L'occupation du domaine public routier
Face à un refus d'accès ou à un tarif d'accès trop élevé pratiqué par le détenteur d'infrastructures de génie civil, un opérateur souhaitant déployer une boucle locale pourrait choisir d'établir ses propres infrastructures de génie civil. Une telle alternative présente cependant trois limites.
Tout d'abord sur un plan opérationnel, la mise en œuvre de travaux de génie civil suppose de réaliser des études de terrain pour déterminer les tracés, puis de monter un dossier de demande de permission de voirie. L'autorité compétente dispose ensuite d'un délai de deux mois pour répondre. Elle peut choisir d'inviter au partage, ce qui entraîne des délais supplémentaires. Dans les cas où la permission est accordée, il faut encore à l'opérateur réaliser les travaux, ce qui nécessite encore des délais. Au bilan, la réalisation de génie civil est longue et complexe, dans la mesure où elle fait intervenir des acteurs locaux.
Ensuite sur un plan économique, la réalisation de travaux de génie civil en zone urbaine dense est coûteuse. Le creusement d'une tranchée et la pose de fourreaux et de chambres revient ainsi à environ 120 €/ml. En comparaison, les offres de fourreaux des collectivités se situent généralement autour d'un tarif de location de 1 €/ml/an. Quelle que soit la durée d'amortissement, il s'agit d'un écart de coût considérable pour l'opérateur concerné.
Enfin, la réalisation des adductions des bâtiments suppose généralement l'accord des propriétaires ou des copropriétaires ou du bailleur pour la réalisation des travaux. Compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs, ceci génère des coûts administratifs importants. En outre, en cas de refus, l'opérateur se doit de recourir à la procédure d'octroi de servitude, qui apparaît peu opérante en pratique. Ainsi la réalisation des travaux de génie civil sur le seul domaine public peut-elle s'avérer insuffisante pour déployer un réseau de boucle locale.
Il résulte de ce qui précède que l'alternative consistant pour un opérateur à réaliser son propre génie civil est de portée limitée, alors que l'utilisation du génie civil de France Télécom semble permettre au contraire de s'affranchir de toutes ces contraintes administratives pour un coût raisonnable.
L'utilisation de techniques de génie civil allégé
Les techniques de génie civil allégé semblent prometteuses pour la plupart des contributeurs à la consultation publique sur les fourreaux. Ces techniques commencent à être utilisées dans un certain nombre de villes. Elles vont d'ailleurs faire l'objet de normes.
L'utilisation des techniques de génie civil allégé dites à faible profondeur, à savoir la micro-tranchée sous chaussée et la saignée sous trottoir, constitue pour plusieurs acteurs une opportunité importante pour le déploiement de réseaux très haut débit. En premier lieu, elles induisent des économies significatives voire décisives dans le déploiement d'une infrastructure à très haut débit, leur utilisation étant deux à trois fois moins coûteuse que la reconstruction du génie civil traditionnel. En second lieu, elles permettent d'assurer, grâce aux dispositifs de pose automatisée, un déploiement rapide tout en préservant l'intégrité du domaine public et minimisant la gêne occasionnée pour les riverains.
Néanmoins, ces techniques de génie civil allégé se heurtent aujourd'hui encore à de nombreux obstacles.
Le principal obstacle à leur mise en œuvre apparaît lié aux difficultés pour obtenir dans certains cas les autorisations de voirie nécessaires, étant donné que ces techniques ne sont pas reconnues dans les règlements de voirie. Sur ce point, le SIPPEREC s'oppose à la position de l'ARCEP et note que l'emploi de ces techniques est compatible avec la plupart des règlements de voirie et ne nécessite donc pas leur modification. Aussi, selon le SIPPEREC, l'emploi des techniques de génie civil allégé peut être autorisé dans le cadre des dispositions dérogatoires prévues par la réglementation.
Un autre obstacle à la mise en œuvre de ces techniques semble lié à la réticence des collectivités, qui en retardent l'utilisation sur leurs territoires. Certaines collectivités craignent ainsi, comme le souligne la Caisse des dépôts et consignations, « un phénomène de "poutre” du fait du béton utilisé pour le comblement de ces tranchées, et d'autre part que ces réseaux soient fragilisés en raison de leur faible profondeur », en particulier à l'occasion de l'implantation de divers mobiliers urbains. D'une manière générale, les infrastructures de génie civil allégé ne bénéficient pas de la même protection que le génie civil normal en cas de dommage. En outre, selon le département de la Seine-Maritime, « le recours aux techniques de génie civil allégé semble délicat sur une large échelle, chaque service technique imposant ses propres règles d'ingénierie en la matière ».
Du fait des difficultés d'utilisation de ces techniques de génie civil allégé, certains acteurs considèrent qu'aucun opérateur ne bénéficie du recul nécessaire pour en apprécier les conditions et les coûts d'exploitation, notamment lorsqu'il s'agit de procéder à des travaux de déviation.
Il ressort ainsi des contributions qu'à ce stade une solution en génie civil allégé n'est pas équivalente à une offre d'accès aux réseaux d'infrastructures de génie civil existants. En particulier, il n'apparaît pas possible, pour des raisons de nuisance et de circulation, d'aller aussi vite en génie civil allégé qu'en réutilisation de fourreaux existants. Aussi, en centre-ville, la voirie est souvent saturée de réseaux divers, ce qui interdit ou renchérit la réalisation d'un nouveau réseau selon l'AVICCA. Numericable considère à cet égard que les techniques de génie civil allégé sont « difficiles et fragiles à utiliser dans l'exploitation courante d'une boucle locale ». Enfin, la question de la pénétration dans l'immeuble reste entière.
L'occupation du domaine public non routier
Comme cela a été indiqué précédemment, les opérateurs sont susceptibles d'utiliser le domaine public non routier pour poser leurs câbles. C'est notamment le cas de Free et de Neuf Cegetel à Paris, compte tenu de la présence d'égouts visitables.
Même si l'Autorité a estimé que la mise à disposition des égouts visitables n'appartenait pas au marché pertinent, cette option est, en tout état de cause, susceptible d'exercer une pression concurrentielle sur les offres de fourreaux.
