom de nombreux appels off-net, cette offre a rendu substantiellement déficitaire son solde d'interconnexion au bénéfice de SFR et d'Orange et entraîne d'importants transferts de trésorerie du plus petit opérateur vers les deux autres (...).
2.2.2. Par construction, la logique des coûts incrémentaux répond à l'objectif de concurrence loyale entre opérateurs
tout en permettant aux opérateurs de recouvrer, via le tarif de terminaison d'appel, les coûts induits par ce service
La partie précédente montre que lorsque le coût interne et le prix de cession externe des services de terminaison d'appel mobile diffèrent le risque de non-réplicabilité économique des offres d'abondance on-net défavorise les opérateurs dont les parcs sont significativement les plus faibles en limitant leur capacité à se maintenir dans le jeu concurrentiel et ce indépendamment de leurs propres structures de coût, ce qui risque de fragiliser artificiellement la situation de certains opérateurs et in fine la concurrence.
Ainsi, de manière à ce que le tarif de terminaison d'appel vocal entraîne le moins de distorsions de concurrence possible entre les opérateurs mobiles, il ne doit pas y avoir de différence significative entre les équations économiques sous-tendant l'équilibre financier d'une offre on-net ou d'une offre off-net, c'est-à-dire entre le coût interne et le prix de cession externe des services de terminaison d'appel mobile.
Or, ainsi qu'Orange France le relevait dans le cadre de la décision n° 2007-0810 susvisée, un opérateur tient compte des effets de long terme sur le dimensionnement de son réseau des offres proposées sur le marché . De fait, le coût interne perçu par un opérateur pour la fourniture d'une offre intégrant des appels on-net correspond à une anticipation des investissements nécessaires pour assurer l'accroissement de la capacité de son réseau afin d'acheminer le trafic additionnel généré par cette offre. Ces coûts correspondent par exemple aux coûts de densification en stations de base qu'il sera nécessaire de mettre en service pour assurer la capacité nécessaire à l'acheminement de ce nouveau trafic.
Symétriquement, le coût supplémentaire encouru par un opérateur pour terminer sur son propre réseau les appels off-net d'un opérateur tiers par rapport à une situation où il ne fournirait pas cette prestation de terminaison d'appel, s'ils peuvent être légèrement différents du coût interne, correspondent principalement aux coûts de densification en stations de base qu'il sera nécessaire de mettre en service pour assurer la capacité nécessaire à l'acheminement de ce nouveau trafic.
Pour promouvoir l'efficacité économique, et notamment l'utilisation efficace des fréquences, le tarif de terminaison d'appel doit rémunérer ces coûts additionnels. Par ailleurs, ceux-ci doivent être évalués sur le long terme afin de prendre en considération les variations induites de dimensionnement du réseau des opérateurs. Inversement, pour promouvoir la concurrence, et au regard des développements précédents, la régulation doit proposer un tarif de terminaison d'appel qui soit orienté vers ces seuls coûts, à l'exclusion de tout autre qui ne soit pas induit par le trafic entrant de terminaison d'appel.
Il résulte de cette analyse que, pour limiter les distorsions de concurrence possibles entre les opérateurs mobiles, l'opérateur appelant devrait payer les coûts associés à ses appels, tandis que les autres coûts de réseau qui auraient de toute façon été encourus par l'opérateur appelé pour cause d'exercice de son activité commerciale devraient être recouvrés sur les marchés de détail auprès de l'appelé, ces coûts pouvant par exemple être associés à la possibilité d'être joint. Ceci aboutit en effet à des signaux de coûts efficaces pour les opérateurs :
― l'opérateur appelant doit payer les coûts additionnels qu'il occasionne du fait de son trafic sortant et donc se doit d'internaliser le bon signal de coûts lorsqu'il construit ses offres de détail ;
― l'opérateur appelé, qui lorsqu'il est seul sur un marché recouvre tous ses coûts auprès de ses clients de détail, recouvre auprès de l'opérateur appelant les coûts additionnels que ce dernier engendre en envoyant désormais du trafic sur son réseau.
Cette approche correspond à la méthode dite des coûts incrémentaux de long terme , en prenant pour incrément l'ensemble du trafic entrant d'un opérateur. Le coût de référence correspond aux coûts (efficaces) encourus du fait de la fourniture en gros du service de terminaison d'appel et qui ne le seraient pas si ce service n'était pas fourni, ou encore à la différence entre les coûts totaux de long terme d'un opérateur fournissant sa gamme complète de services et les coûts totaux déterminés à long terme de cet opérateur fournissant sa gamme complète de services sauf le service de terminaison d'appel fourni sur le marché de gros à des tiers. Pour ramener ce coût incrémental total à un coût de référence à la minute, on le divise par l'ensemble du trafic correspondant à ce service incrémental de terminaison d'appel, soit le trafic total entrant de l'opérateur.
L'Autorité tient à souligner à nouveau que, contrairement aux affirmations de certains acteurs, l'approche en coûts incrémentaux ne remet absolument pas en cause la capacité des opérateurs à recouvrer la totalité de leurs coûts, mais qu'elle a juste pour effet de limiter la part de leurs coûts joints recouvrables au travers du tarif de terminaison d'appel sur leurs concurrents et d'augmenter la part recouvrable sur d'autres services où ils ne sont pas en position de monopole mais soumis à une pression concurrentielle exercé par les autres opérateurs et par leurs clients.
Par construction, cette approche tient compte exactement des coûts engendrés par la fourniture de cette prestation supplémentaire : elle tient compte de l'ensemble de ces coûts et seulement de ces coûts. En particulier, avec cette méthode, on suppose que tous les actifs sont remplacés à long terme. Autrement dit, tous les coûts sont variables et pris en compte, y compris les coûts d'investissement pertinents.
