1.1. La terminaison d'appel vocal mobile
1.1.1. Définition
La terminaison d'appel vocal mobile est une prestation de gros fournie par un opérateur mobile B exploitant un réseau ouvert au public à un autre opérateur A distinct, fixe ou mobile, exploitant un réseau ouvert au public. Cette activité s'exerce dans le cadre d'une convention d'interconnexion signée entre les deux exploitants de réseaux ouverts au public. La prestation commercialisée vise à acheminer l'appel téléphonique vocal d'un client de l'opérateur A vers un client mobile de l'opérateur B (voir figure 1 ci-après). Du fait du sens des communications ainsi acheminées, on dit que cet opérateur termine les appels vers le réseau de destination.
Par définition, cette prestation de terminaison d'appel vocal mobile ne fait pas l'objet d'une commercialisation pour une communication entre deux clients raccordés à un même réseau (appels dits on net ), mais pour des clients raccordés à des réseaux différents (appels dits off net ).
Lorsqu'un client téléphonique veut appeler, d'un téléphone fixe ou mobile, un numéro de téléphone correspondant à un réseau mobile, l'opérateur de l'appelant (fixe ou mobile) fait payer à ce dernier le prix de détail d'une communication à destination du réseau de l'opérateur de l'appelé. Par ailleurs, cet opérateur paie à l'opérateur de l'appelé, directement (s'il est interconnecté en direct avec lui) ou par le biais d'opérateurs de transit, le prix de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de l'opérateur de l'appelé.
Le prix de détail de la communication (fixe vers mobile ou mobile vers mobile) est fixé par l'opérateur de l'appelant. Le prix de gros de la terminaison d'appel vocal est quant à lui fixé par l'opérateur de l'appelé.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 23 du 28/01/2009 texte numéro 97
Figure 1 : Appel vers un client d'un exploitant de réseau mobile
La charge de terminaison d'appel vocal mobile est la charge principale supportée par l'opérateur de l'appelant dans le cadre de l'acheminement des appels en provenance de ses clients vers un réseau mobile tiers. La structure tarifaire de la prestation de terminaison d'appel est composée en France métropolitaine de plusieurs éléments dont le prix facturé à la minute, un tarif de capacité de raccordement des deux réseaux (ou BPN pour Bloc primaire numérique), ainsi que d'éventuels frais d'accès aux sites d'interconnexion.
Par ailleurs, les tarifs issus des conventions d'interconnexion sont bâtis sur une tarification indépendante de la position de l'appelé, dans la mesure où le numéro d'appel mobile ne comporte pas d'information de localisation géographique contrairement à un numéro géographique fixe. De plus, en France métropolitaine, la tarification de l'interconnexion s'appuie sur la notion de zone arrière (ZA) et conduit à une facturation de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'un opérateur mobile différente, selon que l'appelant se trouve (ou pas) dans la zone arrière (ZA) du point d'interconnexion où l'opérateur de l'appelant choisit de livrer effectivement le trafic ; les opérateurs métropolitains proposent donc généralement deux prestations de terminaison d'appel vocal : une prestation qualifiée d'intra-ZA (intra-zone arrière) et l'autre qualifiée d'extra-ZA (1).
Il convient enfin de rappeler que la terminaison d'appel vocal mobile désigne les prestations d'acheminement d'appels fournies par un opérateur exploitant des numéros mobiles à un autre opérateur de réseau auquel il est interconnecté, afin de permettre à l'appelant de ce dernier de joindre ces numéros mobiles (aujourd'hui, l'ensemble des numéros de type 06AB, toutefois, la présente décision s'applique également à toute autre ressource en numérotation qui pourrait être dédiée à la fourniture d'un service téléphonique mobile). Du point de vue de l'opérateur acheteur de prestations de terminaison, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie d'acheminement du trafic employée par l'opérateur de l'appelé, celle-ci étant transparente pour l'acheteur.
1.1.2. La spécificité du service de terminaison d'appel vocal
La prestation de terminaison d'appel vocal est une prestation d'interconnexion qui comporte un caractère bien spécifique au regard des autres prestations d'accès et d'interconnexion.