Pour autant, cet effet semble cependant limité en pratique. Ainsi France Télécom n'a pas décidé de baisser son prix de location des fourreaux dans le cadre de l'offre LGC DPR (domaine public routier) dans les zones telles que Paris où des égouts visitables sont présents. Au contraire, le tarif de location des fourreaux de France Télécom est plus élevé dans les unités urbaines de plus de 500 000 habitants.
En tout état de cause, les zones où sont présentes des galeries visitables paraissent trop limitées pour créer un contre-pouvoir d'acheteur au niveau national. Le linéaire d'égouts visitables de la ville de Paris s'établit par exemple à 2 400 kilomètres, desservant 1,1 million de foyers, ce qui est considérablement inférieur au linéaire des infrastructures de génie civil de France Télécom à l'échelle nationale.
Il ressort de ce qui précède que les acheteurs ne disposent que d'un contre-pouvoir limité, consistant à recreuser du génie civil ― en dehors du cas particulier de Paris qui n'est en aucun cas généralisable à l'échelle nationale. Etant donné le coût des travaux y afférents, cela laisse une marge de manœuvre importante à France Télécom.
3. Conclusion
A l'issue de l'analyse qui précède, l'Autorité estime que la société France Télécom exerce une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.
IV. ― OBLIGATIONS IMPOSÉES À L'OPÉRATEUR
EXERÇANT UNE INFLUENCE SIGNIFICATIVE
Dans cette partie, l'Autorité présente les obligations qu'il paraît nécessaire et proportionné d'imposer à France Télécom sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale.
Les développements portent particulièrement sur l'accès à la boucle locale cuivre et aux infrastructures de génie civil. La dernière section aborde le traitement des offres passives de fibre.
1. Principes généraux relatifs à la détermination des obligations
imposées à l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché
Conformément à l'article 16 de la directive « cadre », lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :
― obligations de transparence ;
― obligations de non-discrimination ;
― obligations relatives à la séparation comptable ;
― obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;
― contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.
Conformément au considérant 14 de la même directive, il s'agit d'un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées aux entreprises.
L'article 8 de la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « cadre ».
Par ailleurs, le paragraphe 118 des lignes directrices indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.
L'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».
Il s'agit des obligations suivantes :
― rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ;
― fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;
― faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
― ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
― isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.
S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables, notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finals.
Dans ce cadre, l'ARCEP peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.
En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques :
a) La viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné ;
b) Le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible ;
c) L'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement ;
d) La nécessité de préserver la concurrence à long terme ;
e) Le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents ;
f) La fourniture de services paneuropéens.
Enfin, en ce qui concerne le dégroupage, en conformité avec l'article 9.4 de la directive « accès » susvisée, l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques dispose que, lorsqu'un opérateur est « tenu de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale à paire torsadée métallique en application de l'article D. 310, il publie une offre technique et tarifaire pour l'accès à la boucle locale ». Ce même article précise ensuite les éléments minimum qui doivent se retrouver dans cette offre.
En toute hypothèse et quelles que soient les obligations qui peuvent être imposées, celles-ci doivent être proportionnées aux objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, à savoir :
« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;
2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;
6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;
7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;
8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;
9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;
11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;
12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;
13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;
14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »
Compte tenu de la situation concurrentielle observée pour les offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, l'Autorité est amenée à imposer plusieurs obligations à France Télécom, établies au terme de l'analyse suivante.
2. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
L'article L. 38-I (3°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'ARCEP peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Conformément à l'article D. 310 du code, elles peuvent notamment prendre la forme d'une obligation d'accorder à des tiers l'accès à des éléments ou ressources de réseau spécifiques, de négocier de bonne foi avec les opérateurs ou encore de ne pas retirer un accès déjà accordé.
a) Obligation générique
La boucle locale cuivre constitue un point de passage incontournable vers l'abonné final. France Télécom, qui possède la quasi-totalité des paires de cuivre, dispose d'un lien contractuel direct avec l'abonné et bénéficie ainsi d'un effet de levier puissant pour la fourniture de services sur les marchés aval.
De plus, France Télécom contrôle alors un maillon essentiel à la construction technique du produit final, nécessaire pour bénéficier d'une forte capacité de différenciation. Dans les technologies DSL notamment, un opérateur ne peut installer, opérer et paramétrer ses propres DSLAM, et par là même proposer des services différenciés, que s'il a accès à la paire de cuivre.
De même, France Télécom maîtrise les infrastructures de génie civil de la boucle locale et bénéficie d'un pouvoir de marché sur l'ensemble des marchés situés en aval et dépendant de l'accès à ces infrastructures. L'accès aux infrastructures de génie civil constitue en effet, en dehors de certains cas particuliers, un préalable indispensable au déploiement de réseaux très haut débit.
Comme cela a été montré dans la partie « délimitation du marché et opérateur puissant », la réplication par un opérateur nouvel entrant des infrastructures physiques constitutives de la boucle locale à grande échelle est très peu probable à l'horizon de l'analyse. Dans ces conditions, l'Autorité constate que les offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire de France Télécom sont indispensables pour les opérateurs qui souhaitent augmenter leur capacité de différenciation et d'innovation en utilisant le plus possible leur propre réseau.
Cet accès direct aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire de France Télécom permet de plus le développement d'une concurrence pérenne par le déploiement d'infrastructures alternatives sur l'intégralité du territoire.
Enfin, au plan technique, les prestations d'accès aux infrastructures sont très proches des opérations techniques que France Télécom réalise pour ses propres besoins pour raccorder des nouveaux abonnés au service téléphonique, aux offres d'accès DSL ou au très haut débit, ce qui démontre la faisabilité de cet accès.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a, b et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Par ailleurs, un certain nombre de prestations complémentaires et de moyens associés à l'accès (cohabitation des équipements, raccordements aux sites de France Télécom, appuis aériens, mise à disposition d'une information préalable pertinente, etc.) sont nécessaires pour rendre effectif l'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale, dans des conditions économiquement viables.