Elle diffère de l'approche en coûts complets en ce qu'elle n'alloue pas uniformément l'intégralité des coûts, et notamment les coûts réseaux, à l'ensemble des prestations techniques fournies par l'opérateur mobile. A titre d'exemple, une approche en coûts incrémentaux ne prend en compte pour le calcul des coûts de terminaison d'appel que les besoins en capacité nécessaires à l'acheminement du trafic tiers, mais ne retient plus les besoins en couverture nécessaires pour proposer des offres commerciales de détail à ses propres clients indépendamment de tout trafic entrant tiers. De même, les coûts de licence, dans la mesure où ils ne sont pas conditionnés par le trafic entrant, ne sauraient être pris en compte pour le calcul des coûts de terminaison d'appel car nécessaires à une exploitation commerciale d'opérateur mobile indépendamment de l'existence d'un trafic entrant tiers. Les coûts de couverture et de licence, s'ils ne sont pas pris en compte dans le coût de la terminaison d'appel, le sont intégralement dans le calcul des coûts d'accès aux réseaux et d'appels sortants qui fondent la tarification de détail des opérateurs vis-à-vis de leurs clients.
2.2.3. Analyse au regard des objectifs poursuivis
Non-discrimination entre opérateurs mobiles et non-incitation à la différenciation tarifaire on-net/off-net.
Tout d'abord, comme développé précédemment, une régulation des tarifs de terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux élimine par construction les distorsions de concurrence liées aux différences d'internalisation des coûts en fonction de la destination des appels et rétablit un jeu concurrentiel loyal entre acteurs de la téléphonie mobile, basé uniquement sur les prestations de détail, apparaissant ainsi comme le bon niveau de coûts permettant d'éliminer toute forme d'asymétrie artificielle due à des déséquilibres de trafic éventuels.
En outre, l'intérêt économique immédiat qu'a tout opérateur à inciter ses clients à pratiquer des appels on-net étant corrélé positivement à l'écart entre sa structure de coût propre et le tarif de la terminaison d'appel de ses concurrents (incitation directe en coût) et à l'écart entre sa structure de coût et le niveau tarifaire de sa propre terminaison d'appel (incitation indirecte du fait de la difficulté pour ses concurrents de répliquer ces appels en raison du tarif de sa propre terminaison d'appel), cette approche limite, également par construction, l'incitation artificielle à la tarification différenciée au détail entre trafic on-net et off-net, due aux tarifs de gros de la terminaison d'appel, bien que de telles offres puissent toutefois perdurer sur le marché du fait de l'incitation commerciale des gros opérateurs à favoriser les effets de réseau.
Inversement, des niveaux de tarifs de terminaison d'appel mobile fixés en référence aux coûts complets, et donc (par définition) supérieurs aux coûts incrémentaux, encouragent la différenciation tarifaire entre appels on-net et appels off-net, les signaux de coûts étant différents entre ces deux types d'appels, les premiers étant fortement favorisés dans les offres de détail au détriment des seconds, ce qui a des conséquences néfastes en termes de concurrence entre opérateurs mobiles sur les marchés de détail, entraînant notamment un désavantage concurrentiel pour les opérateurs ayant proportionnellement plus de volumes de trafic off-net et ce, dans un marché où la concurrence pour les services vocaux se tourne désormais vers l'acquisition de clients des opérateurs concurrents, le développement du marché ayant atteint sa maturité. Plus globalement, en introduisant artificiellement (27) un coût variable élevé pour les appels off-net, le maintien de niveaux élevés de tarifs de terminaison d'appel mobile constitue un frein au jeu concurrentiel entre opérateurs mobiles et à la baisse des prix unitaires d'appel.
Neutralité technologique et concurrence loyale entre opérateurs mobiles et fixes, au bénéfice du consommateur :
L'approche en coûts incrémentaux limite les distorsions de concurrence entre les opérateurs mobiles, mais permet également d'éliminer les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes.
Il convient tout d'abord de rappeler que les périmètres des coûts considérés jusqu'à ce jour par le régulateur comme pertinents pour la prestation de terminaison d'appel fixe, d'une part, et mobile, d'autre part, sont différents, dans la mesure où la charge de terminaison d'appel vocal mobile rétribue plus de services que celle relative à la terminaison d'appel fixe. En effet, la terminaison d'appel mobile rémunère la sollicitation de tous les éléments de réseau activés par la transmission de l'appel du point d'interconnexion à l'appelé, segment d'accès compris. Pour rappel, dans le cas du fixe, la terminaison d'appel ne recouvre pas les coûts associés au segment d'accès jusqu'à l'utilisateur final. Le coût de ce segment d'accès (par exemple, la paire de cuivre), qui est entièrement dédié à l'utilisateur fixe, est recouvré à travers une tarification, qui prend en compte ce coût, des services offerts au détail à l'utilisateur final.
De tels niveaux de tarifs de terminaison d'appel vocal, bien supérieurs aux coûts complets et issus d'une pratique de financement des réseaux mobiles par les appels fixes vers mobiles dans un contexte de bill and keep entre opérateurs mobiles, ont pour conséquence que les niveaux tarifaires de terminaison d'appel vocal mobile sont à ce jour bien supérieurs à ceux de la terminaison d'appel vocal fixe, atteignant des niveaux absolus structurellement élevés, au-delà des différences technologiques (et de coûts subséquentes) évidentes.
