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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché)



2. Analyse de l'Autorité
a) Indicateurs quantitatifs


France Télécom possède la quasi-intégralité du réseau national de la boucle locale cuivre et contrôle ainsi plus de 99,99 % des accès cuivre en France. Seuls quelques acteurs locaux opèrent aussi une boucle locale cuivre. Ainsi, France Télécom bénéficie d'un quasi-monopole sur les offres d'accès à la boucle locale cuivre.
Par ailleurs, concernant l'accès aux infrastructures de génie civil, l'Autorité note que France Télécom, avec 350 000 kilomètres d'artères dispose d'une infrastructure prépondérante. En effet, Numericable ne disposerait que de quelques dizaines de milliers de kilomètres d'infrastructures de génie civil, tandis que Paris et Montpellier, les deux principales villes où des offres alternatives existent, ne représentent au total que quelques milliers de kilomètres (environ 2 400 kilomètres pour Paris).
Enfin, il existe un nombre important de foyers pour lesquels France Télécom est le seul à détenir une infrastructure de génie civil permettant de déployer une boucle locale optique. C'est le cas des zones du « plan câble », en dehors de Paris.
Les infrastructures de génie civil de France Télécom sont donc prépondérantes au niveau national.


b) Critères qualitatifs


Il convient d'examiner la puissance de marché de France Télécom dans une approche prospective. Il apparaît que France Télécom contrôle totalement la boucle locale cuivre qui est une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer pour un opérateur concurrent. Ainsi dans un avis n° 04-A-01 du 8 janvier 2004, le Conseil de la concurrence a estimé que la boucle locale constituait une infrastructure essentielle (9) et a confirmé cette position dans son avis n° 05-A-03 susvisé.
Par ailleurs, concernant les infrastructures de génie civil de la boucle locale, le Conseil de la concurrence a précisé dans son avis n° 06-A-10 du 12 mai 2006 qu'il n'était pas exclu que les fourreaux de France Télécom puissent également être qualifiés d'infrastructure essentielle.
La taille et la capillarité du réseau de France Télécom ainsi que les infrastructures de génie civil sous-jacentes tout d'abord correspondent à des niveaux d'investissement extrêmement élevés, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros, dont la rentabilité ne peut s'envisager que sur une échelle de temps de plusieurs décennies.
France Télécom a bénéficié lors du déploiement du réseau de boucle locale d'un niveau important de souscription, quasiment 100 % des clients potentiellement raccordés au réseau s'abonnant au service téléphonique. Une nouvelle boucle locale ne rencontrerait vraisemblablement pas le même taux d'adhésion, ce qui induirait une mutualisation moindre des coûts de génie civil entre les différents abonnés. Un nouvel entrant souhaitant répliquer l'infrastructure de boucle locale cuivre ou déployer une boucle locale optique de façon progressive ne bénéficierait donc pas d'une structure de coûts aussi favorable que celle que France Télécom a connue lors du déploiement de sa boucle locale.
Par ailleurs, le réseau de boucle locale est caractérisé par des coûts irréversibles, notamment ceux dus aux travaux de génie civil. Ces conditions tendent à accroître l'avantage du premier entrant sur le marché et limitent donc l'incitation pour un nouvel entrant à y investir. De plus, dans le cas d'un déploiement d'une nouvelle boucle locale, la réutilisation des infrastructures de génie civil de la boucle locale cuivre, dès lors qu'elles ne sont pas saturées, donne un avantage conséquent à France Télécom dans le domaine du très haut débit.
Du fait de cette ressource, France Télécom est susceptible de ne pas prendre en compte les conditions de marché et d'agir sans se soucier du comportement et de la réaction de ses concurrents et clients.
En effet, il apparaît que France Télécom, du fait de la maîtrise des infrastructures de génie civil et de ses avantages matériels et immatériels, bénéficie d'un pouvoir de marché sur l'ensemble des marchés situés en aval et dépendant de l'accès à ces infrastructures. France Télécom pourrait utiliser les infrastructures de génie civil dont il dispose à son seul avantage et ainsi fausser le jeu de la concurrence sur le marché aval.
Au niveau local, il s'agit dans de nombreux cas d'une infrastructure unique. Au surplus, lorsque des offres alternatives de collectivités locales sont ponctuellement disponibles, elles présentent en règle générale un niveau de capillarité très inférieur à celui du réseau de France Télécom au sein d'une ville (réseaux de collecte) et paraissent, à ce titre, difficilement comparables dans l'objectif d'un déploiement d'une boucle locale fibre optique. Par ailleurs, Numericable a indiqué qu'il ne ferait pas d'offre d'accès à ses infrastructures de génie civil.
Enfin, France Télécom est une entreprise intégrée verticalement, qui dispose donc de débouchés immédiats pour ses produits de gros. Un nouvel entrant déployant une boucle locale ou reconstruisant des infrastructures de génie civil pour le déploiement d'une boucle locale optique ne bénéficierait pas nécessairement du même phénomène, ni d'une force commerciale comparable au niveau des marchés de détail.
Dans la mesure où France Télécom contrôle la quasi-totalité des accès cuivre et la totalité des accès dégroupés, ainsi que la très grande majorité des infrastructures de génie civil permettant le déploiement d'une boucle locale optique, la situation et les parts de marché observées aujourd'hui ne semblent pas susceptibles d'évoluer vers une situation de concurrence à l'horizon de l'analyse.
Enfin, la puissance de marché de France Télécom sur le marché du dégroupage et de l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale s'évalue en tenant compte de l'éventuel contre-pouvoir des acteurs sur ce marché. Or, l'Autorité constate que les opérateurs ayant recours au dégroupage, quelle que soit leur taille, auraient un pouvoir de négociation très faible face à France Télécom en l'absence de régulation ex ante.
Concernant l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale, plusieurs contre-pouvoirs d'acheteurs sont à examiner :
― l'occupation du domaine public routier ;
― l'utilisation de techniques de génie civil allégé ;
― l'occupation du domaine public non routier.

(9) Avis du 8 janvier 2004 relatif à une demande d'avis de l'Association française des réseaux et services de télécommunications (AFORS) sur les principes généraux des relations contractuelles entre les utilisateurs et les différents acteurs du dégroupage.