b) Analyse de substituabilité
Afin de délimiter le contour du marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, l'Autorité a étudié le degré de substituabilité entre :
― les offres d'accès haut débit activées livrées en IP, en ATM ou en Ethernet ;
― les offres d'accès haut débit et très haut débit activées fondées sur le DSL et celles fondées sur la fibre ;
― les offres d'accès haut débit et très haut débit activées fondées sur le DSL et celles fondées sur le câble ;
― les offres destinées à la clientèle résidentielle et les offres destinées à la clientèle professionnelle ;
― les offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational et les offres d'accès haut débit et trè s haut débit activées livrées au niveau national ;
― les offres d'accès haut débit et très haut débit activées et les offres d'accès passives ;
― les offres d'accès haut débit et très haut débit activées fondées sur les réseaux filaires et celles fondées sur les technologies d'accès hertziennes terrestres, de satellites ou les courants porteurs en ligne.
(1) Substituabilité entre les offres d'accès haut débit activées livrées en IP, en ATM ou en Ethernet
L'Autorité constate qu'il existe à ce jour deux interfaces principalement utilisées pour la livraison d'accès haut débit activées au niveau infranational. Il s'agit, d'une part, de la livraison en ATM, qui a initialement été mise en place pour permettre l'élaboration d'offres sur le marché professionnel et, d'autre part, de la livraison en IP, que ses caractéristiques techniques rendent plutôt adaptée à l'élaboration d'offres sur le marché résidentiel. A ce jour, les opérateurs s'adressant au marché résidentiel se fondent toutefois a ussi bien sur des offres d'accès livrées en ATM ou en IP.
Un troisième mode de collecte, l'Ethernet, est désormais disponible et apparaît comme une technologie de transmission efficace en termes de coûts et de qualité de service. En particulier, la collecte Ethernet devrait permettre à terme de fournir des offres à destination tant du marché professionnel que résidentiel et ce en présentant une architecture et une gestion opérationnelle simplifiées par rapport à la collecte ATM. A l'horizon de la présente analyse, l'Ethernet pourrait constituer un substitut à l'ATM ou à l'IP.
Le respect du principe de neutralité technologique est défini comme un objectif de régulation en vertu de l'article L. 32-1 (II, 13°) du code des postes et des communications électroniques. Les choix technologiques font partie intégrante de l'efficacité des opérateurs et donc de leur capacité à conquérir de nouveaux clients. Afin de respecter ce principe, il convient d'inclure dans le même marché l'ensemble des offres de gros d'accès haut débit activées livrées au niveau infranational quelles que soient les interfaces de livraison mises en œuvre : IP, ATM et Ethernet.
(2) Substituabilité entre les offres d'accès haut débit et très haut débit activées
utilisant la technologie DSL et celles fondées sur la fibre pour adresser une clientèle résidentielle
Le déploiement des réseaux FttH a commencé. Les principaux opérateurs ont annoncé des plans d'investissement qui pourraient porter sur plus d'un million de foyers raccordables par an au cours des prochaines années. Il est probable que certains de ces acteurs soient amenés à formuler des offres de gros activées, de façon à amortir le coût d'investissement sur une large base d'abonnés.
A l'horizon de la présente analyse et au regard des usages actuels des consommateurs sur les marchés concernés, la distinction entre haut débit et très haut débit sur le marché de détail reste cependant limitée, dans la mesure où on constate un recouvrement important de services proposés dans les offres haut débit et très haut débit.
En outre, les offres d'accès activées fondées sur le DSL et la fibre présentent des contraintes concurrentielles homogènes au niveau des marchés de gros :
― d'un point de vue économique, le génie civil constitue le principal inducteur de coût de la boucle locale et donc du coût de l'accès pour ces offres ;
― les acteurs qui investissent dans des réseaux FttH sont déjà présents sur le marché du haut débit.
Par ailleurs, il semble que le déploiement des réseaux de nouvelle génération (dits « NGN ») se caractérise par des interfaces de livraison de plus en plus standardisées, indépendamment des technologies d'accès sur lesquelles les offres haut et très haut débit sont construites. L'Ethernet semble à ce titre constituer l'interface la plus pérenne.
En outre, les équipements actifs d'accès (typiquement les DSLAM pour le DSL) mis en œuvre par les opérateurs dans les prochaines années sont susceptibles de pouvoir intégrer simultanément des « cartes » de différentes technologies (cuivre, optique, etc.), ce qui permettrait une mutualisation de ces équipements entre les différentes offres d'accès activées.
