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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0836 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0836 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché)



2. Analyse de l'Autorité


Deux types d'indicateurs, quantitatifs et qualitatifs, permettent de caractériser l'état de la concurrence et d'évaluer l'influence exercée par les différents acteurs positionnés sur le marché analysé.


a) Indicateurs quantitatifs
(1) Description des offres existantes


Il n'existe pas à ce jour d'offre de gros d'accès haut débit ou très haut débit activée fondée sur la fibre pour la clientèle résidentielle. Ainsi, les seules offres de gros d'accès haut débit ou très haut débit activées disponibles à ce stade sont fondées sur la technologie DSL.
L'ensemble des accès haut débit activées sur DSL produits par les opérateurs est destiné à être commercialisé in fine sur les marchés de détail, résidentiel et professionnel. Pour cela, quel que soit l'opérateur, la chaîne de valeur du haut débit DSL est constituée de la boucle locale, équipée pour le DSL, à laquelle s'ajoutent plusieurs composantes :
― une prestation de collecte depuis le DSLAM jusqu'à un niveau infranational ;
― une prestation de collecte depuis un niveau infranational jusqu'à un point national ;
― dans le cas où la prestation fournie est l'accès à Internet, une prestation de connectivité Internet.
Un accès haut débit sur DSL produit par un opérateur donné, que ce soit l'opérateur qui possède la boucle locale ou un opérateur ayant recours au dégroupage, peut être vendu sur le marché de détail par ce même opérateur, qui contrôle alors le produit de bout en bout, ou bien cédé à un autre opérateur ou fournisseur d'accès à Internet à un niveau intermédiaire de la chaîne de valeur (infranational ou national).
Dans le cadre de la présente partie, l'Autorité relève que chaque opérateur, historique ou alternatif, peut produire deux types d'accès haut débit activés sur DSL :
― des accès DSL cédés au niveau infranational à un opérateur tiers, qui complétera l'accès infranational avec ses propres prestations complémentaires pour proposer des offres intégrées en aval, comme les offres d'accès livrées au niveau national ou les offres de détail ;
― des accès DSL qui ne donnent lieu à aucune transaction marchande au niveau infranational et qui constituent sa production interne.
Cependant, en ce qui concerne le calcul des parts de marché, le Conseil de la concurrence avait indiqué dans son avis n° 05-A-03 en date du 31 janvier 2005 et relatif au précédent cycle d'analyse des marchés du haut débit, que « selon une jurisprudence constante des autorités de concurrence tant nationales que communautaires, l'autoconsommation n'est pas prise en compte pour mesurer le périmètre du marché dans la mesure où, n'étant pas offerte sur le marché, elle ne vient pas concurrencer les biens ou services fournis par celui-ci ».
Dès lors, il convient de calculer stricto sensu les parts de marché des entreprises sur le marché libre avant d'étudier lors de l'analyse des critères qualitatifs les effets éventuels de la production interne de ces entreprises.
Dans cette perspective, l'évaluation de la part de marché des acteurs positionnés sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, doit considérer deux types d'accès :
― les accès DSL produits par France Télécom et livrés à un niveau infranational à un opérateur alternatif ; et
― les accès DSL produits par les opérateurs acheteurs d'une offre de gros amont de France Télécom, notamment le dégroupage, et livrés à un niveau infranational à un opérateur tiers. En particulier, Neuf Cegetel propose des offres de ce type.


(2) Eléments chiffrés


Au 31 décembre 2007, l'Autorité estime que France Télécom détient 99,6 % de part du marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational. Les 0,4 % du marché détenus par ses concurrents correspondent à des accès construits au moyen du dégroupage.
Les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit livrées au niveau infranational concurrentes de celles de l'opérateur historique sont essentiellement produites en DSL sur la base du dégroupage, si bien qu'en zones non dégroupées, concernant environ 30 % de la population, France Télécom demeure l'unique offreur.
En zones dégroupées, les opérateurs disposant d'un réseau ont principalement recours au dégroupage. Ainsi, le marché concurrentiel pour les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit livrées au niveau infranational est limité.
Pour ces raisons, il est très peu probable que les accès haut débit et très haut débit livrées au niveau infranational produits par des opérateurs alternatifs et commercialisés sur le marché libre, qu'elles soient fondées sur le DSL ou la fibre, représentent, dans un avenir proche ou à l'horizon trois ans, plus de 50 % du marché.
Il apparaît donc que France Télécom détiendrait encore à l'horizon de la présente analyse une part de marché très élevée.