D'abord, cette prestation bénéficie à la fois au client appelant, qui initie l'appel, et au client appelé, qui le reçoit. S'il est difficile de mesurer le partage de l'utilité économique retirée de l'échange téléphonique entre ces deux acteurs, l'influence de l'appelé sur la durée de l'appel doit être reconnue, celui-ci ayant à tout moment la possibilité de raccrocher, voire même de ne pas décrocher, notamment en faisant usage de la reconnaissance du numéro. Cette utilité de l'appelé doit être prise en compte dans l'allocation des coûts entre opérateur appelant et opérateur appelé, et in fine entre appelant et appelé. Cela est d'ailleurs déjà ― en partie et implicitement ― le cas pour les réseaux fixes, pour lesquels une grande partie des coûts fixes (ceux de boucle locale) est facturée au détail à l'appelé par le biais d'un abonnement. En revanche, dans le cas des opérateurs mobiles, cette prestation est à ce jour facturée entièrement à l'opérateur de l'appelant, et donc répercutée au seul client final appelant.
Dans ce contexte, rappelons également que la prestation de terminaison d'appel relève d'un marché biface (souvent appelé two-sided market dans la littérature économique), l'opérateur de l'appelé ayant la possibilité de recouvrer ses coûts soit par la facturation de l'opérateur de l'appelant, soit par la facturation de son client appelé, ce qui peut être proposé sous une forme forfaitaire, un abonnement, par exemple, qui traduit la possibilité d'être appelé. La tarification de détail pratiquée actuellement par les opérateurs mobiles inclut d'ailleurs un abonnement implicite, à la fois pour les offres en postpayé et en prépayé, au sens où les structures tarifaires imposent au client une dépense minimum indépendamment du volume de trafic émis et reçu.
Enfin, la terminaison d'appel est une prestation d'accès réciproque, aussi appelée two-way access. En effet, en première analyse, les opérateurs qui facturent la terminaison d'appel sont également les opérateurs qui achètent la terminaison d'appel. In fine, la facturation entre opérateurs de terminaison d'appel est une somme de flux financiers interopérateurs équilibrés au niveau du secteur.
L'Autorité note que ces trois caractéristiques, si elles ne sont pas nécessairement chacune propre à la prestation de terminaison d'appel vocal, se retrouvent en revanche réunies pour cette prestation (prestation d'accès réciproque/marché biface/utilité partagée entre appelé et appelant).
1.2. Cadre juridique
1.2.1. L'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile
La décision n° 2007-0810 de l'Autorité en date du 4 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010 déclare pertinent chacun des trois marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile sur le réseau d'Orange France, de SFR et de Bouygues Telecom. Ces marchés comprennent la prestation de terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur le réseau de chacun de ces opérateurs mobiles.
L'analyse de la puissance sur ces marchés montre que ces prestations sont incontournables pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques souhaitant terminer un appel vers un numéro mobile que l'opérateur considéré a ouvert à l'interconnexion et que, dès lors, ils ne disposent d'aucun contre-pouvoir sur la fixation du tarif de la prestation de terminaison d'appel que l'opérateur offre. C'est dans ce sens que le Conseil de la concurrence a qualifié ces prestations de facilités essentielles . Il n'y a pas non plus de contre-pouvoir indirect via les clients de l'opérateur de terminaison sur le marché de détail. Chaque opérateur mobile ayant ouvert une activité commerciale se trouve ainsi en situation de monopole sur le marché de la terminaison d'appel sur son propre réseau et, de manière prospective, aucune concurrence potentielle ne peut se développer sur un marché de terminaison d'appel. En l'absence de régulation, chaque opérateur peut donc agir indépendamment des autres acheteurs sur le marché de sa terminaison d'appel vocal mobile et n'est pas incité à maintenir des tarifs raisonnables.
En conséquence, la décision n° 2007-0810 impose aux trois opérateurs mobiles métropolitains les obligations d'accès et d'interconnexion, de non-discrimination, de transparence, de publication d'une offre de référence, de séparation comptable et de comptabilisation des coûts (2) ainsi que de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants pour les prestations de terminaison d'appel vocal mobile ainsi que d'accès aux sites relatives à la terminaison d'appel vocal. Au titre de cette dernière obligation, les trois opérateurs sont soumis à un encadrement tarifaire pluriannuel sur la durée de l'analyse concernant leurs prestations de terminaison d'appel vocal mobile, sous la forme d'un plafond de niveau tarifaire de terminaison d'appel. Pour être pleinement efficace, cette obligation s'applique à la fois à la tarification de la prestation d'acheminement du trafic de terminaison d'appel vocale (tarifée en c€/minute) d'intra-ZA et à la tarification de la composante de capacité formée par la location de blocs numériques primaires (tarifée de manière unitaire en €/BPN/an).