Ainsi, l'ordre de grandeur des tarifs de terminaisons d'appel vocal fixe est inférieur à un c€, lorsque, dans le même temps, il est actuellement en moyenne de l'ordre de 7 c€ pour le monde mobile. Ces prix de gros élevés se traduisent, sur le marché de détail, notamment par des tarifs élevés des communications fixe vers mobile en comparaison des communications fixe vers fixe. Par ailleurs, l'ensemble des acteurs de la téléphonie vocale est engagé dans une transition des structures de tarification historique où le service téléphonique est facturé au nombre et à la durée des appels vers une facturation forfaitaire. Cette tendance est très avancée en téléphonie fixe et progresse rapidement en téléphonie mobile. Cette évolution découle de la maturité des réseaux des opérateurs qui peuvent absorber la croissance des volumes à moindre coût et de la très forte préférence exprimée par les utilisateurs finals pour ce type d'offre permettant une meilleure maîtrise de leur dépense. Néanmoins cette tendance structurelle ne s'applique pas aux communications fixe vers mobile , qui du fait du tarif élevé de la terminaison d'appel mobile, ne peuvent être commercialisées sous forme forfaitaire. La part relative des communications fixe vers mobiles chute ainsi régulièrement, non pas du fait des préférences des consommateurs mais en conséquence des niveaux tarifaires actuels des appels fixes vers mobiles.
Le maintien d'un niveau de tarif de terminaison d'appel mobile artificiellement élevé par rapport à celui de terminaison d'appel fixe constitue un transfert de la disponibilité à payer des abonnés fixes vers les opérateurs mobiles au détriment des opérateurs fixes, de nature à conduire sur la période considérée à des déséquilibres, des modifications artificielles des préférences des consommateurs et des transferts de valeur inefficaces entre les consommateurs fixes et mobiles. Or, si ce transfert pouvait apparaître raisonnable lors du déploiement des boucles locales radio mobiles, son maintien au moment où les opérateurs fixes déploient une nouvelle boucle locale filaire n'apparaît plus légitime, et il convient de s'interroger sur le bien-fondé de continuer à subventionner la téléphonie mobile via les opérateurs de téléphonie fixe.
Inversement, l'application d'une approche en coûts incrémentaux dans la tarification des terminaisons d'appel mobiles pourrait conduire à limiter considérablement les déséquilibres et transferts de valeur des opérateurs fixes vers les opérateurs mobiles, ainsi que les distorsions pouvant impacter les choix des consommateurs, ce qui serait susceptible de stimuler les usages des clients des opérateurs fixes.
Par ailleurs, cette approche aurait pour effet de rapprocher les niveaux des tarifs de terminaisons d'appel fixes et mobiles. Or, par-delà les implications en termes de surplus du consommateur de services de communications fixes, il convient de relever que le maintien, dans un contexte de convergence où les opérateurs fixes et mobiles sont de plus en plus en concurrence, d'un tarif de terminaison d'appel mobile élevé et supérieur à ses coûts crée, alors que les concepts ne sont pas harmonisés entre fixe et mobile, un avantage certain pour les opérateurs mobiles, ce qui biaise le jeu concurrentiel. Le développement d'offres de convergence virtuelle ou plus technique faisant reposer la prestation de services mobiles concurrents de services fixes sur la perception de tarifs de terminaison d'appel élevés emporte en effet une distorsion concurrentielle du fait de la subvention croisée opérée entre marché de gros et marché de détail (au détriment de l'opérateur pâtissant de l'asymétrie de niveaux de tarifs de terminaison) et peut être considéré comme générateur d'inefficacités productives (c'est-à-dire d'une mobilisation de ressources radio injustifiées au regard des conditions effectives d'utilisation par le consommateur final).
En supprimant la césure artificielle entre les produits fixes et mobiles, une régulation des plafonds tarifaires de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux permettrait ainsi de rétablir une concurrence loyale entre les opérateurs mobiles et fixes, et notamment aux opérateurs fixes de plus facilement répondre aux offres des opérateurs mobiles avec lesquels ils sont en concurrence, tel qu' Unik de Orange ou HappyZone de SFR et ainsi de ne pas biaiser l'adoption de la technologie la plus efficace. Le marché serait ainsi en mesure de mieux tirer partie de la convergence technique entre les réseaux, favorisant l'émergence d'offres innovantes sur le marché de détail.
Dans son avis sur l'analyse de marché du 4 octobre 2007 (28), le Conseil de la concurrence émet des commentaires similaires :
25. Enfin, le Conseil de la concurrence remarque que la frontière entre les services de téléphonie mobile et les services de téléphonie fixe devient de plus en plus poreuse, d'une part, du fait du développement d'offres de convergence (voir supra), d'autre part, en raison du lancement d'offres purement mobiles concurrençant directement les offres fixes. Ainsi, SFR a lancé récemment l'option "Happy Zone” qui propose des appels illimités vers tous les fixes 24 heures sur 24 pour les appels passés par ses clients dans une zone proche de leur résidence (offre de type "Cell-ID”). Ces offres s'appuient notamment sur le constat que plus de 30 % des appels mobiles sont passés depuis le domicile des utilisateurs. Ces offres sont susceptibles de concurrencer les offres de téléphonie fixe illimitées proposées par les opérateurs de téléphonie fixe et plus marginalement par les opérateurs internet (dans le cadre d'offre double ou triple play). Or, les économies de ces offres seront radicalement différentes selon qu'elles s'appuient sur des revenus entrants consistant en des charges de terminaison d'appels fixes (environ 1 c€ par minute en moyenne) ou mobiles (environ 8 c€ en moyenne à ce jour). Sachant que les revenus entrants sont particulièrement importants dans l'élaboration de ce type d'offres, il convient de veiller à ce que la régulation des niveaux de terminaison d'appel (revenus entrants) du fixe et du mobile n'introduise pas un biais dans la concurrence sur le marché de détail entre des services en compétition et respecte le principe de neutralité technologique.
