Substituabilité avec les offres de fourreaux des collectivités
De manière générale, les collectivités sont susceptibles d'investir dans des infrastructures de génie civil et de mettre en place des sujétions de voirie permettant aux opérateurs de financer à moindre coût des fourreaux complémentaires.
Les collectivités sont propriétaires des infrastructures de génie civil construites dans le cadre juridique des zones d'aménagement concertées (ZAC) et dans certains lotissements.
Certaines collectivités ont également posé des fourreaux en surcapacité à l'occasion de l'installation d'un réseau interne ou d'autres travaux de voirie (réseau d'éclairage public, etc.).
Lorsqu'elles disposent de fourreaux, les collectivités les mettent la plupart du temps à la disposition d'opérateurs de communications électroniques. Ceci peut se faire via un délégataire ou bien par la collectivité elle-même.
Sur le plan juridique, cette activité peut revêtir la forme de conventions d'occupation du domaine public non routier. L'article L. 1425-1 du CGCT est également susceptible de s'appliquer :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, deux mois au moins après la publication de leur projet dans un journal d'annonces légales et sa transmission à l'Autorité de régulation des communications électroniques, établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de communications électroniques au sens du 3° et du 15° de l'article L. 32 du code des postes et communications électroniques, acquérir des droits d'usage à cette fin ou acheter des infrastructures ou réseaux existants. Ils peuvent mettre de telles infrastructures ou réseaux à disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs de réseaux indépendants. L'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements se fait en cohérence avec les réseaux d'initiative publique, garantit l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises en application du présent article et respecte le principe d'égalité et de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques. (...) Les interventions des collectivités s'effectuent dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées. »
Tout en étant encadrée par les textes, l'activité de mise à disposition de fourreaux offre une certaine liberté à la collectivité, notamment sur un plan tarifaire. Il semble ainsi que les plafonds prévus à l'article R. 20-52 du CPCE pour les redevances d'occupation du domaine public ne s'appliquent pas aux tarifs de location de fourreaux.
A cet égard, les offres de fourreaux des collectivités apparaissent substituables aux offres d'accès aux infrastructures de génie civil des opérateurs.
Substituabilité avec l'occupation
de galeries visitables des réseaux d'assainissement
On trouve dans certaines communes des réseaux d'assainissement composés de galeries visitables permettant aisément la pose de câbles de communications électroniques. C'est le cas à Paris et dans certaines communes limitrophes, de l'ancien département de la Seine, ainsi que dans l'hyper-centre de Lyon et de Marseille.
A Paris, le réseau se termine en outre par un ouvrage appelé « branchement particulier », qui est une galerie visitable pénétrant dans les caves des immeubles. Ceci ne semble pas être le cas de Lyon et Marseille, où l'adduction des immeubles n'est pas visitable.
Des opérateurs comme Free et Neuf Cegetel déploient actuellement leurs réseaux très haut débit dans les égouts de Paris, pour des raisons essentiellement économiques. Par rapport à la réalisation de travaux de génie civil ou de recours aux offres existantes d'accès aux infrastructures de génie civil, l'utilisation des égouts visitables permet de réduire les coûts d'installation, notamment lorsque les adductions d'immeubles sont elles-mêmes équipées d'ovoïde. Ceci tendrait à indiquer que l'occupation des égouts visitables peut constituer un substitut aux offres de mise à disposition de génie civil.
En outre, dans le cadre de la consultation publique sur les fourreaux, des acteurs ont indiqué qu'à Paris les conditions opérationnelles de l'accès aux galeries visitables pouvaient à certains égards s'avérer plus favorables que celles d'offres d'accès aux infrastructures de génie civil, en ce qu'elles permettent aux opérateurs de réaliser leur plan d'affaires en fonction des contraintes de terrain :
― les services de la ville de Paris diffusent des cartes décrivant le réseau d'assainissement, y compris celui dont l'accès est dit « régulé » (ce terme désigne certains ouvrages qui ne sont pas accessibles, ce qui impose de construire un nouveau génie civil ou de rechercher une solution d'accès à un génie civil existant) ;
― les services de la ville de Paris se sont organisés, à la demande des opérateurs, pour traiter des demandes massives d'études d'avant-projets détaillées.