Des prestations incluent notamment l'ensemble des cas de désaturation des infrastructures mises à la disposition des opérateurs (paire de cuivre, fourreaux, chambres, répartiteur général, emplacement de cohabitation, génie civil pour les pénétrations en localisation distante, etc.).
Ces prestations sont des moyens associés à l'accès aux infrastructures en ce qu'elles sont nécessaires pour rendre effectif l'accès des opérateurs alternatifs aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale et poursuivent le même but.
S'agissant de l'accès à ces prestations connexes, les critères cités aux alinéas a et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Au vu des éléments d'analyse qui précèdent, l'Autorité estime qu'il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de faire droit, pour l'accès aux infrastructures physiques constitutives de sa boucle locale, aux demandes raisonnables des opérateurs tiers visant à obtenir l'accès à des éléments de réseaux ou à des moyens et ressources associés.
Dans ce cadre, France Télécom est invitée à négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent l'accès pour ces offres, afin de minimiser les cas de litige.
Dans les zones où France Télécom n'est ni propriétaire ni gestionnaire de la boucle locale, d'une part (zones aéroportuaires de Paris, par exemple), ou des infrastructures de génie civil de la boucle locale, d'autre part, une demande d'accès à ces réseaux formulée auprès de France Télécom ne saurait être considérée comme raisonnable. France Télécom n'est donc pas soumise sur ces zones à l'obligation de fournir une offre d'accès dégroupé ou une offre d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale.
En pratique, si les propriétaires ou gestionnaires de la boucle locale ou des infrastructures de génie civil de la boucle locale dans certaines zones ne proposaient pas d'offre d'accès dégroupé ou d'offre d'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale dans des conditions équivalentes à celles fournies par France Télécom sur le reste du territoire, l'Autorité traiterait cette situation en règlements de différend déposés par des opérateurs tiers.
En l'absence de mesure moins contraignante pour France Télécom qui permettrait d'atteindre le même but, les prescriptions sont proportionnées tant aux critères énoncés dans l'article L. 38-V qu'aux objectifs de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précité, en particulier les 3° et 4°.
Au demeurant, il convient de noter que l'obligation d'accès à la boucle locale et aux ressources connexes imposée par le règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale demeure en vigueur dans la mesure où ce texte n'a pas été modifié ni abrogé par le nouveau cadre communautaire des communications électroniques.
b) Précision de l'obligation pour le dégroupage
Le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement des offres de dégroupage.
A cette fin, il devra être tenu le plus grand compte des éléments d'appréciation retenus dans le code des postes et des communications électroniques dans son article L. 38-V.
En particulier, l'Autorité observe que l'une des caractéristiques structurantes du dégroupage est d'assurer aux opérateurs une forte indépendance des choix technologiques de France Télécom, et de leur permettre ainsi de préserver leur capacité d'innovation. Les modalités de l'accès dégroupé ne doivent pas venir limiter artificiellement la possibilité pour les opérateurs de proposer des offres innovantes par rapport aux offres du groupe France Télécom.
Compte tenu du développement actuel du marché et des offres, il apparaît d'ores et déjà que certaines demandes d'accès doivent être considérées comme raisonnables ; il convient donc, conformément à l'article D. 310, de préciser plusieurs obligations qu'il apparaît nécessaire d'imposer à France Télécom pour les offres de dégroupage.
(1) Prestations existantes
Les prestations qui étaient fournies par France Télécom avant la mise en œuvre du premier cycle d'analyse de marché, et qui relèvent du marché pertinent considéré au titre du dégroupage, sont le fruit de demandes auxquelles France Télécom avait accédé car elle les estimait raisonnables, ou qui lui avaient été imposées par les autorités de régulation en tant qu'elles étaient justifiées et proportionnées aux problèmes de concurrence rencontrés.
Les offres de gros de dégroupage actuellement offertes par France Télécom et qui relèvent du marché pertinent considéré sont les suivantes :
― accès dégroupé totalement ;
― accès dégroupé partiellement.
Ces offres représentaient, à la date du 31 mars 2008, plus de deux tiers des accès que France Télécom vendait sur le marché de gros aux opérateurs alternatifs. Elles apparaissent donc comme structurantes pour le marché. Toute remise en cause ou évolution artificielle à court terme de ces prestations serait une source de déstabilisation technique, économique et commerciale des opérateurs et serait finalement nuisible au marché.
Le maintien des prestations existantes, dès lors qu'elles sont susceptibles de répondre aux obligations imposées au titre de la présente analyse de marché, est donc un élément indispensable pour assurer la pérennité des plans de développement des opérateurs. Ce maintien doit être assuré sans coûts supplémentaires ou frais de migration.
En particulier, les principales évolutions apportées par France Télécom aux processus et prestations existantes depuis la décision d'analyse de marché n° 2005-0277 du 19 mai 2005 devront être maintenues et intégrées dans l'offre de référence d' « accès à la boucle locale » de France Télécom.
Cela concerne en particulier :
― la possibilité de commander des accès par reprise de ligne et par construction de ligne en dégroupage total ;
― la désaturation monopaire ;
― l'introduction d'un service extranet de recherches d'informations à l'adresse ;
― la prestation de retour rapide en cas d'écrasement à tort.
Devront également être maintenues et intégrées dans l'offre de référence l'ensemble des prestations d'accompagnement des offres de dégroupage utilisées in fine pour adresser spécifiquement la clientèle professionnelle, notamment :
― les options de garanties de temps de rétablissement (GTR) ;
― la mise en service hotline ;
― la désaturation multipaire ;
― la protection des accès sensibles contre les d'écrasement à tort.
Toutefois, les évolutions technologiques peuvent rendre obsolètes, à l'horizon de la présente analyse, certaines prestations existantes. Sous certaines conditions qui devront être précisées le cas échéant, l'obligation de maintenir de telles prestations, qui ne paraît pas proportionnée, pourrait être levée.