b) Critères qualitatifs


Le calcul des parts de marché n'est pas suffisant pour évaluer la situation concurrentielle du marché. Il est en effet utile de compléter cette mesure chiffrée par une analyse des caractéristiques économiques du marché pertinent, avant de conclure à l'exercice par un opérateur d'une influence significative sur le marché.
Dans l'analyse qui suit, l'Autorité a retenu, parmi les critères qualitatifs évoqués par la Commission européenne dans ses lignes directrices sur l'analyse des marchés, ceux qu'elle estime être les plus pertinents pour la désignation de l'opérateur puissant dans le cas particulier du marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational.


(1) La taille de l'entreprise et le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer


Au 31 décembre 2007, l'intégralité des répartiteurs (au nombre de 13 000 environ) étaient équipés en DSL par France Télécom, soit la totalité des centraux téléphoniques historiques ainsi que plusieurs centaines de répartiteurs Haut Débit (dits « NRA-HD ») installés plus récemment par France Télécom pour mieux desservir les nouvelles zones résidentielles et d'activité.
Neuf Cegetel propose des offres de gros d'accès haut débit activées livrées au niveau infranational en se fondant essentiellement sur le dégroupage. Ces offres sont de fait limitées, d'un point de vue géographique, aux zones dégroupées. Au 31 décembre 2007, 2 956 répartiteurs ont été livrés par France Télécom aux opérateurs alternatifs, leur permettant ainsi de couvrir environ 68 % de la population métropolitaine.
France Télécom détient donc à ce jour une position singulière sur le marché du haut débit en raison de l'étendue de sa couverture géographique et de son contrôle de près de 13 000 répartiteurs.
L'Autorité rappelle à ce titre que la boucle locale de cuivre a été qualifiée de facilité essentielle par le Conseil de la concurrence à plusieurs reprises (cf. avis n° 04-A-01 du 8 janvier 2004 relatif à une demande d'avis de l'AFORS sur les principes généraux des relations contractuelles entre les utilisateurs et les différents acteurs du dégroupage, ou encore l'avis n° 05-A-03 du 31 janvier 2005 relatif au premier cycle d'analyse des marchés du haut débit).
En suivant une approche prospective, on peut estimer que France Télécom bénéficie d'une avance de plus de trois ans sur les opérateurs alternatifs dans le déploiement d'un réseau DSL d'envergure nationale, comme le montre le tableau en page 13 de la présente décision.
L'extension du dégroupage est en effet longue et coûteuse. Chaque nouveau répartiteur doit être aménagé pour héberger les équipements spécifiques. S'agissant des coûts de collecte, un opérateur alternatif ayant recours au dégroupage doit consentir des investissements correspondant au déploiement d'infrastructures suffisamment capillaires pour atteindre les répartiteurs dégroupés.
Désormais, le dégroupage de nouveaux répartiteurs est dû essentiellement aux projets de réseaux à l'initiative des collectivités locales, d'une part, et à l'offre de raccordement des répartiteurs distants « Liaison Fibre Optique » de France Télécom, dite LFO.
L'action des collectivités ne pourra couvrir la totalité des répartiteurs non dégroupés actuellement et malgré les conditions économiques et opérationnelles de l'offre LFO, les opérateurs encourent, pour dégrouper un répartiteur, des coûts fixes stables ou croissants quand la taille du répartiteur dégroupé décroît.
Un opérateur alternatif qui souhaite étendre sa zone de dégroupage est amené à dégrouper des répartiteurs de plus en plus petits, et donc à amortir des coûts fixes sur un nombre de plus en plus réduit de clients. Le coût par abonné du dégroupage croît donc fortement avec l'extension géographique du dégroupage.
Ainsi, l'extension de la couverture d'un opérateur par le dégroupage est de moins en moins rentable. Ceci explique notamment que l'extension du dégroupage est dû en grande partie aux réseaux d'initiative publique mis en œuvre par les collectivités locales. Il existe de ce fait probablement une limite structurelle à la rentabilité, et par voie de conséquence, à l'extension du dégroupage.
Au vu de ce qui précède, il apparaît que la couverture géographique du réseau DSL de France Télécom rend l'opérateur actuellement incontournable sur environ un tiers de la population. En outre, cette infrastructure DSL apparaît, à l'horizon de l'analyse, difficilement duplicable par un opérateur alternatif ayant recours au dégroupage.