Développement de la concurrence et de l'innovation au bénéfice du consommateur :
Comme indiqué précédemment, une régulation des tarifs de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux induits par cette prestation est de nature à rétablir une concurrence loyale entre acteurs mobiles et fixes, favorisant un développement efficace des marchés, et en particulier l'adoption de la technologie la plus efficace, et stimulant l'innovation et le développement d'offres de convergence, au bénéfice du consommateur. Cette stimulation vaut pour la convergence technique, mais aussi commerciale. Ainsi, dans le cadre d'une tendance forte au développement des offres illimitées, des niveaux tarifaires de terminaison d'appel mobile élevés font peser un aléa financier considérable sur les opérateurs fixes qui voudraient développer des offres illimitées vers les mobiles. Une référence aux coûts incrémentaux permettrait de rétablir le bon signal de coûts sur ces marchés et de stimuler le développement d'offres illimitées et/ou forfaitaires, y compris vers les mobiles, en cohérence avec le coût réel induit par ce nouveau trafic.
De même, en réduisant l'écart entre le coût perçu pour la fourniture d'une terminaison d'appel en interne et l'achat d'une terminaison d'appel externe, cette approche limite l'incitation pour les opérateurs à la différenciation entre les appels on-net et off-net, au bénéfice de la transparence des offres de détail, et permet le développement d'offres illimitées sans restriction d'usage (vers tous les réseaux et à toute heure), le choix du lancement de ces offres ne dépendant plus que de la politique commerciale des opérateurs, et non plus de différences de coûts artificielles entre les communications on-net et communications off-net. A titre d'illustration, la mise en place d'une régulation des terminaisons d'appel SMS en métropole par l'Autorité à l'été 2006 par l'imposition entre autres de plafonds tarifaires pour ces prestations a permis le développement rapide d'offres illimitées SMS sans effet de réseau durant l'année 2007.
Parce qu'elle laisse un écart important entre le coût interne pour la fourniture d'une minute incrémentale de terminaison d'appel et l'achat d'une terminaison d'appel externe, une tarification en référence aux coûts complets renforce les incitations au développement d'offres avec effet de réseau et limite le développement d'offres illimitées vers les mobiles au départ du fixe ou sans restrictions d'usage (offres illimitées on-net ou à certaines heures, illimitées vers les fixes...). L'utilisation de cette méthode revient également à ne pas reconnaître que l'utilité de la communication est partagée entre l'appelé et l'appelant, ce qui entraîne des tarifs off-net élevés, notamment pour les communications fixe vers mobile, une sous-consommation d'appels et une moindre satisfaction des consommateurs. En effet, lorsque l'utilité retirée par l'appelant est inférieure au prix de l'appel, ce dernier y renonce, alors même que l'utilité globalement retirée par l'appelé et l'appelant peut, elle, être supérieure à ce prix et donc correspondre à une consommation efficace si l'appelé pouvait participer au paiement de l'appel.
Enfin, avec la tarification de la terminaison d'appel en coûts complets, plus un opérateur est agressif commercialement en offrant à son client plus de minutes pour une dépense donnée, plus il va devoir s'acquitter d'un montant élevé de terminaison d'appel et participer ainsi au financement des coûts fixes de ses concurrents, payant notamment une partie de leurs coûts de licence. Ainsi, cette méthode limite fortement les incitations concurrentielles à baisser les tarifs de communication sur les marchés de détail mobiles. Cet effet négatif sur la dynamique concurrentielle est particulièrement préjudiciable alors même que les fortes incitations concurrentielles qui prévalaient dans un marché en pleine croissance ont disparu avec la quasi-maturité de ce marché en termes de taux de pénétration.
2.3. Le changement de référence de coûts pertinente appelle un nouvel équilibre
sur le marché plus efficace à terme, dans un marché en permanente adaptation
L'évolution dans le choix du concept retenu, d'une référence aux coûts complets vers une référence aux coûts incrémentaux, représente à terme un changement assez profond, qui implique une modification de l'équilibre économique des offres de détails, et qui devrait par conséquent induire une adaptation progressive de ces offres par les opérateurs mobiles.
Si l'équilibre économique ainsi prévu à terme apparait plus efficace que l'équilibre actuel, l'ajustement des marchés qu'il nécessite ne devrait pas être immédiat mais devrait plutôt s'envisager progressivement dans un marché en permanente adaptation. C'est la raison pour laquelle l'analyse doit être menée dans un contexte dynamique.
2.3.1. La tarification de la terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux
permet l'enrichissement des offres et la stimulation des usages pour les consommateurs
Le passage d'une régulation en référence aux coûts complets à une régulation en référence aux coûts incrémentaux implique que la structure des offres de détail mobile sera probablement à terme différentes, les opérateurs les ayant progressivement réexaminées et adaptées à ces nouvelles conditions tarifaires de gros. Le changement de concept de coûts n'est donc pas neutre pour les consommateurs.
Innovation, stimulation des usages et baisse globale des prix :
Ainsi qu'esquissé précédemment, une régulation des tarifs de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux devrait rétablir les bons signaux de coûts sur les marchés de gros concernés, limitant les distorsions artificielles de prix sur les marchés de détail (on-net / off-net, fixe vers mobile / mobile vers fixe), permettant le développement d'offres d'abondance à destination de tous les réseaux (all-net) et/ou depuis les réseaux fixes et d'offres de convergence, libérant ainsi les usages.