Ainsi, les offres d'accès très haut débit activées fondées sur la fibre optique paraissent substituables aux offres d'accès haut débit activées sur DSL à l'horizon de la présente analyse.
(3) Substituabilité entre les offres d'accès haut débit et très haut débit activées
utilisant la technologie DSL et celles fondées sur le câble pour adresser une clientèle résidentielle
Du côté de l'offre, il n'est pas exclu que les câblo-opérateurs se positionnent sur ce marché à l'horizon de la présente analyse. En effet, des investissements sont consentis pour la mise à niveau des réseaux en vue de la fourniture de services à très haut débit. Ceux-ci pourraient en théorie conduire Numericable à proposer aux opérateurs tiers une offre d'accès activée sur son réseau qui permettrait de fournir des services comparables à ceux offerts en DSL, voire plus riches.
L'Autorité note cependant qu'il n'existe pas aujourd'hui d'offre haut débit ou très haut débit activée proposée par un câblo-opérateur sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational.
En outre, il pourrait ne pas exister de demande pour une offre activée proposée par un câblo-opérateur. En effet, la souscription à une telle offre nécessiterait pour les opérateurs historiquement acheteurs d'offres activées sur DSL d'adapter leurs équipements actifs, notamment les équipements fournis aux clients finaux, les « box », ce qui pourrait s'avérer complexe et coûteux. Au surplus, l'existence d'un espace économique pour des offres de gros activées intermédiaires entre les offres activées fondées sur le DSL et celles sur la fibre n'est pas avérée.
Enfin, la formalisation d'une offre haut débit activée fondée sur le câble nécessiterait de définir des points de livraison infranationaux pertinents. Aujourd'hui, des points de présence départementaux des opérateurs alternatifs DSL sont situés à proximité des répartiteurs et points de livraison de l'offre haut débit activée sur DSL de France Télécom. En pratique, ces points disjoints du réseau de Numericable. Une granularité départementale ou régionale des points de livraison pourrait donc ne pas avoir de pertinence pour Numericable, le déploiement des réseaux câblés s'étant plutôt fait historiquement au niveau de l'agglomération. Or, une architecture de livraison significativement distincte de celle de France Télécom pourrait nécessiter des déploiements supplémentaires et excessivement couteux des réseaux de collecte des opérateurs tiers pour pouvoir souscrire à une telle offre dans des conditions économiques attractives.
S'agissant des contraintes indirectes, qui pourraient s'exercer via le marché de détail, la part de marché actuelle du câblo-opérateur, limitée à environ 5 %, ne permet pas de conclure à l'existence d'une pression concurrentielle significative à l'horizon de la présente analyse.
Ainsi, les offres d'accès haut débit et très haut débit activées fond ées sur le câble n'apparaissent pas substituables aux offres d'accès haut débit activées sur DSL à l'horizon de la présente analyse.
(4) Substituabilité entre les offres destinées à la clientèle résidentielle
et les offres destinées à la clientèle professionnelle
Les offres de gros d'accès haut débit activées sur DSL livrées au niveau infranational permettant de desservir, sur le marché de détail, la cl ientèle résidentielle et celles permettant de desservir la clientèle professionnelle sont très proches sur les plans technique et structurel. Les réseaux et les équipements techniques impliqués sont principalement les mêmes, la différenciation s'effectuant au moyen de paramétrages techniques propres aux besoins des clients professionnels : accès symétrique, débit garanti, qualité de service accrue, garantie de temps de rétablissement. S'ils ont un impact à la hausse sur les coûts d'exploitation des accès, ces paramétrages techniques n'induisent pas de fortes dépenses d'investissement de la part de l'opérateur.
La commercialisation d'offres de gros DSL destinées au marché professionnel peut donc se faire à coût marginal dès lors qu'une offre à destination du marché résidentiel est disponible, et réciproquement. Ces deux prestations bénéficient donc l'une et l'autre d'économies d'envergure substantielles.
Ainsi, du côté de l'offre, il existe une substituabilité entre les offres DSL destinées aux clientèles résidentielle et professionnelle.