Cependant, le déploiement et l'exploitation de réseaux de communications électroniques dans les réseaux d'assainissement présente de nombreuses contraintes, y compris à Paris.
D'ailleurs, malgré leur dimensionnement, la saturation de certains tronçons rendront nécessaires, même sur Paris, la mise en œuvre de génie civil ou l'accès aux infrastructures de génie civil existantes de France Télécom, notamment au niveau de certains nœuds de raccordement optique (NRO) d'opérateurs tiers. L'importance du linéaire d'ouvrages régulés, qui représente près de 450 kilomètres à Paris, contribue à cet effet.
S'ajoute le caractère dangereux et nocif du réseau d'assainissement. En effet, une faune bactériologique y pullule et des émanations de gaz hautement toxique causées par des matières diverses en putréfaction ou décomposition y sont régulièrement observées. Aussi, le réseau d'assainissement n'offre pas un confort de travail équivalent au domaine public routier et rend plus difficile les opérations de maintenance.
Enfin, la société gestionnaire de ces égouts impose des mesures de sécurité qui génèrent des surcoûts : accompagnement par le personnel de la section d'assainissement de Paris, obligation de la présence d'une personne en surface pendant les interventions, délais d'informations préalables avant les interventions, délais d'intervention réduits liés aux contraintes de droit du travail, obligation de réaliser les opérations d'épissurage à l'extérieur des égouts, etc.
Les contraintes d'occupation des galeries visitables introduisent donc une complexité opérationnelle et des surcoûts en conséquence. C'est ainsi que le réseau téléphonique, initialement installé dans les égouts parisiens, a ensuite été déplacé dans des infrastructures de génie civil classiques.
Par ailleurs, sur un plan juridique, le fait, pour une collectivité, de permettre à un opérateur d'installer son réseau dans des galeries visitables relève du régime de l'occupation du domaine public non routier. Il s'agit donc davantage d'autoriser que de formuler une offre à proprement parler.
En particulier, le texte applicable est l'article L. 45-1 du CPCE. Celui-ci implique que les redevances perçues au titre de l'occupation des galeries visitables sont plafonnées à un euro par mètre linéaire et par an, conformément au c du II de l'article R. 20-25. Ceci a été récemment rappelé par le Conseil d'Etat dans un arrêt « Syndicat professionnel Union des aéroports français » du 11 juillet 2007 :
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du décret attaqué, que les écarts entre, d'une part, les montants maximum de redevances devant être acquittées par les opérateurs de télécommunications bénéficiant de permissions de voirie pour l'occupation des autoroutes et pour celle des routes nationales, départementales et communales, d'autre part, ces montants et les montants maximum des redevances devant être acquittées par les opérateurs de télécommunications signataires de conventions donnant accès au domaine public non routier, sont justifiés par la nature et l'importance des avantages offerts dans chaque catégorie de domaine public en termes notamment d'étendue, d'accessibilité et de sécurité du domaine, d'unicité du gestionnaire et d'économie de coût de construction ; que les montants maximaux des redevances, notamment celles applicables aux "galeries souterraines visitables”, qui ont été incluses régulièrement dans la catégorie des "autres dépendances du domaine public non routier” figurant au c du II de l'article R. 20-52 précité, rappelés à l'article 13 de la directive 2002/20/CE, à l'article L. 45-1 du code des postes et des communications électroniques et à l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, n'ont ainsi pas méconnu les principes d'égalité et de proportionnalité et ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le quatrième alinéa de l'article L. 45-1 du code des postes et des communications électroniques, qui fixe les règles selon lesquelles les opérateurs pourront facturer l'occupation de tout ou partie de fourreaux, ne fait pas obstacle à ce que les redevances tiennent compte des coûts de construction. »
Compte tenu des contraintes d'exploitation susmentionnées et de la différence de régime juridique, il résulte de ce qui précède que l'occupation de galeries visitables et l'utilisation d'infrastructures de génie civil existantes ne sont pas pleinement substituables du point de vue de la demande comme du point de vue de l'offre.