En rétablissant les bons signaux de coûts sur les marchés de gros concernés, les tarifs étant ramenés aux seuls coûts encourus par l'opérateur concerné pour la fourniture de la terminaison d'appel, une régulation en référence aux coûts incrémentaux devrait plus précisément induire un nouvel équilibre entre accès et trafic, et moins de subventions croisées et de transferts entre consommateurs. Alors que la partie abonnement , implicite aujourd'hui, pourrait être plus explicite, le prix à la minute des appels devrait baisser, permettant de rétablir également aux clients les bons signaux de coûts et donc de les inciter à adopter des comportements de consommation plus efficaces.
Globalement, cela devrait avoir pour conséquence une plus grande satisfaction des consommateurs, une augmentation des volumes de communications et une baisse globale des tarifs.
En effet, le surcoût actuel de certaines communications a pour conséquence une sous-consommation d'appels, liée à des comportements de restriction de la part des consommateurs en position d'appelant mais aussi en position d'appelé. En particulier, actuellement, les utilisateurs de téléphonie fixe limitent les appels à destination des réseaux mobiles. Ce phénomène est relativement fort chez les clients des fournisseurs d'accès à Internet ne disposant pas pour la plupart d'appels vers les mobiles inclus dans leur forfait. Ainsi seulement 4 % des appels émis depuis une ligne de voix sur large bande ont pour destination un mobile (29). De plus, les usagers mobiles appelés par une ligne fixe cherchent à limiter les frais de leur correspondant : 45 % d'entre eux écourtent la conversation et 37 % proposent souvent à leur correspondant de les rappeler, souvent voire systématiquement (30). La baisse des tarifs des appels fixe vers mobile ou l'inclusion des communications fixe vers mobile dans les forfaits des opérateurs fixes devraient ainsi par exemple assouplir et développer les usages sous-jacents, pour une meilleure satisfaction des consommateurs.
Un impact limité sur les petits consommateurs :
A première vue, cette réorganisation de la structure tarifaire, et notamment la diminution des subventions croisées entre consommateurs, pourrait pénaliser les clients qui émettent globalement moins d'appels qu'ils n'en reçoivent (clients dits asymétriques ). En effet, en analyse statique, les offres concernant ces clients seront moins rentables pour les opérateurs, lesquels pourraient alors avoir une incitation à augmenter leurs tarifs. Or, les clients plus fortement asymétriques sont plutôt les petits consommateurs , c'est-à-dire les consommateurs émettant relativement peu d'appels et donc la facture est relativement basse.
Les opérateurs affirment par exemple que certaines cartes prépayées, qui semblent actuellement équilibrées économiquement grâce notamment aux revenus d'interconnexion, pourraient voir leur rentabilité diminuer, ce qui impliquerait un réajustement à la hausse de leur prix et/ou un réajustement à la baisse de leur durée de validité. Une part de la clientèle actuelle pourrait ainsi être pénalisée, voire exclue du marché.
Ainsi, Orange France cite une étude du cabinet Frontier economics (31), qui affirme qu'à l'échelle de l'Union Européenne, l'établissement des terminaisons d'appel mobile à 2 c€/min se traduirait pas une baisse de la pénétration en Europe de 9 % . SFR estime que, selon la théorie économique du waterbed effect (32), une baisse des tarifs de terminaison d'appel se traduit, toutes choses égales par ailleurs, par une hausse des prix, et que ces hausses seront d'autant plus importantes que les clients reçoivent relativement plus d'appels qu'ils n'en émettent, ce qui est le cas des clients les plus modestes .
Si Bouygues Telecom estime également que ce risque existe, il précise en revanche que si une période de transition suffisante est mise en œuvre, le marché sera capable d'adapter la structure de ses offres aux nouvelles conditions, et de trouver des solutions adaptées pour éviter l'exclusion de ces petits consommateurs.
Tout d'abord, l'Autorité tient à souligner ici que le passage aux coûts incrémentaux remet en cause l'équilibre économique des offres pour les consommateurs asymétriques dans leurs communications off-net, c'est-à-dire caractérisés par un volume entrant off-net supérieur à un volume sortant off-net, et non pour les consommateurs simplement asymétriques.
Dès lors, l'impact statique (33) sur ces offres est d'autant plus faible pour les plus gros opérateurs qu'ils ont un faible volume off-net. De plus, l'impact d'une baisse des tarifs de terminaison d'appel sur l'équilibre économique des offres est d'autant moins fort que le coût d'accès au réseau supporté par l'opérateur est faible. Il est donc moins important chez les plus gros opérateurs, qui, du fait de leur part de marché, ont un coût fixe moyen par client moins élevé.
Par ailleurs, l'Autorité estime que les conclusions précédentes reposent sur une analyse statique du marché, qui n'est pas adaptée. Il est nécessaire au contraire de raisonner en analyse dynamique.
De fait, l'adaptation des comportements des opérateurs mobiles aux conséquences du choix d'un nouveau concept de référence tarifaire n'a pas de raison d'être restreinte à une réaction à une simple baisse ou hausse des prix. Les opérateurs ont à leur disposition de multiples leviers d'ajustement pour s'adapter aux nouvelles conditions tarifaires sur les marchés de gros et restructurer leurs offres de détail. Outre le prix facial des offres, ils peuvent agir sur la durée de l'abonnement ou de la validité de la carte en entrant, sur l'équilibrage entre le prix à la minute des communications et celui de l'accès (une forme d'abonnement). Ils peuvent modifier leur politique de subventionnement des terminaux ou de distribution. Ils peuvent enfin modifier le système de marges sur l'ensemble de leurs offres, et non offre par offre.