Du point de vue de la demande sur le marché de détail, il s'établit un continuum de la demande résidentielle vers la demande professionnelle. Les besoins des petites et d'une partie des moyennes entreprises sont généralement plus proches de ceux des résidentiels que de ceux des très grandes entreprises. Ainsi, les clients résidentiels vont utiliser des offres à débit non garanti de quelques mégabits par seconde avec une garantie de temps de rétablissement standard de 48 heures. Les petites entreprises peuvent se satisfaire de débits similaires mais souhaiter une garantie de temps de rétablissement plus courte, de 4 heures par exemple, alors que des moyennes entreprises souhaiteront des débits garantis et une garantie de temps de rétablissement de 4 heures. Du point de vue de la demande sur le marché de gros, les opérateurs répercutent ces spécificités auprès de leur fournisseur : il en résulte donc un même continuum, en termes de débit et en termes de qualité de service, directement dérivé de celui observé sur le marché de détail.
En outre, la collecte par les opérateurs alternatifs des trafics issus des offres DSL professionnelle et résidentielle s'opère à partir des mêmes points de raccordement et sur le même réseau.
Les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational destinées à une clientèle professionnelle et fondées sur le DSL et celles destinées à une clientèle résidentielle présentent ainsi un degré de substituabilité élevé du côté de l'offre et un degré de substituabilité significatif du coté de la demande.
L'Autorité considère donc que ces deux offres appartiennent au même marché.
En revanche, en ce qui concerne les offres de service de capacité (ex. : LPT, CE2O), l'Autorité constate l'absence de substituabilité des offres haut débit et très haut débit destinées à la clientèle résidentielle avec les offres DSL destinées à la clientèle professionnelle. En effet, du côté de la demande, les offres de services de capacité s'adressent à des entreprises de plus grande taille que les offres précédemment citées avec des tarifs significativement plus élevés du fait notamment de garanties de qualité de se rvice supérieures. Du côté de l'offre, les équipements nécessaires à la fourniture de l'offre sont en grande partie non mutualisables avec les offres fondées sur le DSL.
En outre, les offres de services de capacité, y compris sur fibre, n'apparaissent pas substituables aux offres activées fondées sur la fibre destinées à la clientèle résidentielle, dans la mesure où les réseaux correspondants sont déployés de manière indépendante.
L'Autorité considère donc que les offres de services de capacité n'appartiennent pas au présent marché et note qu'elles font l'objet d'une régulation ex ante dans le cadre de la décision n° 2006-0592 de l'Autorité en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.
(5) Substituabilité entre les offres d'accès haut débit et très haut débit activées
livrées au niveau infranational et celles livrées au niveau national
Dans sa décision n° 2007-0089 en date du 30 janvier 2007 portant sur la levée de la régulation du marché de gros des offres d'accès haut débit activées livrées au niveau national, l'Autorité relevait que les trois critères cumulatifs de pertinence d'un marché définis par la Commission européenne n'étaient plus remplis s'agissant de ce marché.
L'Autorité a en effet considéré que la capillarité accrue des réseaux, le déploiement des opérateurs alternatifs au niveau régional, le développement des marchés de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale et des offres de gros d'accès haut débit activées livrées au niveau infranational et la présence d'offres de gros d'accès haut débit acti vées livrées au niveau national alternatives à celle de France Télécom, étaient des indicateurs de la vitalité de la concurrence sur le marché depuis l'été 2005.
Par ailleurs, elle a estimé que la diminution de la part relative du marché de gros des offres d'accès haut débit activées livrées au niveau national au sein des marchés de gros du haut débit, l'intégration verticale croissante des acteurs et le constat qu'aucun opérateur n'utilisait majoritairement les offres de gros d'accès haut débit activées livrées au niveau national de France Télécom confirmaient la capacité du droit de la concurrence à remédier aux éventuelles défaillances du marché.
L'Autorité relève aujourd'hui que les caractéristiques du marché de gros des offres d'accès haut débit activées livrées au niveau national n'ont pas évolué depuis le début de l'année 2007 et considère qu'il n'y a pas lieu de définir de nouveau dispositif de régulation ex ante pour les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau national.
En particulier, pour les raisons évoquées ci-dessus, les conditions de concurrence ne sont pas homogènes entre les offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational et les offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau national, qui n'apparaissent donc pas substituables avec les offres relevant du présent marché.
(6) Substituabilité entre les offres d'accès haut débit et très haut débit activées
et les offres d'accès passives
L'Autorité partage l'analyse de la Commission selon laquelle une offre d'accès passive donne aux opérateurs alternatifs une plus grande liberté dans l'étendue des services proposés à leurs clients et dans leur tarification.