Le maintien des prestations déjà proposées aux opérateurs, dès lors qu'elles sont susceptibles de répondre aux obligations imposées au titre de la présente analyse de marché, se fonde sur les dispositions des 1° et 3° de l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques. En l'absence de moyen moins contraignant permettant de rendre possible l'exercice d'une concurrence effective entre les opérateurs sur les marchés de détail à l'échelle du territoire national, dans l'intérêt des utilisateurs, conformément aux objectifs mentionnés au 2° du II de l'article L. 32-1 et D. 310 du code des postes et des communications électroniques, et compte tenu du b du V de l'article 38 relatif au degré de faisabilité de la fourniture des accès concernés, la mesure est proportionnée au but poursuivi.
(2) Accès total et partagé,
à la boucle locale et à la sous-boucle locale
Conformément à la définition du marché pertinent sur lequel portent les obligations imposées dans la présente décision, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès concerne plusieurs modalités de dégroupage :
― dégroupage total et dégroupage partiel ;
― à la boucle locale et à la sous-boucle locale.
Ainsi, l'accès à ces différentes modalités de dégroupage doit être proposé par France Télécom. Ces obligations sont par ailleurs déjà imposées à France Télécom en vertu du règlement européen précité et de la précédente analyse de marché du dégroupage. Enfin, elles le sont également en vertu de l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques (cf. partie infra).
Nonobstant leur appartenance à un marché pertinent unique, ces différentes modalités de dégroupage peuvent présenter des spécificités fortes, en termes opérationnels notamment. Ainsi, les modalités d'accès à ces différents modes de dégroupage et aux ressources connexes devront être adaptées à ces spécificités.
(3) Réaménagement de la boucle locale
L'Autorité constate une demande des collectivités locales d'apporter le haut débit dans de meilleures conditions dans les zones éloignées des répartiteurs, particulièrement dans les zones inéligibles au haut débit.
France Télécom fait évoluer son réseau de boucle locale cuivre en ce sens. France Télécom met ainsi en œuvre depuis mi-2005 de nouveaux NRA, les NRA-HD (NRA haut débit), afin d'augmenter les débits accessibles dans les zones d'activités et les zones résidentielles sises à la périphérie des villes, qui étaient de fait éloignées des répartiteurs.
France Télécom réaménage également son réseau de boucle locale cuivre pour équiper en DSL les zones blanches du haut débit. France Télécom propose, à ce stade dans une phase pilote, aux collectivités locales des solutions DSL adaptées aux zones blanches, les NRA-ZO (NRA zone d'ombre), qui consistent à requalifier un sous-répartiteur en répartiteur haut débit.
Afin de permettre aux collectivités désireuses de mettre en place ce type de solution de faire jouer la concurrence entre opérateurs, il convient tout d'abord que France Télécom fournisse une prestation visant à permettre aux opérateurs alternatifs de proposer également la requalification d'un sous-répartiteur en répartiteur haut débit. L'Autorité note à ce titre que le principe en a été posé le 11 juin 2007 dans l'offre de référence d'accès à la boucle locale de France Télécom. Il appartient à France Télécom de négocier dans les meilleurs délais avec les opérateurs tiers les modalités d'une offre de gros satisfaisante permettant le réaménagement de la boucle locale pour les zones inéligibles au haut débit.
Dans la mesure où les réaménagements de la boucle locale sont susceptibles d'impacter les choix des opérateurs alternatifs, il convient également que France Télécom ait l'obligation d'informer les opérateurs alternatifs de ces opérations, de la même manière qu'elle le fait aujourd'hui dans le cadre de ses déploiements de NRA-HD.
(4) « Offre » professionnelle et « offre » résidentielle
Les opérateurs alternatifs proposent des offres haut débit de détail à la fois pour la clientèle résidentielle et pour la clientèle professionnelle. France Télécom propose elle aussi ces deux types de solutions, à travers Orange Business Services s'agissant de la clientèle professionnelle et Orange pour la clientèle résidentielle. Ces deux types d'offres, si elles correspondent à des prestations techniques voisines, se distinguent nettement au niveau des options ou caractéristiques additionnelles, notamment en termes de qualité de service et de garantie du débit.
La qualité de service doit être présente à chaque étape de la chaîne technique : pour un opérateur alternatif, elle dépend à la fois des services et paramètres qu'il contrôle lui-même, et de la qualité de service propre de l'offre de gros de France Télécom.
Ainsi, afin de pouvoir commercialiser leurs produits auprès de clients résidentiels et professionnels, et concurrencer les offres aval de France Télécom, les opérateurs alternatifs doivent bénéficier d'offres de gros répondant aux besoins de ces deux types de clientèles, résidentielle et professionnelle.
Pour France Télécom, la fourniture de ces deux types d'offres de gros ne const itue pas une obligation disproportionnée. En effet, le réseau sous-jacent à la fourniture de ces deux catégories d'offres est le même, seuls diffèrent les niveaux de qualité de service, notamment les temps de rétablissement des signalisations. Or France Télécom bénéficie de ces options de qualité de service renforcée pour ses propres filiales.
De plus, France Télécom propose d'ores et déjà des prestations d'accompagnement des offres de dégroupage utilisées in fine pour adresser spécifiquement la clientèle professionnelle, notamment des options de qualité de service pour le dégroupage à destination de la clientèle professionnelle (garanties de temps de rétablissement [GTR] 4H notamment), la mise en service hotline, la désaturation multipaire et la protection des accès sensibles contre les d'écrasement à tort.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a et b de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés. En tenant compte de ces éléments, l'Autorité estime que cette obligation n'est pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis, en particulier d'égalité des conditions de concurrence et de développement de la compétitivité, et des contraintes qu'elle fait peser sur France Télécom.
Par suite, conformément à l'article D. 310 (1°) et (3°) du code, l'Autorité estime qu'il est nécessaire que la société France Télécom propose des prestations permettant aux opérateurs alternatifs de proposer des offres à la clientèle résidentielle, d'une part, et à la clientèle professionnelle, d'autre part, avec pour cette dernière des options de qualité de service renforcée pour le dégroupage, adaptées aux exigences de qualité de service de la clientèle entreprise.