Ainsi, le marché est en permanente adaptation, comme on a pu le voir au cours des années passées, où les précédentes baisses tarifaires de terminaison d'appel (― 50 % sur le cycle d'analyse de marché passé) ont été absorbées par le marché, sans entraîner une disparition des offres du bas de marché , avec à l'inverse une hausse de la pénétration (hors saisonnalité) et une légère baisse du prix moyen par minute.
En effet, mis à part une refonte de la gamme prépayée d'Orange intervenue à l'été 2006, l'Autorité relève que les cartes prépayées classiques proposées par les autres opérateurs depuis 2005 n'ont pas été modifiées malgré les baisses successives des tarifs de terminaison d'appel. Alors que, sur la période, les niveaux de tarifs de terminaison d'appel ont baissé de plus de 40 %, le prix de ces cartes, les tarifs associés aux différents services ― et par suite la durée de communication proposée ― n'ont pas changé. Il en est de même pour la durée de validité de ces cartes. Si Orange a refondu ses offres de cartes prépayées à l'été 2006 avec pour conséquence un ratio prix/durée de validité moins intéressant pour le consommateur, l'opérateur n'en a pas pour autant supprimé les cartes les moins chères et a au contraire enrichi sa gamme prépayée d'une recharge à 5 € et d'un bonus permettant de passer des appels en illimité vers un numéro Orange le mois suivant pour tout rechargement de plus de 30 € dans le mois.
Ainsi, le passé montre qu'une baisse du tarif de terminaison d'appel n'entraîne pas systématiquement la hausse des tarifs ni la disparition des offres prépayées. Au contraire, l'Autorité note qu'en matière de SMS, la baisse du tarif de gros intervenue à l'été 2006 a permis l'enrichissement des offres prépayées, avec notamment l'apparition de cartes avec SMS illimités tous opérateurs. Ces cartes sont aujourd'hui proposées par tous les opérateurs. Parallèlement, un opérateur a développé depuis avril 2007 des options SMS instantanées pour les clients du prépayé (exemples : option SMS illimités le jour de la souscription à 3 €, option 100 SMS offerts pour 1 SMS envoyé à 8 €). Outre ces recharges et ces options, les opérateurs ont mis en place depuis 2006 des promotions ponctuelles réservées aux nouveaux clients ou aux gros consommateurs du prépayé, comme par exemple des SMS illimités vers 1 numéro pendant 30 jours pour tout rechargement de plus de 30 € dans le mois, ou des SMS illimités pendant 20 jours pour tout nouveau client. Ces promotions se sont développées en parallèle pour la voix mais l'Autorité note qu'elles restent à ce jour limitées aux appels on-net et vers les fixes. Une baisse des tarifs de terminaison d'appel voix pourraient donc induire un enrichissement des offres prépayées, comme cela a été constaté pour les services SMS.
L'Autorité constate également que les précédentes baisses des tarifs de terminaison d'appel n'ont pas eu d'effet sur la pénétration mobile, qui a augmenté sur la période. Le taux de pénétration actif en métropole est en effet passé de 73,8 % à 85,3 % entre juin 2005 et juin 2008. Il existe encore aujourd'hui des relais de croissance sur la 3G, qui aideront le marché à absorber un changement des conditions tarifaires sur les marchés de gros.
Ainsi, au regard de l'affrontement actuel de visions divergentes sur l'existence et l'ampleur du waterbed effect, l'Autorité ne souhaite pas se prononcer à ce stade sur son application au cas du marché de détail mobile métropolitain mais note qu'elle n'est pas prouvée. Elle note également que, si l'analyse empirique de Genakos et Valetti (34) visant à tester cette théorie semble montrer une hausse des tarifs de détail suite à l'introduction d'une régulation des tarifs de terminaisons d'appel, elle montre également que cette hausse affecte principalement le post-payé. Sans se prononcer sur la pertinence de la modélisation de l'équilibre concurrentiel retenue, l'Autorité note que cette conclusion va ainsi à l'encontre de l'impact principal annoncé par les opérateurs.
Au demeurant, alors qu'aujourd'hui les petits consommateurs paient leurs consommations à la minute à un prix relativement élevé au regard de la moyenne du marché compte tenu de l'abonnement implicite intégré dans les tarifs des communications, il n'est pas exclu qu'une grande partie d'entre eux pourraient au contraire bénéficier d'une nouvelle structure d'offre fixant explicitement une facturation périodique minimum pour rémunérer l'accès au réseau, associée à un prix à la minute de la communication beaucoup plus faible, ce qui pourrait de fait leur permettre de consommer plus de minutes sortantes pour une dépense donnée.
L'Autorité note à cet égard que les opérateurs n'ont pas intérêt que la pénétration baisse et devraient, sous réserve de leur capacité à segmenter, ajuster leurs offres de manière que tout client leur apportant une marge positive, même avec une rentabilité inférieure, reste sur le marché (35), de manière à participer au financement des coûts fixes du réseau.
Enfin, face à une restructuration potentielle des offres de détails des opérateurs de réseau, et notamment des offres prépayées ou du bas de marché, l'Autorité souligne que les MVNO pourraient exercer une force de rappel. En effet, ceux-ci sont déjà présents sur le bas de marché et sont relativement insensibles au niveau du tarif de terminaison d'appel puisqu'ils achètent uniquement des minutes sortantes en gros à leur opérateur hôte.
Le tarif de terminaison d'appel n'a pas vocation à être un outil de politique redistributive :
Tout d'abord, l'Autorité juge utile de préciser qu'il est erroné d'assimiler petits consommateurs et petits revenus , et donc d'assimiler les consommateurs asymétriques aux consommateurs à revenus modestes.
