I. ― Le contexte
La loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom constitue, pour ce qui est du service universel, la transposition de la directive « service universel » susvisée.
Elle maintient la structure du service public des télécommunications établie en 1996, qui distingue trois composantes du service public : le service universel, les services obligatoires et les missions d'intérêt général en matière de défense, de sécurité, de recherche et d'enseignement supérieur.
Le service universel, dont la définition est issue de la directive « service universel », comprend quatre composantes : la fourniture d'un service téléphonique fixe de qualité à un prix abordable, la fourniture d'un service de renseignements et d'un annuaire, l'accès à des cabines téléphoniques et des mesures particulières pour les handicapés.
Cette loi a également introduit un nouveau mécanisme, l'appel à candidatures, par lequel le ministre chargé des télécommunications désigne pour chaque composante du service universel l'opérateur prestataire.
L'article L. 35-2 du code des postes et des communications électroniques prévoit à cet effet que : « Peut être chargé de fournir l'une des composantes du service universel mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 35-1 tout opérateur en acceptant la fourniture sur l'ensemble du territoire national et capable de l'assurer.
Le ministre chargé des communications électroniques désigne les opérateurs chargés de fournir les composantes du service universel à l'issue d'appels à candidatures portant sur les conditions techniques et tarifaires ainsi que, le cas échéant, le coût net de fourniture de ces prestations.
Dans le cas où un appel à candidatures s'avère infructueux, le ministre chargé des communications électroniques désigne un opérateur capable d'assurer le service en cause sur l'ensemble du territoire national (...) ».
La loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 a modifié les articles L. 35-2 et L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques. Les modifications apportées visent à introduire une certaine souplesse dans les modalités de désignation des prestataires du service universel. Elles introduisent la possibilité de désigner plusieurs opérateurs comme prestataires d'une même composante, ouvrant ainsi la prestation de service universel à des opérateurs à l'échelon géographique infranational et non plus uniquement national.
L'article L. 35-2 du code des postes et des communications électroniques dans sa nouvelle version dispose que : « En vue de garantir la fourniture du service universel sur l'ensemble du territoire national dans le respect des principes rappelés par l'article L. 35 et des dispositions de l'article L. 35-1, le ministre chargé des communications électroniques peut désigner, pour chacune des composantes du service universel mentionnées aux 1° et 3° de l'article L. 35-1 ou les éléments de celle décrite au 2° du même article, un ou plusieurs opérateurs chargés de fournir cette composante ou cet élément.
La désignation intervient à l'issue d'appels à candidatures portant sur les conditions techniques et financières ainsi que, le cas échéant, le coût net de fourniture de ces prestations.
Dans le cas où un appel à candidatures s'avère infructueux, le ministre chargé des communications électroniques désigne un ou plusieurs opérateurs en vue d'assurer la prestation en cause sur l'ensemble du territoire national ».
Le décret soumis pour avis à l'Autorité vient préciser ce nouveau dispositif conformément aux articles L. 35-1 à L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques.
II. ― Sur les dispositions relatives à la modification
du mode de dévolution du service universel
L'Autorité note que le projet de décret modifie les articles R. 10-8, R. 20-30 à R. 20-30-5 et R. 20-30-7 à R. 20-30-12 ainsi que les articles R. 20-33, R. 20-35 à R. 20-37 et R. 20-40.
La situation des marchés ayant évolué, il paraît désormais possible en 2009 d'ouvrir les différentes composantes du service universel à la concurrence en permettant notamment à des opérateurs alternatifs présents sur des zones infranationales de déposer leur candidature sur ces zones pour la désignation des opérateurs de service universel.
A cette fin, le projet de décret modifie comme suit les articles précités :
― les termes : « l'opérateur chargé » ou « les opérateurs chargés » sont remplacés par : « tout opérateur chargé » (articles 2, 4, 6 et 8) ;
― les termes : « une des composantes du service universel » ou « une ou plusieurs des composantes du service universel » sont remplacés par : « service universel » (articles 1, 5, et 7) ;
― l'expression : « de l'opérateur qui en est chargé » est remplacée par : « chaque opérateur chargé » ou « de tout opérateur chargé » (articles 8, 9 et 15) ;
― l'expression : « l'opérateur désigné » est remplacée par : « tout opérateur désigné » (article 10) ;
― les termes : « l'opérateur de service universel » sont remplacés par : « chaque opérateur de service universel » (article12) ;
― les termes : « fourni par l'opérateur » sont remplacés par : « fourni par un opérateur » (article 13) ;
― l'expression : « fourniture de la composante de service universel » est remplacée par : « fourniture du service universel » (article 9).
L'Autorité prend acte de ces modifications de la partie réglementaire du code des postes et des communications électroniques qui permettent d'adapter le cadre réglementaire aux nouvelles modalités des appels à candidatures visant à désigner le ou les prestataires du service universel issues de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008.