Il convient de noter que l'encadrement tarifaire des niveaux tarifaires des terminaisons d'appel que l'Autorité spécifie pour les opérateurs consiste à fixer des plafonds que les tarifs de ces prestations ne doivent pas dépasser, laissant la liberté aux opérateurs de fixer leurs tarifs sous ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinent. En particulier, il est de la seule responsabilité de l'opérateur de s'assurer que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence pour des pratiques exercées sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante.
1.2.2. La présente décision fixe l'encadrement tarifaire du service de terminaison d'appel
des trois opérateurs mobiles métropolitains pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010
La décision n° 2007-0810 de l'Autorité du 4 octobre 2007 susvisée, qui établissait les obligations imposées aux opérateurs au titre de leur influence significative sur les marchés de la terminaison d'appel mobile, a commencé à s'appliquer pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2008.
Son article 25 déterminait les plafonds que les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile d'Orange France, SFR et Bouygues Telecom ne devaient pas excéder sur la période allant du 1er janvier 2008 au 30 juin 2009.
La présente décision vient donc compléter cette décision en fixant, pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, les plafonds tarifaires que devront respecter les trois opérateurs au titre de l'obligation d'orientation vers les coûts qu'elle a antérieurement imposée.
1.3. Les références disponibles
L'Autorité a lancé du 4 septembre au 6 octobre 2008 une consultation publique invitant les différentes parties à lui faire part de leurs avis sur les différents éléments pouvant servir de référence pour la tarification du service de terminaison d'appel des opérateurs mobiles, qu'il s'agisse des diverses sources d'information pertinentes à sa disposition ou de son analyse des différents concepts de coûts applicables.
1.3.1. Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés
selon le référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité
Historiquement, les opérateurs mobiles transmettaient à l'Autorité des rapports de comptes, élaborés selon un référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité à travers la décision n° 2001-0458, mais qui n'étaient pas audités par un organisme indépendant. Orange France et SFR ont dans ce cadre transmis à l'Autorité des rapports de comptes pour les années 1999 à 2003 et Bouygues Telecom pour les années 2002 et 2003.
Avec l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions du code des postes et des communications électroniques et, en particulier, conformément à l'article L. 38-I (5°) de ce code, les comptes produits au titre des obligations comptables et les systèmes de comptabilisation des coûts sont désormais audités annuellement par des organismes indépendants désignés par l'Autorité, dès lors que celle-ci impose aux opérateurs concernés les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable. Les premiers travaux d'audit menés dans ce cadre ont porté sur les rapports de comptes relatifs à l'exercice comptable 2003 des trois opérateurs mobiles métropolitains, produits conformément à la décision n° 2001-458.
Les restitutions réglementaires relatives aux exercices comptables 2004 et 2005 ont quant à elles été élaborés conformément aux spécifications définies dans l'annexe A de la décision n°s 2005-0960 de l'Autorité en date du 8 décembre 2005. Elles ont été auditées en 2006.
Les dernières restitutions disponibles, correspondant aux états de coûts et de revenus portant sur les exercices comptables 2006 et 2007, ont été élaborées conformément à la décision n° 2007-0128 de l'Autorité en date du 5 avril 2007 spécifiant les obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, ainsi que l'obligation de séparation comptable, imposées aux opérateurs mobiles métropolitains en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) sur leur réseau respectif. Les restitutions relatives à l'exercice comptable 2006 ont fait l'objet d'audits réglementaires menés en 2007. Les restitutions réglementaires relatives à l'exercice comptable 2007 ont été transmises à l'Autorité par les opérateurs le 1er juillet 2008 et ont donné lieu à des travaux d'audit en septembre 2008. A l'issue de ces travaux, l'Autorité a publié les attestations de conformité des états de coûts et de revenus constatés des trois opérateurs mobiles métropolitains pour l'année 2007 (3).
Il convient de noter que les données issues de la comptabilité réglementaire, dans la mesure où elles sont l'image du déploiement réel historique d'un opérateur, ne représentent qu'imparfaitement les coûts d'un opérateur efficace, qui correspond à une utilisation de la technologie dans des conditions optimales de déploiement.
L'Autorité estime que ces restitutions réglementaires constituent une source d'information importante, au regard notamment de leur source, i.e. la comptabilité sociale de l'entreprise reposant sur des données de coûts réels et soumises au contrôle des commissaires aux comptes de l'entreprise, et, le cas échéant, des travaux d'audit réglementaire complémentaires dont elles sont l'objet sous le contrôle de l'Autorité.