Elle note qu'il existe deux catégories de petits consommateurs , correspondant aux deux types de consommations : en prépayé et en postpayé. Or, le prépayé est avant tout un mode de consommation attirant les personnes ne souhaitant pas contraindre la régularité de leurs dépenses de téléphonie mobile. Ce type de consommation présente principalement une dimension générationnelle, les seniors étant surreprésentés dans la clientèle du prépayé : 32 % des seniors équipés de mobile sont clients de cartes prépayées contre 21 % de la population totale (36). La seconde catégorie de petits consommateurs correspond aux clients des petits forfaits, principalement les comptes bloqués, qui sont principalement souscrits, à l'inverse, par les jeunes générations, les parents de jeunes et adolescents payant leur abonnement et désirant en contrôler le montant. Rien n'indique donc que les personnes payant ces offres de petits consommateurs soient plus modestes que les autres.
En tout état de cause, si les niveaux des tarifs de terminaison d'appel actuels avaient pour conséquence de permettre à une partie de clients modestes d'accéder au marché de la téléphonie mobile via la subvention des consommateurs asymétriques par les plus gros consommateurs, ça n'est pas l'objectif de la régulation tarifaire de la terminaison d'appel. Celle-ci vise à soutenir une concurrence loyale entre opérateurs et permettre le développement efficace des marchés au bénéfice des consommateurs. Elle répond donc à une problématique concurrentielle et économique et n'est pas adaptée pour répondre à une problématique de redistribution.
De fait, une politique redistributive indirecte via le niveau des tarifs de terminaison d'appel, visant à subventionner les revenus modestes, ne serait pas efficace en ce qu'elle n'atteindrait qu'une partie de la cible visée, et subventionnerait à l'inverse de nombreuses personnes n'étant pas dans la cible. Par exemple, 13 % des cadres et professions intellectuelles achètent des cartes prépayées (37). Enfin, une politique de tarifs de terminaison d'appel hauts maintiendrait les problèmes concurrentiels, biaiserait les consommations et limiterait le développement du marché, et serait donc inefficace économiquement.
L'introduction de tarifs sociaux en téléphonie mobile constituerait à ce titre une politique redistributive efficace car ciblant directement les revenus modestes, sans par ailleurs induire les problématiques concurrentielles, détaillées plus haut, liées à une tarification de la terminaison d'appel supérieure à ses coûts incrémentaux.
L'Autorité note par ailleurs que l'article 111 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (38) permet l'établissement d'une convention entre l'Etat et les opérateurs mobiles qui proposeraient des tarifs sociaux aux personnes ayant un revenu modeste.
2.3.2. La tarification de la terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux permet le rétablissement
d'une concurrence saine entre les acteurs sans réduire les incitations à l'investissement, y compris en matière de couverture du territoire
Ainsi qu'il a été développé au 2.2, une régulation du tarif de terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux devrait limiter les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles, ainsi qu'entre opérateurs mobiles et fixes.
Ainsi, la concurrence ne sera plus faussée au détriment des plus petits opérateurs mobiles et des opérateurs fixes, ce qui devrait stimuler le jeu concurrentiel sur le marché mature de la voix, les petits opérateurs pouvant être agressifs commercialement sans participer au financement des coûts fixes ou des inefficacités de leurs concurrents, et stimuler le développement d'offres d'abondance et de convergence, qu'elles soient techniques ou commerciales.
Un rééquilibrage sain des flux financiers entre opérateurs :
Le passage aux coûts incrémentaux diminue également fortement la distorsion de concurrence entre opérateurs intégrés et opérateurs non intégrés, puisque les premiers peuvent internaliser en partie leurs soldes d'interconnexion fixe mobile et ainsi moins subir le niveau élevé des tarifs de terminaisons d'appel en coûts complets. Or, au-delà du contexte de convergence, au moment où les opérateurs fixes investissent dans le déploiement d'une nouvelle boucle locale en fibre il est important que la concurrence ne soit pas faussée entre opérateurs fixes intégrés ou non.
Quant aux conséquences de la disparition des transferts entre opérateurs évoqués précédemment et par suite le rééquilibrage financier occasionné, on s'aperçoit naturellement que cela favorisera le petit opérateur mobile et les opérateurs fixes tandis que l'impact restera limité sur les deux principaux opérateurs mobiles. Le solde financier d'interconnexion mobile à mobile du plus petit opérateur qui est très négatif, se redressera et permettra à terme la disparition de l'asymétrie tarifaire. Au-delà de cet effet sur Bouygues Telecom, l'effet principal pour le secteur se concentre sur les flux financiers que les opérateurs fixes versent aux opérateurs mobiles. A titre d'ordre de grandeur, une baisse de 1c€ correspondrait, toutes choses égales par ailleurs, à une perte pour les opérateurs mobiles de l'ordre de 125 millions d'euros (39), soit environ 1,5 % de leur EBITDA (40). Cet effet est d'autant plus faible que l'on tient compte des regroupements Orange-France Télécom d'un côté et SFR-Neuf de l'autre.
Dans leurs réponses à la consultation publique de septembre 2008, les opérateurs mettent en avant le risque d'un développement massif du call-back (41) dans l'optique d'une tarification en référence aux coûts incrémentaux. Si Bouygues Telecom demande simplement une période de transition pour adapter leurs offres au nouveau concept, Orange et SFR redoutent un impact non négligeable sur leur chiffre d'affaires. Orange craint par exemple que le phénomène observé sur les publiphones, contraignant France Télécom à surtaxer les appels entrants, se reproduise sur le segment du prépayé en mobile.