On relèvera à cet égard que la redevance d'occupation acquittée par un opérateur déployant une boucle locale dans les égouts visitables à Paris est près de dix fois inférieure au tarif de location de génie civil de l'offre LGC DPR de France Télécom. Cet écart, et plus généralement les conditions opérationnelles de l'offre LGC DPR, jugées à ce stade insatisfaisantes par les opérateurs tiers, peuvent expliquer en partie le fait que les opérateurs Free et Neuf Cegetel aient choisi de déployer leur boucle locale fibre dans les égouts. En outre, au cas d'espèce, cet écart rend inapplicable et inadapté le test du monopoleur hypothétique.
L'ARCEP estime donc que les offres de mise à disposition de galeries visitables ne sont pas substituables à celles des opérateurs de mise à disposition de fourreaux de communications électroniques.
Substituabilité avec des offres empruntant
d'autres réseaux d'infrastructures
A la connaissance de l'Autorité, les exploitants des réseaux autres que de communications électroniques ne proposent pas d'offre permettant à des opérateurs de déployer une boucle locale.
EDF propose en effet une utilisation de ses poteaux, mais cela ne concerne que les zones desservies en aérien, c'est-à-dire généralement des zones peu denses non concernées par les projets de déploiement en fibre optique des opérateurs à l'horizon de la présente analyse.
Cependant, certaines infrastructures sont néanmoins susceptibles d'accueillir des câbles optiques. De façon prospective, il serait donc envisageable que les exploitants de ces infrastructures formulent des offres à l'attention des opérateurs. Plus généralement, il est possible que des opérateurs utilisent de telles infrastructures en qualité d'occupant du domaine public, à l'instar de ce qui se fait à Paris dans les galeries visitables des réseaux d'assainissement.
C'est dans cette optique que l'ARCEP a commandé une étude à AVISEM sur les réseaux pénétrants passant en revue les différents réseaux susceptibles d'accueillir des câbles optiques : réseaux d'assainissement, d'électricité et chauffage urbain, d'eau et de gaz.
S'agissant tout d'abord des réseaux d'assainissement non visitables, l'étude relève que plusieurs investigations ont été menées pour étudier la possibilité de pose de fibre par robot. Si cette option semble techniquement maîtrisée, elle paraît en revanche difficile à mettre en œuvre en pratique pour un projet de grande ampleur.
Parmi les obstacles cités figure la nécessité de négocier avec l'exploitant, particulièrement en ce qui concerne les modalités de pénétration dans les bâtiments. Il est en effet probable que l'exploitant ou même la collectivité soient réticents à autoriser ce type de pose, du fait du risque perçu sur le bon fonctionnement de l'assainissement.
Il semble ainsi qu'il ne puisse s'agir que d'une solution d'appoint, davantage adaptée au franchissement d'obstacles qu'à un déploiement massif à l'échelle d'une ville.
S'agissant des réseaux d'électricité, l'étude relève que les câbles de puissance sont généralement posés en pleine terre. Les cas où des fourreaux existent concernent principalement le télé-report, qui permet aux agents EDF de relever les compteurs sans pénétrer dans la propriété privée. Il s'agit cependant d'habitations situées en zone peu dense.
S'agissant des réseaux de chauffage urbain, il semble que leur utilisation soit soumise à d'importantes contraintes de température et d'étanchéité. A ce jour, aucun opérateur n'a engagé de déploiement en ce sens.
Les réseaux d'eau et de gaz présentent quant à eux des vannes, ce qui rend quasi impossible l'installation d'un câble optique.
Au vu de ce qui précède, les réseaux autres que de communications électroniques ne semblent pas offrir de solution de substitution par rapport aux offres de mise à disposition d'infrastructures de génie civil des opérateurs.
(2) Substituabilité avec les offres passives
de mise à disposition de fibre optique des opérateurs
Comme indiqué plus haut, on entend par « offres passives de mise à disposition de fibre optique » toute offre de mise à disposition de fibre optique jusqu'à l'abonné final ou de liaisons passives en fibre optique permettant de remplacer ou de se superposer à tout ou partie de la boucle locale sur les réseaux cuivre ou coaxial existants, en vue de proposer des services très haut débit.