En effet, l'opérateur alternatif gère l'ensemble des éléments actifs du réseau permettant de fournir le service au client final, notamment les DSLAM dans le cas du dégroupage. L'opérateur dispose ainsi d'une meilleure capacité d'innovation et de différenciation, dans un contexte d'innovation technologique rapide comme les marchés du haut débit. Par ailleurs, cela permet une indépendance industrielle et commerciale des opérateurs.
Les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit activées sont, quant à elles, des offres plus intégrées, dans lesquelles les opérateurs clients utilisent des accès du réseau d'un autre opérateur. Ils sont donc soumis aux choix techniques de l'opérateur qui leur propose les offres et ont une latitude plus limitée à se différencier.
De ce fait, la substitution entre ces deux offres sera, du point de vue de la demande, limitée à une substitution asymétrique des offres de gros d'accès haut débit et très haut débit vers les offres d'accès passives, qui correspond à la recherche d'une plus grande capacité de différenciation et d'innovation. Ces deux types de produits n'apparaissent pas interchangeables.
Au terme de cette analyse, l'Autorité estime que les offres d'accès passives n'appartiennent pas au même marché que les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational.
(7) Substituabilité entre les offres d'accès haut débit et très haut débit activées fondées sur les réseaux filaires et offres fondées sur les technologies d'accès hertziennes terrestres de type Wi-Max, Wi-Fi, satellitaires ou les courants porteurs en ligne
Des offres d'accès haut débit activées peuvent être proposées par l'intermédiaire des technologies hertziennes terrestres de type Wi-Max, Wi-Fi, satellitaires ou encore des courants porteurs en ligne sur les réseaux électriques.
Sans préjuger de la substituabilité technique entre des offres de gros élaborées à partir de ces technologies d'accès et celles élaborées via la technologie DSL, l'Autorité relève que le nombre d'accès commercialisés à partir de ces technologies sur les marchés de détail représente moins de 1 % des accès haut débit commercialisés en France. L'Autorité en conclut que ces technologies n'offrent pas des ressources équivalentes au réseau d'accès cuivre.
Les offres d'accès haut débit activées proposées par le satellite, le Wi-Max, le Wi-Fi et les courants porteurs en ligne ne sont pas et ne seront pas substituables aux offres d'accès haut débit et très haut débit activées filaires à l'horizon de cette analyse. Une telle substituabilité nécessiterait des investissements élevés, qui par ailleurs ne pourraient être réalisés et avoir un impact significatif sur le marché avant plusieurs années. Ces technologies d'accès paraissent en conséquence devoir être exclues du périmètre du marché.
2. Délimitation géographique du marché
a) Principes
Il est rappelé au point 56 des lignes directrices susvisées que, « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services pertinents, où elles sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».
La Commission précise au point 59 des lignes directrices susvisées que dans le secteur des communications électroniques, la portée géographique du marché pertinent est traditionnellement déterminée par référence à deux critères principaux qui permettent de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : le territoire couvert par les réseaux, d'une part, et l'existence d'instruments de nature juridique conduisant à distinguer telle ou telle zone géographique ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale, d'autre part.
Par ailleurs, cette analyse doit être menée dans une approche prospective. S'agissant des marchés de gros sous-jacents aux services de communications électroniques fixes, le critère de substituabilité du côté de la demande est peu pertinent pour déterminer l'étendue géographique d'un marché : un opérateur cherchant à acheter un produit de gros pour desservir un client donné situé dans une zone géographique donnée ne peut acheter un produit de gros dont l'accès est situé sur une zone géographique distincte. Si sa demande n'est pas satisfaite pour une livraison au niveau régional dans une zone donnée, il choisira plutôt d'acheter une offre de gros à un niveau supérieur, en l'espèce une offre livrée au niveau national.