L'Autorité reste relativement sceptique quant à l'ampleur de ce phénomène. D'abord, elle note que l'espace économique est à ce jour déjà important pour que de telles offres se développent et que ce phénomène ne semble pas s'être développé massivement, ou même au-delà d'une consommation de niche. De fait, les services de call-back requièrent bien souvent l'installation d'un logiciel sur le mobile, à condition toutefois que le système d'exploitation soit ouvert (environ [SDA] (42) des terminaux vendus). Au demeurant, l'utilisation d'un service de call-back nécessite de toute façon l'accès à un réseau mobile, ce qui doit permettre à l'opérateur mobile de recouvrer ses coûts d'accès via le prix de la carte prépayée, et si la rentabilité de chaque minute entrante diminue avec la référence en coûts incrémentaux, elle n'en reste pas moins positive pour l'opérateur.
La tarification de la terminaison d'appel en référence aux coûts incrémentaux n'aura pas d'impact négatif sur l'investissement :
Au contraire elle permet de rétablir les bons signaux de coûts permettant des investissements efficaces et une utilisation efficace des ressources, en particulier du spectre.
Comme le soulignent Free et UFC-Que choisir dans leurs réponses à la consultation publique de septembre 2008, le passage au concept de coûts incrémentaux libère les capacités d'investissement des opérateurs actuellement pénalisés par des tarifs de terminaison d'appel mobile trop élevés : c'est le cas des opérateurs fixes qui sont pénalisés pour leurs investissements dans le déploiement de la boucle locale fibre ; c'est également le cas du petit opérateur mobile qui est pénalisé par son solde d'interconnexion avec ses concurrents.
En outre, une tarification en référence aux coûts incrémentaux rémunère les opérateurs pour les coûts d'investissement induits par la fourniture de la terminaison d'appel. Il n'y a donc pas de phénomène de passager clandestin.
En particulier, le tarif de terminaison d'appel n'est pas un outil d'incitation à la couverture du territoire :
Orange et SFR affirment que le passage aux coûts incrémentaux va diminuer l'incitation à couvrir le territoire.
Selon SFR, cette mesure reviendrait à récompenser les opérateurs qui investissent le moins dans le réseau et qui visent une couverture minimale du territoire : en effet, les opérateurs ne couvrant qu'une partie limitée du territoire pourraient bénéficier de la meilleure couverture des opérateurs des personnes appelés par leurs clients sans pour autant y contribuer. Cela limiterait donc mécaniquement l'intérêt pour les opérateurs de couvrir au mieux le territoire national.
Selon Orange, en supposant que le rééquilibrage entre le coût d'accès, susceptible d'augmenter, et le coût unitaire de la minute, susceptible de baisser, va conduire à une forfaitisation des offres, les opérateurs n'auront plus intérêt à développer leur réseau. En effet, le supplément de trafic obtenu grâce à l'extension du réseau ne serait pas profitable aux opérateurs mobiles, qui ne facturerait pas les minutes sortantes supplémentaires et ne recevraient qu'un faible revenu de terminaison d'appel pour les minutes entrantes off-net supplémentaires.
L'Autorité souligne à ce sujet que l'équation économique d'une zone blanche est beaucoup moins sensible au trafic que celle d'une zone dense.
Il ne faut également pas oublier que le niveau de couverture est un élément capital pour l'image des opérateurs et qui influence en tout premier lieu les consommateurs dans le choix des offres de téléphonie mobile : selon une enquête de 2007 (43), la qualité du réseau est un critère important voire essentiel pour 96 % des personnes interrogées et ce critère arrive très largement en première position.
En outre, la couverture du territoire n'évolue plus, aux niveaux de couverture actuels, en fonction de la rentabilité économique d'une zone, ce niveau ayant déjà été dépassé, du fait des obligations de couverture inscrites dans les licences des opérateurs ou du programme zones blanches. Le raisonnement concernant un hypothétique opérateur qui chercherait à profiter du réseau de ses concurrents pour ne faire aucun effort sur sa propre couverture paraît donc peu réaliste.
Conclusion :
Au regard des développements précédents, l'Autorité fait évoluer les références pertinentes des coûts de façon à mieux prendre en compte les nouvelles problématiques concurrentielles qui se posent et à mieux les harmoniser avec celles retenues pour la terminaison d'appel fixe, afin notamment de mettre en œuvre une meilleure cohérence de la régulation des marchés fixes et mobiles dans une logique de convergence.
Ainsi, elle considère que les coûts pertinents devant servir de référence à la fixation des plafonds tarifaires au titre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel vocal correspondent aux coûts incrémentaux induits par la fourniture du service de terminaison d'appel dans son ensemble. Il s'agit en effet de la référence en coûts correspondant au signal efficace au regard des objectifs de l'Autorité, tel que décrits et analysés ci-dessus. En particulier, le niveau optimal à terme de tarification de la terminaison d'appel est un niveau orienté vers les coûts incrémentaux, en ce qu'il permet le développement d'une concurrence saine et loyale entre les opérateurs mobiles et qu'il entraîne une réorganisation efficace du marché globalement au bénéfice des consommateurs.
L'Autorité note, à titre incident, que ce choix de référence est cohérent avec la proposition développée dans le projet de recommandation de la Commission européenne sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne, publié le 26 juin 2008 et soumis à consultation publique jusqu'au 10 septembre 2008 (44).
Si le signal efficace correspond à des tarifs du service de terminaison d'appel reflétant les coûts incrémentaux, l'Autorité estime cependant, comme développé ci-après, qu'une application brutale du changement de concept risquerait d'être contre-productive. Une période de transition de plusieurs années vers les coûts incrémentaux de long terme doit être mise en place de manière pragmatique en cohérence avec les spécificités du secteur mobile français et les évolutions du cadre européen. Ceci apparaît nécessaire pour laisser au marché le temps de s'adapter.