Dans le cadre de la consultation publique que l'Autorité a lancée cet été sur la mutualisation de la partie terminale des réseaux fibre, plusieurs opérateurs ont fait part de leur intention de formuler des offres de gros passives de fibre. En topologie point à point, Free envisage ainsi une offre de mise à dispositif d'une fibre par logement au répartiteur optique (NRO). En topologie point à multipoint, des solutions d'offres passives ont été évoquées. En outre, Numericable a indiqué vouloir proposer une offre de location de fibre sur des tronçons permettant de desservir le pied d'immeuble ou le pâté de maison. Enfin, l'opérateur professionnel Completel propose déjà des offres de gros de fibre noire aux autres opérateurs.
Au vu de plusieurs facteurs, les offres passives sur fibre apparaissent substituables aux offres d'accès aux infrastructures de génie civil des opérateurs :
― du côté de l'offre, dans la mesure où le génie civil constitue le principal coût de déploiement des réseaux très haut débit, un opérateur qui possède des fourreaux peut relativement facilement déployer un réseau très haut débit en fibre optique ;
― même si elles sont conditionnées à l'existence de surcapacités dans le cas des réseaux PON (et FttLA), des offres passives sur fibre sont techniquement envisageables, notamment dans une phase de démarrage pendant laquelle le réseau est partiellement inoccupé ;
― du côté de la demande, un opérateur ayant recours à d'éventuelles offres passives de mise à disposition de fibre optique (réciproquement une offre de location de fourreaux) pourrait, en cas d'augmentation du prix de ces offres, se mettre à louer des fourreaux pour y déployer sa propre boucle locale optique (réciproquement à recourir à d'éventuelles offres de mise à disposition de fibre optique), dans un contexte de déploiement des réseaux très haut débit. En pratique, il est probable que les opérateurs aient recours à ces deux types d'offres.
Compte tenu de ce qui précède, l'Autorité estime que les offres passives de mise à disposition de fibre optique des opérateurs (qu'elle soit posée par des opérateurs présents sur le marché du DSL, résidentiels ou professionnels, par des câblo-opérateurs, par des opérateurs délégataires de service public ou par d'autres opérateurs) sont substituables aux offres d'accès aux infrastructures de génie civil.
(3) Substituabilité avec les offres passives
de mise à disposition de fibre optique des collectivités
En application de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, les collectivités sont susceptibles d'investir dans des réseaux d'accès de fibre optique et de les mettre à la disposition d'opérateurs de communications électroniques, soit via un opérateur dans le cadre d'une délégation de service public, soit directement, en régie.
Dans le premier cas, cette offre constitue une offre passive de mise à disposition de fibre optique par un opérateur (voir II.1.c.2).
Dans le second cas, les offres de gros proposées par les collectivités apparaissent également appartenir au même marché, dans la mesure où il s'agit d'infrastructures passives permettant aux opérateurs de fournir des services à très haut débit sur le marché de détail.
De telles offres de mise à disposition de fibres passives sont déjà proposées par certaines collectivités et utilisées par des opérateurs pour adresser les sites publics et les zones d'activités. Ces offres pourraient s'étendre à certaines zones résidentielles.
d) Substituabilité entre segments
du haut débit et du très haut débit
Dans sa décision n° 08-D-02 du 12 février 2008 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la Free SAS et concernant l'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom dans le cadre du déploiement de boucles locales optiques résidentielles de type FttH, le Conseil de la concurrence a considéré que « les offres grand public de transmissions de données à très haut débit peuvent, à ce stade de l'instruction, apparaître comme distinctes de la fourniture d'accès grand public à Internet à haut débit, du fait des différences d'usage qu'autorise le très haut débit ».
En outre, dans cette même décision, le Conseil a précisé que « les offres de gros existantes d'accès à la boucle locale de cuivre de France Télécom, qui ne permettent pas a priori de construire des offres de détail de très haut débit, n'apparaissent pas comme étant substituables, si ce n'est de façon ponctuelle, aux offres de gros basées sur la fibre ».
L'Autorité partage l'analyse du Conseil de la concurrence selon laquelle à terme, seul le très haut débit sera en mesure de répondre aux attentes des consommateurs pour des usages nécessitant des débits symétriques et significativement supérieurs à ceux que permet de fournir le DSL, typiquement la diffusion simultanée de plusieurs programmes en haute définition.