Ainsi, c'est le critère de substituabilité du côté de l'offre qui primera dans l'analyse. Plus précisément, en se référant aux lignes directrices de la Commission, il conviendra de déterminer si des opérateurs qui ne sont pas encore présents sur une zone géographique donnée, mais le sont sur une autre zone géographique, feront le choix d'y entrer à court terme en cas d'augmentation des prix relatifs. Dans ce cas, la définition du marché doit être étendue à la zone sur laquelle ces opérateurs ne sont pas encore présents mais sont susceptibles d'entrer.
b) Analyse fondée sur le déploiement et l'extension des réseaux
|
DÉBUT 2001 |
DÉBUT 2002 |
DÉBUT 2003 |
DÉBUT 2004 |
DÉBUT 2005 |
DÉBUT 2006 |
DÉBUT 2007 |
MARS 2008 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
France Télécom. |
36 % |
66 % |
74 % |
80 % |
90 % |
97 % |
98,4 % |
98,4 % |
Dégroupage. |
0 % |
0 % |
10 % |
35 % |
50 % |
53,7 % |
59,6 % |
69,7 % |
3. Pertinence du marché au regard de la régulation sectorielle
Au vu de l'analyse qui précède, l'Autorité a délimité le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, qu'elles soient fondées sur le DSL ou la fibre et indépendamment du type de clientèle visée et de l'interface de livraison utilisée. Son périmètre géographique du marché correspond au territoire métropolitain, aux départements d'outre-mer et aux collectivités d'outre-mer.
L'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité doit définir les marchés, « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ».
Ainsi, pour qualifier un marché de pertinent au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.
Or, le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activé a fait l'objet d'une analyse par la Commission européenne, dans sa recommandation sur les marchés pertinents. Elle a estimé que ce marché remplissait les trois critères qu'elle a définis dans sa recommandation (présence de barrières à l'entrée élevées et non provisoires, absence d'évolution vers une situation de concurrence effective, insuffisance du droit de la concurrence) et que, de ce fait, ce marché était pertinent pour la régulation ex ante.
La nécessité de réguler ex ante ce marché est justifiée au regard de plusieurs caractéristiques structurelles du marché.
De ce fait, les mécanismes d'entrée sur ce marché sont limités. En effet, hormis le cas des opérateurs possédant la boucle locale ou les fourreaux permettant de relier, sur l'ensemble du territoire, les nœuds de raccordement optique aux abonnés, l'entrée en tant qu'offreur sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational n'est possible pour un opérateur que si, d'une part, il lui est donné accès à ces infrastructures et si, d'autre part, il déploie un réseau de collecte suffisamment capillaire pour rendre effective cette possibilité partout sur le territoire.
Ainsi, malgré l'obligation réglementaire pesant sur France Télécom, propriétaire de l'infrastructure essentielle de boucle locale, d'ouvrir son réseau local au dégroupage, les barrières à l'entrée sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational restent élevées. Elles sont dues au montant des investissements que suppose le déploiement d'un réseau de collecte pour le dégroupage au niveau du nœud de raccordement optique. Par exemple, le coût propre de collecte correspondant au dégroupage d'un répartiteur s'élève à plusieurs centaines de milliers d'euros et le réseau en compte près de 13 000 en France. Elles sont aussi dues au caractère nécessairement progressif de ce déploiement, qui ne peut s'effectuer à grande échelle que sur plusieurs années. Enfin, elles sont renforcées par le poids des économies d'échelle qui confèrent un avantage certain en termes de coût au plus gros opérateur. En outre, l'intégration verticale des acteurs de ces marchés, et notamment la présence de l'opérateur possédant le réseau de boucle locale sur le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational et sur les marchés de détail aval, rend plus difficile l'entrée sur ce marché de gros intermédiaire en l'absence de régulation ex ante.
L'ensemble de ces motifs conduisent à estimer que les perspectives de développement de la concurrence sont limitées sur ce marché, à l'horizon de la présente analyse.
Enfin, il apparaît que le droit de la concurrence ne peut encore suffire pour remédier aux problèmes de concurrence intrinsèques à ce marché. Notamment, l'entrée d'opérateurs alternatifs sur ce marché est conditionnée au maintien sur un terme long d'espaces économiques suffisants entre les différentes offres de gros de la chaîne de valeur du haut débit. Ce maintien est assuré par une intervention ex ante sur les tarifs de gros, outil dont ne dispose pas le droit de la concurrence. De plus, le régulateur sectoriel dispose d'instruments servant des objectifs différents de celui de l'autorité de concurrence, notamment en ce qui concerne l'incitation à l'investissement des opérateurs dans les infrastructures. L'Autorité a ainsi développé des modèles réglementaires de coût pour l'accès dégroupé et la collecte, qui permettent de déterminer le niveau des tarifs d'éviction de offres de gros d'accès haut débit activées sur DSL livrées au niveau infranational. Enfin, le régulateur sectoriel assure un suivi continu du marché, et peut mettre en place de façon ex ante des dispositifs de séparation comptable et d'audit des coûts, selon une méthodologie spécifique adaptée au marché des communications électroniques, nécessaire au suivi et au contrôle des obligations tarifaires pesant sur l'opérateur régulé.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'Autorité considère que le marché tel que défini dans l'analyse présentée ci-dessus doit être déclaré pertinent au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques, à ce stade indispensable pour favoriser le développement de la concurrence et l'investissement des opérateurs dans les infrastructures.