(5) Dégroupage total par reprise de ligne
et par construction de ligne
Le réseau de boucle locale de France Télécom comporte deux types de paires de cuivre présentant une continuité métallique de bout en bout : celles qui supportent un service de communications électroniques, et celles qui sont inactives, suite à un déménagement par exemple. Par ailleurs, le réseau de boucle locale de France Télécom comprend des tronçons de paires de cuivre qui, s'ils sont aboutés, constituent une nouvelle paire de cuivre. La création d'une telle nouvelle paire de cuivre peut nécessiter, le cas échéant, dans la seule partie branchement, le déploiement d'un câble supplémentaire.
Ces trois types de lignes doivent être accessibles au dégroupage total. Comme pour les autres modalités de l'accès dégroupé, un opérateur alternatif ne peut mettre en place dans des conditions économiquement viables des ressources concurrentes au réseau d'accès cuivre de France Télécom.
De plus, France Télécom utilise pour ses propres besoins ces trois types de paires de cuivre. Notamment, les paires inactives sont utilisées en cas d'emménagement d'un nouveau client dans le local desservi. Des paires inactives ou des paires créées par aboutement de tronçons existants sont aussi utilisées par France Télécom pour produire l'offre DSL Entreprises.
En outre, l'accès dégroupé aux paires inactives est indispensable pour garantir l'égalité des conditions de concurrence entre France Télécom et les opérateurs du dégroupage dans le cas où un client emménage dans un nouveau local, et souhaite s'abonner à des services de communications électroniques filaires.
Enfin, l'accès dégroupé aux paires ne supportant pas de service et aux paires créées par aboutement de tronçons est indispensable pour permettre à un opérateur d'utiliser la technologie SDSL sur plusieurs paires. En effet, cette technologie, utilisée par France Télécom dans l'offre DSL Entreprises, nécessite plusieurs paires pour un même client final pour atteindre des débits élevés ; elle est particulièrement pertinente pour le marché professionnel, puisqu'elle permet des débits symétriques importants.
Un refus de fournir des accès à la boucle locale constitués par des tronçons de paires existants ou nécessitant le déploiement d'une capacité supplémentaire ne pourrait être justifié au regard de la faisabilité technique puisque France Télécom en réalise pour ses propres besoins.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a, b et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Par conséquent, eu égard aux conséquences sur la concurrence, notamment pour les services aux clients professionnels, il y a lieu pour l'Autorité d'imposer à France Télécom de prévoir dans son offre de référence, comme elle le fait déjà, les prestations suivantes :
― accès totalement dégroupé aux paires qui supportent un service de communications électronique ;
― accès totalement dégroupé aux paires inactives, préexistantes de bout en bout ;
― accès totalement dégroupé à des paires nouvelles créées entre le répartiteur principal et le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné. La création de ces paires nouvelles est effectuée par l'aboutement de tronçons existants et peut nécessiter, le cas échéant, le déploiement d'un câble supplémentaire (désaturation).
Au regard de l'objectif poursuivi et visant à établir les conditions d'égalité des opérateurs dans la concurrence, et en tenant compte des éléments mentionnées au a, b et d du V de l'article 38, la mesure constitue le minimum nécessaire pour atteindre les objectifs développés ci-dessus, et est ainsi proportionnée.
(6) Migrations vers le dégroupage
Les évolutions technologiques, les choix d'architecture de réseaux, les besoins spécifiques de leurs parcs d'abonnés ainsi que le développement de la concurrence sur les marchés de gros du haut débit peuvent amener opérateurs et FAI à se reporter vers de nouvelles offres de gros.
L'existence d'offres de migration permettant à un opérateur de faire évoluer efficacement un ensemble d'accès d'une offre de gros de France Télécom vers le dégroupage est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement d'une réelle dynamique de la concurrence. Elle étend en effet la concurrence au parc existant, au-delà du flux de nouveaux abonnés. Elle est stratégique pour l'extension de la couverture du dégroupage, puisqu'elle permet aux opérateurs d'attendre d'avoir atteint une masse critique sur une zone donnée avant d'investir sur cette zone dans des infrastructures de dégroupage.
Cette migration de l'accès doit être la plus transparente possible pour l'abonné final, afin de préserver les intérêts des consommateurs tout en permettant à la concurrence de se développer. Le processus de migration mis en place doit donc viser à synchroniser les différentes opérations techniques et logicielles afin de garantir des délais de coupure le plus courts possibles.
L'offre de migration telle qu'elle existe déjà dans l'offre de référence pour l'accès à la boucle locale de France Télécom est très proche techniquement de l'opération de dégroupage elle-même ; sa spécificité est de devoir être faite dans un temps court pour minimiser la coupure de service haut débit du client. Imposer à France Télécom de proposer une telle offre de migration pour le dégroupage ne représente donc pas de contrainte technique disproportionnée.
Ainsi, en application des dispositions de l'article D. 310 (1°) du code, l'Autorité considère que la société France Télécom doit proposer aux opérateurs des offres de migration des offres de gros d'accès haut débit vers le dégroupage.
A minima, France Télécom devra proposer des offres de migration :
― de l'offre d'accès haut débit « avec RTC » (offre DSL Access) vers le dégroupage partiel ;
― de l'offre d'accès haut débit « sans RTC » (offre DSL Access Only) vers le dégroupage total ;
― de l'offre d'accès haut débit destinée à la clientèle professionnelle (DSL Entreprises) ver le dégroupage total avec garantie de temps de rétablissement (GTR).
De même, compte tenu de l'intérêt croissant des opérateurs pour les nouveaux modes de dégroupage appliqués sur le marché résidentiel, tels que l'accès total, France Télécom doit prévoir des offres de migration adaptées entre les différents modes de dégroupage.
Il résulte de ce qui précède que cette obligation n'est pas disproportionnée, compte tenu des éléments mentionnés aux a, b et d du V de l'article 38 et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre les objectifs poursuivis, en particulier ceux visés à l'article L. 32-1-II du code, de promotion des investissements efficaces dans les infrastructures, de compétitivité ainsi que de protection des consommateurs.
(7) Dégroupage total par transfert de ligne avec portabilité du numéro
La capacité pour un opérateur alternatif à demander, lors du dégroupage total d'une ligne active qui supporte un service téléphonique, la portabilité du numéro de téléphone est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement du jeu de la concurrence. Un changement de numéro peut en effet constituer un frein important au changement d'opérateur. La portabilité des numéros en cas de changement d'opérateur est par ailleurs un droit reconnu aux abonnés par l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques.
