A N N E X E
RAPPORT SPÉCIAL
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité peut rendre ses recommandations publiques dans les conditions de l'article 11 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 et de l'article 31 du décret n° 2005-215 du 4 mars 2005.
La HALDE a été saisie en mars 2005 d'une réclamation de l'association « Mémoire 2000 » relative aux conditions d'attribution aux déportés politiques de la Seconde Guerre mondiale de la pension d'invalidité prévue par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
L'association visait en particulier les « Enfants de Buchenwald », déportés pour la plupart depuis l'Europe de l'Est. A la libération, environ quatre cents de ces orphelins ont été accueillis en France sur décision du général de Gaulle et nombre d'entre eux ont alors acquis la nationalité française. Ces personnes ne bénéficient pas de la pension d'invalidité.
Initialement, cette pension était réservée aux déportés politiques ou raciaux ayant la nationalité française au moment des faits et de la demande de pension. Ce dispositif a été réformé en 1997 et étendu aux étrangers déportés depuis la France qui ont ensuite acquis la nationalité française.
L'association demande que ce droit à pension soit ouvert aux personnes déportées depuis un autre pays que la France, qui se sont installées en France après leur libération et ont acquis depuis la nationalité française.
L'enquête de la HALDE a établi que les déportés politiques ou raciaux, français au moment des faits et de la demande de pension, peuvent en bénéficier, et ce qu'ils aient été déportés depuis la France ou depuis un autre pays.
Le seul critère déterminant de l'attribution de la pension d'invalidité n'est donc pas le lieu depuis lequel les personnes ont été déportées, mais uniquement la nationalité, au moment où il a été déporté, de celui qui demande à en bénéficier.
En conséquence, et sauf si les personnes concernées peuvent bénéficier d'une pension d'invalidité versée par un autre Etat, cette différence de traitement apparaît comme contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui prohibent toute discrimination fondée notamment sur l'origine nationale.
De plus, les personnes arrêtées et déportées depuis la France, étrangères au moment des faits et qui n'ont pas acquis ultérieurement la nationalité française, sont également exclues du bénéfice de cette pension d'invalidité.
Dans ce cas également, et toujours sous réserve que les personnes concernées ne puissent bénéficier d'une pension d'invalidité versée par un autre Etat, la situation est de nature à caractériser une différence de traitement, fondée cette fois sur la nationalité actuelle, contraire à la convention.
Par délibération du 19 septembre 2005, le collège a donc estimé que l'exclusion du bénéfice des pensions d'invalidité de ces personnes en raison de leur nationalité, actuelle ou d'origine, apparaissait comme discriminatoire.
Suite à la délibération de la HALDE, le Premier ministre et le ministre délégué aux anciens combattants se sont engagés en 2006 auprès de la HALDE à réformer, après une concertation interministérielle, les dispositions critiquées.
Cet engagement a été réaffirmé le 28 novembre 2006, dans une réponse à une question écrite publiée le 28 novembre 2006 au JORF (question n° 106842), par le ministre délégué aux anciens combattants dans ces termes :
« Le caractère spécifique qui s'attache à la législation relative à la déportation au sein du droit français et la jurisprudence du Conseil d'Etat, pour ce qui concerne l'application de l'article 14 de la convention précitée, semble favorable à une mesure législative modifiant l'article L. 252-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permettant aux déportés de nationalité étrangère aux moments des faits, qui ont acquis la nationalité française après la guerre, et déportés depuis un autre pays que la France, de bénéficier, ainsi que leurs ayants cause, d'une pension d'invalidité. La mise en œuvre d'une telle mesure nécessite, néanmoins, une concertation interministérielle pour soumettre un projet de loi au Parlement. »
Dans le contexte électoral qui a suivi, il a été décidé d'attendre une éventuelle réforme. Faute de suite, la HALDE a de nouveau sollicité le ministre de la défense en décembre 2007 sur cette question.
Par courriers des 9 janvier et 13 mars 2008, le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants a confirmé que la situation pouvait apparaître comme caractérisant effectivement une discrimination à l'égard des déportés d'origine étrangère, donc que la France risquait d'être condamnée par la juridiction européenne, mais que les discussions interministérielles n'avaient pas permis d'aboutir à une issue favorable aux déportés dans ce dossier.
Le secrétaire d'Etat a précisé que face à ce désaccord il avait été décidé de recourir à une réunion d'arbitrage auprès du Premier ministre.
Par courrier du 2 mai 2008, la HALDE a demandé au Premier ministre à être tenue informée des suites données à cette question. Aucune réponse n'a été adressée à la haute autorité.
Dans ce contexte, alors que cette situation discriminatoire perdure malgré les multiples engagements de réforme, la haute autorité décide de rendre publique sa position et recommande à nouveau que le dispositif soit réformé afin de mettre fin à ces discriminations qui, au fil des années, portent un préjudice important aux droits des déportés de la Seconde Guerre mondiale.