Néanmoins, à l'horizon de la présente analyse et au regard des usages actuels des consommateurs sur les marchés concernés, la distinction entre haut débit et très haut débit sur le marché de détail reste limitée, dans la mesure où on constate un recouvrement important de services proposés dans les offres haut débit et très haut débit. A ce titre, dans sa décision d'aide d'Etat n° C35/2005 du 19 juillet 2006, relative à la ville d'Appingedam, la Commission européenne relevait que « le degré de substituabilité entre les services fournis sur les réseaux de nouvelle génération vis-à-vis des réseaux existants est élevée ».
En outre, il existe à ce stade une substituabilité du côté de la demande entre l'accès à la boucle locale cuivre et l'accès aux infrastructures de génie civil ou aux offres passives sur fibre. Un opérateur achetant du dégroupage pourrait, en cas d'augmentation du prix du dégroupage, se mettre à louer des fourreaux pour y déployer sa propre boucle locale, probablement optique, ou à utiliser des offres passives sur fibre, dans un contexte de déploiement des réseaux très haut débit. Inversement, une augmentation du tarif de location des fourreaux pourrait conduire un opérateur à recourir préférentiellement au dégroupage, en retardant ses investissements dans le très haut débit.
Enfin, l'accès à la boucle locale cuivre, d'une part, et l'accès aux fourreaux ou aux offres passives sur fibre, d'autre part, présentent des contraintes concurrentielles homogènes :
― d'un point de vue économique, le génie civil constitue le principal inducteur de coût de la boucle locale ;
― la boucle locale cuivre et les fourreaux de l'opérateur historique peuvent être qualifiés d'infrastructures essentielles, et s'avèrent, à ce titre, impossibles à répliquer dans leur ensemble par un opérateur tiers ;
― les acteurs qui investissent dans des réseaux très haut débit sont déjà présents sur le marché du haut débit, soit par l'intermédiaire du dégroupage, soit via leurs réseaux de câble coaxial.
Ces contraintes concurrentielles peuvent distinguer la situation française de celles d'autres Etats membres, dans lesquels il peut par exemple exister une quantité importante de fourreaux n'appartenant pas à l'opérateur historique (ex. : réseaux électriques) et/ou dans lesquels le déploiement de la fibre jusqu'à l'abonné est peu crédible à moyen terme (ex. : projet de l'opérateur historique de déployer la fibre jusqu'aux sous-répartiteurs), alors qu'en France un seul et même acteur détient très majoritairement les infrastructures essentielles au haut débit (la paire de cuivre) et au très haut débit (les fourreaux).
Compte tenu des spécificités nationales, il apparaît pertinent de considérer l'inclusion de la boucle locale cuivre et des infrastructures de génie civil qui la constituent dans un même marché. Parmi l'ensemble des infrastructures de génie civil envisageables, il convient en outre de noter que seules les infrastructures de génie civil de l'opérateur historique présentent les spécificités techniques permettant le déploiement, à l'échelle nationale, d'une nouvelle boucle locale en fibre optique.
Au vu de ces différents éléments, les offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire apparaissent substituables, à l'horizon de la présente analyse, entre les segments relatifs au haut débit et au très haut débit.
Il n'est cependant pas exclu qu'à terme ces deux segments constituent des marchés distincts, notamment au regard des usages que permettront à terme les réseaux très haut débit et si les contraintes concurrentielles sur les marchés de gros venaient à diverger.
2. Délimitation géographique du marché
a) Principes
Il est rappelé au point 56 des lignes directrices susvisées que, « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services pertinents, où elles sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».
La Commission précise au point 59 des lignes directrices susvisées que dans le secteur des communications électroniques, la portée géographique du marché pertinent est traditionnellement déterminée par référence à deux critères principaux qui permettent de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : le territoire couvert par les réseaux, d'une part, et l'existence d'instruments de nature juridique conduisant à distinguer telle ou telle zone géographique ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale, d'autre part.