Cette portabilité doit donc se faire dans les conditions le plus transparentes possibles pour l'abonné final changeant d'opérateur : les processus de dégroupage total et de portabilité doivent donc être synchronisés, afin que le délai de coupure du service téléphonique soit le plus court possible.
L'absence de garantie d'un délai de coupure maximal pourrait être fortement préjudiciable à l'attractivité des offres de dégroupage total pour les consommateurs et donc au développement du dégroupage total dans les prochaines années en France.
La synchronisation entre différentes opérations techniques mentionnée ici représente une contrainte technique limitée pour France Télécom : il s'agit d'optimiser et d'organiser ses processus pour permettre cette synchronisation, ce qui est au demeurant une opération couramment proposée par France Télécom dans le cadre d'accords commerciaux de détail, par exemple dans certains cas de déménagements.
Cette obligation, qui avait été imposée lors du précédent cycle d'analyse des marchés, est cohérente avec les processus mis en œuvre actuellement par France Télécom qui s'engage, dans son offre de référence d'accès à la boucle locale, à effectuer, dans 90 % des cas, la production de l'accès totalement dégroupé et la mise en œuvre de la portabilité dans la même journée.
Au regard des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux a et d, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné, eu égard aux objectifs précités de l'article L. 32-1-II du code et notamment celui de protection des consommateurs, que France Télécom propose aux opérateurs un processus effectif de synchronisation du dégroupage total et de la portabilité du numéro, et s'engage à garantir un délai de coupure maximum, permettant de minimiser le délai de coupure du client final.
(8) Prestations connexes liées à la cohabitation
L'offre de gros d'accès à la boucle locale et à la sous-boucle ne peut être opérationnelle que si elle est accompagnée de prestations connexes adaptées, nécessaires à son utilisation par les opérateurs alternatifs.
a) Offres de cohabitation physique des équipements
Un opérateur alternatif qui souhaite exploiter des accès dégroupés doit être en mesure de pouvoir installer ses équipements de réseau en bout de ligne, c'est-à-dire au niveau des répartiteurs ou des sous-répartiteurs de France Télécom. Il est alors nécessaire que l'opérateur historique propose aux opérateurs alternatifs une offre de cohabitation physique de leurs équipements dans ses propres sites. En l'absence d'une telle offre, l'obligation de fournir un accès à la boucle locale serait vidée de son sens puisque aucun opérateur ne pourrait accéder à l'extrémité de cette boucle locale pour y placer ses équipements de réseau.
L'obligation de fournir des emplacements de cohabitation physique des équipements ne peut cependant être uniforme, et doit tenir compte des réalités techniques et économiques des différents sites sur lesquels ces emplacements peuvent être proposés.
Les possibilités et conditions de cohabitation dans les sites de France Télécom diffèrent fortement d'un site à l'autre. De plus, les modalités de cohabitation des équipements et les coûts afférents peuvent avoir un impact fort sur le déploiement des opérateurs.
Dans ces conditions, et au regard de l'historique du dégroupage, il apparaît nécessaire pour assurer la proportionnalité de l'obligation que l'offre de référence prévoie plusieurs types de cohabitation adaptés aux différents types de sites existant sur le terrain.
Les salles de cohabitation et les espaces dédiés sont adaptés aux plus grands sites. En outre, les espaces dédiés correspondent à une solution plus efficace économiquement, en limitant les investissements consentis exclusivement pour le dégroupage.
Ces solutions apparaissent cependant comme inadaptées pour la plupart des petits sites de France Télécom, typiquement les répartiteurs de moins de 5 000 lignes et les sous-répartiteurs, pour lesquels seules des solutions permettant une plus grande mutualisation de l'espace et des ressources disponibles entre les différents opérateurs, y compris France Télécom, peuvent être mises en place.
France Télécom doit rechercher pour chaque type de site la solution de cohabitation qui tient compte des contraintes et spécificités techniques du site.
Au regard des éléments mentionnés à l'article L. 38-V, notamment aux a, b, c et d, et conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1-II du code, en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose une offre de cohabitation physique des équipements des opérateurs alternatifs, adaptée à chaque type de site, comprenant a minima :
― une offre d'emplacements en salles de cohabitation ;
― une offre d'emplacements en espaces dédiés dans les bâtiments de France Télécom ;
― une offre de cohabitation physique adaptée aux sites de moins de 5 000 lignes et permettant un degré satisfaisant de mutualisation ;
― une offre de cohabitation physique adaptée aux sous-répartiteurs, lorsqu'une telle offre est possible, dans des conditions non discriminatoires par rapport à ce que France Télécom utilise pour elle-même. Dans le cas contraire, une offre de colocalisation distante sera proposée.
b) Equipements et fonctions autorisés
France Télécom est tenue de proposer des solutions de cohabitation dans ses sites en tant que prestation connexe au dégroupage. Dans ces conditions, l'offre de dégroupage doit préciser quels équipements et fonctionnalités sont autorisés dans ces solutions de cohabitation.
Du fait de l'obligation de non-discrimination à laquelle France Télécom est soumise par ailleurs (cf. paragraphe II.B de la présente décision), elle devra notamment autoriser l'installation des équipements et fonctionnalités indispensables aux opérateurs alternatifs pour pouvoir répliquer, dans des conditions non discriminatoires, les offres que France Télécom propose sur les marchés aval.
De façon plus générale, les demandes d'autorisation d'équipements ou fonctionnalités dans les différentes solutions de cohabitation devront être évalués au regard des critères de l'article L. 38-V et des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1-II du code, en veillant notamment au respect de l'obligation de non-discrimination, à la recherche de l'efficacité économique et au développement de l'innovation.
Notamment, dans une perspective d'efficacité, la mutualisation des ressources déployées sur un site, au titre du dégroupage, des offres de gros d'accès haut débit et des prestations d'interconnexion ou de dégroupage, doit être favorisée, afin de ne pas dupliquer inutilement les ressources.