L'Autorité propose toutefois de compléter certains articles de la partie réglementaire du code des postes et des communications électroniques, afin de ne laisser place à aucune imprécision concernant l'obligation du ou des opérateurs en charge du service universel d'assurer ce service pour l'ensemble des utilisateurs. A ce titre, il conviendrait de préciser que cette obligation ne s'applique à l'opérateur que pour la zone géographique pour laquelle il a été désigné.
Sur l'article 9 du projet de décret
L'article 9 du projet de décret modifie la rédaction de l'article R. 20-30-12 du code des postes et des communications électroniques. L'article R. 20-30-12 du code précité prévoit dans sa version actuelle que : « Le ministre chargé des communications électroniques lance des appels de candidatures pour la fourniture de chacune des composantes du service universel (...) ». La modification proposée conduit à rendre cet appel à candidatures facultatif. Le ministre peut lancer des appels à candidatures, au vu de l'état de la concurrence et afin de garantir le service universel.
Cette modification ouvre la possibilité de ne pas procéder à la désignation d'un opérateur en charge de la composante ou de l'élément de composante dans le cas où les conditions de marché assurent en elles-mêmes le service universel dans des conditions satisfaisantes.
L'Autorité accueille favorablement cette modification. Toutefois, elle estime que la rédaction proposée est ambiguë et propose une rédaction alternative en annexe.
III. ― Sur les dispositions relatives à la modification du taux d'intérêt appliqué aux opérateurs en cas de paiement différé de la contribution au fonds de service universel
L'article 14 du projet de décret modifie l'article R. 20-42 du code des postes et des communications électroniques relatif à la gestion du compte spécifique créé pour assurer la gestion comptable et financière du fonds de service universel.
A ce jour, la Caisse des dépôts et consignation en charge de la gestion financière et comptable du fonds facture aux opérateurs des intérêts calculés au taux Euribor 12 mois du jour de l'échéance sur les sommes non réglées au jour de l'échéance. Toutefois, la faiblesse de ce taux a pu inciter certains opérateurs à différer le paiement de leurs créances de service universel.
C'est pour éviter une telle pratique que le ministre propose de remplacer le taux actuellement en vigueur par un nouveau taux qui serait le taux Euribor majoré de 4 points.
L'Autorité prend acte de cette proposition de modification.
IV. ― Sur la suppression de l'annualité de fixation du montant
de la réduction sociale tarifaire
L'article 11 du projet de décret modifie le troisième alinéa du I de l'article R. 20-34 du code des postes et des communications électroniques.
La rédaction actuelle de l'article R. 20-34 du code des postes et des communications électroniques indique que le ministre fixe au 1er novembre de chaque année, pour l'année suivante, par arrêté, pris après avis de l'Autorité, le montant mensuel de la réduction tarifaire accordée.
Le montant de la réduction sociale tarifaire n'ayant pas varié depuis le début de la période de désignation actuelle (2003 à 2009), le projet de décret propose de supprimer l'arrêté annuel systématique et de ne prévoir un arrêté qu'en cas de changement du montant de la réduction sociale tarifaire.
L'Autorité accueille favorablement cette proposition de modification.
V. ― Sur la modification de la composante « Annuaire universel »
L'article 3 du projet de décret propose une nouvelle rédaction de l'article R. 20-30-2 du code des postes et des communications électroniques.
Cette modification vient séparer l'activité d'éditeur d'annuaires universels de celle de fournisseur de services de renseignements.
Elle permettra de distinguer le marché de l'édition d'annuaires universels de celui de la fourniture de renseignements téléphoniques. Cette distinction se révèle particulièrement nécessaire dans un contexte où l'un de ces marchés pourrait être considéré comme concurrentiel. En effet, comme l'a montré l'étude sur le processus de libéralisation des services de renseignements téléphoniques réalisée par l'ARCEP à la demande des présidents de la commission des finances et de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale (20 septembre 2007), des offres de services de renseignements à un tarif par appel inférieur ou égal à celui de l'offre de service universel (« 118 711 ») sont disponibles depuis la libéralisation du marché des services de renseignement. Il convient de rappeler que le projet de modification de l'article R. 20-30-12 du code des postes et des communications électroniques réserve au ministre la faculté de lancer, ou de ne pas lancer, d'appels à candidatures pour désigner un prestataire d'une composante ou d'un élément du service universel.
Ainsi, la distinction des activités d'édition d'annuaires universels et de fourniture de service universel de renseignements téléphoniques permettra de ne pas avoir recours à une procédure de désignation pour la fourniture de l'un de ces éléments, dès lors qu'il serait fourni de manière satisfaisante par le marché.
L'Autorité est favorable à cette modification.