Elle note qu'une partie des acteurs est globalement d'accord quant à la pertinence et la fiabilité de cette source d'information, tandis que certains contestent les spécifications précisées par la décision n° 2007-0128, ces critiques ayant peu évolué depuis 2007 et ne modifiant pas la position de l'Autorité sur le sujet (4). Certains soulignent en outre que cette référence est absolument nécessaire au bon calibrage du modèle technico-économique des coûts de réseaux d'un opérateur mobile métropolitain développé par l'Autorité.
Les derniers éléments relatifs aux comptes 2006 et 2007 audités, élaborés selon les spécifications de la décision n° 2007-0128 susvisée, sont reportés en annexes A, B et C de la présente décision.
1.3.2. L'analyse comparative du Groupe des régulateurs européens (GRE)
Le GRE élabore de manière régulière une comparaison internationale des niveaux de terminaison d'appel vocal mobile dans 33 pays, publiée sur une base biannuelle (5).
Les membres du Groupe des régulateurs indépendants (GRI) invités à participer à cette comparaison sont l'ensemble des 27 pays membres de l'Union européenne (6), les trois Etats membres de l'Espace économique européen (EEE) (7), qui mettent en œuvre le même cadre réglementaire pour le secteur des communications électroniques que les pays membres de l'Union européenne, la Suisse, seul membre de l'Association européenne de libre échange, non membre de l'EEE, et qui à ce titre ne met pas en œuvre le cadre réglementaire, ainsi que la Croatie et la Turquie, en tant que pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne.
L'ensemble des comparaisons européennes publiées et disponibles sur le site du GRE (à l'adresse suivante : http://erg.eu.int/documents/docs/index_en.htm) s'appuie sur des informations collectées auprès (8) des différentes ARN concernées.
La majorité des pays concernés par cette analyse a décidé d'imposer, comme la France, une obligation d'orientation des niveaux tarifaires de terminaison d'appel vers les coûts ou de réguler le tarif de terminaison d'appel en référence aux tarifs pratiqués par d'autres pays européens. L'Autorité considère donc que les niveaux de terminaison d'appel correspondant à l'encadrement tarifaire imposé par la majorité de ces régulateurs constituent, sous réserve de la prise en compte de certaines spécificités nationales, des références de coûts pertinentes. Les éléments de comparaison européenne publiés par le GRE peuvent donc être de nature à éclairer, à travers l'illustration de la mise en œuvre dans les autres pays européens de l'obligation d'orientation des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts, les références de coûts relatives aux opérateurs de métropole, qui seront prises en compte dans les décisions de contrôle tarifaire.
Toutefois, l'Autorité a également conscience que l'analyse comparative établie par le GRE doit être considérée avec précaution, dans la mesure où certaines spécificités nationales, plus ou moins marquées, peuvent s'avérer structurantes pour les références de coûts pertinents de la fourniture de prestations de terminaison d'appel par un opérateur dans un pays donné et, dès lors, être incorporées dans les niveaux tarifaires de terminaison d'appel moyens tels qu'ils sont présentés par le GRE. Ces spécificités peuvent concerner tant les déterminants des coûts (9) que les méthodes de mesures de ces coûts (choix des périmètres et méthodes d'évaluation des coûts des actifs), et in fine des règles de tarification, mis en œuvre par les régulateurs. L'Autorité présente plus bas son analyse de ces spécificités (cf. 3.3). Il lui semble également pertinent de tenir compte, au-delà de la comparaison des tarifs observés, des décisions annoncées par les autorités réglementaires nationales concernant la future régulation des tarifs de terminaison d'appel.
1.3.3. La modélisation technico-économique des coûts de réseaux d'un opérateur mobile métropolitain
Travaux de modélisation :
En 2006, en complément des outils existants et afin de mener à bien le nouvel exercice d'analyse de marché pour la période 2008-2010, l'Autorité a souhaité se doter d'un outil de modélisation des coûts encourus par un opérateur mobile efficace applicable aux opérateurs métropolitains, à l'instar d'autres régulateurs européens tels que les régulateurs anglais, néerlandais, roumain ou suédois.
Elle a alors lancé une procédure d'appel d'offres pour sélectionner un consultant chargé du développement du modèle conjointement avec les services de l'Autorité. En parallèle, afin d'être en mesure de choisir une structure de modèle de départ, l'Autorité a mené une phase de concertation avec les opérateurs mobiles métropolitains qui a abouti à l'adoption de la structure du modèle mis en place par l'autorité de régulation du Royaume-Uni (l'OFCOM) et à l'identification des modifications nécessaires pour le développement d'un modèle adapté à la modélisation de la structure de coût d'un opérateur mobile français métropolitain.