(2) L'intégration verticale de France Télécom et l'existence d'économies d'échelle


Si, conformément à ce qu'avait indiqué le Conseil de la concurrence dans son avis n° 05-A-03 en date du 31 janvier 2005, la production interne ne doit pas être prise en compte dans l'appréciation quantitative des parts de marché des acteurs, cette production ne saurait cependant être ignorée lors de l'analyse concurrentielle, en particulier lorsqu'une entreprise offre des prestations à la fois pour répondre à ses propres besoins et pour satisfaire ceux d'entités économiques distinctes.
En effet, dans cette hypothèse, les prestations que l'entreprise se fournit à elle-même peuvent constituer un levier lui permettant d'exercer une pression concurrentielle sur les prix pratiqués sur le marché.
Ainsi, sans conclure à la nécessité de prendre en compte la production interne pour définir le marché et calculer la part de marché pour les biens et les services intermédiaires, la Commission précise dans ses lignes directrices du 13 octobre 2000 relatives aux restrictions verticales (6) que « la production interne, c'est-à-dire la fabrication par une entreprise d'un bien intermédiaire aux fins de sa propre production, peut revêtir une très grande importance dans une analyse de la concurrence en tant que contrainte concurrentielle ou en tant que facteur qui renforce la position d'une entreprise sur le marché ».
En l'espèce, la production d'accès haut débit étant régie par une économie de coûts fixes, le volume global d'accès destinés au marché intermédiaire et au marché de détail produits par un même opérateur, est une source d'économies d'échelle substantielles.
Par le biais de ces économies d'échelle, le volume d'accès produits par un opérateur pour être commercialisés en propre sur le marché de détail a un impact direct sur les coûts de production des accès haut débit activés vendus par ce même opérateur sur le marché de gros.
Au regard de l'importance du nombre d'accès cédés en interne par rapport au nombre total d'accès produits sur les marchés du haut débit, cet effet apparaît comme particulièrement structurant sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational. Ainsi, sur les accès haut débit produits en France en 2007, moins de 60 % étaient échangés sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, les autres étant commercialisés sur des marchés avals.
L'Autorité considère que ces économies d'échelle confèrent aux opérateurs intégrés ayant une forte production interne, un avantage substantiel en termes de coûts par rapport à ceux de leurs concurrents qui ne sont pas intégrés ou dont la production interne est moins importante.
Cet élément caractéristique du positionnement d'un opérateur sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational n'est pas mesuré par le seul calcul des parts de marché portant sur les échanges constatés. Étant donné qu'au niveau infranational, en 2007, France Télécom utilisait pour elle-même, c'est-à-dire pour les offres qu'elle commercialise sur le marché de détail ou pour la production d'accès haut débit livrés au niveau national, près de 40 % des accès qu'elle produit, la production interne liée à l'intégration verticale de France Télécom joue un rôle essentiel en permettant de diminuer les coûts de production des accès haut débit vendus par France Télécom sur le marché de gros.
En outre, l'existence de cette production interne à grande échelle permettrait à France Télécom, en l'absence de régulation ex ante, de se comporter dans une certaine mesure de façon indépendante de la demande exprimée par les opérateurs concurrents sur le marché de gros.
Enfin, en raison de son intégration verticale et de sa présence en amont du marché considéré, France Télécom est en mesure d'économiser les coûts de transaction que supportent en revanche les autres opérateurs qui s'appuient essentiellement sur le dégroupage pour produire des offres d'accès haut débit livrées au niveau infranational.
En conclusion, l'intégration verticale de France Télécom en amont et en aval du marché, l'importance de sa production interne et de ses économies d'échelle renforcent sa capacité à se comporter, en l'absence de régulation, indépendamment de ses clients et de ses concurrents sur le marché de gros.

(6) Communication de la Commission ― Lignes directrices sur les restrictions verticales en date du 13 octobre 2000 (2000/C 291/01).