L'Autorité souhaite toutefois souligner que cette modification entraînera des difficultés dans l'application de l'article R. 20-30-4 (2°) du code des postes et des communications électroniques. En effet, aux termes de cet article : « Tout opérateur chargé, en application de l'article L. 35-2, de fournir la composante du service universel mentionnée au 2° de l'article L. 35-1 fournit aux abonnés qui sont dans l'impossibilité de consulter l'annuaire universel en raison de leur handicap visuel un accès gratuit au service universel de renseignements. »
La séparation des éléments « annuaire universel » et « service de renseignements » au sein de la composante mentionnée au 2° de l'article L. 35-1 peut en effet conduire à la désignation d'opérateurs distincts pour fournir ces deux éléments, voire même à l'absence de désignation d'un opérateur pour le « service de renseignements ».
Ainsi, l'obligation d'assurer un accès gratuit aux services de renseignements aux personnes souffrant d'un handicap visuel ne peut peser sur le ou les opérateur(s) chargé(s) de fournir la composante mentionnée au 2° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques, cette composante étant scindée en deux éléments. L'Autorité propose par conséquent de modifier la rédaction de l'article R. 20-30-4 (2°), afin de ne faire peser l'obligation concernée que sur le ou les opérateur(s) chargé(s) d'assurer la « fourniture de renseignements » de la composante du service universel prévue au 2° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques.
Toutefois, l'Autorité tient à souligner que, dans l'hypothèse où aucun opérateur ne serait désigné par le ministre pour fournir le « service de renseignements », l'obligation d'assurer un accès gratuit au service universel de renseignements, pour les personnes souffrant d'un handicap visuel ne pourra être imposée à aucun opérateur, dans la mesure où il s'agit d'une obligation de service universel. Par conséquent, cette prestation risquerait de disparaître. Il serait donc souhaitable que le ministre se réserve la possibilité de préserver un accès gratuit au service universel de renseignements pour les abonnés qui sont dans l'impossibilité de consulter l'annuaire universel en raison de leur handicap visuel.
VI. ― Propositions de l'Autorité
Sur l'
article R. 20-30 du code des posteset des communications électroniques
L'article R. 20-30 du code précité prévoit la possibilité pour les opérateurs chargés d'assurer une prestation de service universel de déléguer cette prestation à un tiers : « Un opérateur peut confier, après accord du ministre chargé des communications électroniques, la fourniture ou la commercialisation d'une partie du service universel ou des services obligatoires à une ou plusieurs autres sociétés. Il conclut avec elles des conventions qui garantissent le maintien des obligations définies par le présent code et par son cahier des charges. L'opérateur reste seul responsable de l'exécution de ces obligations. »
Dans un souci de bonne administration, l'Autorité souhaiterait être informée de l'existence de ces conventions et pouvoir, sur demande, se les faire communiquer.
Sur l'
article R. 20-34 du code des posteset des communications électroniques
L'Autorité propose en outre de faire évoluer les conditions de délai pour le dépôt d'une candidature dans le cadre de l'article R. 20-34 du code des postes et des communications électroniques (fourniture de tarifs sociaux).
Le code des postes et des communications électroniques dans sa rédaction actuelle prévoit que le ministre se prononce dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande présentée par un opérateur, après avis de l'Autorité. A défaut d'avis de l'Autorité dans le mois suivant la réception de la demande, ce dernier est réputé positif.
Le délai précité s'avère être très court, surtout dans les cas où des documents ou informations complémentaires sont nécessaires.
C'est pourquoi l'Autorité propose de modifier l'article R. 20-34 du code des postes et des communications électroniques, de manière à mettre en place un système similaire à celui prévu à l'article D. 406-15 du même code, permettant à l'Autorité de formuler une demande d'informations complémentaires et de ne déclencher le délai prévu à l'article R. 20-34 qu'à compter de la réception d'une demande considérée comme complète.
Sur l'
article R. 20-30-7 du code des posteset des communications électroniques
L'Autorité souhaite proposer une actualisation de l'article R. 20-30-7 du code des postes et des communications électroniques.
L'article précité dispose dans sa version résultant du projet de décret que : « Les opérateurs chargés, en application de l'article L. 35-2, de fournir le service universel se conforment aux obligations de qualité de service définies par leur cahier des charges. Ces opérateurs publient, dans les conditions prévues par leur cahier des charges, les valeurs des indicateurs de qualité de service fixés par leur cahier des charges. Ces indicateurs comprennent ceux figurant à l'annexe III de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs à l'égard des réseaux et services de communications électroniques (directive "service universel”) ».
Il serait pertinent de prendre en compte la modification récente des indicateurs de qualité de service et de remplacer en conséquence la référence à l'annexe III de la directive « service universel » par une référence à la décision susvisée 2007/176/CE de la Commission européenne du 11 décembre 2006 relative à la Liste des normes et/ou des spécifications pour les réseaux de communications électroniques, les services de communications électroniques et les ressources et services associés.
Sous la réserve des modifications rédactionnelles formulées en annexe, l'Autorité émet un avis favorable sur le projet de décret.
Le présent avis et les propositions rédactionnelles annexées seront transmis au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et publiés au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 22 avril 2008.