En se référant aux lignes directrices de la Commission, il conviendra de déterminer si des opérateurs qui ne sont pas encore présents sur une zone géographique donnée, mais le sont sur une autre zone géographique, feront le choix d'y entrer à court terme en cas d'augmentation des prix relatifs. Dans ce cas, la définition du marché doit être étendue à la zone sur laquelle ces opérateurs ne sont pas encore présents.
b) Analyse
L'Autorité constate que France Télécom, opérateur historique, possède et opère un réseau d'accès cuivre en situation de quasi-monopole, détenant plus de 99,99 % des paires de cuivre en France, en prenant en compte l'intégralité des territoires de la métropole, des départements d'outre-mer et des collectivités d'outre-mer. Ainsi, les conditions de concurrence apparaissent comme homogènes sur ce marché à l'échelle nationale.
Concernant les offres d'accès aux infrastructures pour le très haut débit, la demande des opérateurs pour une offre de gros est nationale. Les opérateurs déploieront leurs réseaux très haut débit en propre là où ils auront accès à des offres d'accès aux infrastructures de génie civil satisfaisantes d'un point de vue économique et technique, sans restriction particulière en termes géographiques.
En outre, la Commission retient dans ses lignes directrices sur la définition des marchés et la puissance que « le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ». Or les infrastructures de France Télécom sont nationales et les offres LGC DPR et LGC ZAC présentent des conditions identiques à l'échelle nationale.
L'Autorité retient donc comme pertinent, pour le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, le territoire composé de la métropole, des départements d'outre-mer et des collectivités d'outre-mer.
3. Pertinence du marché au regard de la régulation sectorielle
L'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité doit définir les marchés, « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ».
Ainsi, pour qualifier un marché de pertinent au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.
Le marché de gros d'accès aux infrastructures physiques pour les services fixes de communications électroniques a fait l'objet d'une analyse par la Commission européenne, dans sa recommandation sur les marchés pertinents. Elle a estimé que ce marché remplissait les trois critères (présence de barrières à l'entrée, absence de perspective de développement de la concurrence, insuffisance du droit de la concurrence à régler les problèmes concurrentiels constatés) et que de ce fait ce marché était pertinent pour la régulation ex ante.
La nécessité de réguler ex ante ce marché est justifiée au regard des caractéristiques structurelles du marché évoquées ci-dessous.
Ce marché repose d'une part sur la boucle locale cuivre, qualifiée d'« infrastructure essentielle » par le Conseil de la concurrence (7), qui appartient à un unique opérateur, et à laquelle tout opérateur alternatif a besoin d'avoir accès pour pouvoir proposer des offres haut débit sur les marchés de détail et d'autre part sur l'accès aux fourreaux, majoritairement détenus par l'opérateur historique et pour lesquels l'accès est indispensable aux opérateurs souhaitant proposer des offres très haut débit sur le marché de détail. L'Autorité note que le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion d'évoquer la qualification possible des fourreaux de France Télécom. Le Conseil a ainsi précisé dans son avis n° 06-A-10 du 12 mai 2006 que « s'il était établi que France Télécom dispose d'un grand nombre de fourreaux vides déposés à l'époque du monopole des télécommunications et qu'il en connaît l'emplacement, il ne serait pas exclu que ces derniers puissent revêtir du point de vue des règles de la concurrence une qualification de même nature que celle de la boucle locale en paire de cuivre ».
La boucle locale cuivre et les infrastructures de génie civil de la boucle locale n'étant pas duplicables sur tout le territoire par un opérateur nouvel entrant, il apparaît que les barrières à l'entrée sur ce marché sont élevées, et que les perspectives de développement de la concurrence sont quasi nulles en l'absence de régulation ex ante (cf. notamment les développements ultérieurs sur le génie civil allégé). Dans ces conditions, l'ouverture de ce marché n'est possible que par l'intervention d'une régulation ex ante, qui dispose d'outils adaptés pour réguler l'accès, y compris au plan tarifaire, sur un terme suffisamment long pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer. Ces outils spécifiques à la régulation ex ante sont notamment la publication d'une offre de référence, l'obligation pour les tarifs de refléter les coûts ou encore la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptables et d'audit des coûts. Le seul droit de la concurrence apparaît donc comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché.
L'Autorité estime donc que le marché tel que défini dans l'analyse ci-dessus doit être déclaré pertinent au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques, à ce stade indispensable pour favoriser le développement de la concurrence et l'investissement des opérateurs dans les infrastructures.