En effet, cette mutualisation est source d'économie de ses ressources pour France Télécom. Elle améliore l'efficacité économique du dispositif mis en place pour l'ensemble des opérateurs.
De même, il est souhaitable pour favoriser l'efficacité des investissements dans les infrastructures de permettre la mutualisation d'équipements entre différents opérateurs. Cette mutualisation minimise les ressources mobilisées par France Télécom pour le compte des opérateurs alternatifs et permet une réduction des coûts au bénéfice de l'ensemble des acteurs, y compris France Télécom.
Au regard tant des critères énumérés à l'article L. 38 V, notamment aux b et d, que des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1-II du code, en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom fasse droit aux demandes raisonnables des opérateurs d'hébergement des équipements et fonctionnalités, dans le respect notamment de l'obligation de non-discrimination (cf. partie II-B). Elle constitue, au regard de la contrainte imposée à France Télécom et des objectifs poursuivis, le minimum nécessaire pour rendre effective l'obligation de fournir une prestation connexe au dégroupage de colocalisation des équipements.
c) Offre de localisation distante
L'offre de localisation distante, consistant au renvoi des câbles vers un espace qui n'est plus géré par France Télécom, permet aux opérateurs alternatifs de bénéficier d'une indépendance totale vis-à-vis de l'opérateur historique pour l'hébergement des équipements, l'alimentation en énergie, les conditions environnementales et l'accès aux sites.
Cette offre peut en outre constituer une solution alternative aux offres de cohabitation physique précédemment citées quand le recours à ces dernières n'est pas techniquement ou économiquement envisageable pour l'opérateur alternatif.
Elle minimise les contraintes pesant sur France Télécom, puisque l'opérateur alternatif est dans cette situation totalement indépendant de France Télécom pour l'hébergement des équipements. Elle apparaît comme complémentaire aux offres de cohabitation physique, dans les sites particulièrement petits ou pour les opérateurs souhaitant avoir une grande liberté quant aux équipements hébergés en bout de ligne.
Au regard tant des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux b, c et d, que des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1-II du code, en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose aux opérateurs une offre de localisation distante de leurs équipements de dégroupage dans des conditions techniques et économiques leur permettant la formulation d'offres de détail viables.
d) Désaturation
Il est possible que les ressources disponibles au niveau des NRA de France Télécom soient limitées pour permettre l'hébergement, le dégroupage ou la commande effective des accès par les opérateurs alternatifs.
En ce qui concerne l'hébergement des équipements, il est possible que l'espace nécessaire pour l'installation d'emplacements de dégroupage en colocalisation ne soit pas disponible. Les opérateurs peuvent alors avoir recours à la localisation distante pour dégrouper les répartiteurs concernés.
Lorsque le répartiteur général est saturé et qu'il n'y a plus de place pour l'installation de nouvelles têtes de câbles de renvoi, la commande de nouveaux accès par les opérateurs présents peut s'avérer assez vite impossible. Des travaux de désaturation du répartiteur général sont alors nécessaires pour permettre l'installation de nouveaux câbles de renvoi.
La modalité de désaturation la plus simple est le réaménagement des câbles existants par regroupement de têtes, afin de libérer des emplacements pour de nouveaux câbles, en nombre limité toutefois. Quand le réaménagement des câbles n'est plus possible, des travaux d'extension du répartiteur général sont alors nécessaires : il s'agit de travaux lourds, sur devis, pour le moment relativement rares. Dans ce cas, un mécanisme où les différents opérateurs présents participent au financement peut être mis en œuvre.
La saturation peut en outre concerner la disponibilité des fourreaux entre la chambre 0 et l'infrarépartiteur, dans le cas de la localisation distante. Un réaménagement des câbles existants peut être envisagé pour libérer de l'espace disponible au niveau des fourreaux et ainsi permettre le tirage du câble de localisation distante d'un opérateur. En outre, des travaux plus lourds peuvent s'avérer nécessaires.
Compte tenu de l'évolution de la pénétration du haut débit, il est envisageable que les cas de saturation soient de plus en plus fréquents. Pour permettre aux opérateurs clients de l'offre de dégroupage de continuer à commander des accès, il convient que France Télécom maintienne les prestations de désaturation décrites ci-dessus.
Il paraît dès lors justifié et proportionné d'imposer à France Télécom le maintien des prestations existantes.
(9) Offres de raccordement des répartiteurs distants
Les coûts que doivent supporter les opérateurs alternatifs pour dégrouper la boucle locale afin de fournir des services haut débit aux clients finaux se composent de deux principaux postes :
― le coût d'installation des équipements haut débit dans les sites de France Télécom. Ce poste comprend des reversements à France Télécom pour l'hébergement des équipements ainsi que le coût des matériels installés par les opérateurs ;
― le coût de raccordement du site au réseau fibre de l'opérateur, qui dépend de la distance et des contraintes locales.
Au 31 mars 2008, les opérateurs alternatifs ont équipé 3 190 répartiteurs (10) en haut débit, dont la majorité est raccordée à leur réseau fibre. Cette couverture permet d'atteindre 69,7 % des ménages et des entreprises. Les opérateurs alternatifs ont suivi une stratégie de déploiement en débutant par les sites raccordant un grand nombre de lignes puis ont raccordé progressivement des sites moins importants.
Cette croissance est désormais due, outre les projets de réseaux à l'initiative des collectivités locales, à l'offre de raccordement « Liaison Fibre Optique » de France Télécom, dite LFO.
L'obligation faite à France Télécom de fournir une offre de raccordement des répartiteurs distants lors du précédent cycle d'analyse des marchés du haut débit avait découlé du constat suivant : en 2005, le mouvement d'extension géographique progressive du dégroupage s'est avéré de plus en plus difficile. En effet, dans les petits sites, les coûts fixes d'équipement, qu'ils soient initiaux ou récurrents, sont amortis sur un nombre réduit de clients. La rentabilité du dégroupage est alors plus faible et l'incitation à l'investissement moindre.