4. Conclusion
Au vu de l'analyse qui précède, l'Autorité considère que l'ensemble des offres de gros d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational destinées à fournir des services pour les clients résidentiels appartiennent au même marché, qu'elles soient fondées sur le DSL ou la fibre, sans que n'ait à être précisée a priori leur interface de livraison. Notamment, les offres livrées en IP, en ATM et en Ethernet sont incluses dans ce marché. Les offres sur DSL destinées à fournir des services pour les professionnels appartiennent également à ce marché.
L'Autorité exclut notamment du périmètre du marché ainsi identifié les offres suivantes :
― les offres d'accès passives, comme le dégroupage de la boucle locale, l'accès aux fourreaux et les offres passives sur fibre ;
― les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit activées fondées sur les technologies d'accès hertziennes terrestres de type Wi-Fi, Wi-Max, satellitaires ou les courants porteurs en ligne ;
― les offres de gros d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau national ;
― les offres de service de capacité.
Compte tenu des éléments structurels sur le développement d e la concurrence, l'Autorité estime pertinent le marché de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, qu'elles soient fondées sur le DSL ou la fibre et indépendamment du type de clientèle visée et de l'interface de livraison utilisée. Le périmètre géographique du marché correspond au territoire métropolitain, aux départements d'outre-mer et aux collectivités d'outre-mer.
Le marché ainsi défini correspond au cinquième marché listé en annexe de la recommandation de la Commission européenne sur les marchés pertinents, celui de la fourniture en gros d'accès haut débit et très haut débit activés.
III. ― DÉSIGNATION D'UN OPÉRATEUR EXERÇANT UNE INFLUENCE SIGNIFICATIVE
1. Principes généraux relatifs à la détermination des conditions
caractérisant une situation d'influence significative sur un marché
Il découle de l'article 14 de la directive « cadre » et du point 5 des lignes directrices publiées par la Commission que les autorités réglementaires nationales ne doivent intervenir pour imposer des obligations aux entreprises que dans la mesure où elles considèrent que les marchés envisagés ne sont pas en situation de concurrence réelle, essentiellement en raison du fait que ces entreprises ont acquis « une position équivalente à une position dominante » au sens de l'article 82 du traité CE.
En droit national, l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ». Pour évaluer l'existence d'une influence significative, l'Autorité doit, conformément aux dispositions de l'article D. 302 du code des postes et des communications électroniques, tenir le plus grand compte des lignes directrices adoptées par la Commission.
Il est précisé au point 5 des lignes directrices que la Commission et les autorités réglementaires nationales doivent « se fonder sur les principes et les méthodes du droit de la concurrence pour définir les marchés qui devront être soumis à une réglementation ex ante et apprécier la puissance des entreprises sur ces marchés ».
Ainsi, les lignes directrices relèvent que la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif, de l'évaluation de la puissance d'un acteur. Notamment, d'après une jurisprudence constante (5), la présence de parts de marché très élevées ― supérieures à 50 % ― suffit, sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marché s de l'entreprise et de ses concurrents sur une période de temps appropriée, constitue un critère supplémentaire en vue d'établir l'influence significative d'un opérateur donné.
En outre, il est rappelé au point 78 des lignes directrices susmentionnées que « l'existence d'une position dominante ne saurait être établie sur le seul fait qu'une entreprise détient d'importantes parts de marché ». L'Autorité pourra ainsi tenir compte dans son analyse de plusieurs critères complémentaires d'ordre qualitatif, comme :
― la taille de l'entreprise ;
― le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;
― les avancées ou la supériorité technologiques ;
― l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;
― la diversification des produits ou des services ;
― l'intégration verticale de l'entreprise ;
― la présence d'économies de gamme ou d'échelle ;
― l'absence de concurrence potentielle ;
― d'autres critères tels que l'accès privilégié aux marchés des capitaux.