Une première version de la structure du modèle a été soumise à consultation publique du 9 février au 9 mars 2007 afin de permettre aux différents acteurs d'en discuter notamment les algorithmes de déploiement et de dimensionnement du réseau.
Une seconde version du modèle a été mise en consultation publique du 8 juin 2007 au 9 juillet 2007 afin de discuter des données d'entrée, le modèle ayant fait l'objet d'un calibrage afin de refléter les niveaux et la structure de coûts d'un opérateur mobile métropolitain efficace considéré comme générique (c'est-à-dire ne reflétant pas d'éventuelles spécificités de déploiement de réseau et, plus largement, de structure de coûts d'un des trois opérateurs en place). Une nouvelle version légèrement amendée a été publiée sur le site web de l'Autorité en juillet 2007, en parallèle avec la consultation publique sur l'analyse de marché de la terminaison d'appel pour les années 2008-2010.
Un certain nombre de remarques sur les données d'entrée soumises à commentaires n'ayant pu, en l'absence d'éléments quantitatifs suffisamment précis, être intégrées dans la nouvelle version du modèle, l'Autorité a, dans le courant du premier semestre 2008, mené des travaux conjointement avec les acteurs de façon à préciser quantitativement leurs remarques avant, le cas échéant, de les prendre en compte dans une version révisée du modèle. Les données collectées auprès des opérateurs métropolitains dans le cadre de ces travaux, ainsi que la mise à jour du modèle avec les données plus récentes à leur disposition (couverture, demande, équipements et coûts unitaires), ont donné lieu à des ajustements du modèle. Celui-ci a également été légèrement amendé compte tenu des données collectées dans le cadre du développement du modèle DOM, qui ont pu éclairer les paramètres retenus pour le modèle métropolitain. Une troisième version du modèle ainsi ajusté a été mise en consultation publique du 4 septembre au 6 octobre 2008.
Bouygues Telecom considère que le modèle de coût technico-économique est relativement fiable et que son utilisation est pertinente, en complément des comptes réglementaires transmis annuellement par les opérateurs, dans le cadre de la fixation par l'Autorité des tarifs de terminaison d'appel en ce qu'elle permet d'expliquer les écarts observés entre les restitutions de la comptabilité réglementaire des opérateurs.
A l'inverse, SFR et Orange contestent l'utilisation du modèle en tant que référence pertinente et estiment notamment que ses algorithmes de dimensionnement ne décrivent pas la réalité des réseaux. Ils estiment par ailleurs que le modèle devrait s'appuyer sur la méthode d'évaluation des coûts des actifs en coûts courants économiques plutôt que sur celle des coûts historiques. Enfin, Orange considère anormal qu'un certain nombre de paramètres d'ingénierie du module de dimensionnement réseau varient en fonction de l'opérateur.
L'Autorité rappelle que :
― de manière générale, les paramètres d'ingénierie de réseaux du modèle découlent de choix propres de dimensionnement (impact sur la marge de sécurité pour la capacité du réseau, sur la qualité de service...) ou reflètent des contraintes historiques qui ont influé sur l'efficacité du déploiement des réseaux. Les moyennes réalisées pour obtenir les paramètres de l'opérateur générique font l'objet d'un examen précis pour demeurer réalistes ;
― en ce qui concerne la méthode de valorisation des coûts des actifs, il faut noter que les actifs sont considérés comme amortis sur leur durée de vie réelle et non sur leur durée de vie comptable dans le modèle. De plus, le progrès technique et les évolutions de prix des équipements sont bien pris en compte. Par ailleurs, l'Autorité rappelle que la méthode de valorisation des actifs en coûts courants économiques a été testée lors de l'élaboration du modèle en 2007. L'Autorité obtenait sur l'année 2006 une différence de l'ordre de 2 % sur les coûts totaux de réseau entre l'utilisation de cette méthode et celle des coûts historiques, l'impact de ce choix est donc limité et sans conséquence à ce stade de mise en œuvre de l'orientation vers les coûts ;
― par définition, un exercice de modélisation constitue une vision réductrice de la complexité inhérente au déploiement réel des réseaux mobiles. La pertinence des résultats du modèle est néanmoins établie, notamment compte tenu de l'exercice de mise en cohérence du modèle avec les données de coûts réels issues de la comptabilité réglementaire. Néanmoins, l'Autorité continuera ses travaux techniques de modélisation des coûts de réseaux en concertation avec les acteurs du marché.
