1. Méthodologie
L'article 10 de la loi du 10 février 2000 prévoit que les conditions d'achat de l'électricité produite à partir d'installations éoliennes prennent en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par les acheteurs, auxquels peut s'ajouter une prime prenant en compte la contribution de la production livrée ou de la filière à la réalisation des objectifs fixés par la loi.
La loi précise que le niveau de la prime ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé.
L'analyse de la CRE vise à s'assurer que les tarifs proposés induisent une rentabilité des fonds propres investis dans les projets cohérente avec celle attendue par les investisseurs dans ce type de projet. Il s'agit de comparer le taux de rentabilité interne des fonds propres investis dans un projet type avec le coût des fonds propres, estimé par la méthodologie dite du « modèle d'évaluation des actifs financiers » (MEDAF), qui se base sur des données financières relatives aux principales entreprises du secteur.
En 2006, sur la base de cette méthodologie, la CRE, saisie sur le même tarif, avait considéré que, pour toute installation éolienne implantée en France continentale fonctionnant plus de 2 200 h/an (en équivalent pleine puissance), le tarif occasionnait une rentabilité des projets trop importante au regard de ce qui était nécessaire pour susciter l'investissement dans ces moyens de production, même dans l'hypothèse de coûts la plus conservatrice.
2. Hypothèses
L'analyse d'entreprises et de projets comparables conduit à retenir un financement par la dette de 60 % et un niveau de rentabilité des fonds propres attendu de 9,6 %. Des tests de sensibilité effectués sur ce niveau d'endettement ne remettent pas en cause la robustesse des résultats décrits ci-dessous.
Les hypothèses relatives aux coûts des projets sont établies sur la base des coûts exposés par les industriels de la filière. Les calculs sont effectués pour différents niveaux de production, afin de mesurer l'impact de la modulation du tarif à l'issue des dix premières années de fonctionnement, en fonction de la production constatée. Les rentabilités sont examinées sur des plages de fonctionnement différentes pour les éoliennes implantées à terre et en mer, en raison d'un gisement de vent différent.
Les calculs se basent sur une durée de vie de l'installation de vingt ans. Les revenus à l'issue des quinze années du contrat d'obligation d'achat sont estimés à partir d'une valorisation de la production basée sur une hypothèse de prix de marché.
L'hypothèse retenue en 2006 d'un amortissement fiscal dérogatoire de l'investissement la première année, prévu à l'article 39AB du code général des impôts (CGI), a été maintenue, compte tenu de l'adoption d'un amendement au projet de loi de finances pour 2009 visant à prolonger cet avantage jusqu'en 2013.
Les calculs intègrent, par ailleurs, une réduction de la taxe professionnelle. La valeur locative de l'investissement servant d'assiette à son établissement est diminuée de moitié, conformément aux dispositions de l'article 1518A du CGI. Si cette taxe devait être supprimée, comme cela a été annoncé le 23 octobre 2008 par le Président de la République pour les investissements engagés avant le 1er janvier 2010, ou si l'exploitant bénéficie d'une diminution de 100 % de la valeur locative de son investissement par délibération de la collectivité territoriale dans les formes prévues au dernier alinéa de l'article 1518A du CGI, la rentabilité se trouverait augmentée d'environ 0,5%.
Depuis 2006, sous l'effet combiné de la hausse des matières premières et d'une demande soutenue, le coût d'acquisition des équipements, qui représente environ 75 % du coût de l'investissement, a augmenté d'environ 20 %. Parallèlement, l'environnement économique s'est détérioré, conduisant à un durcissement des conditions de financement. La rentabilité des projets s'en trouve dégradée.
3. Résultats pour les éoliennes implantées
en France métropolitaine
Il ressort des calculs que pour une centrale éolienne implantée en France métropolitaine, fonctionnant avec un taux de charge de 2 000 h/an, la rentabilité des projets est moyenne, voire faible. Dans ces conditions, seuls les projets dont les coûts sont bien maîtrisés généreraient une rentabilité suffisante.
Pour une installation fonctionnant 2 200 h/an, les rentabilités sont en ligne, voire supérieures aux rentabilités attendues par les investisseurs. Ces projets devraient trouver des financements dans le cadre des hypothèses de coûts retenues, et même dans le cas d'une augmentation modérée de celles-ci.
Pour une installation fonctionnant 2 400 h/an et plus, les rentabilités dégagées sont très supérieures à celles requises par les investisseurs. Pour ces projets, la CRE se prononce en faveur d'une dégressivité du tarif plus importante, de nature à diminuer la rémunération.
Rentabilité des fonds propres pour un projet éolien en métropole
en fonction du facteur de charge et du coût d'investissement
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 290 du 13/12/2008 texte numéro 121
4. Résultats pour les éoliennes implantées sur le domaine maritime
Pour les installations implantées sur le domaine maritime, le tarif occasionne une rentabilité importante et permet un financement même en cas de dérive importante des coûts. Il devrait être diminué. La dégressivité se révèle mieux adaptée à l'augmentation de la production que pour les projets implantés à terre.
De plus, seuls les projets dont les surcoûts d'implantation le justifient devraient être éligibles à ce tarif. Les installations implantées sur le domaine portuaire, à proximité du rivage ou par faible profondeur, dont les coûts sont davantage comparables à ceux de centrales implantées à terre, outrepassent manifestement le critère de rentabilité normale des capitaux imposé par la loi.
Le tarif proposé est supérieur au prix de la grande majorité des projets soumis à l'occasion de l'appel d'offres portant sur des centrales éoliennes en mer, lancé en 2004. Sur ce constat, la CRE recommande qu'il soit exclusivement procédé par appel d'offres pour l'implantation d'éoliennes sur le domaine public maritime, sur des zones préalablement définies par l'Etat, afin de garantir une véritable concurrence sur les prix.
Rentabilité des fonds propres pour un projet éolien implanté
sur le domaine maritime en fonction du facteur de charge et du coût d'investissement
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 290 du 13/12/2008 texte numéro 121
5. Résultats pour les éoliennes implantées dans les départements d'outre-mer,
à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte
En l'absence d'une évaluation précise des avantages liés aux mesures fiscales qui accompagnent les investissements dans ces zones, la CRE estime qu'il n'est pas possible de se prononcer sur le critère de rentabilité.