Par ailleurs, les critères évoqués par l'article L. 38-V du code sont également respectés par cette obligation : elle ne contraint pas France Télécom à investir spécifiquement et de façon risquée pour les opérateurs, puisqu'il s'agit de leur donner accès aux ressources existantes. En outre, sur une grande majorité des répartiteurs, la mise en place de ressources concurrentes au réseau de France Télécom n'est pas viable économiquement, comme cela a été mis en évidence ci-dessus ; si l'intervention des collectivités peut répondre à cette problématique sur certaines zones du territoire, elle reste à ce jour circonscrite et le réseau de France Télécom reste dans la majorité des cas incontournable. Enfin, le dégroupage de la boucle locale est l'offre permettant le plus aux concurrents de France Télécom de se différencier et d'innover ; ainsi, permettre l'extension géographique du dégroupage est nécessaire pour préserver la concurrence à long terme.
Par conséquent, il est justifié et proportionné de maintenir l'imposition d'une telle obligation de raccordement au titre de la présente décision portant sur le dégroupage de la boucle locale cuivre, en tant que ressource associée à l'accès et non sur un marché spécifique.
Une offre de raccordement de site distant peut, en théorie, être active ou passive. Une offre active, telle que celle actuellement décrite dans l'offre de référence d'accès à la boucle locale de France Télécom, consiste en une offre de bande passante livrée sous une certaine interface technique dont les plus courantes sont : liaisons louées, SDH, ATM et Ethernet. Une offre de raccordement passive serait constituée d'une offre de location de fourreau ou de fibre.
Les offres actives présentent des caractéristiques que ne peuvent offrir les offres actives : une sensibilité partielle ou totale du tarif au débit qui tend à décourager l'innovation, des coûts récurrents élevés permettant à l'opérateur historique de pratiquer une grille tarifaire induisant un espace économique faible sur le segment de la collecte et sur les seuls coûts variables, une dépendance de l'opérateur client aux choix technologiques de l'opérateur historique.
L'ensemble de ces éléments conduit l'Autorité à estimer que l'offre de raccordement la mieux adaptée aux besoins des opérateurs dégroupeurs, au développement du marché du haut débit et à l'aménagement du territoire serait une offre de raccordement passif, constituée d'une offre de location de longue durée de fourreau ou de fibre.
Dans sa précédente décision d'analyse de marché du dégroupage, l'Autorité avait estimé nécessaire que France Télécom propose une offre de location de fibre permettant aux opérateurs alternatifs de dégrouper les répartiteurs distants.
France Télécom a proposé en avril 2006 une première version de l'offre, dénommée « Location Fibre Optique » (LFO). France Télécom a publié en septembre 2006 une deuxième version de l'offre, en principe mieux adaptée aux attentes des opérateurs alternatifs.
L'Autorité a organisé une consultation publique du 5 octobre au 24 novembre 2006 pour évaluer le caractère satisfaisant ou non de cette deuxième version. Au terme de cette consultation, l'Autorité a identifié quatre principales problématiques :
― l'absence de fourniture d'information préalable, notamment la liste des répartiteurs fibrés et le tracé de réseau sous forme cartographique ;
― un rythme d'étude jugé insuffisant au regard des besoins des opérateurs alternatifs et de ce que France Télécom réalisait pour son propre compte ;
― l'application de règles d'ingénierie contraignantes, notamment la réservation d'un certain nombre de fibres pour les besoins propres de France Télécom et l'absence de prestations de désaturation ;
― l'éventualité d'une application discrétionnaire des règles d'ingénierie selon les territoires et notamment l'existence de réseaux d'initiative publique.
L'Autorité a ouvert une enquête administrative le 19 décembre 2006 sur le fondement de l'article L. 32-4. L'enquête s'est déroulée de janvier à avril 2007 et a comporté une phase d'audit des processus internes des France Télécom et une phase de contre-étude des résultats fournis par France Télécom aux opérateurs alternatifs.
France Télécom a proposé courant mai 2007 des améliorations de son offre de « Location Fibre Optique », consistant notamment en la fourniture de cartes de disponibilité de son réseau de fibres à l'échelle départemental. En date du 31 décembre 2007, l'offre aura permis aux opérateurs alternatifs de dégrouper environ 1 000 répartiteurs supplémentaires. Par ailleurs, l'Autorité note que le rythme de dégroupage de 100 nouveaux répartiteurs par mois constaté depuis un an, grâce à cette offre, mais aussi aux réseaux d'initiative publique, se poursuit.
Compte tenu des objectifs poursuivis précités, des résultats de l'offre « Location Fibre Optique » constatés par l'Autorité et des indications de France Télécom, il apparaît proportionné d'imposer à France Télécom le maintien de l'offre commerciale existante.
France Télécom a par ailleurs indiqué à l'Autorité que dans les cas particuliers où un répartiteur était équipé par France Télécom pour fournir des services de télévision, elle s'engagerait à trouver une solution de raccordement passive pour les opérateurs tiers.
Par ailleurs, il n'existe pas à ce stade, au sein des offres de gros d'accès haut débit activées livrées au niveau infranational de France Télécom, de prestation permettant aux opérateurs alternatifs de proposer sur le marché de détail une offre de télévision sur ADSL en dehors des zones dégroupées.
En conséquence, afin de permettre la réplicabilité des offres de détail proposées par Orange et intégrant un service de télévision par ADSL, il convient de s'assurer que les opérateurs alternatifs soient en mesure d'utiliser l'offre « Location Fibre Optique » de France Télécom pour raccorder tout répartiteur distant sur lequel Orange proposerait des offres incluant un service de télévision par ADSL.
Il apparaît donc proportionné que France Télécom respecte une obligation de résultat dans le cadre de son offre « Location Fibre Optique », pour permettre le dégroupage des répartiteurs sur lesquels Orange propose ce service.
Le maintien de l'offre commerciale existante apparaît comme une condition nécessaire de l'extension du dégroupage au-delà des zones où il est présent aujourd'hui. Elle répond ainsi aux objectifs d'exercice d'une concurrence effective et loyale entre opérateurs, tout en prenant en compte l'intérêt des territoires et utilisateurs, objectifs cités dans l'article L. 32-1 du code. En outre, en l'absence de mesures moins contraignantes permettant d'atteindre le même objectif, l'obligation imposée à France Télécom n'est pas disproportionnée.