Suite aux retours des acteurs sur le calibrage en lui-même des données d'entrée du modèle, quelques modifications mineures ont été apportées au modèle générique portant sur le calcul (10) de la couverture 2G de l'opérateur générique pour les années 2007 et 2008 sur les géotypes rural et rural montagneux et par ailleurs sur le paramètre Recomissioned after liftetime expires (%) (11).
Ces modifications ont un impact marginal sur les résultats de coûts tels que présentés lors de la consultation publique sur les référentiels de coûts mobiles en septembre 2008.
Les commentaires portant sur la structure du modèle nécessitent, pour être pris en compte, la concertation des acteurs et l'apport d'éléments quantitatifs suffisants. Ceux-ci seront examinés par l'Autorité dans le cadre de la poursuite des travaux de coordination sur le modèle avec l'ensemble des opérateurs.
Utilisation du modèle :
L'Autorité rappelle que les coûts évalués par son modèle technico-économique se rapportent uniquement et exclusivement aux principaux coûts de réseau, à l'exclusion des autres coûts d'un opérateur mobile. Le modèle permet notamment une évaluation des coûts de terminaison d'appel en coûts complets en utilisant un mark-up des coûts communs estimé compte tenu des restitutions de la comptabilité réglementaire.
Par ailleurs, ainsi qu'indiqué dans la consultation publique de septembre 2008, les choix effectués dans le modèle, qui restent en coûts historiques et en coûts complets, peuvent être différents du mode de comptabilisation des coûts et du périmètre des coûts pertinent retenu dans un exercice de tarification de la prestation de terminaison d'appel mobile.
L'Autorité peut, grâce à ces travaux de modélisation, mener deux exercices différents mais complémentaires :
Un exercice de réconciliation (pour mieux expertiser la restitution de comptabilité réglementaire de chaque opérateur). Une des finalités du modèle est de compléter la connaissance acquise par l'Autorité des structures et des niveaux de coûts supportés par les opérateurs. C'est pour cette raison qu'il a été élaboré conformément aux méthodologies d'évaluation et d'allocation des coûts adoptées dans la comptabilité réglementaire (décisions n°s 2005-0960 et 2007-0128 susvisées). Les résultats du modèle sont ainsi aisément comparables aux états de coûts audités et permettent à l'Autorité d'expertiser plus finement les éléments comptables audités restitués par les opérateurs. Le premier exercice de réconciliation a nécessité la construction de trois jeux de paramètres pour le modèle, qui correspondent, pour les choix les plus structurants, aux réseaux de chacun des trois opérateurs métropolitains. De cette manière, les éléments de coûts issus de chacun des trois modèles peuvent être rapprochés et comparés aux états de coûts de chacun des trois opérateurs. Cet exercice de réconciliation permet également à l'Autorité de déceler certaines différences de choix de mise en œuvre des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable faits par les opérateurs, afin, ensuite, de les corriger en amendant le référentiel de comptabilité règlementaire qui leur est opposable.
Un travail d'explication des différences observées dans les restitutions de comptabilité réglementaires (entre les opérateurs) pour être en mesure d'extrapoler cette comptabilité réglementaire au cas d'un opérateur générique efficace avec des caractéristiques différentes des opérateurs du marché. Ce modèle est également utilisé par l'Autorité pour mieux comprendre les déterminants des coûts supportés par les opérateurs, afin de distinguer, parmi les différences observées entre les opérateurs dans les restitutions de comptabilité réglementaire (12), les différences de coûts qui relèvent de choix techniques propres, de différences de parts de marché ou de dates d'entrée sur le marché (induisant des différences d'effets d'échelle au bénéfice des opérateurs ayant des volumes de trafics plus importants), de fréquences disponibles à cette date et en général, etc. A cette fin, l'Autorité a développé un modèle d'opérateur mobile efficace générique, dont l'activité correspond à celle d'un opérateur métropolitain ayant fait des choix de déploiement qui ne sont pas spécifiques à un opérateur en particulier. Grâce à ce modèle d'opérateur générique, l'Autorité peut apprécier les différences d'efficacité qui peuvent exister entre opérateurs ― à effets d'échelle identiques ou corrigés de ces effets d'échelle ―, et ce sur l'ensemble de leurs structures de coûts aussi bien que sur certaines masses particulières de coûts. Le modèle d'opérateur générique efficace permet enfin d'estimer une terminaison d'appel de référence corrigée des effets d'échelle et d'éventuelles spécificités d'un des trois opérateurs en place.